Focus sur la qualité de relation de service à travers l’étude d’un dispositif d'accompagnement proposé par une banque mutualiste à ses clients en difficultés. Gildas Barbot, Université Pierre-Mendès-France, IUT de Valence, 51 rue Barthélémy de Laffemas, BP 29, 26901 Valence Cedex 9, 04 75 41 88 15, [email protected] Maître de conférences IUT de Valence Sabine Reydet, Université Pierre-Mendès-France, IUT de Valence, 51 rue Barthélémy de Laffemas, BP 29, 26901 Valence Cedex 9, 04 75 41 88 76, [email protected] Maître de conférences IUT de Valence Focus sur la qualité de relation de service à travers l’étude d’un dispositif d'accompagnement proposé par une banque mutualiste à ses clients en difficultés. Résumé en français : Le marketing bancaire est aujourd'hui en crise. Les banques de détail ont perdu le contact avec leurs clients devenus distants et méfiants. Or, la qualité de relation est un des rares aspects sur lequel elles peuvent se différencier. L'étude exploratoire d'un dispositif spécifique proposé par une banque mutualiste à ses clients en difficulté nous permet de regarder comment la qualité de relation pourrait être restaurée. Ensuite, un modèle intégrateur est proposé, représentant une dynamique relationnelle susceptible de retisser le lien entreprise-client. Mots-clés : banque, marketing relationnel, confiance, proximité, GRC Winning back customers thanks to relationship quality: a study of the follow up mechanism of a mutual bank implemented to support customers facing financial hardships Abstract : The marketing of banking services is facing a major crisis. Retail banks have lost touch with their clients who have become distant and suspicious. Thus, the quality of business relationship is one of the few differentiating factors. We analyze empirically a specific customer care program set up by a mutual bank to support customers facing financial difficulties, to understand how the quality of customer relation could be restored. An inclusive model, capable of restoring a relationship of trust between these companies and their clients will be put forward. Key-words: banking, marketing relationship, trust, proximity, CRM Focus sur la qualité de relation de service à travers l’étude d’un dispositif d'accompagnement proposé par une banque mutualiste à ses clients en difficultés. Introduction Tenues pour responsables de la crise financière, les banques ont vu leur image se dégrader sensiblement et se retrouvent souvent en bas des baromètres d’image (sauf les banques mutualistes qui connaissent un retour en grâce). Depuis le bouleversement des métiers de la banque au cours des années 1980, (déréglementation du secteur financier, libéralisation et décloisonnement des métiers), le rapport des clients à l’institution bancaire s’est progressivement transformé. Banalisés, les services financiers sont désormais proposés par de multiples acteurs. Un climat de défiance s’est établi entre la banque et ses clients, entretenu par les rappels à l’ordre de l’Etat (sur la tarification notamment) ou de l’Autorité de la concurrence (amende infligée en 2010 à onze établissements bancaires pour entente illicite) et les diatribes de certains hommes politiques hostiles aux milieux financiers1. Sous pression, les banques entendent remettre le client au cœur de leur stratégie, c'est en tout cas ce qu'elles s'efforcent de communiquer2 . Parallèlement, elles repensent leur relation avec leurs clients. Passées d’une logique où dominait le conseil financier à une logique de placements de produits financiers (Brun Hurtado, 2005), elles entendent renouer le contact avec des clients devenus autonomes grâce aux outils de la banque en ligne. Cette volonté de restaurer une relation de qualité s’explique par le fait que les interactions clients-vendeur sont un lieu privilégié où se construit la confiance. 