ב''ה Magazine Judaïsme Nord Chabbath Behar-Bé’houkotaï 03/05/2013 23 Iyar 5773 1 2 Table des matières Editorial ................................................................................................................................................. 4 Le Judaïsme Sonne Toujours Trois Fois !!! ....................................................................................... 4 Il était une Fois ..................................................................................................................................... 6 Question ou Excuse ? ......................................................................................................................... 6 Vie juive.................................................................................................................................................. 7 Introduction au calendrier juif ......................................................................................................... 7 Questions-Réponses ............................................................................................................................. 8 Pourquoi y a-t-il tant d’etoiles et de galaxies? ................................................................................. 8 Récit ...................................................................................................................................................... 10 La parade de Lag Baomer du Baal Chem Tov................................................................................. 10 Pirkei Avot - Chapitre 5...................................................................................................................... 13 Commentaires du Rabbi .................................................................................................................. 13 Ne soyez pas juste! ........................................................................................................................... 15 Paracha................................................................................................................................................. 17 Behar-Be'houkotaï - en bref ............................................................................................................ 17 Capitaliste ou communiste? ............................................................................................................ 18 Le pouvoir de quoi ........................................................................................................................... 20 Vivre la Paracha avec le Rabbi .......................................................................................................... 23 La Veritable Humilite ....................................................................................................................... 23 L’impact du Septieme Jour .............................................................................................................. 24 Le Sens du Yovel ............................................................................................................................... 25 Avancer dans l’Etude ....................................................................................................................... 26 3 Editorial Le Judaïsme Sonne Toujours Trois Fois !!! La religion Juive a la particularité d'être un mode de vie où se rencontrent Matériel et Spirituel. Ainsi la symbiose de ces deux éléments compose l'harmonie de la création. Sans jamais quitter la « Terre », le Juif a les moyens de vivre dans le « Ciel ». Plus encore, c'est précisément au travers du mondain que l'Homme découvre Hachem. Ainsi, c'est après six jours de travail qu'il accède au monde du Chabbath, jour central dans la vie Juive. Ce jour d'élévation spirituelle, d'étude, de prière et de méditation est aussi, d'autre part, le jour où tous les plaisirs matériels s'associent pour chanter l'hymne du Chabbath Kodech. Prenons un autre exemple pour illustrer ce phénomène : à l'époque du Temple, le jour de Kippour, le Cohen Gadol (Grand Prêtre), qui dirigeait le service du Saint Jour, finissait sa mission en tant que représentant de tout Israël par une prière dans le Kodech Hakodachim (Saint des Saints). Pour jouer ce rôle, cet homme devait, c'est certain, avoir de grandes qualités morales et spirituelles, mais il devait aussi remplir une condition indispensable, celle d'être marié. Ainsi, il pouvait symboliser la mission que Hachem nous a donnée. Le prêtre n'était ni un ascète, ni un moine, mais tout simplement un homme de ce monde. C'est la Torah – Sagesse Divine offerte à l'Homme – qui est l'instrument qui nous permet de vivre cette réalité tout en harmonie. La fête de Chavouoth commémore le Don de la Torah sur le Mont Sinaï, la révélation de D-ieu à l'Homme. Tous les détails de cet événement relèvent du caractère de cette révélation, c'est-à-dire, l'union du plus Haut et du plus Bas. Ainsi, nous remarquons que les Dix Commandements sont inscrits sur deux tables contenant chacune cinq injonctions. Le premier groupe comprend les principes fondamentaux de la foi, les concepts les plus élevés de la pensée Juive. Le second, lui, contient des commandements simples qui sont le minimum des lois morales et civiques. Le message est clair : la Torah s'adresse à tous les Hommes, autant à ceux qui baignent dans le monde de l'esprit et des concepts abstraits qu'à ceux qu'il faut avertir du vol et du meurtre. C'est en reliant ces deux composants que l'homme poursuit la Révélation et fait en ce monde une résidence pour Hachem. Le Midrash nous enseigne, dans cet esprit, que le premier mot des Dix Commandements, « Ano'hi, Je (suis l'E-ternel ton D-ieu) », est en fait d'origine égyptienne. C'est pourquoi, selon nos sages, la Torah qui est composée de trois parties : Torah, Néviïm et Kétouvim (Pentateuque, Prophètes et Hagiographes) fut donnée à un peuple composé de trois familles, celles des Cohen, des Lévy et d’Israël par Moché, le troisième enfant de sa famille et ceci le troisième mois après la sortie d'Egypte. Le mois de Nissan, premier mois, symbolise l'unicité absolue, celle qui ne saurait supporter la diversité de la nature et c'est d'ailleurs pourquoi, cette dernière est mise à l'écart au moment de l'Exode qui laisse uniquement la place à un scénario miraculeux. lyar, le deuxième mois est celui du voyage difficile, physiquement et spirituellement, vers le mont Sinaï. C'est aussi la période du Omer. Comme le chiffre deux, ce mois représente la diversité ou même la scission. Puis, vient se placer le troisième mois, Sivan, le mois de la Torah, de Moché et du peuple d'Israël. Le chiffre trois 4 représente une troisième dimension, celle de la symbiose du Spirituel et du Matériel. C'est la naissance du fruit de l'union de D-ieu et de Sa Création. Rappelons cette phrase d'Oscar Wilde : « Un couple, c’est ne faire plus qu'un ; oui, mais lequel ? » La conception du Judaïsme est que les deux composantes du couple « D-ieu – Création » créent une troisième dimension, fruit de cette Union, une Résidence pour D-ieu icibas. C'est pourquoi le Troisième Beth-Hamikdach bâti par le Machia'h sera éternel car il sera le Temple de Hachem construit par l'Homme. Rav Eliahou DAHAN 5 Il était une Fois Question ou Excuse ? Un homme, qui s’était éloigné de la tradition, vint, un jour, interroger Rav ‘Haïm de Brisk : « Un sujet me préoccupe, » dit-il. « La Torah nous interdit la consommation du porc. Je comprends la pertinence de ce commandement à l’époque de la sortie d’Egypte ; nos ancêtres séjournaient dans le désert et ce type de viande – qui est déjà fragile – pouvait être dangereux pour eux. Aujourd’hui, par contre nous avons des moyens techniques qui nous permettent de garder cette viande à l’état sain. Pourquoi est-il encore interdit de consommer cette viande ? ! » Le Rabbin lui dit alors : « Dites-moi franchement, cette question vous est venue à l’esprit avant ou après avoir consommé du ‘Hazir – porc ? » « Je reconnais en avoir déjà mangé, » répondit l’homme. « Alors, je suis désolé, » répliqua le Rabbin. « Je ne peux répondre. Je ne suis capable de répondre qu’à des questions, pas à des réponses. » 6 Vie juive Introduction au calendrier juif Solaire ou Lunaire? Depuis les temps bibliques, divers phénomènes astronomiques sont utilisés pour établir des définitions spécifiquement juives de la journée et de ses heures, des mois et de l’année. La longueur des jours et des heures varie selon les saisons et dépend des horaires respectifs du coucher du soleil, de la tombée de la nuit, de l’aube et du lever du soleil. Les mois et les années du calendrier juif sont déterminés par les cycles de la lune et du soleil. Bien que les mois suivent le cycle lunaire, les mois lunaires doivent toujours s’aligner sur les saisons de l’année, qui dépendent, elles, du soleil. Ainsi, le calendrier juif est-il « luni-solaire ». Le décalage entre l’année solaire (de 365 jours) et l’année lunaire (de 354 jours) est résolu en ajoutant de temps en temps un treizième mois à l’année, pour former ce que l’on nomme une « année embolismique ». Dans les premiers temps de notre histoire, la Haute Cour de Justice (le Sanhédrine) à Jérusalem avait pour tâche de déterminer le début de chaque mois et l’équilibrage des années solaires et lunaires. Ils s’appuyaient pour cela sur l’observation directe de la Nouvelle Lune, sur les données astronomiques et d’autres considérations. Au quatrième siècle après la destruction du Temple, cependant, lorsque l’oppression et les persécutions menaçaient l’existence du Sanhédrine, un calendrier fixe fut institué, basé sur les principes de calcul calendaire du Sanhédrine. C’est le calendrier permanent à partir duquel les dates des Nouvelles Lunes et des fêtes juives sont calculées et célébrées de nos jours par les Juifs du monde entier. Tout comme le système d’origine basé sur l’observation, il est basé sur le principe lunisolaire. Il incorpore également certaines règles par lesquelles les calculs astronomiques complexes sont combinés avec les exigences religieuses dans un système incroyablement précis. Dans les articles qui suivront, nous aborderons les facteurs qui régissent la détermination de l’heure, du jour, du mois et de l’année juifs. © Copyright 2013, all rights reserved. 7 Questions-Réponses Pourquoi y a-t-il tant d’étoiles et de galaxies? Et à quoi peuvent-elles bien servir? par Yehuda Shurpin Cher rabbin, J’ai vu un documentaire fascinant sur l’astronomie qui évoquait le nombre inimaginable d’étoiles et de galaxies. Quelle est l’optique juive de cela ? Pourquoi D.ieu a-t-il créé tant de galaxies ? Quel est le but de leur existence ? Réponse : La création des étoiles est rapportée dans un verset de la Genèse (1, 16) à la formulation singulière : « Et D.ieu fit les deux grands luminaires : le grand luminaire pour régner sur le jour et le petit luminaire pour régner sur la nuit, et les étoiles. » Le Talmud relève une apparente contradiction dans ce verset. Il nous est d’abord dit que D.ieu a créé « deux grands luminaires », puis, à la fin de ce même verset, il est dit que D.ieu a créé « le grand luminaire est le petit luminaire ». S’agissait-il donc de deux grands luminaires, ou d’un grand et d’un petit luminaire ? Le Talmud explique que les deux luminaires étaient grands à l’origine, mais la Lune se plaignit à D.ieu en ces termes : « Maître du Monde ! Deux rois peuvent-ils porter la même couronne ? » Ce à quoi D.ieu répondit : « Va et diminue-toi ! »1 Pour consoler la Lune de sa diminution, D.ieu multiplia le nombre de ses « légions », qui sont les étoiles qui constituent l’entourage de la Lune. Lorsque la Lune se lève, elles l’accompagnent, et, lorsqu’elle se couche, elles disparaissent avec elle.2 Quoi qu’il en soit, la question demeure : à part « tenir compagnie à la Lune », quel rôle jouent donc les si nombreuses étoiles et galaxies ?3 Quelques centaines d’entre elles n’auraient-elles pas été suffisantes ? Et en quoi bénéficient-elles à notre monde ? Nos Sages enseignent qu’il n’existe pas ne serait-ce qu’un brin de blé qui n’ait pas un « mazal » dans le ciel qui lui ordonne de grandir.4 « Mazal » désigne un système de forces spirituelles qui véhiculent la force créatrice de D.ieu jusque dans le monde. 8 Nous pouvons comprendre le concept de mazal ainsi : D.ieu souhaita créer un monde physique et terrestre dans lequel la Divinité ne serait pas apparente ; un monde dans lequel les êtres humains seraient dotés du libre arbitre ; un monde dans lequel nous choisirions le Divin, non pas parce que nous serions écrasés par Sa grande lumière, mais parce que tel serait notre choix. Pour accomplir cela, D.ieu dissimula Son pouvoir créateur à l’intérieur du monde. Ainsi, lorsque arrive le temps pour un petit brin d’herbe, par exemple, de recevoir sa « nourriture » spirituelle – c’est-à-dire la force vitale divine qui le maintient en existence –, D.ieu achemine sa vitalité à travers toute une chaîne d’êtres dont les attributs spirituels diminuent progressivement d’intensité, un peu comme des tuyaux de canalisations qui véhiculent l’eau issue d’un réservoir. Ces tuyaux qui acheminent l’énergie divine n’ont pas de libre arbitre et n’ont donc pas d’autre choix que de remplir leur fonction qui est d’acheminer l’énergie. La force créatrice est successivement filtrée par toute une hiérarchie d’anges, jusqu’aux plus bas des anges qui sont chacun en charge d’une étoile ou d’une constellation donnée. Elle est ensuite encore filtrée de manière à pouvoir pénétrer dans le monde physique en passant à travers l’énergie vitale spirituelle de chaque étoile (qui est « l’âme » de cette étoile). Lorsqu’elle finit par arriver dans le brin d’herbe, la lumière divine est complètement dissimulée.5 Comme le proclame le prophète à propos des étoiles et des corps célestes (Isaïe 40,26) : « Levez le regard vers les hauteurs et voyez qui les a créés, qui fait sortir leur armée par leur nombre ; tous, Il les appelle par leur nom ; et telles sont Sa puissance et Son autorité souveraine que pas un ne fait défaut. » Chaque étoile a son propre nom par lequel D.ieu l’appelle. Ce nom correspond à la force divine particulière qui est véhiculée par cette étoile à l’intérieur de notre monde.6 Peut-être est-ce pour cette raison qu’il y a d’innombrables étoiles dans notre univers. Le Rav Yehuda Shurpin répond (en anglais) à des questions dans le cadre du service de Question au Rabbin de Chabad.org NOTES 1. Talmud, ‘Houline 60b. 2. Midrache Rabbah Béréchit 6:4, cité dans Rachi sur Genèse 1,16. 