Magazine Judaïsme Nord Chabbath Behar

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‫ב''ה‬
Magazine Judaïsme Nord
Chabbath Behar-Bé’houkotaï
03/05/2013
23 Iyar 5773
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Table des matières
Editorial ................................................................................................................................................. 4
Le Judaïsme Sonne Toujours Trois Fois !!! ....................................................................................... 4
Il était une Fois ..................................................................................................................................... 6
Question ou Excuse ? ......................................................................................................................... 6
Vie juive.................................................................................................................................................. 7
Introduction au calendrier juif ......................................................................................................... 7
Questions-Réponses ............................................................................................................................. 8
Pourquoi y a-t-il tant d’etoiles et de galaxies? ................................................................................. 8
Récit ...................................................................................................................................................... 10
La parade de Lag Baomer du Baal Chem Tov................................................................................. 10
Pirkei Avot - Chapitre 5...................................................................................................................... 13
Commentaires du Rabbi .................................................................................................................. 13
Ne soyez pas juste! ........................................................................................................................... 15
Paracha................................................................................................................................................. 17
Behar-Be'houkotaï - en bref ............................................................................................................ 17
Capitaliste ou communiste? ............................................................................................................ 18
Le pouvoir de quoi ........................................................................................................................... 20
Vivre la Paracha avec le Rabbi .......................................................................................................... 23
La Veritable Humilite ....................................................................................................................... 23
L’impact du Septieme Jour .............................................................................................................. 24
Le Sens du Yovel ............................................................................................................................... 25
Avancer dans l’Etude ....................................................................................................................... 26
3
Editorial
Le Judaïsme Sonne Toujours Trois Fois !!!
La religion Juive a la particularité d'être un mode de vie où se
rencontrent Matériel et Spirituel. Ainsi la symbiose de ces
deux éléments compose l'harmonie de la création. Sans jamais
quitter la « Terre », le Juif a les moyens de vivre dans le
« Ciel ». Plus encore, c'est précisément au travers du mondain
que l'Homme découvre Hachem. Ainsi, c'est après six jours de
travail qu'il accède au monde du Chabbath, jour central dans
la vie Juive. Ce jour d'élévation spirituelle, d'étude, de prière
et de méditation est aussi, d'autre part, le jour où tous les
plaisirs matériels s'associent pour chanter l'hymne du Chabbath Kodech. Prenons un autre
exemple pour illustrer ce phénomène : à l'époque du Temple, le jour de Kippour, le Cohen
Gadol (Grand Prêtre), qui dirigeait le service du Saint Jour, finissait sa mission en tant que
représentant de tout Israël par une prière dans le Kodech Hakodachim (Saint des Saints). Pour
jouer ce rôle, cet homme devait, c'est certain, avoir de grandes qualités morales et spirituelles,
mais il devait aussi remplir une condition indispensable, celle d'être marié. Ainsi, il pouvait
symboliser la mission que Hachem nous a donnée. Le prêtre n'était ni un ascète, ni un moine,
mais tout simplement un homme de ce monde.
C'est la Torah – Sagesse Divine offerte à l'Homme – qui est l'instrument qui nous permet de
vivre cette réalité tout en harmonie. La fête de Chavouoth commémore le Don de la Torah sur
le Mont Sinaï, la révélation de D-ieu à l'Homme. Tous les détails de cet événement relèvent
du caractère de cette révélation, c'est-à-dire, l'union du plus Haut et du plus Bas.
Ainsi, nous remarquons que les Dix Commandements sont inscrits sur deux tables contenant
chacune cinq injonctions. Le premier groupe comprend les principes fondamentaux de la foi,
les concepts les plus élevés de la pensée Juive. Le second, lui, contient des commandements
simples qui sont le minimum des lois morales et civiques. Le message est clair : la Torah
s'adresse à tous les Hommes, autant à ceux qui baignent dans le monde de l'esprit et des
concepts abstraits qu'à ceux qu'il faut avertir du vol et du meurtre. C'est en reliant ces deux
composants que l'homme poursuit la Révélation et fait en ce monde une résidence pour
Hachem. Le Midrash nous enseigne, dans cet esprit, que le premier mot des Dix
Commandements, « Ano'hi, Je (suis l'E-ternel ton D-ieu) », est en fait d'origine égyptienne.
C'est pourquoi, selon nos sages, la Torah qui est composée de trois parties : Torah, Néviïm et
Kétouvim (Pentateuque, Prophètes et Hagiographes) fut donnée à un peuple composé de trois
familles, celles des Cohen, des Lévy et d’Israël par Moché, le troisième enfant de sa famille et
ceci le troisième mois après la sortie d'Egypte. Le mois de Nissan, premier mois, symbolise
l'unicité absolue, celle qui ne saurait supporter la diversité de la nature et c'est d'ailleurs
pourquoi, cette dernière est mise à l'écart au moment de l'Exode qui laisse uniquement la
place à un scénario miraculeux. lyar, le deuxième mois est celui du voyage difficile,
physiquement et spirituellement, vers le mont Sinaï. C'est aussi la période du Omer. Comme
le chiffre deux, ce mois représente la diversité ou même la scission. Puis, vient se placer le
troisième mois, Sivan, le mois de la Torah, de Moché et du peuple d'Israël. Le chiffre trois
4
représente une troisième dimension, celle de la symbiose du Spirituel et du Matériel. C'est la
naissance du fruit de l'union de D-ieu et de Sa Création.
Rappelons cette phrase d'Oscar Wilde : « Un couple, c’est ne faire plus qu'un ; oui, mais
lequel ? » La conception du Judaïsme est que les deux composantes du couple « D-ieu –
Création » créent une troisième dimension, fruit de cette Union, une Résidence pour D-ieu icibas.
C'est pourquoi le Troisième Beth-Hamikdach bâti par le Machia'h sera éternel car il sera le
Temple de Hachem construit par l'Homme.
Rav Eliahou DAHAN
5
Il était une Fois
Question ou Excuse ?
Un homme, qui s’était éloigné de la tradition, vint,
un jour, interroger Rav ‘Haïm de Brisk :
« Un sujet me préoccupe, » dit-il. « La Torah nous
interdit la consommation du porc. Je comprends la
pertinence de ce commandement à l’époque de la
sortie d’Egypte ; nos ancêtres séjournaient dans le
désert et ce type de viande – qui est déjà fragile –
pouvait être dangereux pour eux. Aujourd’hui, par
contre nous avons des moyens techniques qui nous permettent de garder cette
viande à l’état sain. Pourquoi est-il encore interdit de consommer cette viande ? ! »
Le Rabbin lui dit alors : « Dites-moi franchement, cette question vous est venue à
l’esprit avant ou après avoir consommé du ‘Hazir – porc ? »
« Je reconnais en avoir déjà mangé, » répondit l’homme.
« Alors, je suis désolé, » répliqua le Rabbin. « Je ne peux répondre. Je ne suis
capable de répondre qu’à des questions, pas à des réponses. »
6
Vie juive
Introduction au calendrier juif
Solaire ou Lunaire?
