DOSSIER FLASHLIGHT
ANDROID
L’offensive mobile de Google
On ne peut pas dire qu’un nou-
veau système d’exploitation pour
téléphones portables soit d’un
intérêt extraordinaire pour les
éditeurs – de toute façon peu
d’utilisateurs peuvent vous dire
quel est le système embarqué sur
leur téléphone. Donc pourquoi
porter une attention particu-
lière à Android ? Mais à cause
du « G » bien sûr ! Parce que
personne ne peut se permettre
d’ignorer les agissements de
Google qui s’ouvre à l’univers du
mobile.
Si l’on en croit tout ce battage publi-
citaire, le lancement du G-phone plus
tard dans l’année devrait révolutionner
la façon dont fonctionnent les portables.
Les premiers prototypes ont été présentés
au salon international de la téléphonie
mobile de Barcelone le 11 février. Vous
serez capable alors de tourner des vidéos,
de les traiter et télécharger sur votre
compte YouTube et de regarder égale-
ment les autres vidéos YouTube. Si vous
vous perdez en chemin, vous direz à votre
portable où vous vous trouvez et il vous
dirigera là où vous souhaitez aller. Si vous
voulez contacter un ami, il vous suffi ra
de passer votre doigt sur le nom de votre
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ami dans votre liste de contacts et votre
portable le contactera pour vous par voix,
e-mail ou message texte suivant l’endroit
où il se trouve. Et tout cela en plus de la
gamme complète d’applications en ligne
de Google, du service de courrier Gmail
au gestionnaire de photos Picasa en
passant par le système de cartographie
Google Maps.
Bien que le nom de Google fasse les titres
de Une, le projet Android est en fait le
résultat d’un consortium appelé Open
Handset Alliance constitué de 34 acteurs
majeurs de la téléphonie mobile. L’ob-
jectif de ce consortium est une approche
open source façon Linux de la téléphonie
mobile – il devrait donc bouleverser le
groupe de leaders du monde mobile.
C’est quoi au juste
Android ?
Android est composé de trois éléments :
un système d’exploitation basé sur Linux
pour concurrencer Symbian ou Windows
Mobile, une interface middleware pour
les outils de gestion des ressources et
enfi n les applications. L’intérêt principal
d’Android tourne autour de ces applica-
tions. Les développeurs open source ont
été très innovateurs sur le Web. Reste à
Android de transférer cela avec succès
dans le monde mobile. La plate-forme
est fournie aux développeurs sous forme
de licence open source ; ces derniers gar-
dent la propriété intellectuelle de leurs
applications – une démarche qui semble
attirer les petits développeurs qui font
preuve de créativité. Au cas où ce ne
serait pas assez encourageant, Google
a aussi indiqué qu’une prime globale de
10 millions de dollars serait attribuée aux
développeurs des meilleures applications.
Et on peut faire quoi avec ?
Android possède un grand nombre de
bibliothèques à partir desquelles les déve-
loppeurs peuvent créer des applications
tierces. « Un potentiel intéressant, car
quelqu’un pourrait par exemple créer une
application pour les annonces classées
qui transférerait directement les données
actualisées vers le Web, posséderait une
gamme complète de produits publicitaires
et assurerait un contact entre acheteurs
et vendeurs par simple pression d’un
bouton. Avec l’accès direct au Web et au
portable, le potentiel pour les groupes
médias peut être énorme », commente
Robert Cauthorn, pdg, CityTools LLC.
« Il sera bien plus facile d’implémenter les
services géolocalisés. Les prix des nou-
veaux services pour portables pourront
baisser puisqu’aucun frais de licence pour
un système opérationnel n’est à payer.
L’utilisation de l’Internet mobile devrait
prendre son essor grâce à l’intégration
d’un navigateur Web. J’attends de nom-
breuses nouvelles applications grâce au
concours Android Developer Challenge »,
explique Wolfgang Nedomansky, direc-
teur général, MINDS International.
« Faciliter l’accès aux données sur télé-
phones portables pourrait avoir un effet
de synergie jamais rencontré aupara-
vant », poursuit Wolfgang Nedomansky.