3. Dans le texte de la Torah, le vocable générique “étoiles” englobe tous les corps célestes, y compris les planètes, les comètes et les astéroïdes. 4. Midrache Rabbah, Béréchit 10:6. 5. Zohar, vol. 2, 171b-172a ; Derekh Mitsvotekha, Mitsvah de Milah ; Sefer Maamarim 5689 p. 154. 6. Le Tsema’h Tsédek dans Ohr HaTorah, Chémot 33 ; Le Rabbi de Loubavitch dans Likoutei Si’hot vol. 6, p.7 ; voir également le commentaire du Radak sur Isaïe 40,26. © Copyright 2013, all rights reserved. 9 Récit La parade de Lag Baomer du Baal Chem Tov Echec aux cosaques par Yerachmiel Tilles Deux semaines avant Roch Hachana en 1734, le jour de son 36ème anniversaire, Rabbi Israël Baal Chem Tov, se révéla comme une personne extraordinairement sainte et comme leader du mouvement hassidique naissant. Avant cela, il veillait à dissimuler aux yeux du public ses qualités spéciales. Il s’habillait, parlait et se comportait comme tous les autres Juifs pauvres simples et incultes d’Ukraine. Pour subvenir à ses besoins, il travaillait comme un ouvrier ordinaire. Ses intenses prières, sa méditation et sa profonde étude de la Torah étaient toutes réalisées dans le plus grand secret. En parlant avec d’autres Juifs, il lui arrivait souvent de les encourager avec des enseignements et des histoires du Midrache et du Talmud qui soulignaient la valeur de servir D.ieu simplement, mais de tout son cœur. Il s’efforçait de nourrir en eux l’amour de D.ieu, de la Torah et de tout le peuple juif. Mais quand il le faisait, c’était toujours dans le langage des gens du commun. Personne ne le soupçonnait d’être plus que ce qu’il paraissait être. Seule sa femme connaissait ses capacités. Parfois, il arrivait qu’il fût forcé d’utiliser ses pouvoirs extraordinaires pour sauver des Juifs en détresse, ou même des communautés entières. Chaque fois que c’était le cas, dès que le danger était écarté, il partait immédiatement pour un endroit lointain où personne ne le connaissait. L’un de ces événements eut lieu à Lag BaOmer. À cette époque, les communautés juives d’Europe de l’Est étaient souvent l’objet d’attaques par des hordes de violents cosaques et d’autres antisémites sauvages du même acabit. Ils battaient les hommes juifs, parfois à mort, ils violaient les femmes et pillaient ou détruisaient tous les biens juifs sur lesquels ils pouvaient mettre la main. Une fois, la ville où le Baal Chem Tov vivait eut vent qu’une bande de ces maraudeurs se dirigeait dans leur direction. L’ensemble de la communauté juive décida d’abandonner ses maisons et de se cacher dans les collines pendant quelques jours, jusqu’à ce que les cosaques se calment et s’en aillent. Le Baal Chem Tov les accompagna. Les gens se réfugièrent dans les nombreuses grottes qui parsemaient les hauteurs accidentées. De leur point d’observation, les Juifs pouvaient voir que la horde cosaque était arrivée en ville. Ne trouvant pas de Juifs à agresser physiquement, ils déversèrent leur colère et leur frustration sur leurs biens. Ils ouvrirent l’entrepôt de vin, burent jusqu’à sombrer dans une ivresse folle, brisèrent le reste des tonneaux et mirent le feu au bâtiment. Les Juifs tremblaient tous de peur à l’idée que les cruels cosaques décident d’inspecter les collines et découvrent leurs cachettes. 10 Quelques jours passèrent. Les envahisseurs avaient empilé des tas de butin pillé dans les maisons et les magasins juifs. Les Juifs craignaient encore d’être découverts. Quelle ne fut pas leur surprise de voir que le simple Yisroelik (surnom d’Israël, le nom du Baal Chem Tov) rassemblait de leurs enfants en groupes à l’extérieur de la grotte, en plein jour ! Ils protestèrent vivement, ce à quoi le Baal Chem Tov répondit que c’était le saint jour de Lag BaOmer, un jour où l’on sort dans les champs pour célébrer joyeusement le jour de Rabbi Chimone bar Yo’haï. Il leur assura que non seulement ils ne seraient pas en danger, mais que le mérite de leur observance de Lag BaOmer contribuerait à protéger et à sauver l’ensemble de la communauté. Son enthousiasme et sa conviction finirent par avoir raison de l’inquiétude des parents et ceux-ci donnèrent leur permission. Le Baal Chem Tov passa de caverne en caverne et rassembla pratiquement tous les enfants. Alors que la plupart des adultes ruminaient encore cette surprenante tournure des événements, le Baal Chem Tov organisa une mini-parade. Les enfants défilèrent en chantant joyeusement derrière leur nouveau chef charismatique. Au début, ils avaient un peu peur et chantaient seulement à voix basse, mais en peu de temps, leur crainte s’évanouit à mesure qu’ils élevaient leurs voix en chantant les joyeux airs traditionnels en l’honneur de Rabbi Chimone bar Yo’haï. Les parents regardaient leurs enfants avec une affection nerveuse, mais leur attention fut rapidement captée par le Baal Chem Tov. C’était comme s’ils ne l’avaient jamais vu auparavant. Son visage rayonnait de ravissement quand il chantait et tous ses mouvements reflétaient l’extase du Divin alors qu’il dansait avec le cercle des enfants. Le simple Yisroelik qu’ils connaissaient s’était transformé à leurs yeux en le plus saint des hommes. Sa voix s’associait à celles des enfants innocents et purs pour produire un chant qui semblait aussi sublime que celui des anges dans le ciel. Le défilé et les chants se poursuivirent longtemps. Ensuite, le Baal Chem Tov conduisit les enfants à un petit plateau, les fit s’asseoir dans l’herbe et leur distribua à tous des goûters qu’il avait amenés avec lui. Il fit en sorte que chaque enfant prononce haut et fort la bonne bénédiction pour la nourriture qu’il recevait. Puis, après qu’ils eurent mangé, il leur raconta de fascinantes histoires du Talmud et du Midrach sur Rabbi Chimone bar Yo’haï et sur Rabbi Akiva. Les enfants écoutèrent attentivement et ressentirent le puissant amour que le Baal Chem Tov avait pour chacun d’eux, y répondant avec une grande affection. Les parents et les autres adultes du village demeuraient très inquiets. Comment Yisroelik pouvait-il rester si longtemps à découvert avec leurs enfants ? Leurs regards apeurés passaient rapidement de la fureur et de la fumée qui s’élevaient du village en dessous aux rangées d’enfants assis en face du Baal Chem Tov. Ils murmuraient des prières pour que tout se termine bien et que tous soient en sécurité. 