Depuis les temps bibliques, divers phénomènes
astronomiques sont utilisés pour établir des
définitions spécifiquement juives de la journée et de
ses heures, des mois et de l’année.
La longueur des jours et des heures varie selon les
saisons et dépend des horaires respectifs du coucher
du soleil, de la tombée de la nuit, de l’aube et du lever
du soleil. Les mois et les années du calendrier juif
sont déterminés par les cycles de la lune et du soleil.
Bien que les mois suivent le cycle lunaire, les mois
lunaires doivent toujours s’aligner sur les saisons de
l’année, qui dépendent, elles, du soleil. Ainsi, le
calendrier juif est-il « luni-solaire ». Le décalage
entre l’année solaire (de 365 jours) et l’année lunaire
(de 354 jours) est résolu en ajoutant de temps en
temps un treizième mois à l’année, pour former ce
que l’on nomme une « année embolismique ».
Dans les premiers temps de notre histoire, la Haute Cour de Justice (le Sanhédrine) à
Jérusalem avait pour tâche de déterminer le début de chaque mois et l’équilibrage des années
solaires et lunaires. Ils s’appuyaient pour cela sur l’observation directe de la Nouvelle Lune,
sur les données astronomiques et d’autres considérations.
Au quatrième siècle après la destruction du Temple, cependant, lorsque l’oppression et les
persécutions menaçaient l’existence du Sanhédrine, un calendrier fixe fut institué, basé sur
les principes de calcul calendaire du Sanhédrine. C’est le calendrier permanent à partir
duquel les dates des Nouvelles Lunes et des fêtes juives sont calculées et célébrées de nos
jours par les Juifs du monde entier.
Tout comme le système d’origine basé sur l’observation, il est basé sur le principe lunisolaire. Il incorpore également certaines règles par lesquelles les calculs astronomiques
complexes sont combinés avec les exigences religieuses dans un système incroyablement
précis.
Dans les articles qui suivront, nous aborderons les facteurs qui régissent la détermination de
l’heure, du jour, du mois et de l’année juifs.
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7
Questions-Réponses
Pourquoi y a-t-il tant d’étoiles et de galaxies?
Et à quoi peuvent-elles bien servir?
par Yehuda Shurpin
Cher rabbin,
J’ai vu un documentaire fascinant sur l’astronomie qui évoquait le nombre inimaginable
d’étoiles et de galaxies.
Quelle est l’optique juive de cela ? Pourquoi D.ieu a-t-il créé tant de galaxies ? Quel est le
but de leur existence ?
Réponse :
La création des étoiles est rapportée dans un
verset de la Genèse (1, 16) à la formulation
singulière : « Et D.ieu fit les deux grands
luminaires : le grand luminaire pour régner
sur le jour et le petit luminaire pour régner sur
la nuit, et les étoiles. »
Le Talmud relève une apparente contradiction
dans ce verset. Il nous est d’abord dit que
D.ieu a créé « deux grands luminaires », puis,
à la fin de ce même verset, il est dit que D.ieu a
créé « le grand luminaire est le petit
luminaire ». S’agissait-il donc de deux grands
luminaires, ou d’un grand et d’un petit
luminaire ?
Le Talmud explique que les deux luminaires étaient grands à l’origine, mais la Lune se
plaignit à D.ieu en ces termes : « Maître du Monde ! Deux rois peuvent-ils porter la même
couronne ? » Ce à quoi D.ieu répondit : « Va et diminue-toi ! »1
Pour consoler la Lune de sa diminution, D.ieu multiplia le nombre de ses « légions », qui sont
les étoiles qui constituent l’entourage de la Lune. Lorsque la Lune se lève, elles
l’accompagnent, et, lorsqu’elle se couche, elles disparaissent avec elle.2
Quoi qu’il en soit, la question demeure : à part « tenir compagnie à la Lune », quel rôle jouent
donc les si nombreuses étoiles et galaxies ?3 Quelques centaines d’entre elles n’auraient-elles
pas été suffisantes ? Et en quoi bénéficient-elles à notre monde ?
Nos Sages enseignent qu’il n’existe pas ne serait-ce qu’un brin de blé qui n’ait pas un
« mazal » dans le ciel qui lui ordonne de grandir.4 « Mazal » désigne un système de forces
spirituelles qui véhiculent la force créatrice de D.ieu jusque dans le monde.
8
Nous pouvons comprendre le concept de mazal ainsi : D.ieu souhaita créer un monde
physique et terrestre dans lequel la Divinité ne serait pas apparente ; un monde dans lequel
les êtres humains seraient dotés du libre arbitre ; un monde dans lequel nous choisirions le
Divin, non pas parce que nous serions écrasés par Sa grande lumière, mais parce que tel
serait notre choix.
Pour accomplir cela, D.ieu dissimula Son pouvoir créateur à l’intérieur du monde.
Ainsi, lorsque arrive le temps pour un petit brin d’herbe, par exemple, de recevoir sa
« nourriture » spirituelle – c’est-à-dire la force vitale divine qui le maintient en existence –,
D.ieu achemine sa vitalité à travers toute une chaîne d’êtres dont les attributs spirituels
diminuent progressivement d’intensité, un peu comme des tuyaux de canalisations qui
véhiculent l’eau issue d’un réservoir. Ces tuyaux qui acheminent l’énergie divine n’ont pas de
libre arbitre et n’ont donc pas d’autre choix que de remplir leur fonction qui est d’acheminer
l’énergie.
La force créatrice est successivement filtrée par toute une hiérarchie d’anges, jusqu’aux plus
bas des anges qui sont chacun en charge d’une étoile ou d’une constellation donnée. Elle est
ensuite encore filtrée de manière à pouvoir pénétrer dans le monde physique en passant à
travers l’énergie vitale spirituelle de chaque étoile (qui est « l’âme » de cette étoile).
Lorsqu’elle finit par arriver dans le brin d’herbe, la lumière divine est complètement
dissimulée.5
Comme le proclame le prophète à propos des étoiles et des corps célestes (Isaïe 40,26) :
« Levez le regard vers les hauteurs et voyez qui les a créés, qui fait sortir leur armée par leur
nombre ; tous, Il les appelle par leur nom ; et telles sont Sa puissance et Son autorité
souveraine que pas un ne fait défaut. »
Chaque étoile a son propre nom par lequel D.ieu l’appelle. Ce nom correspond à la force
divine particulière qui est véhiculée par cette étoile à l’intérieur de notre monde.6
Peut-être est-ce pour cette raison qu’il y a d’innombrables étoiles dans notre univers.
Le Rav Yehuda Shurpin répond (en anglais) à des questions dans le cadre du service de
Question au Rabbin de Chabad.org
NOTES
1.
Talmud, ‘Houline 60b.
2.
Midrache Rabbah Béréchit 6:4, cité dans Rachi sur Genèse 1,16.
3.
Dans le texte de la Torah, le vocable générique “étoiles” englobe tous les corps célestes, y compris les
planètes, les comètes et les astéroïdes.
4.
Midrache Rabbah, Béréchit 10:6.