1 2 Voir par exemple l’ouvrage de Pascal Canfin Ce que les banques vous disent et pourquoi il ne faut presque jamais les croire, Edition les petits matins, 2012 Voir l'article « La banque en mal de crédit », Stratégies, n°1603 (30/09/2010) Mais en dépit des appels à réinventer le marketing bancaire en retrouvant le sens du client (Badoc, 2004), il semble que les banques ne parviennent pas à s’inscrire pleinement dans une approche relationnelle (Des Garets et al. 2009). En étudiant le cas d’une banque mutualiste qui propose un suivi spécifique à sa clientèle en difficulté, cet article cherche à comprendre les caractéristiques de la relation mise en place afin d’identifier les éléments pouvant reconstruire une relation de qualité, susceptible de restaurer la confiance et de satisfaire les clients. La première partie se focalisera sur notre terrain d’étude composé de conseillers spécialisés auprès d’une clientèle fragilisée. Nous présenterons ensuite les enseignements de notre étude de cas, notamment eu égard aux notions de confiance et de satisfaction que nous mettrons en parallèle avec la littérature. Nous terminerons par la proposition d’un modèle de recherche intégrateur plus général accompagné de propositions de recherche. La figure 1 résume le positionnement de notre recherche. Client en difficultés Quelle relation ? Conseiller Etude des verbatims Terrain d’étude : Dispositif spécifique proposé par une banque mutualiste Objectif 1 : Existe-t-il des caractéristiques spécifiques à cette relation ? Objectif 2 : les caractéristiques de cette relation sont-elles validées par la littérature ? Objectif 3 : Peut-on en déduire un modèle intégrateur plus global et des propositions de recherche? Figure1 : Positionnement de notre recherche 1. Les enseignements tirés de l’expérience menée au sein d’une banque mutualiste Les banques mutualistes développent depuis peu un intérêt prononcé pour leur clientèle en difficulté et commencent à proposer un suivi spécifique qu'il est intéressant d'étudier car il intensifie ponctuellement la relation pour répondre aux besoins d’une clientèle particulière. Dans ce cas, la « figure du banquier » change et passe d’un statut de « commerçant » à celui de « conseiller » voire de « sauveur » (Lazarus, 2012). L’expression « sauveur » se justifie ici car la banque va temporairement mettre entre parenthèse ses objectifs commerciaux pour se consacrer à la remise en ordre des comptes du client en difficulté. L’engagement des banques auprès des clients en difficultés s’explique par leur volonté d’exercer leur responsabilité sociale et par une demande sociétale forte (Gloukoviezoff, 2010). Dans un tout autre contexte, on retrouve ce type de relation sur-mesure (plus intéressé cette fois) lorsque la banque s'adresse à ses clients fortunés pour proposer une prestation de conseil en gestion de patrimoine. 1.1. Contexte de l’étude Nous avons mené une étude exploratoire, entre avril et juin 2012, auprès des conseillers d’une banque mutualiste, spécifiquement chargés de suivre et d’accompagner la clientèle fragile. Démarré dès 1997 en région Nord-Est, le dispositif s’est étendu à l’ensemble des succursales régionales. Sélectif, il ne s’adresse pas à toutes les personnes en difficulté. Les requérants ont deux obligations à respecter pour en faire partie : « être victimes d’un accident de la vie depuis moins de deux ans et montrer la volonté certaine de s’en sortir »3. Il ne peut fonctionner que si le client dispose de marges de manœuvres financières suffisantes – il n’a donc pas vocation à prendre en charge les personnes surendettées. Sont exclus les clients débiteurs chroniques ou les clients cherchant simplement une réserve d’argent facile. 3 Les phrases en italique qui ne mentionnent pas de source spécifique sont issues des interviews menées auprès de conseillers bancaires. Par leur mission, les conseillers se situent à la frontière entre l’action sociale et commerciale : pour eux, le dispositif permet surtout « de sortir temporairement les clients fragiles du réseau traditionnel où ils n’ont pas leur place ». En effet, les agences de réseau doivent respecter des objectifs commerciaux ambitieux et il y a peu de temps à consacrer à une population devenue « peu rentable ». Pour les conseillers interrogés, le dispositif se définit comme « une approche non commerciale temporaire d’une clientèle fragilisée ayant besoin d’un suivi personnalisé pour retourner en agence avec une situation financière stabilisée et un environnement social meilleur ». Ce dispositif, qui constitue un engagement fort de la part de la banque, donne des résultats honorables