11 Soudain, ils virent le gang de cosaques décamper du village et se disperser dans toutes les directions, courant de toutes leurs forces. Ils partirent si brusquement qu’ils n’emportèrent rien avec eux, abandonnant leur immense butin. Au début, les Juifs craignirent que les envahisseurs se fussent de nouveau mis à leur recherche, mais la rapidité avec laquelle l’ennemi avait disparu du voisinage eut tôt fait de calmer leur peur. Peu de temps après, tous les Juifs étaient revenus dans leur village. Le danger était passé ! Ils purent bientôt éclaircir ce qui s’était passé. On ne sait comment, les vandales avaient découvert – ou cru qu’ils avaient découvert – qu’une troupe de soldats gouvernementaux s’approchait rapidement du village. Saisis d’effroi, ils avaient pris leurs jambes à leur cou, abandonnant tout ce qui pouvait ralentir leur fuite. Les Juifs s’en retournèrent joyeusement dans leurs foyers, émerveillés par le miracle dont ils avaient bénéficié. Ils ne doutaient pas que le miracle avait eu lieu par le mérite de la célébration joyeuse par leurs enfants de Lag BaOmer, le jour de joie du grand sage Rabbi Chimone bar Yo’haï, avec le saint mystique jusqu’ici caché, le Baal Chem Tov... qui s’était déjà éclipsé pour s’installer dans un autre village. Adapté de Si'hat HaShavoua n ° 176. Copyright 2003 par KabbalaOnline.org. Tous droits réservés, y compris le droit de reproduire cette œuvre ou des parties de celle-ci, sous n’importe quelle forme, sauf avec la permission écrite de Kabbala Online. Yerachmiel Tilles est le cofondateur de Ascent-of-Safed et en fut le directeur éducatif pendant 18 ans. Il est le créateur de www.ascentofsafed.com et de www.kabbalaonline.org, et dirige actuellement ces deux sites. Il est également un conteur réputé, un éditorialiste dans de nombreuses publications 'hassidiques et un des rabbins de AskMoses.com. © Copyright 2013, all rights reserved. 12 Pirkei Avot - Chapitre 5 Commentaires du Rabbi Le monde fut créé par Dix Paroles. La Torah a voulu nous enseigner par-là que bien que tout aurait pu être créé par une seule parole divine, l’Eternel voulut prononcer dix paroles... (Chapitre 5:1) Pourtant, si le monde avait été créé par une seule parole, la nature de la Création aurait été fondamentalement différente. Cette expression aurait effectivement créé un monde matériel, mais celui-ci n’aurait pas pu laisser apparaître les différentes identités des créatures. Car toutes les créatures n’auraient été, alors, qu’un reflet d’une unique parole primordiale qui ne serait que l’expression de l’unicité du Créateur. En créant le monde en dix paroles, D.ieu permit à chaque créature d’assumer une identité qui lui est propre. Ces dix paroles traduisent les différentes facettes des dix Séfirot, laissant la place aux éventuelles combinaisons multiples de la Création. Ainsi, c’est un monde capable de voiler Son propre Créateur qui vit le jour. Cependant, l’homme a le moyen – grâce à la Torah qui fut aussi donnée en Dix Paroles – de révéler que D.ieu est Un dans sa Création, pas seulement dans une perspective de transcendance – « une parole » –, mais aussi dans les dimensions de l’immanence – « dix paroles ». Sefer HaSi’hot 5740 13 Il y eut dix générations d’Adam à Noé. Ceci pour nous indiquer combien D.ieu est indulgent. Car toutes ces générations avaient excité la colère de D.ieu jusqu’au moment où Il leur envoya le déluge. Il y a eu dix générations de Noé à Abraham. Ceci pour nous indiquer combien D.ieu est indulgent. Car toutes ces générations avaient excité la colère de D.ieu jusqu’au moment où apparut Abraham notre père, et il reçut la récompense réservée aux autres. (Chapitre 5:2) La Michna ne dit pas que Noé reçut la récompense qui était réservée aux générations l’ayant précédé alors qu’Abraham en profita. Ceci pour deux raisons : Les hommes qui précédèrent Noé n’avaient aucune qualité, ils vivaient dans le conflit et la discorde. Ils n’avaient donc aucun mérite et cela causa le déluge. Par contre, ceux qui ont précédé Abraham, malgré leur mauvaise conduite (« ils avaient excité la colère de D.ieu ») avaient au moins la vertu d’être unis et de s’entendre. C’est pourquoi une récompense leur fut initialement réservée et c’est Abraham qui en bénéficia. Noé ne cherchait pas à influencer ses contemporains. Abraham s’employa en revanche à transmettre à l’humanité entière le message du monothéisme. Étant donc tourné vers les autres, il mérita la récompense qui leur était réservée. Extrait de Likoutei Si’hot vol. 3 © Copyright 2013, all rights reserved. 14 Ne soyez pas juste! Maximes des Pères 5:10 par Yanki Tauber Le livre de la Genèse (dans les chapitres 13-14 et 1819) nous parle de la ville corrompue de Sodome. Nous y lisons d’abord que Lot, le neveu d’Abraham, s’installe à Sodome bien que ses habitants fussent « très mauvais et pêcheurs aux yeux de D.ieu ». Sodome est dévastée par les armées de Kedorlaomer, Lot est fait captif et Abraham vient à son secours. Nous voyons ensuite comment Abraham supplie D.ieu d’épargner la cité corrompue eu égard au mérite des personnes vertueuses qui pourraient s’y trouver ; il s’avère cependant que l’on ne peut y trouver ne serait-ce que dix justes. Deux anges, sous l’apparence d’être humains, se rendent dans la ville, mais seul Lot leur offre l’hospitalité. Il les sauve de l’agression de la populace Sodomite et eux, en retour, le sauvent lui et ses deux filles avant de détruire la ville. Quels étaient les péchés de Sodome ? En français, le nom de la ville est synonyme de perversion sexuelle. Ceci provient du récit de la Torah qui décrit la foule encerclant la maison de Lot exigeant qu’il leur livre ses invités « pour que nous puissions les violer ». Toutefois, les sources de la tradition juive – le Talmud, les Midrachim et les Commentaires – ont une approche différente de l’histoire de Sodome. Elles ne mettent pas l’accent sur les fautes sexuelles des habitants de Sodome, mais sur leur manque d’hospitalité et leur opposition viscérale à l’idée que quiconque ose partager une partie des richesses de la ville avec des étrangers. Dans les mots du Talmud1 : « Les gens de Sodome étaient corrompus seulement à cause du bien que D.ieu leur avait prodigué... Ils disaient : Comme il sort de notre terre du pain et des pépites d’or, pourquoi devrions-nous souffrir des voyageurs qui viennent chez nous uniquement pour épuiser notre richesse ? Abolissons-donc la pratique de loger les voyageurs dans notre pays... » Ils avaient même trouvé un moyen d’être charitables, tout en s’assurant qu’aucun étranger ne bénéficierait de leur charité : « S’il arrivait