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Progrès en hypertension
Mécanismes moléculaires de l’activation des récepteurs
AT1 et de l’angiotensine II :
conséquences
physiopathologiques
Les récepteurs AT1 (subdivisés en deux
sous-types, AT1A et AT1B, chez le rongeur alors qu’un seul récepteur AT1 est
connu chez l’homme) ont été clonés
dans de nombreuses espèces. Ce sont
des récepteurs à sept domaines transmembranaires (segments hydrophobes
en hélices α reliés entre eux par des
boucles extra- ou intracellulaires)
(figure 1).
Les acides aminés impliqués dans la
fixation de l’angiotensine sont extracellulaires alors que les sites de liaison
pour les anti-AT1 impliquent des
acides aminés des domaines transmembranaires. Les deux sites de liaison sont donc différents sur le plan
moléculaire.
M. Andrejak (Amiens)
D’après la communication de
E. Clauser (Collège de France, Paris)
L
a stimulation des récepteurs AT 1 est responsable
des actions dites classiques
de l’angiotensine II :
contraction du muscle lisse
et sécrétion d’aldostérone.
L’activation d’une voie de
signalisation, mettant en
jeu une protéine Gq, une
phospholipase C, et aboutissant, par l’intermédiaire
de l’inositol triphosphate, à
une mobilisation du calcium
intracellulaire et une activation de protéines kinases C a
été décrite lors de la stimulation des AT1 récepteurs.
Act. Méd. Int. - Hypertension (10), n° 6, juin 1998
Des travaux de mutagenèse dirigés
pour mieux préciser le couplage
récepteur AT1-protéine G
Pour préciser les séquences d’acides
aminés impliqués dans le couplage aux
protéines G du récepteur AT1, les travaux se sont appuyés sur les connaissances acquises avec les récepteurs adrénergiques. Au niveau de ces récepteurs,
un segment distal de la troisième boucle
intracellulaire intervient dans le couplage récepteur-protéine G.
Sept acides aminés du segment analogue du récepteur AT1 ont été remplacés par :
- la séquence correspondante du récep-
Figure 1 : Séquences fonctionnelles du récepteur AT1 de l’angiotensine II.
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teur α1-adrénergique, qui est couplé,
comme le récepteur AT1, à une phospholipase C ;
- la séquence correspondante du récepteur ß2-adrénergique, couplé positivement à l’adénylate cyclase ;
- pour finir, la même séquence du
récepteur AT2 couplé à des protéines Gi
et à des tyrosine-phosphatases.
Ces récepteurs ont été exprimés dans une
cellule hétérologue. La signalisation y est
modifiée par ces transformations des
récepteurs AT1. Ainsi, l’inositol phosphate est induit pour des doses croissantes
d’angiotensine II de façon marquée par
les récepteurs sauvages AT1 comme pour
les récepteurs substitués par la séquence
α1-adrénergique, alors que la réponse est
nulle pour les récepteurs chimères AT2 et
faible pour les ß2. En ce qui concerne la
production d’AMPc, elle n’est augmentée
sous angiotensine II que pour les récepteurs substitués par la séquence ß2. Ces
modifications de couplage et des voies de
signalisation de ces récepteurs chimères
ont des conséquences sur les effets physiologiques de l’angiotensine II. Ainsi,
l’effet mitogène mesuré par l’incorporation de thymidine tritiée dans l’ADN
est induit par l’angiotensine II dans les
cellules exprimant le récepteur sauvage
ainsi que dans les cellules chimères exprimant le récepteur α1-adrénergique mais
pas dans les cellules contenant les deux
autres types de récepteurs (C-ß2 et CAT2) (figure 2).
Donc, ce segment de la troisième boucle
intracellulaire est clairement impliqué
dans le couplage de la protéine G et surtout dans la spécificité de ce couplage (2).
Mécanismes d’activation
moléculaire du récepteur AT1
(ou comment le récepteur passe-t-il
d’un état inactif à un état actif ?)
L’activation passerait par une transcon-
Act. Méd. Int. - Hypertension (10), n° 6, juin 1998
Figure 2 : Stimulation par l’angiotensine II de la synthèse récepteurs AT1 chid’ADN.
mères de la troisième
boucle décrits précédemment, alors qu’elle
existe pour des mutations de récepteurs α1adrénergiques.