avec 75% de clients remis en selle4 en moins de 2 ans 1.2. Les ressorts de cette relation spécifique L’échantillon interrogé se compose de 17 conseillers dédiés au dispositif et à son pilotage dans leur zone respective (25 zones couvrent les deux tiers du territoire et mobilisent 80 employés et 300 bénévoles). Notre enquête par téléphone a pris la forme d’entretiens semidirectifs de 30 à 90 minutes. Les conversations ont été enregistrées, retranscrites et enfin classées en vue d’une analyse de contenu par deux analystes. Un premier regroupement permet de dessiner le rôle du conseiller (tableau 1). Attitude du conseiller Fonctions du conseiller « Neutre » « voir le requérant dans son environnement » « Indépendant » « se rendre compte de certaines choses » « regard autre » « créer un climat de confiance » « Ecoute » « tout mettre à plat »/« jouer cartes sur table » 4 Un client est considéré comme « remis en selle » lorsqu’il retrouve une situation financière équilibrée qui lui permet de réintégrer le réseau où il sera traité de façon classique par son conseiller. « Empathie » « laisser parler » « Pas de jugement moral » « Avoir accès à toutes les informations sur le « ne pas céder aux bons sentiments » client » [être un] « travailleur social avec une « Aider le requérant à maitriser sa situation finanforte compétence financière » cière »/ « à gérer son budget » /« on apprend à gérer « banquier avec une forte sensibilité so- les priorités » ciale » « on liste les dépenses et les recettes »/ « on fait des tableaux »/« on fait des listes de dépenses principales et superflues » « redonner confiance en eux » « redonner le goût pour la recherche d’un emploi, d’entreprendre des démarches administratives, … »/« redonner le goût de s’intéresser à ses comptes » « on peut parfois jouer les intermédiaires ou les facilitateurs avec certains créanciers » Tableau 1 : Les rôles du conseiller Parallèlement, les extraits de verbatim illustrent la teneur particulière de la relation induite par ce dispositif (tableau 2). Le premier point important concerne la dimension humaine et sociale de la relation qui s’installe. Le second point englobe les compétences du conseiller, notamment dans le domaine financier. Puisque le conseiller a accès à toutes les informations financières du requérant, il peut avec lui, établir un budget en recensant les dépenses et les recettes. Outre ce travail de conseil et d’écoute, le conseiller fait preuve « d’éducation financière » car au-delà des connaissances techniques pas ou peu maîtrisées pour la gestion budgétaire, le requérant n’a plus la force morale pour se pencher seul sur sa situation. Il s’agit pour le conseiller de l’aider à avoir une vision à moyen terme (anticiper certaines dépenses et recréer, si possible, une capacité d'épargne). Le dispositif redéfinit également la nature de la relation entre le conseiller et son client. Ressenti sur la relation « détresse humaine » Ressenti sur le dispositif « rôle curatif » « dispositif douloureux humainement pour le « refaire le métier des années 70 » requérant » « donne une image plus humaine à la « accompagnement personnalisé » banque » / « cela change l’image de la « relation humaine et pédagogique » banque » « respect de la personne » « au cœur de nos valeurs mutualistes » « pas de répression » / « relation d’écoute et de « précurseurs » respect » « au cœur de notre métier » « immense fierté » / « on se sent utile » / « on a « on doit être là dans les moments diffi- remis les gens en selle » ciles » « le déclic a été salutaire » « certains reviennent nous voir » « confiance réciproque » « on se remet aussi en question, et sur notre « suivi personnalisé pas de masse » façon de travailler » « échange humain très fort » « nos conseils ont porté leurs fruits » « satisfaction autant personnelle que profession- « il y a un avant et un après »[pour le client] nelle » Tableau 2 : Ressenti des conseillers et évolution de la relation 1.3. Les conséquences du dispositif sur la relation du conseiller avec son client. Plusieurs points intéressants émergent. Le premier concerne la fierté ressentie de manière quasi unanime par les conseillers interrogés. Fierté d’avoir aidé le client à assainir sa situation financière (cela peut prendre entre six mois et deux ans) mais également fierté d’avoir permis au client de reprendre en main sa situation. En retour, les clients sont très reconnaissants et certains reviennent une fois leur situation normalisée pour échanger avec leur conseiller. D’autres tiennent parfois à témoigner de leur satisfaction et de leur confiance lors des assemblées générales des sociétaires, adoptant ainsi des comportements pro-entreprise. Le second point concerne « l’intensité relationnelle »5, c'est-à-dire à la fois la profondeur de la relation humaine qui s’est établie (partage d’informations, échange pour trouver des solutions) mais également en termes quantitatifs (fréquence des rencontres, durée longue des entretiens). Le client ne peut rien cacher à son conseiller (sinon la relation s’arrête) et ce dernier met ses compétences techniques (financières, mais également juridiques) au service de son client. Il y donc un investissement fort des deux parties, qui sont prêtes à coopérer car l’entrée dans le dispositif est proposée et jamais imposée. Enfin, la notion de « proximité » semble également importante. Les répondants savent beaucoup de choses sur la vie sentimentale et familiale (divorce, veuvage, maladie, etc…) de leurs clients, sur leurs soucis professionnels (chômage, précarité, etc…) et financiers, ce qui créé une quasi intimité entre les deux membres de la relation. Ces trois notions semblent importantes pour qualifier la relation entre le client en difficulté et le conseiller. Chacun donne de son temps et participe à rendre l’échange constructif. 5 Cette intensité relationnelle n'est possible que grâce à la disponibilité des conseillers qui suivent en moyenne 150 requérants alors que leurs collègues du réseau suivent en moyenne 500 clients. Il y a une véritable réciprocité dans les rôles de chacun : le client est en demande, le conseiller écoute et propose des solutions pour mettre en marche le processus d’aide. Chaque étape de la relation s’appuie sur un échange d’informations claires et vérifiables, et suppose du temps passé ensemble à trouver des solutions. La relation s’enrichit donc humainement et affectivement. Beaucoup de protagonistes insistent sur une relation de « confiance » et sur une « satisfaction réciproque » lorsque le dispositif se conclut par un retour à l’équilibre financier et lorsque le client revient à une relation plus « classique » avec un autre conseiller. Ce suivi personnalisé, qui n’a été finalement qu’une parenthèse plus ou moins longue dans la vie du client a-t-il permis de redéfinir la relation bancaire En quoi les caractéristiques propres à ce dispositif nous permettent-elles de retrouver les notions classiques de confiance et de satisfaction ? 2. Mise en parallèle avec la littérature des éléments importants de la relation. Notre cas pratique a permis de dégager plusieurs éléments définissant la relation qui s’est établie entre le client requérant et le conseiller qui l’a pris en charge. Après les avoir identifiés, nous les confronterons à la littérature existante, pour faire le lien possible avec les notions importantes du marketing relationnel, telles la confiance et la satisfaction du client. Nous terminerons par un modèle intégrateur, afin d'ordonner les relations entre les différentes notions abordées, modèle qui pourrait être transposable à d’autres segments de clientèles ou à d’autres secteurs d’activités 2.1. Caractéristiques de la relation dans ce dispositif d’accompagnement Les verbatims issus de notre approche qualitative ont montré que le dispositif étudié redéfinissait la relation client/conseiller autour de quatre caractéristiques fondamentales : 1- Le dispositif mis en place (entre 6 mois et 2 ans) se base sur l’accompagnement social et l’éducation financière du client (eu égard au temps passé et la diversité des informations échangées) et génèrent une intensité relationnelle forte. 2- L’accompagnement social et l’éducation financière reposent sur la transparence dans les échanges d’informations pendant la relation, sinon le processus n’est pas viable et la relation s’arrête. 3- L’accompagnement social et l’éducation financière supposent la coopération des deux membres de la relation pour que les actions correctrices puissent être mises en place. . 