La Lettre des Semaines sociales de France N°79 juillet 2015 www.ssf-fr.org ÉDITORIAL Une encyclique à vivre et pour vivre I ◗ 2 à 5 Dossier ■ La Création entre les mains de l’homme par René Poujol ■6 Entretien avec Jérôme Vignon « À Calais se joue une scène de l’Europe et du Monde » ◗ 7 Carnets d’Europe «L’expérience Europe» un site de référence par Johanna Touzel ◗ 8 Chronique du Ceras « La Doctrine sociale en langage “jeunes” » par Christian Mellon, sj ◗ 10 Interview Yann Raison du Cleuziou « Mettre les catholiques face à leur diversité », par René Poujol ◗ 12 Livres Notre sélection ◗ Encart : Bulletin de soutien et d’abonnement DR SOMMAIRE : l ne manquera pas de commentaires excellents de l’encyclique Laudato si’. Leur foisonnement sera déjà le signe qu’elle a atteint son but : convier à un dialogue universel croyants et incroyants issus de toutes les extrémités du monde, autour de « notre sœur la terre », susciter un temps d’arrêt pour débattre et réfléchir aux voies d’une restauration de notre « maison commune ». Pourtant, on ne saurait trop recommander d’en faire une lecture personnelle. Cette lecture vaut une expérience de vie spirituelle. Lire l’encyclique procure une forme d’allégresse. Est-ce la facture poétique, la récapitulation jubilatoire de la sagesse de l’Église de siècle en siècle, la force unificatrice d’une écologie « intégrale » intrinsèquement environnementale et sociale, l’émotion d’une prière qui culmine autour de l’hymne de Saint François ? Sans doute tout cela ! En même temps, il s’agit bien d’une encyclique pour vivre, tant elle est ancrée dans la compréhension des problèmes environnementaux et sociaux ; tant elle est charpentée sur une analyse philosophique et politique des racines humaines de la crise écologique. Les condamnations sont radicales : celles de la finance en général, de son alliance avec un paradigme technologique de responsables politiques dominés par l’obsession du pouvoir, de grandes entreprises sans authentique responsabilité sociale, d’une conscience écologique sans prise sur les comportements. Le langage est sans compromission car ce dont il s’agit, c’est d’une révolution culturelle, d’une autre vision du progrès. Les quelques pistes d’orientation et d’action sont-elles à la hauteur du diagnostic ? Je répondrai sans hésitation par l’affirmative. Laudato si’ enrichit magistralement l’acquis de la tradition sociale catholique tout en s’y adossant. Elle ouvre aussi un vrai dialogue, à hauteur mondiale, avec le mouvement écologique. Sans vouloir opposer le pape François à ses prédécesseurs, remarquons comme il complète et enrichit leurs messages. Nous étions restés, avec l’encyclique Caritas in Veritate, sur le sentiment d’un effacement du « politique », dépassé par la mondialisation, et sur une conception de « l’économique » prioritairement dépendant de la droiture éthique des responsables d’entreprise. Le pape François appelle le politique et l’économique à se réinventer : au premier, de reprendre possession d’enjeux et de visions à long terme ; au second, de concevoir des chemins productifs qui donnent priorité à l’économie réelle, qui assument la décélération de certaines formes insoutenables de croissance, qui assignent au progrès technologique une autre finalité que de remplacer de plus en plus le travail humain. Ainsi, face aux impasses actuelles, l’encyclique ouvre-t-elle de nouveaux chantiers auxquels nous sommes invités à participer. « Avançons en chantant ». Laissons-nous gagner par l’esprit de communion et de fraternité universelle qui s’en dégage. ● Jérôme Vignon La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 1 DOSSIER La Création entre les mains de l’homme Laudato si’ publié le 18 juin par le pape François est un grand texte qui récapitule, consolide et élargit la pensée chrétienne sur l’écologie en lui donnant sa pleine dimension, au service de toute la famille humaine. L Pape François, Laudato si’, encyclique sur la sauvegarde de la maison commune, Co-édition Bayard-CerfMame. 200 p., 4,50 €. e texte était très attendu, dans la perspective de la conférence COP21 qui se tiendra à Paris en décembre. Attendu à la mesure de la menace écologique qui pèse sur notre terre et du sentiment d’une totale impuissance à faire prévaloir le bien commun que donnent parfois les dirigeants des États. Comme si, au bord de l’abîme, les peuples se souvenaient qu’ils sont les héritiers d’antiques sagesses où il serait encore possible d’aller puiser de nouvelles raisons de vivre et d’espérer. La menace d’une catastrophe écologique « La détérioration progressive de ce que qu’il est convenu d’appeler l’environnement risque de conduire à une véritable catastrophe écologique.» (1) Nous sommes le 16 novembre 1970 et c’est le pape Paul VI qui s’exprime en ces termes à la tribune de la FAO, à Rome. Quarante-cinq ans et quatre pontificats plus tard, le constat du pape François est identique, formulé avec les mêmes mots : « Le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l’environnement a dépassé les possibilités de la planète à tel point que le style de vie actuel, parce qu’il est insoutenable, peut seulement conduire à la