5.
Zohar, vol. 2, 171b-172a ; Derekh Mitsvotekha, Mitsvah de Milah ; Sefer Maamarim 5689 p. 154.
6.
Le Tsema’h Tsédek dans Ohr HaTorah, Chémot 33 ; Le Rabbi de Loubavitch dans Likoutei Si’hot
vol. 6, p.7 ; voir également le commentaire du Radak sur Isaïe 40,26.
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Récit
La parade de Lag Baomer du Baal Chem Tov
Echec aux cosaques
par Yerachmiel Tilles
Deux semaines avant Roch Hachana en 1734, le
jour de son 36ème anniversaire, Rabbi Israël
Baal Chem Tov, se révéla comme une personne
extraordinairement sainte et comme leader du
mouvement hassidique naissant. Avant cela, il
veillait à dissimuler aux yeux du public ses qualités spéciales. Il s’habillait, parlait et se
comportait comme tous les autres Juifs pauvres simples et incultes d’Ukraine. Pour subvenir
à ses besoins, il travaillait comme un ouvrier ordinaire. Ses intenses prières, sa méditation et
sa profonde étude de la Torah étaient toutes réalisées dans le plus grand secret. En parlant
avec d’autres Juifs, il lui arrivait souvent de les encourager avec des enseignements et des
histoires du Midrache et du Talmud qui soulignaient la valeur de servir D.ieu simplement,
mais de tout son cœur. Il s’efforçait de nourrir en eux l’amour de D.ieu, de la Torah et de tout
le peuple juif. Mais quand il le faisait, c’était toujours dans le langage des gens du commun.
Personne ne le soupçonnait d’être plus que ce qu’il paraissait être. Seule sa femme
connaissait ses capacités.
Parfois, il arrivait qu’il fût forcé d’utiliser ses pouvoirs extraordinaires pour sauver des Juifs
en détresse, ou même des communautés entières. Chaque fois que c’était le cas, dès que le
danger était écarté, il partait immédiatement pour un endroit lointain où personne ne le
connaissait. L’un de ces événements eut lieu à Lag BaOmer.
À cette époque, les communautés juives d’Europe de l’Est étaient souvent l’objet d’attaques
par des hordes de violents cosaques et d’autres antisémites sauvages du même acabit. Ils
battaient les hommes juifs, parfois à mort, ils violaient les femmes et pillaient ou détruisaient
tous les biens juifs sur lesquels ils pouvaient mettre la main. Une fois, la ville où le Baal Chem
Tov vivait eut vent qu’une bande de ces maraudeurs se dirigeait dans leur direction.
L’ensemble de la communauté juive décida d’abandonner ses maisons et de se cacher dans
les collines pendant quelques jours, jusqu’à ce que les cosaques se calment et s’en aillent. Le
Baal Chem Tov les accompagna. Les gens se réfugièrent dans les nombreuses grottes qui
parsemaient les hauteurs accidentées.
De leur point d’observation, les Juifs pouvaient voir que la horde cosaque était arrivée en
ville. Ne trouvant pas de Juifs à agresser physiquement, ils déversèrent leur colère et leur
frustration sur leurs biens. Ils ouvrirent l’entrepôt de vin, burent jusqu’à sombrer dans une
ivresse folle, brisèrent le reste des tonneaux et mirent le feu au bâtiment. Les Juifs
tremblaient tous de peur à l’idée que les cruels cosaques décident d’inspecter les collines et
découvrent leurs cachettes.
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Quelques jours passèrent. Les envahisseurs avaient empilé des tas de butin pillé dans les
maisons et les magasins juifs. Les Juifs craignaient encore d’être découverts. Quelle ne fut
pas leur surprise de voir que le simple Yisroelik (surnom d’Israël, le nom du Baal Chem Tov)
rassemblait de leurs enfants en groupes à l’extérieur de la grotte, en plein jour !
Ils protestèrent vivement, ce à quoi le Baal Chem Tov répondit que c’était le saint jour de Lag
BaOmer, un jour où l’on sort dans les champs pour célébrer joyeusement le jour de Rabbi
Chimone bar Yo’haï. Il leur assura que non seulement ils ne seraient pas en danger, mais que
le mérite de leur observance de Lag BaOmer contribuerait à protéger et à sauver l’ensemble
de la communauté.
Son enthousiasme et sa conviction finirent par avoir raison de l’inquiétude des parents et
ceux-ci donnèrent leur permission. Le Baal Chem Tov passa de caverne en caverne et
rassembla pratiquement tous les enfants.
Alors que la plupart des adultes ruminaient encore cette surprenante tournure des
événements, le Baal Chem Tov organisa une mini-parade. Les enfants défilèrent en chantant
joyeusement derrière leur nouveau chef charismatique. Au début, ils avaient un peu peur et
chantaient seulement à voix basse, mais en peu de temps, leur crainte s’évanouit à mesure
qu’ils élevaient leurs voix en chantant les joyeux airs traditionnels en l’honneur de Rabbi
Chimone bar Yo’haï.
Les parents regardaient leurs enfants avec une affection nerveuse, mais leur attention fut
rapidement captée par le Baal Chem Tov. C’était comme s’ils ne l’avaient jamais vu
auparavant. Son visage rayonnait de ravissement quand il chantait et tous ses mouvements
reflétaient l’extase du Divin alors qu’il dansait avec le cercle des enfants. Le simple Yisroelik
qu’ils connaissaient s’était transformé à leurs yeux en le plus saint des hommes. Sa voix
s’associait à celles des enfants innocents et purs pour produire un chant qui semblait aussi
sublime que celui des anges dans le ciel.
Le défilé et les chants se poursuivirent longtemps. Ensuite, le Baal Chem Tov conduisit les
enfants à un petit plateau, les fit s’asseoir dans l’herbe et leur distribua à tous des goûters
qu’il avait amenés avec lui. Il fit en sorte que chaque enfant prononce haut et fort la bonne
bénédiction pour la nourriture qu’il recevait. Puis, après qu’ils eurent mangé, il leur raconta
de fascinantes histoires du Talmud et du Midrach sur Rabbi Chimone bar Yo’haï et sur Rabbi
Akiva. Les enfants écoutèrent attentivement et ressentirent le puissant amour que le Baal
Chem Tov avait pour chacun d’eux, y répondant avec une grande affection.
Les parents et les autres adultes du village demeuraient très inquiets. Comment Yisroelik
pouvait-il rester si longtemps à découvert avec leurs enfants ? Leurs regards apeurés
passaient rapidement de la fureur et de la fumée qui s’élevaient du village en dessous aux
rangées d’enfants assis en face du Baal Chem Tov. Ils murmuraient des prières pour que tout
se termine bien et que tous soient en sécurité.
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Soudain, ils virent le gang de cosaques décamper du village et se disperser dans toutes les
directions, courant de toutes leurs forces. Ils partirent si brusquement qu’ils n’emportèrent
rien avec eux, abandonnant leur immense butin. Au début, les Juifs craignirent que les
envahisseurs se fussent de nouveau mis à leur recherche, mais la rapidité avec laquelle
l’ennemi avait disparu du voisinage eut tôt fait de calmer leur peur. Peu de temps après, tous
les Juifs étaient revenus dans leur village. Le danger était passé !