4- L’accompagnement social et l’éducation financière créent une véritable proximité entre le conseiller et son client, proximité à la fois professionnelle (chaque membre de la relation met ses compétences et sas capacités au service de l’autre) et émotionnelle. Ces éléments caractéristiques de la relation impliquent tous une réciprocité minimale pour que le suivi puisse continuer et la relation s’engager. Nos observations rejoignent la littérature existante : notamment Crosby et al, (1990) qui, dans leur étude sur les déterminants d’une relation de qualité dans le domaine des services en général, montraient l’importance de variables telles que la volonté des partenaires de maintenir la relation. Cette dernière entraînerait alors une confiance et une satisfaction fortes. Cette volonté des partenaires est une notion qui rejoint partiellement ce que nous avons appelé « coopération » des membres, qui est plus forte en intensité et en durée. De la même manière, Palmatier et al, (2007), dans leur métaanalyse sur les déterminants de la confiance relationnelle montrent l’importance de variables soit liées au lieu de la prestation de service, soit au prestataire lui-même soit enfin au client. Dans la seconde catégorie, on retrouve des notions telles l’investissement dans la relation, de la fréquence d’interaction ou encore de la durée de la relation, qui peuvent finalement se retrouver dans ce que nos résultats ont mis en avant et que nous avons résumé sous l’appellation « d’intensité relationnelle ». Notre définition de l’intensité relationnelle insiste plus sur les notions de « transparence » et de « coopération ». Nos résultats montrent l’intérêt et l’importance de la « proximité » entre le client et son conseiller pour la bonne marche du suivi, certes, mais également pour l’établissement d’une relation de confiance. Cette notion va au-delà de celle de « personnalisation » définie par Mittal et Lassar (1996), car elle englobe non seulement l’interaction sociale entre les protagonistes, mais également une dimension intime et émotionnelle. Les travaux ayant abordées cette notion d’interaction ont montré qu’elle pouvait augmenter la qualité perçue du service (Mittal et Lassar, 1996, Lhosa, Chandon et Orsingher, 1998). Notre définition de la proximité engloberait la durée de la relation (qui est un antécédent possible de la satisfaction et de la confiance, Palmatier et al, 2007) mais également la quantité d’informations que le client est amené à divulguer et à partager avec le conseiller (informations financières et personnelles), ainsi que l’intensité des liens sociaux qui s’établissent entre les partenaires (notion que l’on retrouve dans les travaux de Dempérat, 2006). 2.2 Le lien avec la confiance et la satisfaction La littérature montre plusieurs approches de la confiance ainsi que son lien supposé avec la satisfaction. Les définitions diffèrent souvent, selon la manière de conceptualiser la confiance (pour une revue détaillée, voir Guibert, 1999, Chouk et Perrien, 2003 et Ben Miled 2011). Deux approches se distinguent, l’une appréhendant la confiance comme une variable psychologique, l’autre comme une variable comportementale. La première se situe plus en amont de l’intention de comportement du client (Morgan et Hunt, 1994). Notre étude rejoint plutôt cette approche, car nous avons étudié un dispositif spécifique qui renouvelle la relation bancaire, avec une influence sur la confiance tout d’abord puis favorisant une intention comportementale positive (résistance au changement d’établissement bancaire, bouche à oreille positif, souscription de produits ou de services bancaires par exemple). Nous n’avons pas cherché à mesurer la confiance, mais nous l’avons envisagée de manière globale (donc multi dimensionnelle), afin de voir comment elle s’établissait. Elle renvoie donc aux attentes du client envers le conseiller et l’entreprise (qui peuvent se renforcer ou s'amenuiser dans le temps compte tenu de son caractère évolutif). Bien que la confiance interpersonnelle et institutionnelle soit parfois distinguée (Gatfaoui, 2007) nous nous sommes refusés à une telle dichotomie car la relation instaurée est tout autant le résultat