catastrophe. » (2) Car ce qui est en cause est bien un modèle de développement économique qui a cru pouvoir prélever sans limite sur les richesses de la terre, sans se soucier même de recycler ses propres déchets, parfois exportés et stockés dans les pays du Sud, transformant la culture mondiale en « culture du déchet ». Avec des conséquences, déjà visibles en terme de réchauffement et de dérèglement 2 La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 climatiques, qui menacent les plus pauvres par la montée des océans, l’assèchement des terres fertiles, la pollution de l’eau et de l’air, sources possibles de conflits armés et de phénomènes migratoires sans précédent. En reprenant l’analyse, aujourd’hui partagée par la plupart des experts, selon laquelle c’est bien l’activité humaine qui est ici en cause et non le simple retour de cycles naturels, le pape François sait parfaitement qu’il touche là un point sensible et qu’il ne va pas se faire que des amis. En reconnaissant l’existence d’une «vraie dette écologique, entre le Nord et le Sud» (51), il souligne combien les victimes de la crise écologique sont indissociablement la nature et l’homme. « Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socioenvironnementale » (139) vis-à-vis de laquelle l’Eglise ne peut se taire, parce que « la terre est notre maison commune » (21) et qu’il nous faut aujourd’hui « écouter la clameur de la terre et des pauvres ». (49) La science et la technique au service du profit Comment l’humanité qui, longtemps, a vécu sur l’idée d’un progrès sans limites qui finirait bien par bénéficier aussi aux pays du Sud, en est-elle arrivée là ? Les racines du mal résident dans ce que le pape François nomme le « paradigme technocratique dominant » (102). C’est-à-dire le fait que les progrès de la science et de la technologie, caractéristiques de notre siècle, ne sont plus orientés vers la recherche du bien commun, mais vers le seul profit. Ainsi l’économie se met-elle au service d’un paradigme technocratique asservi par la finance, sous le regard impuissant du politique. De sorte que « La soumission de la politique à la technologie et aux finances se révèle dans l’échec des sommets mondiaux sur l’environnement. » (54) Diagnostic impitoyable sur des sociétés qui ont vendu leur âme. Aussi « La culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et par- aussi l’embryon, le pauvre et le handicapé, aussi bien que les richesses culturelles de l’humanité aujourd’hui laminées par la standardisation des modes de vie consuméristes. Face aux menaces qui pèsent désormais sur notre « maison commune », « un consensus mondial devient indispensable » (164). Un consensus sur la mise en œuvre d’un autre type de croissance, respectueux du droit au développement des pays pauvres, mais qui chez nous substituerait à la frénésie de consommer et, à l’accumulation, des biens une vie plus sobre mais plus riche de relations humaines et, au final, plus heureuse car répondant au désir profond que tout homme porte en lui et qui n’est pas de courir après « l’avoir ». « Nous devons nous convaincre que ralentir un rythme déterminé de production et de consommation peut donner lieu à d’autres formes de progrès et de développement. » (191) Sur ces questions, les justes milieux ne suffisent pas tielles aux problèmes qui sont en train d’apparaître par rapport à la dégradation de l’environnement, à l’épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique. » (111) Pour une écologie humaine intégrale C’est en cela que, pour le pape, toute écologie bien comprise ne peut être qu’intégrale. Cette conviction se nourrit, pour les chrétiens, de la lecture des Écritures et des récits de la Création qui illustrent merveilleusement la triple relation constitutive de tout humain : à l’autre, à la terre et à Dieu. La crise écologique n’est jamais que l’expression d’une autre crise profondément éthique et spirituelle, de sorte que « Nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature et à l’environnement sans assainir toutes les relations fondamentales de l’être humain. » (119) L’écologie humaine suppose donc un égal respect pour «tout le vivant» qui englobe « Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un peu l’effondrement. » ■ Mais, que l’on ne s’y trompe pas, nous dit le pape, face aux désordres du monde, ce que nous commande aujourd’hui la simple raison et pour nous chrétiens, la Bonne Nouvelle de l’Évangile, est ni plus ni moins une révolution copernicienne, une totale «conversion intérieure» du cœur et de l’esprit qui doit trouver sa traduction dans l’organisation même de nos sociétés. Car « il ne suffit pas d’inclure des considérations écologiques superficielles à la culture actuelle. » (197) Et il poursuit, comme pour enfoncer encore un peu plus le clou, face à ce qu’il redoute d’immobilisme des gouvernants, par-delà les bonnes résolutions des Conférences mondiales : « Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un peu l’effondrement. Il s’agit simplement de redéfinir le progrès. » (194) Un progrès qui soit à la mesure de l’homme. La conviction du pape François est aujourd’hui totale que le sursaut est