Ils purent bientôt éclaircir ce qui s’était passé. On ne sait comment, les vandales avaient
découvert – ou cru qu’ils avaient découvert – qu’une troupe de soldats gouvernementaux
s’approchait rapidement du village. Saisis d’effroi, ils avaient pris leurs jambes à leur cou,
abandonnant tout ce qui pouvait ralentir leur fuite.
Les Juifs s’en retournèrent joyeusement dans leurs foyers, émerveillés par le miracle dont ils
avaient bénéficié. Ils ne doutaient pas que le miracle avait eu lieu par le mérite de la
célébration joyeuse par leurs enfants de Lag BaOmer, le jour de joie du grand sage Rabbi
Chimone bar Yo’haï, avec le saint mystique jusqu’ici caché, le Baal Chem Tov... qui s’était déjà
éclipsé pour s’installer dans un autre village.
Adapté de Si'hat HaShavoua n ° 176.
Copyright 2003 par KabbalaOnline.org. Tous droits réservés, y compris le droit de reproduire
cette œuvre ou des parties de celle-ci, sous n’importe quelle forme, sauf avec la permission
écrite de Kabbala Online.
Yerachmiel Tilles est le cofondateur de Ascent-of-Safed et en fut le directeur éducatif pendant 18 ans.
Il est le créateur de www.ascentofsafed.com et de www.kabbalaonline.org, et dirige actuellement ces
deux sites. Il est également un conteur réputé, un éditorialiste dans de nombreuses publications
'hassidiques et un des rabbins de AskMoses.com.
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Pirkei Avot - Chapitre 5
Commentaires du Rabbi
Le monde fut créé par Dix Paroles. La Torah a voulu nous enseigner par-là que
bien que tout aurait pu être créé par une seule parole divine, l’Eternel voulut
prononcer dix paroles...
(Chapitre 5:1)
Pourtant, si le monde avait été créé par une seule parole, la nature de la Création aurait été
fondamentalement différente. Cette expression aurait effectivement créé un monde matériel,
mais celui-ci n’aurait pas pu laisser apparaître les différentes identités des créatures. Car
toutes les créatures n’auraient été, alors, qu’un reflet d’une unique parole primordiale qui ne
serait que l’expression de l’unicité du Créateur.
En créant le monde en dix paroles, D.ieu permit à chaque créature d’assumer une identité qui
lui est propre. Ces dix paroles traduisent les différentes facettes des dix Séfirot, laissant la
place aux éventuelles combinaisons multiples de la Création. Ainsi, c’est un monde capable
de voiler Son propre Créateur qui vit le jour.
Cependant, l’homme a le moyen – grâce à la Torah qui fut aussi donnée en Dix Paroles – de
révéler que D.ieu est Un dans sa Création, pas seulement dans une perspective de
transcendance – « une parole » –, mais aussi dans les dimensions de l’immanence – « dix
paroles ».
Sefer HaSi’hot 5740
13
Il y eut dix générations d’Adam à Noé. Ceci pour nous indiquer combien D.ieu
est indulgent. Car toutes ces générations avaient excité la colère de D.ieu
jusqu’au moment où Il leur envoya le déluge.
Il y a eu dix générations de Noé à Abraham. Ceci pour nous indiquer combien
D.ieu est indulgent. Car toutes ces générations avaient excité la colère de D.ieu
jusqu’au moment où apparut Abraham notre père, et il reçut la récompense
réservée aux autres.
(Chapitre 5:2)
La Michna ne dit pas que Noé reçut la récompense qui était réservée aux générations l’ayant
précédé alors qu’Abraham en profita. Ceci pour deux raisons :
Les hommes qui précédèrent Noé n’avaient aucune qualité, ils vivaient dans le conflit et la
discorde. Ils n’avaient donc aucun mérite et cela causa le déluge. Par contre, ceux qui ont
précédé Abraham, malgré leur mauvaise conduite (« ils avaient excité la colère de D.ieu »)
avaient au moins la vertu d’être unis et de s’entendre. C’est pourquoi une récompense leur fut
initialement réservée et c’est Abraham qui en bénéficia.
Noé ne cherchait pas à influencer ses contemporains. Abraham s’employa en revanche à
transmettre à l’humanité entière le message du monothéisme. Étant donc tourné vers les
autres, il mérita la récompense qui leur était réservée.
Extrait de Likoutei Si’hot vol. 3
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Ne soyez pas juste!
Maximes des Pères 5:10
par Yanki Tauber
Le livre de la Genèse (dans les chapitres 13-14 et 1819) nous parle de la ville corrompue de Sodome.
Nous y lisons d’abord que Lot, le neveu d’Abraham,
s’installe à Sodome bien que ses habitants fussent «
très mauvais et pêcheurs aux yeux de D.ieu ».
Sodome est dévastée par les armées de Kedorlaomer,
Lot est fait captif et Abraham vient à son secours.
Nous voyons ensuite comment Abraham supplie
D.ieu d’épargner la cité corrompue eu égard au
mérite des personnes vertueuses qui pourraient s’y
trouver ; il s’avère cependant que l’on ne peut y
trouver ne serait-ce que dix justes. Deux anges, sous
l’apparence d’être humains, se rendent dans la ville,
mais seul Lot leur offre l’hospitalité. Il les sauve de
l’agression de la populace Sodomite et eux, en retour, le sauvent lui et ses deux filles avant de
détruire la ville.
Quels étaient les péchés de Sodome ? En français, le nom de la ville est synonyme de
perversion sexuelle. Ceci provient du récit de la Torah qui décrit la foule encerclant la maison
de Lot exigeant qu’il leur livre ses invités « pour que nous puissions les violer ». Toutefois, les
sources de la tradition juive – le Talmud, les Midrachim et les Commentaires – ont une
approche différente de l’histoire de Sodome. Elles ne mettent pas l’accent sur les fautes
sexuelles des habitants de Sodome, mais sur leur manque d’hospitalité et leur opposition
viscérale à l’idée que quiconque ose partager une partie des richesses de la ville avec des
étrangers.
Dans les mots du Talmud1 : « Les gens de Sodome étaient corrompus seulement à cause du
bien que D.ieu leur avait prodigué... Ils disaient : Comme il sort de notre terre du pain et des
pépites d’or, pourquoi devrions-nous souffrir des voyageurs qui viennent chez nous
uniquement pour épuiser notre richesse ? Abolissons-donc la pratique de loger les voyageurs
dans notre pays... »
Ils avaient même trouvé un moyen d’être charitables, tout en s’assurant qu’aucun étranger ne
bénéficierait de leur charité : « S’il arrivait qu’un pauvre y passât, chaque résident lui donnait
un dinar, sur lequel il écrivait son nom, mais on ne lui vendait pas de pain. Quand il
mourrait, chacun venait et reprenait son dinar. » Ils allèrent jusqu’à décréter : « Celui qui
donne un morceau de pain à un pauvre ou à un étranger sera brûlé sur le bûcher. »
15
L’histoire de Sodome apparaît dans la Torah dans le contexte général de la vie d’Abraham. De
fait, Sodome est l’antithèse d’Abraham, représenté par la Torah comme la personnification
même du ‘hessed (la bonté). Abraham donne de lui-même, matériellement (en offrant
l’hospitalité aux voyageurs) et spirituellement (en partageant les vérités qu’il avait
découvertes, en priant pour Sodome), alors que le sodomite est déterminé à garder pour luimême ce qui est sien.