d’une démarche personnelle du conseiller que d’une politique orchestrée par l’institution. Dans la littérature la confiance est indissociable de la satisfaction. Les deux notions sont constitutives de la « qualité de la relation » entre un client et son prestataire (Hennig-Thurau et Klee, 1997 ; Crosby et al, 1990) et sont au cœur de toute approche relationnelle. Elles peuvent donc s’envisager sur un même plan, et peuvent être vues comme des variables relationnelles médiatrices de la relation de service (entre les variables liées à la situation, au client et au vendeur, et les variables de comportement, voir l’article de Palmatier et alii, 2007). La confiance peut cependant s’étudier de manière dynamique : elle se construit dans le temps en se nourrissant des expériences du client avec la marque ou l’entreprise. Elle peut s’envisager comme le cumul des expériences vécues, une sorte de capital que l’entreprise va chercher à préserver, voire à renforcer (Siriex et Dubois, 1999). Le niveau de satisfaction émergeant de ces expériences passées doit être envisagé comme un antécédent de la confiance (Ganesan, 1994). Cette relation a été validée en marketing industriel, Selnes (1998) ou en comportement du consommateur (Siriex et Dubois, 1999 ; Ballester et Aleman, 2000 ; Frisou (1998). Comme nous nous intéressons à un nouveau mode de relations proposé par une banque à ses clients, le rôle de l’expérience n’interviendra pas dans notre analyse. Nous considérerons ici la confiance et la satisfaction comme des construits intervenant ensemble dans la construction et l’évaluation de la qualité relationnelle. Nous chercherons donc à identifier les caractéristiques de la relation spécifique proposée par la banque étudiée et d’en évaluer les effets sur la qualité de relation résultante. Nous allons maintenant intégrer nos différentes notions dans un modèle plus global de la qualité de la relation de service. 3. Vers un modèle intégrant l’investissement du conseiller dans la relation pour augmenter la satisfaction et la confiance envers l’entreprise Nos résultats exploratoires ont montré l’importance de trois caractéristiques à la base de l’intensité relationnelle: l’intensité de contact, la transparence et la coopération sociale. L’intensité relationnelle, tout comme la proximité qui s’est établie entre le conseiller et le client devraient contribuer positivement à l’augmentation de la satisfaction et la confiance ressenties par le client envers l’entreprise (figure 1). Ce modèle s’accompagne de propositions de recherche. Même si les résultats sont centrés sur le conseiller et sur son rôle, ils confirment néanmoins certains postulats théoriques. Le premier postulat est que le rôle du conseiller, et de manière plus globale celui du vendeur est primordial dans l’établissement de la qualité relationnelle (Crosby, et al, 1990 ; Garbarino et Johnson, 1999 ; Goff et al, 1999). Le second postulat concerne la relation client-vendeur, qui s’inscrit dans une logique d’accompagnement et qui repose sur l’intensité relationnelle : intensité des contacts, coopération entre les partenaires (mise à disposition de l'autre de ses ressources propres) et souci de transparence (vérité dans les échanges). Ces caractéristiques relationnelles restaurent la confiance, que nous avons envisagée ici de manière globale. De la même façon, le terme « éducation financière » pourrait englober partiellement la notion de « crédibilité » du conseiller (liée à ses compétences financières) sur laquelle se construit la confiance interpersonnelle (Gurviez, 1999 ; Frisou, 2000 ; Gurviez et Korchia, 2002), ce qui justifie notre volonté d’envisager la confiance de manière globale. Caractéristiques de la relation Intensité de contact + + Satisfaction + Intensité relationnelle + Intention de comportement + Transparence + + Confiance + Coopération + + Proximité + Qualité de la relation Figure 1 : Proposition d’un modèle de recherche intégrateur Nous pouvons ainsi faire quatre propositions : Proposition 1 : La transparence des informations échangées, la coopération entre les deux partenaires et l’intensité de contact sont les éléments constitutifs de l’intensité de la relation entre les deux partenaires. Proposition 2 : L’intensité relationnelle est un antécédent dans l’établissement de la confiance et de la satisfaction du client. La proximité que le vendeur va établir avec le client, c’est-à-dire le degré de partage des informations, à la fois financières et sociales, ainsi que le degré d’intimité entre les deux protagonistes, détermine le niveau de confiance qui lui sera accordée. Proposition 3 : La proximité entre les deux partenaires est un antécédent dans l’établissement de la confiance et de la satisfaction du client. Les résultats ont également permis d’approfondir le lien entre satisfaction et confiance. Le dispositif spécifique étudié a montré que l’assainissement de la situation du client entraîne une satisfaction immédiate qui restera dans ce cas, un antécédent de la confiance. Cependant, cette satisfaction va au-delà de la proposition de produits adaptés à la situation du client, et s’exprime au travers de l’intensité de la relation et de la proximité. Il s’agira ensuite d’une satisfaction s’appuyant sur des éléments techniques, sociaux, et affectifs, donc une satisfaction plus « sociale » (Ivens et Pardo, 2004). Proposition 4 : La satisfaction et la confiance participent au même niveau et dans le temps à la qualité de la relation entre les deux partenaires. Même s’il a été difficile de l’appréhender directement dans notre approche exploratoire, nous pouvons suggérer que la satisfaction et la confiance du client vont avoir des conséquences sur ses intentions comportementales futures. En effet, la qualité de la relation passée l’amènera à témoigner de son expérience, de sa confiance et de sa satisfaction (bouche à oreille positif). Il pourra également être plus enclin à prolonger la relation avec le même prestataire et à lui rester fidèle6. Proposition 5 : La qualité de la relation établie entre les deux partenaires (confiance et satisfaction fortes) du fait d’une intensité relationnelle et d’une proximité fortes entraînera des intentions de comportements positives (bouche à oreille favorable et intention de rester chez le prestataire) chez le client. 6 Dans certaines zones du dispositif, le client remis en selle est invité à souscrire une part sociale de la banque afin de signifier son statut de sociétaire qui lui a valu cet accompagnement spécifique. Conclusion L’objectif de cette recherche était d’utiliser un contexte spécifique pour mieux comprendre les caractéristiques de la relation établie et leurs implications sur la confiance et la satisfaction. Nous avons montré que l’intensité relationnelle et la proximité semblent être deux notions déterminantes pour l’établissement d’une confiance et d’une satisfaction fortes qui, ensemble, favorisent l'engagement du client dans des comportements en faveur de l’entreprise. Notre étude s’est focalisée sur la clientèle bancaire en difficulté mais les éléments constitutifs de la qualité relationnelle peuvent trouver un écho bien plus large. L’intensité relationnelle contribue à établir la qualité de la relation entre les deux partenaires et illustre parfaitement l’orientation client du vendeur (Saxe et Weitz, 1982) dans les services. Un effort important devra donc être fait par les entreprises pour mettre en avant cette intensité relationnelle, en capitalisant sur l’importance des contacts. Dans le cas que nous avons étudié, la qualité de relation résulte d’interactions directes, le plus souvent en face à face. Les effets d’interaction à distance et médiatisés seraient-ils aussi bénéfiques à la qualité de relation ? C’est une question qui mérite d’être considérée car elle reste ouverte. De plus, la relation dans les services devient de plus en plus médiatisée (avec le développement des technologies de libre service et des services en ligne). Sur la question de la transparence, l'entreprise de service peut s'inquiéter de la perception que le client a de leurs relations. Le client a-t-il le sentiment que l'entreprise dit ce qu'elle fait et qu'elle fait ce qu'elle dit ? C'est à cette condition qu'une relation intense peut se construire. Nous avons enrichi le modèle de la notion de proximité entre le vendeur et son client. L’entreprise doit pouvoir créer une véritable intimité avec son client, ce qui implique de limiter le turn over