« La sagesse du public combinée à
l’ouverture du système pourrait mener
à des projets étonnants comme Linux,
Wikipédia et d’autres encore menés par
le public. »
Cela ne veut pas pour autant dire qu’An-
droid aura un succès assuré, même avec
le soutien de Google. « Un élément déci-
sif de succès sera son acceptation par les
gens », souligne Wolfgang Nedomansky.
Robert Cauthorn émet également des
réserves : « Ce serait une erreur de croire
que juste parce que Google est impliqué
cela veut dire qu’Android va devenir un
des leaders sur le marché. Il y a du pain
sur la planche. Android peut certes pren-
dre une position de leader, mais il peut
tout aussi bien tomber aux oubliettes d’ici
un an. »
Les autres acteurs
Un des facteurs clés de ce futur incer-
tain est que même Google ne peut pas
s’attaquer au marché mobile tout seul.
L’annonce d’Android est certainement la
preuve tangible de l’habileté de Google
et sa bonne perception du marché, car
nous pouvons constater un sentiment
de frustration vis-à-vis du nombre d’in-
novations venant de Windows Mobile et
Symbian – preuve en est les louanges pro-
diguées à l’encontre de l’iPhone d’Apple.
Wolfgang Nedo-
mansky, direc-
teur général,
MINDS Interna-
tional
« Google veut
conquérir à long terme le marché
de la publicité mobile en transférant
son modèle économique de base
dans un environnement mobile.
Cela pourrait avoir un impact négatif
sur les médias, car Google accapare-
ra des parts de revenus publicitaires.
Si Android a du succès, la force de
Google sur le marché continuera de
croître et constituera une menace
pour les groupes médias. »
© 03/2008 IFRA
En bref
Qu’est-ce qu’Android ?
Le nouveau système d’exploitation open
source développé par Google.
Gadget tendance ou
gadget intéressant ?
Avec Google derrière et des concurrents
qui ne sont pas encore complètement
établis sur le marché mobile, il pourrait
être tout aussi attrayant que l’iPhone.
Une menace ou une chance ?
Une autre plate-forme pour les médias
permettant de fournir du contenu et
toucher des clients, mais à long terme
Google pourrait recueillir des parts du
marché publicitaire mobile très prisé.
La clé pour être accepté sur le marché
Selon l’intégration par les fabricants de
téléphones.
Lancement
Prévu cet été.
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DOSSIER FLASHLIGHT
« Symbian n’innove plus du tout »,
confi rme Robert Cauthorn. « Ses objectifs
sont entièrement liés à ceux de ses prin-
cipaux sponsors. Cela a complètement
étouffé la créativité. Windows Mobile a
besoin de se bouger. Microsoft et Nokia
avaient cinq ans d’avance, mais ils n’ont
pas fait grand-chose pour lancer de vraies
innovations. »
Josefi ne Granding Larsson, directrice
générale, Broaden Community AB, un
développeur de communautés mobiles,
souligne : « Android est une plate-forme
comme Symbian ou Windows Mobile. La
différence est qu’Android est ouvert et
gratuit si bien que chacun peut dévelop-
per des applications. Mais Android doit
quand même être intégré dans le porta-
ble de l’utilisateur et c’est aux fabricants
de téléphones que cela incombe. »
Ce n’est pas Nokia qui a présenté
Android sur des téléphones prototypes
à Barcelone, mais une poignée de fabri-
cants de puces de communication. Nokia
a cependant annoncé qu’il intégrerait le
moteur de recherche Google dans ses
combinés. Intéressant, car Android est
en fait un concurrent direct de la plate-
forme S60 de Nokia. Nokia reste donc
ouvert à toute possibilité pour l’avenir.
« Android n’exige pas les droits de licence
comme le font Microsoft et Symbian…
Android pourrait faciliter l’entrée sur le
marché des logiciels pour mobiles », note
Wolf gang Nedomansky. « Néanmoins,
quelques grands acteurs sont à la tête de
ce marché des smartphones et cela pren-
dra du temps, des efforts et de l’argent
pour que chaque nouveau venu sur le
marché parvienne à une masse critique. »
Android et les médias
Android changera-t-il le paysage des
médias ? Android peut promettre beau-
coup, mais pour l’instant nous n’en som-
mes qu’aux promesses et en plus il s’agit
de promesses qui devraient être honorées
par des développeurs inconnus. « Au fi l
du temps, Android pourrait bien appor-
ter une valeur ajoutée à la communauté
Kiruba Shankar,
pdg, Business
Blogging Pvt.