Deux groupes seulement (Groblewski et
al., 1997 ; Balmforth
et al., 1997) ont identifié une activation
constitutive de récepteurs AT 1 par mutation au niveau des
domaines transmembranaires (1, 4). Il
s’agit des asparagines
111 et 295, qui se
trouvent dans les troisièmes et septièmes
domaines transmemformation des sept segments transmembranaires.
Ces
deux acides aminés
branaires, avec un état inactif du récepauraient
des
interactions
faibles (type
teur qui aurait une meilleure affinité pour
liaisons hydrogène) qui seraient
les agonistes inversés et un état activé qui
capables de stabiliser le récepteur dans
aurait une meilleure affinité pour les agoun état activé. La mutation de ces acides
nistes, les antagonistes ayant une affinité
aminés activerait constitutivement le
identique pour les deux états. Ces chanrécepteur. Ces mutants ont une affinité
gements de disposition seraient détermitout à fait normale pour l’angiotensine II.
nants pour l’activation du récepteur. Des
Par contre, leur affinité pour les antagomutations peuvent bloquer soit dans un
nistes AT1 sélectifs est réduite. En ce qui
état inactif, soit dans un état activé (acticoncerne la signalisation appréciée par
vation dite constitutive) les récepteurs.
la production d’inositol phosphate, le
niveau de base est augmenté pour les
Des acides aminés polaires ont été identiformes mutantes constitutivement actifiés dans les segments transmembravées du récepteur AT1, l’angiotensine II
naires dont la mutation inactive le réceprestant
cependant toujours capable de
teur sans modifier la liaison pour les
majorer la signalisation. Ces récepteurs
agonistes peptidiques ni les séquences
ne seraient donc que partiellement actifs
intracellulaires. Ces mutations, néanconstitutionnellement.
moins, empêchent la transformation du
récepteur d’un état inactif vers un état
actif. De même, ont été recherchées des
Existe-t-il des pathologies liées
mutations qui pourraient bloquer les
récepteurs AT1 dans un état actif (activaà une activation constitutive
tion constitutive à l’instar de ce qui a
d’abord été décrit pour les récepteurs
des récepteurs AT1 ?
adré-nergiques). Aucune activation
Dans certaines maladies endocriniennes,
constitutive n’a été constatée pour les
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des mutations de certains récepteurs ont
été mises en évidence, responsables de
leur activation constitutive. Des mutations des récepteurs à la LH entraînent un
syndrome de puberté précoce. La mutation du récepteur de la TSH peut être à
l’origine d’un adénome toxique de la thyroïde.
La possibilité de mutations somatiques
constitutivement activatrices du récepteur AT1 a été recherchée dans l’adénome de Conn dans le cadre du réseau
COMETE (animé par P. F. Plouin),
cette tumeur bénigne hypersécrétant de
l’aldostérone de façon non régulable.
Par analogie, ce modèle peut être considéré comme un équivalent surrénalien
de l’adénome toxique de la thyroïde.
L’angiotensine II étant l’un des facteurs
majeurs de stimulation de la sécrétion
d’aldostérone, il était logique de suspecter une activation constitutive de ce
récepteur responsable d’une hypersécrétion d’aldostérone non régulable.
Cependant, le séquençage du gène de
ce récepteur dans 17 tumeurs de Conn a
permis d’exclure ce mécanisme et la
responsabilité du récepteur AT 1 (3).
L’angiotensine II pourrait aussi agir
directement par ses voies de signalisation. Dans le modèle développé par
l’équipe d’E. Clauser de fibroblastes
surexprimant le récepteur AT1, l’effet de
l’AT1 sur la division cellulaire est étudié
par l’incorporation de thymidine tritiée
dans l’ADN (figure 3). Cet effet est très
marqué, dose-dépendant, (alors que
l’angiotensine II est sans effet dans une
lignée CHO non transfectée) et est bloqué par un antagoniste AT1 spécifique.