des vendeurs encore fréquent, notamment dans les banques (Gatfaoui, 2007). Les entreprises devront favoriser les témoignages valorisants ou les parrainages de nouveaux clients ou encore impliquer les clients (en devenant sociétaires par exemple). Les réseaux sociaux peuvent également servir à renforcer la proximité à condition que le community manager favorise l'interactivité. La proximité est à mettre en lien avec la notion de similarité ou celui de valeurs communes qui sont des concepts mis en avant par certains modèles (Morgan et Hunt, 1994 notamment). Concrètement, la proximité pose la question de la diversité (âge, sexe, génération, ethnie, handicap...) dans les équipes de vente. Les équipes de vente donnentelles l'impression d'être à l'image de la population qu'elles servent ? Des limites à notre travail sont à noter : la première est d’ordre méthodologique. Nous n'avons recueilli que le témoignage des conseillers, et il serait judicieux d'avoir aussi le témoignage des bénéficiaires du dispositif pour corroborer celui des conseillers. Nous avons mené une première phase exploratoire et le modèle qui en découle mériterait d’être testé de manière quantitative sur un échantillon important. Il serait également intéressant de le tester auprès de clients de secteurs d’activités différents pour vérifier sa fiabilité (services culturels ou sociaux). Une seconde limite concerne les variables présentes dans le modèle qui sont orientées vers le vendeur. Nous pourrions intégrer des variables propres au client qui joueraient un rôle modérateur, comme la bienveillance ou la crédibilité perçue, la dépendance du client vis-à-vis du vendeur (Palmantier et al, 2007), ou encore l’ancienneté de la relation ou le fait que le client soit client chez un concurrent (N’Goala, 2010). De la même manière, le modèle pourrait s'enrichir de variables liées au comportement relationnels du vendeur (adaptabilité commerciale, orientation client...), dont l'influence sur la qualité de relation est avérée (Poujol, 2008). Enfin, l'accent mis sur l'intensité relationnelle et la proximité comme source de qualité de la relation n'est recevable que dans la mesure où cette proximité est attendue par le client. Il se peut qu'à certains moments de la relation, le client se contente d'une relation distante... Tout l'art pour l'entreprise consiste à rester vigilant pour déceler le moment où une plus grande intensité/proximité de la relation est désirée. Cette question nous renvoie au nécessaire « pilotage » de la relation client. D'une manière générale, pour être source de satisfaction et de confiance, la nature de la relation doit correspondre à ce qui sied le mieux au client selon ses attentes, sa personnalité, son niveau d'implication souhaité. Pour terminer, nous avons constaté que la relation intense résultait de la volonté des parties de maintenir la relation dans le temps en dépit de circonstances délicates pour le client. Nous aurions pu évoquer « l’engagement » et aurions alors constaté que l'engagement des parties dans la relation débouchait sur un niveau élevé de confiance. Mais aux vues de nos résultats, il s'agirait d'une relation inverse à celle que l'on rencontre d'ordinaire où l'engagement apparaît comme une manifestation de la confiance (Ben Miled, 2011). Une telle relation mérite d'être testée car elle ouvre des perspectives intéressantes pour mieux comprendre les mécanismes générateurs de confiance dans la relation client vendeur. Bibliographie Badoc M. (2004) Réinventer le marketing de la banque et de l’assurance : du sens du client au néomarketing, Paris, Revue Banque Editions Ben Miled H.C. (2011) La confiance en marketing, un concept transverse au cœur de la réflexion et de la démarche marketing, Cahier de Recherche PRISM-Sorbonne, 12-11 Brun-Hurtado E. (2005) Tous commerciaux? Les salariés de l’agence dans les transformation de la banque des années 1990-2000, Thèse de doctorat, Université d’Aix-Marseille Chouk I. et Perrien J. (2003) Les déterminants de la confiance en marketing : Panorama, questions en suspens et pistes de recherche, 3ème Conférence internationale des tendances du marketing. Paris. France Crosby L.A., Evans K.R. 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