Ce qui est notable à propos des gens de Sodome, c’est qu’ils ne sont pas des voleurs (comme
le fut la génération du déluge). Même quand ils privent un intrus de ses biens, ils prennent
soin de le faire d’une manière « légale ». En fait, leur philosophie de base semble assez
bénigne. Dans les paroles des Maximes des Pères :
Celui qui dit : « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi », c’est l’attitude de
Sodome.
Quoi de plus juste ? Certes, les gens de Sodome ont poussé cela à de très cruels extrêmes,
mais toute personne qui déclare : « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi » estelle pour autant un Sodomite ? Tout ce qu’elle dit est : « Je ne vais pas toucher à ce qui est à
vous, mais n’attendez pas de moi que je vous donne quoi que soit. »
Pour le Juif, une telle justice est l’essence même du mal.
Yanki Tauber est l'un des principaux rédacteurs de Chabad.org
NOTES
1.
Sanhédrine 109a.
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16
Paracha
Behar-Be'houkotaï - en bref
Lévitique 25, 1 - 27, 34
Sur le Mont Sinaï, D.ieu donne à Moïse les lois relatives à
l’année sabbatique. Tous les sept ans, tous les travaux
agricoles devront cesser dans le pays et les produits
spontanés de la terre seront laissés à la libre disposition des
hommes et des animaux.
La promesse est donnée que la récolte de la sixième année
produira l’équivalent des trois récoltes et subviendra ainsi aux
besoins de trois années : la sixième, la septième et la
huitième.
Sept de ces cycles sabbatiques aboutissent à la cinquantième
année : l’année du Jubilé durant laquelle on ne travaille pas
non plus la terre, ceux d’entre le peuple qui se seraient vendus comme esclaves sont libérés et
toutes les propriétés foncières ancestrales reviennent à leur propriétaire d'origine.
La paracha de Behar contient d'autres commandements relatifs à la propriété foncière et les
interdits concernant l'escroquerie et l’usure.
D.ieu promet aux enfants d’Israël que s'ils veillent au respect de Ses Commandements, ils
connaîtront la prospérité matérielle et demeureront en sécurité dans leur pays. Mais Il
exprime aussi une mise en garde : l’exil, la persécution et d’autres plaies les frapperaient s'ils
abandonnaient leur alliance avec Lui.
Mais cependant, « Même alors, quand ils se retrouveront relégués au pays de leurs ennemis,
Je ne les aurais point dédaignés, ni repoussés au point de les anéantir ; car Je suis l’E-ternel,
leur D.ieu . Et Je me rappellerai en leur faveur le pacte des aïeux. »
La paracha se poursuit par l’énoncé des règles de calcul du montant financier de certaines
offrandes votives comme, par exemple, lorsque l'on consacre la valeur d'un terrain à D.ieu.
Bé’houkotaï conclut le troisième livre de la Torah, Vayikra, le Lévitique.
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Capitaliste ou communiste?
par Yossy Goldman
Karl Marx en a peut-être été le pionnier, mais
beaucoup d’autres Juifs furent également impliqués
dans la lutte pour le communisme, en particulier au
tout début de la révolution russe. Personnellement, je
ne pense pas que nous ayons des excuses à présenter
pour cela. Ayant amèrement souffert sous des
régimes oppresseurs successifs, bon nombre de ces
militants politiques pensaient vraiment que le
communisme serait mieux pour le peuple de la
corruption tsariste. Leur idéalisme entretint l’espoir
d’une vie meilleure et d’un avenir plus équitable pour
tous. Sur le papier, le communisme était une bonne
idée. Le fait qu’il échoua – et que l’oppression des
nouveaux dirigeants surpassa celle de leurs
prédécesseurs – reflète les personnalités impliquées
autant que le système qu’elles promurent.
Quel est le système économique du judaïsme ? En
existe-t-il un ? Je le décrirais comme « un capitalisme avec une conscience ». En prônant la
libre entreprise, la Torah est clairement capitaliste. Mais c’est un capitalisme conditionnel, et
certainement un capitalisme compatissant.
Winston Churchill a dit : « Le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale
des richesses. Le vice inhérent au communisme consiste en une égale répartition de la
misère. » Le judaïsme a quant à lui introduit un système de marché ouvert dans lequel le
partage des bénédictions n’a pas été laissé au hasard et n’est pas demeuré un vœu pieux, mais
a été rendu obligatoire. Notre paracha nous en donne un exemple classique.
La Chemita, l’année sabbatique, a pour objet de permettre à la terre de se reposer et de se
régénérer. Six ans durant, la terre était travaillée, mais la septième année, elle reposait et
restait en jachère. Le cycle agricole en Terre Sainte imposait au propriétaire du terrain des
règles et des règlements stricts. Aucune plantation, aucun élagage, aucun travail agricole la
septième année, et tout ce qui poussait de soi-même était « sans propriétaire » et à la
disposition de tous. Le propriétaire pouvait en prendre, mais ses employés, ses amis et ses
voisins le pouvaient aussi. Dans sa propre terre, le propriétaire n’avait, la septième année, pas
plus de droits qu’un étranger.
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Ce n’est là qu’un des nombreux exemples du « capitalisme avec une conscience » du
judaïsme. Celui-ci contient beaucoup d’autres obligations imposées par la loi en faveur des
pauvres. Pas des contributions facultatives, pas même des recommandations pieuses, mais
d’explicites cotisations obligatoires au bénéfice des plus démunis. Les dîmes ainsi que
l’obligation de laisser aux pauvres les coins non moissonnés de son champ, le glanage, et les
gerbes oubliées font tous partie du système du capitalisme compatissant.
Le judaïsme présente ainsi un système économique qui offre le meilleur des deux mondes :
les avantages d’un marché libre et sans entraves permettant l’expression personnelle et la
prospérité engendrée par un travail dur, sans les inconvénients de la cupidité de la finance. Si
la terre appartient à D.ieu, alors nous n’en avons pas la propriété exclusive. D.ieu nous
accorde Ses bénédictions, mais, de toute évidence, le deal est que nous devons les partager.
Sans la loi de la Torah, le capitalisme échoue. L’ambition effrénée et la soif d’argent et de
pouvoir mènent à des monopoles et des conglomérats qui ne laissent pas de place pour autrui
et creusent le fossé entre les nantis et les démunis. L’année sabbatique est l’un des nombreux
mécanismes qui permettent à notre capitalisme de demeurer cachère et humain.