qu’un pauvre y passât, chaque résident lui donnait un dinar, sur lequel il écrivait son nom, mais on ne lui vendait pas de pain. Quand il mourrait, chacun venait et reprenait son dinar. » Ils allèrent jusqu’à décréter : « Celui qui donne un morceau de pain à un pauvre ou à un étranger sera brûlé sur le bûcher. » 15 L’histoire de Sodome apparaît dans la Torah dans le contexte général de la vie d’Abraham. De fait, Sodome est l’antithèse d’Abraham, représenté par la Torah comme la personnification même du ‘hessed (la bonté). Abraham donne de lui-même, matériellement (en offrant l’hospitalité aux voyageurs) et spirituellement (en partageant les vérités qu’il avait découvertes, en priant pour Sodome), alors que le sodomite est déterminé à garder pour luimême ce qui est sien. Ce qui est notable à propos des gens de Sodome, c’est qu’ils ne sont pas des voleurs (comme le fut la génération du déluge). Même quand ils privent un intrus de ses biens, ils prennent soin de le faire d’une manière « légale ». En fait, leur philosophie de base semble assez bénigne. Dans les paroles des Maximes des Pères : Celui qui dit : « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi », c’est l’attitude de Sodome. Quoi de plus juste ? Certes, les gens de Sodome ont poussé cela à de très cruels extrêmes, mais toute personne qui déclare : « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi » estelle pour autant un Sodomite ? Tout ce qu’elle dit est : « Je ne vais pas toucher à ce qui est à vous, mais n’attendez pas de moi que je vous donne quoi que soit. » Pour le Juif, une telle justice est l’essence même du mal. Yanki Tauber est l'un des principaux rédacteurs de Chabad.org NOTES 1. Sanhédrine 109a. © Copyright 2013, all rights reserved. 16 Paracha Behar-Be'houkotaï - en bref Lévitique 25, 1 - 27, 34 Sur le Mont Sinaï, D.ieu donne à Moïse les lois relatives à l’année sabbatique. Tous les sept ans, tous les travaux agricoles devront cesser dans le pays et les produits spontanés de la terre seront laissés à la libre disposition des hommes et des animaux. La promesse est donnée que la récolte de la sixième année produira l’équivalent des trois récoltes et subviendra ainsi aux besoins de trois années : la sixième, la septième et la huitième. Sept de ces cycles sabbatiques aboutissent à la cinquantième année : l’année du Jubilé durant laquelle on ne travaille pas non plus la terre, ceux d’entre le peuple qui se seraient vendus comme esclaves sont libérés et toutes les propriétés foncières ancestrales reviennent à leur propriétaire d'origine. La paracha de Behar contient d'autres commandements relatifs à la propriété foncière et les interdits concernant l'escroquerie et l’usure. D.ieu promet aux enfants d’Israël que s'ils veillent au respect de Ses Commandements, ils connaîtront la prospérité matérielle et demeureront en sécurité dans leur pays. Mais Il exprime aussi une mise en garde : l’exil, la persécution et d’autres plaies les frapperaient s'ils abandonnaient leur alliance avec Lui. Mais cependant, « Même alors, quand ils se retrouveront relégués au pays de leurs ennemis, Je ne les aurais point dédaignés, ni repoussés au point de les anéantir ; car Je suis l’E-ternel, leur D.ieu . Et Je me rappellerai en leur faveur le pacte des aïeux. » La paracha se poursuit par l’énoncé des règles de calcul du montant financier de certaines offrandes votives comme, par exemple, lorsque l'on consacre la valeur d'un terrain à D.ieu. Bé’houkotaï conclut le troisième livre de la Torah, Vayikra, le Lévitique. © Copyright 2013, all rights reserved. 17 Capitaliste ou communiste? par Yossy Goldman Karl Marx en a peut-être été le pionnier, mais beaucoup d’autres Juifs furent également impliqués dans la lutte pour le communisme, en particulier au tout début de la révolution russe. Personnellement, je ne pense pas que nous ayons des excuses à présenter pour cela. Ayant amèrement souffert sous des régimes oppresseurs successifs, bon nombre de ces militants politiques pensaient vraiment que le communisme serait mieux pour le peuple de la corruption tsariste. Leur idéalisme entretint l’espoir d’une vie meilleure et d’un avenir plus équitable pour tous. Sur le papier, le communisme était une bonne idée. Le fait qu’il échoua – et que l’oppression des nouveaux dirigeants surpassa celle de leurs prédécesseurs – reflète les personnalités impliquées autant que le système qu’elles promurent. Quel est le système économique du judaïsme ? En existe-t-il un ? Je le décrirais comme « un capitalisme avec une conscience ». En prônant la libre entreprise, la Torah est clairement capitaliste. Mais c’est un capitalisme conditionnel, et certainement un capitalisme compatissant. Winston Churchill a dit : « Le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale des richesses. Le vice inhérent au communisme consiste en une égale répartition de la misère. » Le judaïsme a quant à lui introduit un système de marché ouvert dans lequel le partage des bénédictions n’a pas été laissé au hasard et n’est pas demeuré un vœu pieux, mais a été rendu obligatoire. Notre paracha nous en donne un exemple classique. La Chemita, l’année sabbatique, a pour objet de permettre à la terre de se reposer et de se régénérer. Six ans durant, la terre était travaillée, mais la septième année, elle reposait et restait en jachère. Le cycle agricole en Terre Sainte imposait au propriétaire du terrain des règles et des règlements stricts. Aucune plantation, aucun élagage, aucun travail agricole la septième année, et tout ce qui poussait de soi-même était « sans propriétaire » et à la disposition de tous. Le propriétaire pouvait en prendre, mais ses employés, ses amis et ses voisins le pouvaient aussi. Dans sa propre terre, le propriétaire n’avait, la septième année, pas plus de droits qu’un étranger. 18 Ce n’est là qu’un des nombreux exemples du « capitalisme avec une conscience » du judaïsme. Celui-ci contient beaucoup d’autres obligations imposées par la loi en faveur des pauvres. Pas des contributions facultatives, pas même des recommandations pieuses, mais d’explicites cotisations obligatoires au bénéfice des plus démunis. Les dîmes ainsi que l’obligation de laisser aux pauvres les coins non moissonnés de son champ, le glanage, et les gerbes oubliées font tous partie du système du capitalisme compatissant. Le judaïsme présente ainsi un système économique qui offre le meilleur des deux mondes : les avantages d’un marché libre et sans entraves permettant l’expression personnelle et la prospérité engendrée par un travail dur, sans les inconvénients de la cupidité de la finance. Si la terre appartient à D.ieu, alors nous n’en avons pas la propriété exclusive. D.ieu nous accorde Ses bénédictions, mais, de toute évidence, le deal est que nous devons les partager. Sans la loi de la Torah, le capitalisme échoue. L’ambition effrénée et la soif