Dans ce modèle cellulaire, l’action mitogène de l’angiotensine II semble être
médiée par l’activation des protéines
kinases C et la mobilisation du calcium.
L’hypothèse d’un effet indirect par les
facteurs de croissance est peu probable
dans ce modèle. En effet, les deux facteurs de croissance principaux, le FGF et
l’IGF1, qui stimulent très fortement la
division cellulaire, voient leur effet totalement bloqué par des anticorps contre
ces deux facteurs de croissance alors que
ces anticorps n’ont aucune action sur
l’effet mitogène de l’angiotensine II.
La figure 4 montre l’ensemble des
voies potentiellement mises en jeu par
la stimulation AT1. A côté de la phospholipase C, il faut noter qu’il peut y
avoir activation ou inhibition de l’adénylcyclase ou enfin mise en jeu de la
phospholipase A2, ces différentes voies
pouvant intervenir pour moduler la
division cellulaire.
Plus récemment, on a montré que le
récepteur AT1 pouvait activer d’autres
voies de signalisation (voie ras des MAP
kinases, voie Jak-STAT des cytokines,
phosphorylation sur la tyrosine de protéines intracellulaires…).
En fait, la voie de signalisation qui
Figure 3 : Récepteur AT1A et croissance cellulaire induite par l’angiotensine II.
Mécanismes des effets de la stimulation AT1 sur la croissance cellulaire
Si les actions hypertrophiques (augmentation de taille des cellules) de l’angiotensine II sur ses différents tissus
cibles sont clairement établies, ses
actions hyperplasiques (augmentation
du nombre des cellules) sont beaucoup
plus débattues et pourraient dépendre
du type cellulaire et de la coopération
d’autres facteurs de croissance.
L’hyperplasie cellulaire pourrait relever
de mécanismes indirects, l’angiotensine
II stimulant au niveau des cellules la
production de facteurs de croissance
qui, de manière autocrine ou paracrine,
favoriseraient la division cellulaire.
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Figure 4 : Signalisation de l’effet mitogène de l’angiotensine II.
semble dominer est la voie de la phospholipase C avec ses deux seconds
messagers, diacylglycérol et inositol
triphosphate.
Les conclusions de cette présentation
d’Eric Clauser sont les suivantes :
• Le site de couplage aux protéines G
implique en particulier la troisième
boucle intracellulaire, qui détermine la
spécificité de ce couplage.
Act. Méd. Int. - Hypertension (10), n° 6, juin 1998
• L’activation du récepteur AT1 correspond à un changement de conformation
des hélices, qui implique des résidus
polaires des segments transmembranaires, dont les mutations entraînent
soit une inactivation, soit une activation
constitutive.
• L’adénome de Conn n’est pas dû à des
mutations somatiques activatrices de la
séquence codante du récepteur AT1.
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Références
1) Balmforth A.J., Lee A.J., Warburton P.,
Donnelly D., Ball B. : The conformational change responsible for AT1 receptor
activation is dependent upon two juxtaposed asparagine residues on transmembrane helices III and VII. J. Biol. Chem.,
1997, 272 : 4245-4251.
2) Conchon S., Barrault M.B., Miserey S.,
Corvol P., Clauser E. : The C-terminal
third intracellular loop of the rat AT1A
angiotensin receptor plays a key role in
G protein coupling specificity and transduction of the mitogenic signal. J. Biol.
Chem., 1997, 272 : 25566-25572.
3) Davies E., Bonnardeaux A., Plouin
P.F., Corvol P., Clauser E. : Somatic
mutations of the angiotensin II (AT1)
receptor gene are not present in aldosterone-producing adenoma. J. Clin.
Endocrinol. Metab., 1997, 82 : 611-615.
4) Groblewski T., Maigret B., Larguier R.,
Lombard C., Bonnafous J.C., Marie J. :
Mutation of Asn 111 in the third transmembrane domain of the AT 1A angiotensin II receptor induces its constitutive
activation. J. Biol. Chem., 1997, 272 :
1822-1826.
• L’effet mitogène de l’angiotensine II
met en jeu les récepteurs AT1 et
implique, au moins dans certaines cellules, la stimulation directe de la voie
de signalisation de la phospholipase C.
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