Certaines personnes sont trop « business-like ». Chez elles, tout est mesuré et exact. Les
affaires sont les affaires. Si elles vous ont invité pour le Chabbat, elles ne répèteront pas
l’invitation jusqu’à ce que vous les ayez invitées à votre tour. Si vous avez donné à leur fils
50 $ pour sa Bar Mitsva, c’est exactement ce que le vôtre recevra de leur part. Nous devrions
être plus doux que cela, plus souples, pas si durs, si rigides et si « business-like ». Soyez
capitaliste, mais un capitaliste cachère. Ce qu’une personne « vaut » financièrement devrait
être sans rapport avec le respect que vous lui accordez. Conservez les caractéristiques juives
traditionnelles que sont la bonté, la compassion, la tsédaka et le ‘hessed : la générosité
d’esprit, de cœur... et de poche.
Puissiez-vous gagner beaucoup d’argent et encourager D.ieu à continuer à vous prodiguer Ses
bénédictions en abondance en les partageant généreusement avec les autres.
Rav Yossy Goldman est né à Brooklyn, New York au sein de la communauté Loubavitch. En 1976, il
fut envoyé par le Rabbi de Loubavitch en tant que Chalia'h (émissaire) pour être au service de la
communauté juive de Johannesburg en Afrique du Sud. Il est le rabbin de la Sydenham Highlands
North Shul depuis 1986 et le président de l'Association Rabbinique Sud-Africaine.
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Le pouvoir de quoi
Quand la réponse est dans la question
par Lazer Gurkow
Les fermiers de la terre d’Israël reçoivent de la Torah
l’instruction de travailler leur terre pendant six ans et
de la laisser en jachère, au repos, la septième. Mais
quand toutes les terres d’un pays sont laissées en
jachère une année entière, la nation ne court-elle pas le
risque de se trouver en situation de famine ?
Dans les versets suivants, la Torah évoque ce
problème : « Et si tu dis : ‘qu’allons-nous manger la
septième année ?’... J'ordonnerai ma bénédiction sur la
sixième année et elle donnera une récolte suffisante
pour une période de trois ans. »
Quand la Torah propose une réponse, elle nous laisse
d’ordinaire déduire nous-mêmes la question sousjacente. Dans ce cas précis, la Torah choisit de poser la
question. Y a-t-il donc quelque chose d’unique à
relever dans cette interrogation particulière ?
Moralité sociétale ou moralité divine ?
La société en général vit selon un code moral. Les gouvernements édictent des lois contre les
actes immoraux, comme le meurtre ou le vol, et encouragent un comportement éthique,
comme la charité ou la pudeur. Si vous demandez : « pourquoi le meurtre est-il interdit », la
réponse légale sera probablement : « parce que prendre la vie d’autrui est tout simplement
commettre le mal ».
Si vous persistez et insistez « mais pourquoi est-ce mal ? », la réponse sera probablement « si
vous ne le sentez pas intuitivement, alors rien ne sert d’essayer de vous l’expliquer ».
Et c’est vraiment là une réponse correcte. Le meurtre est un acte vil parce que la société sent
intuitivement la nature immorale de cet acte.
Cependant, la conception juive ressent que l’autorité morale va plus loin que le simple
consentement d’un peuple.
Si vous recherchez dans la Torah pourquoi le meurtre est mauvais, il est probable que vous
trouverez pour réponse à votre question : « C’est l’un des Dix Commandements ! ». Si vous
insistez et voulez savoir pourquoi est-ce l’un des Dix Commandements, il est probable qu’il
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vous sera répondu : « Pensez-vous pouvoir chercher à expliquer les raisons de D.ieu et les
comprendre ? »
Bien sûr, le Juif sent lui aussi intuitivement que le meurtre est un acte immoral. Mais pour
lui, c’est plus qu’une simple intuition. Si D.ieu a ordonné cette interdiction en tant
commandement divin, c’est qu’elle doit être immorale pour des raisons qui dépassent
l’intuition humaine.
Au-delà de la raison de l’homme
Pourquoi un Juif croit-il que les commandements divins dépassent l’intuition des hommes ?
Les Mitsvot peuvent se diviser en deux grandes catégories : a) les commandements éthiques
que l’on comprend facilement, comme l’interdiction de voler et b) les décrets inexplicables
qui défient la compréhension humaine, comme la Mitsva de la Vache Rousse.
Ces deux types de commandements sont en symbiose, chacun affectant notre perspective sur
l’autre. Les commandements éthiques montrent qu’il est possible d’atteindre un semblant de
compréhension des commandements de D.ieu. Les décrets démontrent qu’en dernière
analyse, la sagesse de D.ieu dépasse la nôtre.
Si nous n’avions reçu que les décrets incompréhensibles, notre manque de compréhension
totale nous aurait éloignés de la pratique des Mitsvot. Nous ne pourrions pas les intérioriser
et serions alors empêchés de développer une affinité avec elles, de les accomplir avec
enthousiasme.
D’un autre côté, seuls les commandements de portée morale nous avaient été donnés, nous
imaginerions que toute la Divinité est accessible à la compréhension humaine. Nous
abandonnerions naturellement toutes les notions qui appartiennent au domaine de la foi et
dépassent notre entendement.
Les décrets incompréhensibles enseignent au Juif à considérer les Mitsvot compréhensibles
elles-mêmes à travers le prisme de la sagesse divine, à reconnaître que les commandements
éthiques, comme l’interdiction du meurtre, ont une dimension qui va au-delà de notre
connaissance ou de notre sensation intuitive.
Deux questions, un mot
C’est là le sens de la question posée par le fils sage (qui nous est présenté dans la Haggada de
Pessa’h) : « Que ('mah') sont les... décrets et les préceptes que l’Éternel notre D.ieu vous a
commandés ? ». Le fils sage comprend que même les « préceptes » aisément
compréhensibles ont une dimension qui défie la logique humaine et il cherche ainsi à
comprendre le sens véritable de toutes les catégories de Mitsvot, non seulement celui des
« décrets » mais également celui des « préceptes ».
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Revenons à la question posée par notre verset, « Et si tu dis: ('Mah') ‘Qu’allons-nous manger
la septième année ? ». La seule autre occasion où la Torah introduit ainsi une question se
rencontre lors de l’apparition des quatre fils de la Haggadah. Il est donc vraisemblable
d’affirmer que c’est aussi la question que pose l’un d’entre eux. Lequel ?
Cette question n’est citée dans la Torah qu’après qu’ont été soulignées les lois de l’année
chabbatique. Nous en déduisons donc que cette question doit être posée par le fils sage qui a
étudié le sujet dans son ensemble, mais qui reste avec une question.
Ces questions sont posées à deux reprises dans la Torah. « Quel est le sens… » et « Que
mangerons-nous ? ». Bien que ces questions ne semblent avoir aucun lien, un mot les unit. Le
pronom interrogatif hébraïque mah, « quoi, que, quel ».
