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mes patients, mais dans ce cas, je n’ai pas réussi à
instaurer un dialogue. La démarche de soin était à
sens unique : elle parlait peu, n’exprimait jamais de
plainte. Elle n’était pas opposante aux examens mais
cachait ses médicaments. J’ai sûrement eu tort de ne
pas insister pour que la patiente obtienne une prise
en charge psychologique. Durant l’hospitalisation
la nièce appelait fréquemment pour prendre des
nouvelles et me posait avec insistance les mêmes
questions pour connaître le diagnostic exact et son
pronostic. J’avais beau lui répéter que je ne pouvais
pas lui donner plus d’information sans l’accord de sa
tante, elle recommençait. Au nal, la patiente a été
transférée dans un service de maladies infectieuses
dans un hôpital voisin.
L’analyse du cas clinique
Le questionnement de l’interne était centré sur
la question du secret médical : doit-on ou pas,
pour aider la patiente, informer la nièce de son
état de santé ? Apparaît alors un autre enjeu
majeur de ce récit : celui du refus de soin.
La situation implique de manière évidente la
question du secret médical par rapport à laquelle
le médecin a peu de marge de manœuvre : les
devoirs de la profession sont clairement indiqués
dans le code de déontologie médicale, texte à la
fois déontologique et juridique. Ici, la loi s’opposait
absolument à ce que la séropositivité de la patiente
soit révélée à sa nièce, cette situation ne relevant
pas des cas peu nombreux et strictement dénis
où la loi permet ou oblige à rompre le secret. Le
respect du secret n’est pas seulement un devoir
médical, c’est aussi un droit du malade inscrit dans
la loi (L 1110-4 du Code de la santé publique). Si le
secret s’imposait ici clairement, la situation relevait
une autre diculté majeure : le problème, très
déstabilisant, de l’absence de demande de soin face
à une pathologie grave et avérée. Sur le plan éthique
s’opposent alors les principes de bienfaisance et
de respect de la personne dans son autonomie.
Comment concilier la bienfaisance (rassurer la
nièce, faciliter une prise en charge de la patiente
par sa famille) avec le respect de la patiente dans
son autonomie ? Les soignants sont eectivement
mal préparés au quotidien à ces situations de refus,
lorsqu’ils se heurtent à une absence apparente de
demande, alors qu’ils désirent précisément soigner.
Il s’agira alors d’essayer de prendre en compte les
raisons d’un refus de soin, pour entrer en dialogue
avec la patiente : vision particulière du VIH ? Trop
grande fragilité ? Isolement ? S’appuyer sur l’aide
de la nièce, déjà très présente, orienter la patiente
vers des associations, dialoguer sur les raisons de
son refus, peut lui permettre d’évoluer. Enn,
c’est un point avec lequel l’interne de médecine
doit malheureusement se confronter : soit pour
des raisons organisationnelles, soit pour des
raisons liées à l’autonomie même des personnes
et leur mode de fonctionnement, il faut accepter,
à un moment, les limites de son action, et ne pas
les ressentir comme un échec ou avec culpabilité.
Articles
▶ Gillon R. «Medical ethics: four principles plus attention
to scope». BMJ. 1994;309(6948):184 8.
▶ Childress J., Beauchamp T. Principles of Medical Ethics,
1985 ; en français : Les Principes de l’éthique biomédicale,
Paris, Belles Lettres, 2008
▶ Engelhardt HT, e Foundations of Bioethics, Oxford
University Press, 1996 ; en français : Les Fondements de
la bioéthique, Paris, Belles Lettres, 2015.
▶ Cours de C-O Doron, «l’éthique du secret médical».
Les ressources associées
La problématique du secret médical semble au
centre de ce cas clinique pour l’interne. « Au
delà de la situation inconfortable vécue par
le médecin, entre le malade et la famille, le
maintien du secret médical ne fait aucun doute,
aussi bien légalement que humainement. La
situation la plus déstabilisante et interrogatrice
apparaît dans le refus de soin, ou tout du moins
sa non demande. Le métier de soignant, comme
son apprentissage, ne prépare pas à ce refus. »
(L’analyse du cas est extraite des commentaires
de Christophe Frot, Claude-Olivier Doron et
Philippe Amiel)
Résumé de l’analyse
2 • USPC Humanités Médicales • N°1 • Mai 2016