Ltd., Inde
« À l’époque où
Google a lancé son service e-mail,
les sceptiques ont dit, Google est
en retard d’au moins sept ans.
(Aujourd’hui) Google produit un
service très convivial bien supérieur
à beaucoup d’autres systèmes de
messagerie. Android pourrait bien
devenir le GMail des plates-formes
mobiles. »
Steve Ballmer, pdg, Microsoft
« Faire la comparaison [de Windows Mobile] avec Android est impossible, puisque
les efforts entrepris par Google n’existent que sur le papier jusqu’à présent. Win-
dows Mobile a une grande part du marché en Amérique du Nord, est compatible
avec 150 appareils différents et disponible chez plus de 100 opérateurs de télé-
phonie mobile à travers le monde. Cette année, nous pensons équiper 20 millions
d’appareils de Windows Mobile. Nous avons lancé le sixième logiciel Windows
Mobile sur le marché et nous penchons sur les prochaines versions. Nous verrons
ce que Google fera. Ils sont les bienvenus dans notre monde. »
Nigel Clifford, pdg, Symbian
« Android n’est qu’une plate-forme Linux de plus. Google devra rivaliser avec les
produits équipés du système d’exploitation Symbian au sein de la base de clients
Symbian. »
open source, une valeur qui pourrait
servir à changer le paysage média », indi-
que Robert Cauthorn. « Ce qui compte
aujourd’hui dans ce paysage, ce sont
l’iPhone et Kindle car ils présentent un
intérêt direct pour les médias mobiles.
Si vous voulez avoir un avant-goût du
futur et si vous voulez savoir ce qui est
important pour les médias, alors regardez
iPhone et Kindle [d’Amazon]. »
La promesse séduisante délivrée par
Android est de soustraire une partie du
pouvoir aux acteurs établis et d’ouvrir
par la suite de meilleures opportunités
aux fournisseurs de contenus et aux
annonceurs. Mais voir en Google un
chevalier blanc des médias, ce serait naïf.
« Les médias vont avoir une nouvelle
plate-forme et donc plus de clients avec
Android. Google veut conquérir à long
terme le marché de la publicité mobile
en transférant son modèle économique
de base dans un environnement mobile.
Cela pourrait avoir un impact négatif sur
les médias, car Google accaparera des
parts de revenus publicitaires. Si Android
a du succès, la force de Google sur le
marché continuera de croître et consti-
tuera une menace pour les médias »,
conclut Wolfgang Nedomansky.
Selon Hubertus Koehler, directeur
technique à dpa-infocom GmbH, les
démonstrations faites avec Android
semblent indiquer une meilleure convi-
Sergey Brin,
président de la
technologie,
Google
« Le logiciel est gra-
tuit, les sources sont
disponibles et nous
espérons que d’excellentes appli-
cations seront développées pour
cette plate-forme. Les meilleures
applications n’existent pas encore.
Elles vont être créées par les déve-
loppeurs ; ce seront des applications
innovatrices reposant sur l’excellen-
te fonctionnalité de la plate-forme
Android. Nous ne manquerons pas
de récompenser les développeurs. »
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vialité qu’avec l’iPhone d’Apple. Ce n’est
pas peu dire. « Google fournira un lien
vers le contenu. Si votre contenu est
meilleur, plus pertinent et plus local que
les infos fournies par d’autres sites, alors
le téléphone portable pourrait devenir un
support média supplémentaire attirant le
trafi c sur vos sites. Cela implique cepen-
dant que les journaux tirent déjà avan-
tage des technologies de « fourniture à la
demande » disponibles. Beaucoup ne le
font pas, tout au moins aux États-Unis »,
explique Al Bonner, directeur de la publi-
cité et du marketing à Journal-World.
Avec Google derrière Android, la grande
question est de savoir si cela va révolu-
tionner le modèle de la publicité mobile.
À l’heure actuelle, les opérateurs de télé-
phonie mobile contrôlent les appareils, les
systèmes d’exploitation et les modèles
économiques de génération des revenus.
Sashi Nair ([email protected]) a coordonné ce rapport avec la
contribution de Dean Roper et Steve Shipside.