d’argent et de pouvoir mènent à des monopoles et des conglomérats qui ne laissent pas de place pour autrui et creusent le fossé entre les nantis et les démunis. L’année sabbatique est l’un des nombreux mécanismes qui permettent à notre capitalisme de demeurer cachère et humain. Certaines personnes sont trop « business-like ». Chez elles, tout est mesuré et exact. Les affaires sont les affaires. Si elles vous ont invité pour le Chabbat, elles ne répèteront pas l’invitation jusqu’à ce que vous les ayez invitées à votre tour. Si vous avez donné à leur fils 50 $ pour sa Bar Mitsva, c’est exactement ce que le vôtre recevra de leur part. Nous devrions être plus doux que cela, plus souples, pas si durs, si rigides et si « business-like ». Soyez capitaliste, mais un capitaliste cachère. Ce qu’une personne « vaut » financièrement devrait être sans rapport avec le respect que vous lui accordez. Conservez les caractéristiques juives traditionnelles que sont la bonté, la compassion, la tsédaka et le ‘hessed : la générosité d’esprit, de cœur... et de poche. Puissiez-vous gagner beaucoup d’argent et encourager D.ieu à continuer à vous prodiguer Ses bénédictions en abondance en les partageant généreusement avec les autres. Rav Yossy Goldman est né à Brooklyn, New York au sein de la communauté Loubavitch. En 1976, il fut envoyé par le Rabbi de Loubavitch en tant que Chalia'h (émissaire) pour être au service de la communauté juive de Johannesburg en Afrique du Sud. Il est le rabbin de la Sydenham Highlands North Shul depuis 1986 et le président de l'Association Rabbinique Sud-Africaine. © Copyright 2013, all rights reserved. 19 Le pouvoir de quoi Quand la réponse est dans la question par Lazer Gurkow Les fermiers de la terre d’Israël reçoivent de la Torah l’instruction de travailler leur terre pendant six ans et de la laisser en jachère, au repos, la septième. Mais quand toutes les terres d’un pays sont laissées en jachère une année entière, la nation ne court-elle pas le risque de se trouver en situation de famine ? Dans les versets suivants, la Torah évoque ce problème : « Et si tu dis : ‘qu’allons-nous manger la septième année ?’... J'ordonnerai ma bénédiction sur la sixième année et elle donnera une récolte suffisante pour une période de trois ans. » Quand la Torah propose une réponse, elle nous laisse d’ordinaire déduire nous-mêmes la question sousjacente. Dans ce cas précis, la Torah choisit de poser la question. Y a-t-il donc quelque chose d’unique à relever dans cette interrogation particulière ? Moralité sociétale ou moralité divine ? La société en général vit selon un code moral. Les gouvernements édictent des lois contre les actes immoraux, comme le meurtre ou le vol, et encouragent un comportement éthique, comme la charité ou la pudeur. Si vous demandez : « pourquoi le meurtre est-il interdit », la réponse légale sera probablement : « parce que prendre la vie d’autrui est tout simplement commettre le mal ». Si vous persistez et insistez « mais pourquoi est-ce mal ? », la réponse sera probablement « si vous ne le sentez pas intuitivement, alors rien ne sert d’essayer de vous l’expliquer ». Et c’est vraiment là une réponse correcte. Le meurtre est un acte vil parce que la société sent intuitivement la nature immorale de cet acte. Cependant, la conception juive ressent que l’autorité morale va plus loin que le simple consentement d’un peuple. Si vous recherchez dans la Torah pourquoi le meurtre est mauvais, il est probable que vous trouverez pour réponse à votre question : « C’est l’un des Dix Commandements ! ». Si vous insistez et voulez savoir pourquoi est-ce l’un des Dix Commandements, il est probable qu’il 20 vous sera répondu : « Pensez-vous pouvoir chercher à expliquer les raisons de D.ieu et les comprendre ? » Bien sûr, le Juif sent lui aussi intuitivement que le meurtre est un acte immoral. Mais pour lui, c’est plus qu’une simple intuition. Si D.ieu a ordonné cette interdiction en tant commandement divin, c’est qu’elle doit être immorale pour des raisons qui dépassent l’intuition humaine. Au-delà de la raison de l’homme Pourquoi un Juif croit-il que les commandements divins dépassent l’intuition des hommes ? Les Mitsvot peuvent se diviser en deux grandes catégories : a) les commandements éthiques que l’on comprend facilement, comme l’interdiction de voler et b) les décrets inexplicables qui défient la compréhension humaine, comme la Mitsva de la Vache Rousse. Ces deux types de commandements sont en symbiose, chacun affectant notre perspective sur l’autre. Les commandements éthiques montrent qu’il est possible d’atteindre un semblant de compréhension des commandements de D.ieu. Les décrets démontrent qu’en dernière analyse, la sagesse de D.ieu dépasse la nôtre. Si nous n’avions reçu que les décrets incompréhensibles, notre manque de compréhension totale nous aurait éloignés de la pratique des Mitsvot. Nous ne pourrions pas les intérioriser et serions alors empêchés de développer une affinité avec elles, de les accomplir avec enthousiasme. D’un autre côté, seuls les commandements de portée morale nous avaient été donnés, nous imaginerions que toute la Divinité est accessible à la compréhension humaine. Nous abandonnerions naturellement toutes les notions qui appartiennent au domaine de la foi et dépassent notre entendement. Les décrets incompréhensibles enseignent au Juif à considérer les Mitsvot compréhensibles elles-mêmes à travers le prisme de la sagesse divine, à reconnaître que les commandements éthiques, comme l’interdiction du meurtre, ont une dimension qui va au-delà de notre connaissance ou de notre sensation intuitive. Deux questions, un mot C’est là le sens de la question posée par le fils sage (qui nous est présenté dans la Haggada de Pessa’h) : « Que ('mah') sont les... décrets et les préceptes que l’Éternel notre D.ieu vous a commandés ? ». Le fils sage comprend que même les « préceptes » aisément compréhensibles ont une dimension qui défie la logique humaine et il cherche ainsi à comprendre le sens véritable de toutes les catégories de Mitsvot, non seulement celui des « décrets » mais également celui des « préceptes ». 