Le sens de « quoi »
Le Peuple Juif a l’habitude de ce mot. Nous demandons toujours : Quelle est la raison ? Quel
est le sens ? Comme le fils sage, nous posons cette question sur tous les Commandements et à
toutes les occasions, même lorsque nous sommes supposés comprendre. Nous réalisons, en
dernier ressort, que notre compréhension n'appréhende pas le processus de la pensée divine.
Quoi n’est pas seulement une question : c’est également une réponse. Parce que finalement,
la question peut rester posée et rester sans réponse. Nous demandons à D.ieu Ses véritables
raisons, Ses explications, mais nous n’exigeons pas toutes Ses réponses. Nous sondons les
secrets dans les limites de l’esprit humain, mais le reste est humblement laissé à D.ieu.
Le mot quoi est donc l'expression d'une profonde humilité. Nous le demandons, non par
agressivité, mais dans l’acceptation. Nous le demandons non par arrogance, mais dans la
soumission. Nous le demandons non dans la confusion, mais dans une foi sereine.
Nous savons que les mots « Que mangerons-nous la septième année ? » ne sont pas tant une
question que l’affirmation d’un fait. Nous ignorons ce que nous mangerons, mais nous avons
confiance que nous mangerons. (Il est intéressant de relever que la Haggadah utilise le
même verbe « dire » que dans notre verset: « Le fils Sage que dit-il ? » et non « que
demande-t-il »)
La Torah nous assure que D.ieu ne nous ignorera pas si nous abordons cette Mitsvah avec
l’humilité prescrite par le mot mah, « quoi ». « Il donnera Sa bénédiction sur la sixième
année et celle-ci produira une récolte suffisante pour toutes les trois années. »
Le Rav Lazer Gurkov est le guide spirituel de la communauté Beth Tefilah de la ville de
London, Ontario au Canada. Conférencier émérite, il a disserté sur de nombreux sujets du
Judaïsme et ses articles ont paru dans de nombreuses publications. Pour en savoir plus sur
le Rav Gurkov et ses écrits, rendez-vous sur InnerStream.ca (en anglais).
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Vivre la Paracha avec le Rabbi
La Véritable Humilité
« D-ieu parla à Moché – Béhar Sinaï – au Mont Sinaï… »
(Lévitique 25 – 1)
C’est par ces mots que débute notre Paracha. Il est intéressant de remarquer que nous
nommons notre Paracha « Béhar » sans faire référence au mot « Sinaï ». Or, nos sages nous
indiquent que la Torah fut donnée sur la Montagne du Sinaï, car « elle est la plus petite des
montagnes. »
Un double enseignement en découle. Elle fut choisie pour sa petite taille, symbolisant ainsi
l’importance de l’humilité ; d’autre part, il s’agit ici d’une montagne. Ceci implique qu’en
dépit de l’importance de l’humilité, une personne ne doit pas permettre qu’une modestie
vécue outre mesure le transforme en paillasse piétinée par tous. L’humilité doit être
accompagnée d’une certaine mesure d’amour-propre et d’autoritarisme, sans quoi l’homme
ne pourrait affronter les épreuves spirituelles et les différents défis que présente la vie.
C’est à ces enseignements que font allusion les mots « Béhar Sinaï ». Béhar – la hauteur et
l’assurance ; Sinaï – l’humilité. Il semble primordial de mettre l’accent sur « Sinaï » car la
modestie est fondamentale. Tandis que « Béhar » n’est, a priori, que secondaire, puisqu’il ne
sert qu’à assurer que la modestie ne soit pas vécue de façon extrême. Pourquoi, avons-nous,
alors, la coutume de nommer la Paracha « Béhar » sans rappeler l’essentiel, « Sinaï » ?
En fait, la véritable humilité résulte d’une prise de conscience de la Grandeur de D-ieu ; un
homme devient modeste et insignifiant à ses yeux lorsqu’il se rend compte que D-ieu est la
source et l’essence de tout être.
L’ultime humilité n’est atteinte que lorsque l’individu ne perçoit même plus qu’il est annulé ;
car s’il le ressent encore, cela implique qu’il existe. L’individu atteint une réelle annulation de
soi seulement quand il ne ressent plus rien, hormis la Présence de la Divinité.
A ce stade d’altruisme, l’homme ne ressent plus de contradictions entre les sentiments
d’humilité et ceux d’estime personnelle, car ce n’est pas lui-même qu’il estime, mais D-ieu qui
l’habite.
Nos sages affirment, d’ailleurs : « Le serviteur du Roi lui-même est un Roi. » Il est clair que
cela ne permet pas au serviteur d’être vaniteux, puisque son statut privilégié nous renvoie
constamment à la personnalité du Roi.
C’est pourquoi la Paracha se suffit du mot « Béhar ». L’indicateur qui témoigne que la
modestie a atteint son point culminant est lorsque l’homme est capable de se sentir aussi fort
et élevé qu’une montagne sans pour autant exprimer quelque arrogance, car il est conscient
qu’il tient sa grandeur de D-ieu Seul.
Likouté Si’hoth Vol XXII
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L’impact du Septième Jour
« Lorsque vous arriverez au pays que je vous donne, la terre doit jouir d’une
période de repos, d’un Chabbath pour D-ieu. »
(Lévitique 25 – 2)
Dans la Paracha de cette semaine, D-ieu indique au peuple Juif que lorsqu’il s’installera sur la
terre d’Israël, il devra travailler la terre pendant six ans, et la septième sera consacrée
Chemita, une année de repos.
En lisant les premiers versets de la Paracha, nous remarquons que la Torah n’expose pas les
années dans l’ordre chronologique. Elle nous expose l’année du repos avant même de nous
parler des six années de travail qui la précèdent.
Cette inversion est révélatrice. Elle nous indique l’impact apporté par la septième année. En
fait, l’année de Chemita est la source de vitalité des six autres années. C’est elle qui inspire et
qui donne le dynamisme à l’agriculteur pendant les années de travail. Nous pouvons
comparer cela au jour du Chabbath qui nous donne les forces nécessaires pour travailler
pendant les six jours de la semaine. Le jour du Chabbath exerce une forte influence et affecte
l’atmosphère des six jours qui le précèdent.
Certaines personnes ne parviennent pas à comprendre comment un Juif peut vivre selon la
Torah pendant un simple jour de la semaine. Comment peut-on s’engager dans une vie
professionnelle, alors que la Torah impose tant d’injonctions et d’interdictions ? Le monde
qui nous entoure est un monde non-juif et la Torah lui est étrangère ! De plus, la culture
dominante dans la société où nous vivons semble répondre à des principes si différents.
Comment peut-on alors espérer qu’un Juif défie le monde et résiste à la pression ?
La réponse à ces préoccupations se trouve dans notre Paracha.
Les six jours de la semaine commencent par la prise de conscience que le septième jour est
saint ; il est un Chabbath pour Hachem. La sainteté du Chabbath nous fournit les forces
nécessaires pour surmonter toutes les difficultés et nous permet de vivre en accord avec les
commandements de la Torah. En effet, le Chabbath nous inspire et nous fait comprendre que
c’est en vivant en harmonie avec la Torah que nous serons prospères.