Références web
Interviews complètes
de ce Flashlight
www.ifra.com/fl ashlight
Plate-forme Android
iframagazine.com/android/ref1
Open Handset Alliance
iframagazine.com/android/ref2
Fonctionnalités d’Android
iframagazine.com/android/ref3
Kit de développement logiciel
iframagazine.com/android/ref4
iframagazine.com/android/ref5
Android Developer Challenge
iframagazine.com/android/ref6
Pour les développeurs
iframagazine.com/android/ref7
Wired Blog Network
iframagazine.com/android/ref9
Android –
chouette, mais
à quoi bon ?
Stig Nordqvist
Director Business Development, IFRA
Lorsque Google a fi nalement lancé son
système d’exploitation open source
pour smartphones et téléphones mobi-
les, je me suis dit : « À quoi bon ? »
Après l’iPhone d’Apple si attendu, qui
a – et c’est le moins qu’on puisse dire
– dépassé mes attentes, les rumeurs
couraient sur Google qui allait se
lancer dans le mobile et plus d’un se
demandait bien ce que le géant de la
recherche avait concocté. C’est une
plate-forme mobile qui a vu le jour,
baptisée Android, du même acabit que
les autres plates-formes Apple, Nokia,
Symbian et Microsoft. Et franchement,
qu’est ce que cela nous apporte tant
que nous, gens de la presse, nous pou-
vons facilement proposer des services
et actualités pour terminaux mobiles
aux diverses plates-formes ?
Pour moi et pour la plupart des utili-
sateurs du Web, Google a joué un rôle
majeur dans la révolution Internet au
cours de la décennie passée. Il n’est
donc pas surprenant que l’entreprise
souhaite s’approprier une part du
gâteau de l’Internet mobile. Comme
l’indique Lawrence Cosh-Ishii sur
wirelesswatch.jp : « Je dirais qu’un
des atouts majeurs de la plate-forme
Android est de pouvoir utiliser les
plug-in Google – recherche, localisa-
tion, paiements, annonces, etc. – pour
permettre aux développeurs de créer
d’autres applications autour des servi-
ces existants. »
Mais je me demande si les utilisateurs
de portables ont besoin d’une nouvelle
plate-forme ? La concurrence sera dif-
cile avec Symbian et Microsoft, dont
le développement est rapide dans le
domaine du mobile. Ce qui m’a impres-
sionné le plus dans cette guerre de pla-
tes-formes, c’est la vitesse de l’iPhone
et son incroyable interface utilisateur.
Dans le monde du mobile, ce qui
compte, c’est ce qu’on appelle l’« ini-
tial frame », la structure de navigation
initiale, et cela appartient en général
à l’opérateur mobile. Jusqu’à présent,
le gros problème pour les éditeurs est
d’être visible et d’engranger des reve-
nus importants. Si Google parvient à
avoir du succès sur le marché avec sa
plate-forme, ils fourniront la structure
de navigation et nous fournirons la
multitude d’applications gratuites que
nous utilisons déjà sur le Web. Il y aura
aussi des annonces Google combinées
aux services de géolocalisation, etc.
Cela constituera une menace pour cer-
tains et une chance pour d’autres.
Mais considérons l’expérience du
Japon où les activités sur terminaux
mobiles ont été très importantes ces
dernières années. Atsushi Sato du
journal Asahi me disait : « Bien sûr, les
services de Google sont basés sur du
contenu gratuit. Les fournisseurs de
contenus comme nous sont désavan-
tagés. Il faut reconnaître qu’Android
représentera une nouvelle menace pour
nous et nos contenus. »
Si vous utilisez beaucoup d’outils
Google dans vos sites Web ou dans vos
activités commerciales, il est intéressant
d’avoir accès à la communauté mobile.
Sharon Knitter, ex-Tribune Company
et qui travaille à cars.com, commente :
« Je pense qu’Android est intéressant et
permettra de réaliser beaucoup de cho-
ses. Cependant, pour moi en tant que
fournisseur de contenus, j’essaie de ne
pas avoir de préférence pour l’une ou
l’autre des plates-formes. Mon boulot
est de m’assurer que je propose un
contenu optimisé pour toutes. »
Je partage son avis !
© 03/2008 IFRA
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