21 Revenons à la question posée par notre verset, « Et si tu dis: ('Mah') ‘Qu’allons-nous manger la septième année ? ». La seule autre occasion où la Torah introduit ainsi une question se rencontre lors de l’apparition des quatre fils de la Haggadah. Il est donc vraisemblable d’affirmer que c’est aussi la question que pose l’un d’entre eux. Lequel ? Cette question n’est citée dans la Torah qu’après qu’ont été soulignées les lois de l’année chabbatique. Nous en déduisons donc que cette question doit être posée par le fils sage qui a étudié le sujet dans son ensemble, mais qui reste avec une question. Ces questions sont posées à deux reprises dans la Torah. « Quel est le sens… » et « Que mangerons-nous ? ». Bien que ces questions ne semblent avoir aucun lien, un mot les unit. Le pronom interrogatif hébraïque mah, « quoi, que, quel ». Le sens de « quoi » Le Peuple Juif a l’habitude de ce mot. Nous demandons toujours : Quelle est la raison ? Quel est le sens ? Comme le fils sage, nous posons cette question sur tous les Commandements et à toutes les occasions, même lorsque nous sommes supposés comprendre. Nous réalisons, en dernier ressort, que notre compréhension n'appréhende pas le processus de la pensée divine. Quoi n’est pas seulement une question : c’est également une réponse. Parce que finalement, la question peut rester posée et rester sans réponse. Nous demandons à D.ieu Ses véritables raisons, Ses explications, mais nous n’exigeons pas toutes Ses réponses. Nous sondons les secrets dans les limites de l’esprit humain, mais le reste est humblement laissé à D.ieu. Le mot quoi est donc l'expression d'une profonde humilité. Nous le demandons, non par agressivité, mais dans l’acceptation. Nous le demandons non par arrogance, mais dans la soumission. Nous le demandons non dans la confusion, mais dans une foi sereine. Nous savons que les mots « Que mangerons-nous la septième année ? » ne sont pas tant une question que l’affirmation d’un fait. Nous ignorons ce que nous mangerons, mais nous avons confiance que nous mangerons. (Il est intéressant de relever que la Haggadah utilise le même verbe « dire » que dans notre verset: « Le fils Sage que dit-il ? » et non « que demande-t-il ») La Torah nous assure que D.ieu ne nous ignorera pas si nous abordons cette Mitsvah avec l’humilité prescrite par le mot mah, « quoi ». « Il donnera Sa bénédiction sur la sixième année et celle-ci produira une récolte suffisante pour toutes les trois années. » Le Rav Lazer Gurkov est le guide spirituel de la communauté Beth Tefilah de la ville de London, Ontario au Canada. Conférencier émérite, il a disserté sur de nombreux sujets du Judaïsme et ses articles ont paru dans de nombreuses publications. Pour en savoir plus sur le Rav Gurkov et ses écrits, rendez-vous sur InnerStream.ca (en anglais). © Copyright 2013, all rights reserved. 22 Vivre la Paracha avec le Rabbi La Véritable Humilité « D-ieu parla à Moché – Béhar Sinaï – au Mont Sinaï… » (Lévitique 25 – 1) C’est par ces mots que débute notre Paracha. Il est intéressant de remarquer que nous nommons notre Paracha « Béhar » sans faire référence au mot « Sinaï ». Or, nos sages nous indiquent que la Torah fut donnée sur la Montagne du Sinaï, car « elle est la plus petite des montagnes. » Un double enseignement en découle. Elle fut choisie pour sa petite taille, symbolisant ainsi l’importance de l’humilité ; d’autre part, il s’agit ici d’une montagne. Ceci implique qu’en dépit de l’importance de l’humilité, une personne ne doit pas permettre qu’une modestie vécue outre mesure le transforme en paillasse piétinée par tous. L’humilité doit être accompagnée d’une certaine mesure d’amour-propre et d’autoritarisme, sans quoi l’homme ne pourrait affronter les épreuves spirituelles et les différents défis que présente la vie. C’est à ces enseignements que font allusion les mots « Béhar Sinaï ». Béhar – la hauteur et l’assurance ; Sinaï – l’humilité. Il semble primordial de mettre l’accent sur « Sinaï » car la modestie est fondamentale. Tandis que « Béhar » n’est, a priori, que secondaire, puisqu’il ne sert qu’à assurer que la modestie ne soit pas vécue de façon extrême. Pourquoi, avons-nous, alors, la coutume de nommer la Paracha « Béhar » sans rappeler l’essentiel, « Sinaï » ? En fait, la véritable humilité résulte d’une prise de conscience de la Grandeur de D-ieu ; un homme devient modeste et insignifiant à ses yeux lorsqu’il se rend compte que D-ieu est la source et l’essence de tout être. L’ultime humilité n’est atteinte que lorsque l’individu ne perçoit même plus qu’il est annulé ; car s’il le ressent encore, cela implique qu’il existe. L’individu atteint une réelle annulation de soi seulement quand il ne ressent plus rien, hormis la Présence de la Divinité. A ce stade d’altruisme, l’homme ne ressent plus de contradictions entre les sentiments d’humilité et ceux d’estime personnelle, car ce n’est pas lui-même qu’il estime, mais D-ieu qui l’habite. Nos sages affirment, d’ailleurs : « Le serviteur du Roi lui-même est un Roi. » Il est clair que cela ne permet pas au serviteur d’être vaniteux, puisque son statut privilégié nous renvoie constamment à la personnalité du Roi. C’est pourquoi la Paracha se suffit du mot « Béhar ». L’indicateur qui témoigne que la modestie a atteint son point culminant est lorsque l’homme est capable de se sentir aussi fort et élevé qu’une montagne sans pour autant exprimer quelque arrogance, car il est conscient qu’il tient sa grandeur de D-ieu Seul. Likouté Si’hoth Vol XXII 23 L’impact du Septième Jour « Lorsque vous arriverez au pays que je vous donne, la terre doit jouir d’une période de repos, d’un Chabbath pour D-ieu. » (Lévitique 25 – 2) Dans la Paracha de cette semaine, D-ieu indique au peuple Juif que lorsqu’il s’installera sur la terre d’Israël, il devra travailler la terre pendant six ans, et la septième sera consacrée Chemita, une année de repos. En lisant les premiers versets de la Paracha, nous remarquons que la Torah n’expose pas les années dans l’ordre chronologique. Elle nous expose l’année du repos avant même de nous parler des six années de travail qui la précèdent. Cette inversion est révélatrice. Elle nous indique l’impact apporté par la septième année. En fait, l’année de Chemita est la source de vitalité des six autres années. C’est elle qui inspire et qui donne le dynamisme à l’agriculteur pendant les années de travail. Nous pouvons comparer cela au jour du Chabbath qui nous donne les forces nécessaires pour travailler pendant les six jours de la semaine. Le jour du Chabbath exerce une forte influence et affecte l’atmosphère des six jours qui le précèdent. Certaines personnes ne parviennent pas à comprendre comment un Juif peut vivre selon la Torah pendant un simple jour de la semaine. Comment peut-on s’engager dans une vie professionnelle, alors que la Torah impose tant d’injonctions et d’interdictions ? Le monde qui nous entoure est un monde non-juif et la Torah lui est étrangère ! De plus, la culture dominante dans la société où nous vivons semble répondre à des principes si différents. Comment peut-on alors espérer qu’un Juif défie le monde et résiste à la pression ? La réponse à ces préoccupations se trouve dans notre Paracha. Les six jours de la semaine commencent par la prise de conscience que le septième jour est saint ; il est un Chabbath pour Hachem. La sainteté du Chabbath nous fournit les forces nécessaires pour surmonter toutes les difficultés et nous permet de vivre en accord avec les commandements de la Torah. En effet, le Chabbath nous inspire et nous fait comprendre que c’est en