L’année de Chemita influence, elle aussi, les six années qui la précèdent. C’est elle qui donne
le ton à ces années de travail. En s’inspirant du message de la septième année, le Juif est
capable d’affronter toutes les épreuves – cela au moyen des Mitsvoth.
Likouté Si’hoth Vol II
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Le Sens du Yovel
« Tu compteras chez toi sept années Chabbatiques, sept fois sept années, de
sorte que la période de ces sept années Chabbatiques te feras quarante-neuf
ans…Vous sanctifierez cette cinquantième année, en proclamant, dans le pays,
la liberté pour tous ceux qui l’habitent. »
(Lévitique 25 – 8,10)
La Paracha de Behar contient les commandements relatifs à l’année Chabbatique – la
Chémita – et au Yovel, le jubilé. Le Talmud déduit des mots « tous ceux qui l’habitent » que le
Yovel – le jubilé – ne peut prendre place que lorsque tout le peuple Juif réside sur la terre
d’Israël. Aussi, le jubilé fut aboli dès que les tribus de Réouven, Gad et la moitié de la tribu de
Ménaché furent exilées.
Néanmoins, le Talmud relate qu’au temps du deuxième Temple, la cinquantième année était
encore sanctifiée, même si la Mitsva du jubilé n’était pas effective. Cela fut maintenu afin de
garder le même système cyclique qu’avant. C’est-à-dire que nous ne reprenions le compte des
années de Chemita qu’une fois la cinquantième année passée.
Après que le deuxième Temple fut détruit, la cinquantième année a cessé d’être sanctifiée.
Depuis, le cycle du compte des années Chabbatiques ne s’arrête jamais ; la cinquantième
année est banale et elle constitue, alors, la première du cycle des années Chabbatiques.
Ainsi, il y a trois manières de considérer le jubilé : a) avant l’exil des premières tribus ; b) à
l’époque du deuxième Temple ; c) depuis la destruction du Temple.
Le ‘Hassidisme explique que les années Chabbatiques et le jubilé symbolisent des niveaux
spirituels du service de D-ieu :
La Chemita illustre la cessation d’activité, l’effacement de soi. La personne a conscience de
son existence, mais s’annule, tout de même, volontairement devant D-ieu.
Le Yovel symbolise la liberté, un degré plus élevé, celui de l’absence de toutes les limites. Ce
niveau sera atteint pendant l’ère Messianique.
Ceci explique pourquoi la Chemita doit être appliquée aujourd'hui, alors que la Mitsva du
Yovel n’a été véritablement observée uniquement pendant la première période du Temple. Ce
niveau le plus élevé de spiritualité ne pouvait être atteint qu’à une époque où la Présence
Divine était manifeste.
L’époque du second Temple était une période médiane. La Présence Divine illuminait le
monde, mais d’une façon moins évidente. C’est pourquoi nous comptions le jubilé, bien que
la Mitsva du jubilé n’était pas observée.
Aujourd’hui, en exil, notre service de D-ieu consiste à accepter le joug Divin et à annuler
notre ego. Néanmoins, dans un certain sens, ceci a un avantage, car cela permet de révéler
l’essence de l’être. Cet état d’esprit prépare à l’année Chabbatique éternelle – l’époque
Messianique.
Likouté Si’hoth Vol VII
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Avancer dans l’Etude
« Si vous vous conduisez selon Mes ‘Houkim - Mes statuts – et si vous observez
Mes Mitsvoth et vous les exécutez. Je vous donnerai les pluies en leur saison… »
(Lévitique 26 – 3,4)
Rachi interprète les mots « Si vous vous conduisez selon Mes ‘Houkim : Peinez dans l’étude
de la Torah. » Ainsi, Rachi précise que la Torah ne se répète pas en disant « Si vous vous
conduisez selon Mes ‘Houkim » et « si vous observez Mes Mitsvoth », car le premier terme se
réfère à l’étude de la Torah et le second à la pratique des Mitsvoth.
Pourquoi, « Mes ‘Houkim - Mes statuts » n’implique pas simplement l’étude mais aussi
l’effort qui y est investi, « Peinez dans l’étude de la Torah » ?
Le mot « Mitsvoth » est un terme générique qui s’applique à tous les commandements. Mais
il existe aussi des appellations spécifiques qui s’appliquent aux trois catégories de Mitsvoth :
Eidoth - témoignages - se réfère aux Mitsvoth qui, comme Chabbath et les Téfilin, servent
à témoigner des événements de la Création et de l’Exode.
Les Michpatim sont les lois rationnelles qui auraient pu être découvertes par l’homme luimême.
La troisième catégorie, les ‘Houkim – statuts – représentent les commandements n’ayant
aucune base logique. Ils soulignent entièrement leur caractère Divin.
Or, le mot « ‘Houkim » est issu de la même racine que « ‘Hakika » qui veut dire « graver ».
Quel est donc le rapport entre les commandements supra rationnels et l’action de graver ?
La gravure nécessite plus d’effort que l’écriture. Ainsi, les commandements qui dépassent la
logique humaine sont plus durs à appliquer que les autres Mitsvoth.
C’est pourquoi lorsque la Torah utilise le terme de « ‘Houkim » pour parler de l’étude comme dans notre verset – il se réfère, en fait, à l’étude faite dans l’effort.
« Peinez dans l’étude » implique que nous devons tenter de transcender la pensée rationnelle.
Cette dernière idée paraît difficile à comprendre, car le Zohar dit que ce verset appelle
l’homme à s’investir dans l’étude de la Torah orale. Or, l’étude de cette partie de la Torah
nécessite obligatoirement l’analyse intellectuelle.
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En fait, ces deux sentiments ne sont pas contradictoires. Car, le labeur dans l’étude – le
sentiment d’atteindre l’irrationnel – est la garantie d’une étude fructueuse.
L’étude de la Torah doit obligatoirement tendre vers les degrés qui dépassent la pensée de
l’homme ; si l’homme ne porte ses efforts que sur des niveaux qui sont à la mesure de ses
facultés intellectuelles, ceci ne peut être considéré comme « un labeur », et dans ce cas, sa
recherche semble avoir pour but de satisfaire uniquement sa curiosité intellectuelle. C’est « le
labeur dans l’étude de la Torah » qui poussera l’homme à tenter de comprendre même des
matières qui dépassent ses capacités intellectuelles. D-ieu et la Torah ne font qu’Un. Autant
la créature ne peut comprendre son Créateur, autant il est incapable de saisir réellement Sa
sagesse.
Nos sages affirment que « l’ultime sagesse est de prendre conscience que nous ne te
comprenons pas. » Ceci est aussi valable à l’égard de la Torah qui est la Sagesse Divine.
Donc, si une personne affirme comprendre totalement la Torah, ceci montre qu’elle ne s’est
pas véritablement investie dans son étude ; s’il s’était effectivement fatigué, il aurait admis
que la Torah transcende son intellect limité. Notre approche à la Torah doit être dans –
Bé’houkotaï – l’effort.
Likouté Si’hoth Vol III
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