BNP en dehors du diagnostic de l`insuffisance cardiaque… pour qui

L
e Brain natriuretic peptide (BNP) est une hormone
sécrétée par les myocytes en réponse principalement
à une augmentation de la pression télédiastolique ven-
triculaire gauche. L’apparition de techniques de dosage fiables,
rapides et éventuellement délocalisées a permis de profondément
modifier la prise en charge du patient insuffisant cardiaque. Des
travaux portant sur plusieurs milliers de patients ont largement
prouvé son utilité clinique (1) et économique dans l’aide au dia-
gnostic de l’insuffisance cardiaque. Son utilisation est actuelle-
ment préconisée dans cette indication par les recommandations
récentes, et son usage se répand de plus en plus largement en ville
comme à l’hôpital. Les performances diagnostiques du BNP ont
suscité de nombreux espoirs quant à son utilisation dans d’autres
indications, voire d’autres spécialités. Pour autant, toutes ne sont
pas clairement validées et nécessitent encore des études de large
ampleur.
Dans l’insuffisance cardiaque, trois grandes applications sem-
blent se dessiner en plus de l’aide au diagnostic. Celles-ci repo-
sent sur plusieurs études multicentriques et devraient se confir-
mer même s’il reste plusieurs zones d’ombre.
La première concerne le rôle pronostique du BNP dans l’insuf-
fisance cardiaque chronique (2-4). Dès 1997, certains auteurs
avaient mis en avant ce rôle pronostique, indépendant des autres
paramètres habituellement utilisés, en particulier cliniques et
échographiques. En 2001, Koglin avait comparé, dans une popu-
lation d’insuffisants cardiaques sévères, l’efficience d’un score
pronostique complexe (comprenant échographie VO2ventuel-
lement cathétérisme) largement validé, le heart failure survival
score,et le dosage du BNP. Dans cette étude, les deux marqueurs
avaient un rôle pronostique équivalent au cours du suivi, la réa-
lisation du score n’apportant aucun élément supplémentaire au
dosage du BNP. Plus récemment, plusieurs travaux d’équipes
françaises (5, 6) se sont intéressés aux interactions entre la capa-
cité fonctionnelle mesurée par la VO2(malheureusement trop
rarement prescrite car de réalisation ardue dans la vie courante),
le test de marche de 6 minutes (difficile à réaliser du fait de pro-
blèmes de locaux…) et le BNP. Dans ces différentes études, il
apparaît que le BNP est un bon marqueur de la capacité fonc-
tionnelle chez l’insuffisant cardiaque chronique. De même, l’uti-
lité pronostique de la mesure de la VO2ne semblait pertinente
que pour des patients présentant un taux de BNP de repos supé-
rieur à 150 pg/ml. Il est donc “presque” acquis que la mesure du
BNP permet, en cas de taux plasmatique bas, d’espacer les bilans
lourds, coûteux et sources d’inconfort pour le patient. Un taux
de BNP élevé est de mauvais pronostic ; mais, pour autant, il n’est
pas encore sûr qu’il faille raisonner dans une logique “lower is
better”, en particulier chez les patients les plus sévères en bas
débit et donc avec hypovolémie relative.
La deuxième application concerne l’utilité pronostique du taux
de BNP de sortie après décompensation cardiaque (7-11). En
effet, plusieurs études, en particulier européennes, ont mis en évi-
dence le caractère pronostique de l’évolution du taux de BNP au
cours du traitement de l’œdème aigu du poumon (OAP) et sur-
tout de l’importance pronostique à court et moyen terme du taux
de BNP de sortie. Notamment, dans un travail réalisé en colla-
boration avec l’hôpital Beaujon, un taux de BNP supérieur à
700 pg/ml était associé à un risque de décès ou de réhospitalisa-
tion à court terme quinze fois supérieur à celui des patients sor-
tant du centre hospitalier avec un taux de BNP inférieur à
150 pg/ml (10). Le caractère de gravité d’un BNP de sortie éle
a été confirmé par un travail de l’équipe de la Pitié-Salpêtrière
(11) qui mettait en avant l’intérêt d’un suivi per-hospitalier du
taux de BNP. Pour autant, actuellement, il n’est pas prouvé qu’une
modification de la prise en charge à la sortie du centre hospita-
lier influe sur ce pronostic. En tout état de cause, la persistance
d’un taux de BNP de sortie très élevé doit pousser à plus de vigi-
lance, voire comme “intuitivement” cela est proposé dans notre
La Lettre du Cardiologue - n° 389 - novembre 2005
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ÉDITORIAL
P. Jourdain*
*Unité thérapeutique d’insuffisance cardiaque, service de cardiologie,
centre hospitalier de Pontoise.