vivant en harmonie avec la Torah que nous serons prospères. L’année de Chemita influence, elle aussi, les six années qui la précèdent. C’est elle qui donne le ton à ces années de travail. En s’inspirant du message de la septième année, le Juif est capable d’affronter toutes les épreuves – cela au moyen des Mitsvoth. Likouté Si’hoth Vol II 24 Le Sens du Yovel « Tu compteras chez toi sept années Chabbatiques, sept fois sept années, de sorte que la période de ces sept années Chabbatiques te feras quarante-neuf ans…Vous sanctifierez cette cinquantième année, en proclamant, dans le pays, la liberté pour tous ceux qui l’habitent. » (Lévitique 25 – 8,10) La Paracha de Behar contient les commandements relatifs à l’année Chabbatique – la Chémita – et au Yovel, le jubilé. Le Talmud déduit des mots « tous ceux qui l’habitent » que le Yovel – le jubilé – ne peut prendre place que lorsque tout le peuple Juif réside sur la terre d’Israël. Aussi, le jubilé fut aboli dès que les tribus de Réouven, Gad et la moitié de la tribu de Ménaché furent exilées. Néanmoins, le Talmud relate qu’au temps du deuxième Temple, la cinquantième année était encore sanctifiée, même si la Mitsva du jubilé n’était pas effective. Cela fut maintenu afin de garder le même système cyclique qu’avant. C’est-à-dire que nous ne reprenions le compte des années de Chemita qu’une fois la cinquantième année passée. Après que le deuxième Temple fut détruit, la cinquantième année a cessé d’être sanctifiée. Depuis, le cycle du compte des années Chabbatiques ne s’arrête jamais ; la cinquantième année est banale et elle constitue, alors, la première du cycle des années Chabbatiques. Ainsi, il y a trois manières de considérer le jubilé : a) avant l’exil des premières tribus ; b) à l’époque du deuxième Temple ; c) depuis la destruction du Temple. Le ‘Hassidisme explique que les années Chabbatiques et le jubilé symbolisent des niveaux spirituels du service de D-ieu : La Chemita illustre la cessation d’activité, l’effacement de soi. La personne a conscience de son existence, mais s’annule, tout de même, volontairement devant D-ieu. Le Yovel symbolise la liberté, un degré plus élevé, celui de l’absence de toutes les limites. Ce niveau sera atteint pendant l’ère Messianique. Ceci explique pourquoi la Chemita doit être appliquée aujourd'hui, alors que la Mitsva du Yovel n’a été véritablement observée uniquement pendant la première période du Temple. Ce niveau le plus élevé de spiritualité ne pouvait être atteint qu’à une époque où la Présence Divine était manifeste. L’époque du second Temple était une période médiane. La Présence Divine illuminait le monde, mais d’une façon moins évidente. C’est pourquoi nous comptions le jubilé, bien que la Mitsva du jubilé n’était pas observée. Aujourd’hui, en exil, notre service de D-ieu consiste à accepter le joug Divin et à annuler notre ego. Néanmoins, dans un certain sens, ceci a un avantage, car cela permet de révéler l’essence de l’être. Cet état d’esprit prépare à l’année Chabbatique éternelle – l’époque Messianique. Likouté Si’hoth Vol VII 25 Avancer dans l’Etude « Si vous vous conduisez selon Mes ‘Houkim - Mes statuts – et si vous observez Mes Mitsvoth et vous les exécutez. Je vous donnerai les pluies en leur saison… » (Lévitique 26 – 3,4) Rachi interprète les mots « Si vous vous conduisez selon Mes ‘Houkim : Peinez dans l’étude de la Torah. » Ainsi, Rachi précise que la Torah ne se répète pas en disant « Si vous vous conduisez selon Mes ‘Houkim » et « si vous observez Mes Mitsvoth », car le premier terme se réfère à l’étude de la Torah et le second à la pratique des Mitsvoth. Pourquoi, « Mes ‘Houkim - Mes statuts » n’implique pas simplement l’étude mais aussi l’effort qui y est investi, « Peinez dans l’étude de la Torah » ? Le mot « Mitsvoth » est un terme générique qui s’applique à tous les commandements. Mais il existe aussi des appellations spécifiques qui s’appliquent aux trois catégories de Mitsvoth : Eidoth - témoignages - se réfère aux Mitsvoth qui, comme Chabbath et les Téfilin, servent à témoigner des événements de la Création et de l’Exode. Les Michpatim sont les lois rationnelles qui auraient pu être découvertes par l’homme luimême. La troisième catégorie, les ‘Houkim – statuts – représentent les commandements n’ayant aucune base logique. Ils soulignent entièrement leur caractère Divin. Or, le mot « ‘Houkim » est issu de la même racine que « ‘Hakika » qui veut dire « graver ». Quel est donc le rapport entre les commandements supra rationnels et l’action de graver ? La gravure nécessite plus d’effort que l’écriture. Ainsi, les commandements qui dépassent la logique humaine sont plus durs à appliquer que les autres Mitsvoth. C’est pourquoi lorsque la Torah utilise le terme de « ‘Houkim » pour parler de l’étude comme dans notre verset – il se réfère, en fait, à l’étude faite dans l’effort. « Peinez dans l’étude » implique que nous devons tenter de transcender la pensée rationnelle. Cette dernière idée paraît difficile à comprendre, car le Zohar dit que ce verset appelle l’homme à s’investir dans l’étude de la Torah orale. Or, l’étude de cette partie de la Torah nécessite obligatoirement l’analyse intellectuelle. 26 En fait, ces deux sentiments ne sont pas contradictoires. Car, le labeur dans l’étude – le sentiment d’atteindre l’irrationnel – est la garantie d’une étude fructueuse. L’étude de la Torah doit obligatoirement tendre vers les degrés qui dépassent la pensée de l’homme ; si l’homme ne porte ses efforts que sur des niveaux qui sont à la mesure de ses facultés intellectuelles, ceci ne peut être considéré comme « un labeur », et dans ce cas, sa recherche semble avoir pour but de satisfaire uniquement sa curiosité intellectuelle. C’est « le labeur dans l’étude de la Torah » qui poussera l’homme à tenter de comprendre même des matières qui dépassent ses capacités intellectuelles. D-ieu et la Torah ne font qu’Un. Autant la créature ne peut comprendre son Créateur, autant il est incapable de saisir réellement Sa sagesse. Nos sages affirment que « l’ultime sagesse est de prendre conscience que nous ne te comprenons pas. » Ceci est aussi valable à l’égard de la Torah qui est la Sagesse Divine. Donc, si une personne affirme comprendre totalement la Torah, ceci montre qu’elle ne s’est pas véritablement investie dans son étude ; s’il s’était effectivement fatigué, il aurait admis que la Torah transcende son intellect limité. Notre approche à la Torah doit être dans – Bé’houkotaï – l’effort. Likouté Si’hoth Vol III Les droits du contenu de cette page sont réservés par l'auteur, l'éditeur et/ou Chabad.org. Si vous appréciez cet article, nous vous encourageons à le distribuer à vos connaissances, à condition de respecter le copyright. Judaïsme du Nord Pas-de-Calais 9 Boulevard Jean-Baptiste Lebas Lille, 59000 • France 33-3-20-85-27-37 www.judaismenord.com 27