BNP en dehors du diagnostic
de l’insuffisance cardiaque…
pour qui, pour quoi… jusqu’où ?
Cardiovascular indications for BNP determination except for the diagnosis of heart failure...
Mots-clés : BNP - Insuffisance cardiaque - Pronostic -
Traitement.
Keywords: BNP - Heart failure - Prognosis - Treatment.
La Lettre du Cardiologue - n° 389 - novembre 2005
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centre, à suivre le patient en hôpital de jour, en tout cas dans les
premières semaines.
La troisième application concerne le suivi du patient insuffisant
cardiaque chronique et l’ajustement de son traitement en fonc-
tion de son taux de BNP (12, 13), et donc d’une prise en charge
au-delà de la seule clinique. L’on pourrait qualifier cette appli-
cation de “suivi thérapeutique”. Dès 2001, Trougthon a mis en
évidence la supériorité en termes de morbimortalité d’une stra-
tégie reposant sur le suivi du NT-pro-BNP par rapport à une stra-
tégie de suivi habituelle, mais les différentes limitations de cette
étude qui, notamment, portait sur un faible nombre de patients,
n’ont pas permis de conclure. L’année 2002 a vu commencer plu-
sieurs études multicentriques de grande ampleur. Parmi celles-
ci, une étude réalisée sous l’égide du groupe de travail sur l’in-
suffisance cardiaque de la Société française de cardiologie au
sein de 21 centres, confirmerait cette supériorité d’une stratégie
fondée sur la clinique et le dosage du BNP par rapport à une stra-
tégie “classique”. Pour autant, la valeur seuil en dessous de
laquelle il faudrait parvenir, n’est pas encore clairement établie...
et nécessite d’autres études prospectives. Il faut cependant bien
voir que malgré toutes les recommandations et conférences de
FMC, les traitements prescrits restent en deçà de ceux recom-
mandés, en particulier sur le plan des doses, comme le montrent
bien les données issues de l’étude EuroHeart Survey. L’utilité du
dosage du BNP dans cette indication n’est-elle pas simplement
de nous rappeler que tel ou tel patient est encore un peu sous-
traité… même s’il ne se plaint que d’une légère symptomatolo-
gie fonctionnelle ?
Dans l’insuffisance coronaire (12-18),plusieurs études ont mis en
avant le caractère pronostique du dosage du BNP-NT-pro-BNP
dans le postinfarctus. En termes de stratification du risque à court
terme dans les syndromes coronariens aigus, les peptides natriu-
rétiques de type B et dérivés présentent, d’après plusieurs études
concordantes, un rôle pronostique indépendant majeur et additif
aux renseignements fournis par l’évolution des taux de troponine
I ou T. La sécrétion de BNP à la phase aiguë du syndrome coro-
narien est expliquée à partir d’un modèle d’infarctus chez le rat
par une augmentation de la synthèse d’ARN messager au niveau
de la zone bordant la région ischémique ou nécrosée. C’est, en
effet, dans cette zone qu’existent les principales contraintes de
cisaillement. Des études prospectives multicentriques de grande
ampleur restent cependant nécessaires, compte tenu de l’impor-
tance des implications cliniques, thérapeutiques et financières.
Le dosage du BNP est donc un élément qui, actuellement, paraît
de plus en plus indispensable dans la prise en charge du patient
insuffisant cardiaque. Pour autant, son utilisation doit toujours
être raisonnée et donc reposer sur une approche clinique et des
preuves scientifiques. Il peut sembler tentant de l’utiliser de façon
intuitive, mais cela peut conduire à des dérives, tant médicales
que budgétaires qui ne sont pas souhaitables. Aussi, hâtons-nous
lentement…
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ÉDITORIAL
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