possible mais que c’est des peuples et d’eux seuls, qu’il pourra venir. Et que dans un monde où une majorité d’hommes et de femmes se disent croyants, appartenant à différentes traditions, il est du devoir des responsables religieux de mobiliser leurs fidèles. Une conviction partagée par tous ceux qui, depuis le jour de son élection, le pressent de prendre solennellement la parole sur ces questions cruciales pour l’avenir de l’humanité. C’est pourquoi La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 3 DOSSIER il invite chacun, sans plus tarder, à « Changer de style de vie pour faire pression sur les détenteurs du pouvoir. » (206) Avec la claire vision de la difficulté de sa tâche de pasteur : « Il faudra inviter les croyants à être cohérents avec leur propre foi, et à ne pas la contredire par leurs actions. » (200) Laudato si’ sur le blog des SSF Pour les chrétiens sociaux, la publication de Laudato si’ du pape François est incontestablement l’événement de l’année. Les Semaines sociales de France ont décidé d’y consacrer une large place sur ses médias. Retrouvez sur son blog www.latribunedessemaines.fr les commentaires de nos collaborateurs, et laissez-nous, à votre tour, vos réactions et observations. Vous l’aurez compris : il faut lire Laudato si’. Une encyclique que le pape François a située résolument dans la continuité de la doctrine sociale de l’Église catholique, de la réflexion propre au patriarche orthodoxe Bartholomeos 1er (3) comme de l’enseignement de ses prédécesseurs : Jean XXIII, Paul VI, JeanPaul II et Benoît XVI. (4) Et ce n’est pas la moindre surprise, à sa lecture, que de redécouvrir la force étonnante des citations de l’évêque de Rome émérite Benoît XVI, aujourd’hui voisin du pape François, extraites de Caritas in veritate. Laudato si’ est donc bien un « grand texte ». Peut-être sera-t-il à l’écologie ce que Populorum progressio fut au développement : l’appel à considérer ces défis dans leur vraie dimension, intégrale, c’est-à-dire à la fois technique et profondément humaine. Bref : la charte de toute une génération aujourd’hui mobilisée par l’avenir de la planète comme une autre le fut jadis par celui du Tiers-monde. Mais si le fond s’inscrit dans la continuité (5) Laudato si’ porte profondément la marque de son auteur. Elle tient à la poésie, à la tendresse qui transparaît dans l’écriture du texte où le pape François invite à s’émerveiller de la beauté de la nature comme don d’amour de Dieu dans la Création ; elle tient au refus de recourir à tout moralisme, à toute condamnation du « monde » que pourrait justifier le saccage de la planète ; elle tient enfin au souci de la collégialité qui conduit le pape à citer, à de nombreuses reprises, les déclarations de conférences épiscopales du monde entier comme pour mieux les associer à son propre magistère. (6) DR Laudato si’ : un grand texte Au service d’un dialogue ouvert et généreux Voilà des années qu’en France même, un scientifique comme Jacques Blamont(7), un acteur de l’écologie comme Nicolas Hulot et un homme politique comme Michel Rocard pressent le chef de l’Église catholique de 4 La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 peser de tout le poids de son autorité spirituelle pour mettre les dirigeants du monde face à leurs responsabilités. Heureux revirement de situation où la société civile se tourne, comme en dernier ressort, vers les responsables religieux qu’en d’autres débats elle préfère tenir à l’écart, au nom de la laïcité et d’un soupçon d’obscurantisme. Et l’on voit le pape François répondre sereinement à l’appel qui lui est lancé. Et avec la détermination et la malice qui le caractérisent s’autoriser à « déplacer » la question qui lui est posée pour en situer l’enjeu à son vrai niveau : celui de l’homme, responsable de la Création reçue en héritage, mais aussi de son propre apport à cette Création, au travers de la culture, comme il y est invité par Dieu. Ce qui permet au pape François, dans un même mouvement, de reconnaître humblement que, sur ces questions, « L’Église n’a pas de parole définitive » (61) et d’ajouter : « L’Église n’a pas la prétention de juger des questions scientifiques ni de se substituer à la politique mais j’invite à un débat honnête et transparent, pour que les besoins particuliers et les idéologies n’affectent pas le bien commun.» (188) Laudato si’ se veut au service de ce dialogue ouvert, dénué de toute arrière-pensée prosélyte, et parfaitement loyal car « Le fait que (les principes éthiques) apparaissent dans un langage religieux ne les prive pas de toute valeur dans le débat public. » (199) Le pape François sera-t-il entendu ? Il est possible que, tout comme le début de son pontificat, son encyclique soit reçue, ici ou là, avec plus de ferveur et de gratitude à l’extérieur de l’Église que dans ses propres rangs. Pour autant, bien des catholiques lui sont d’ores et déjà reconnaissants de donner de leur Église un visage d’engagement et de générosité au service des hôtes de «notre maison commune». ● René Poujol La Documentation catholique n°1575, p. 10511056, citée dans le livre du Père Dominique Lang L’Eglise et la question écologique, Ed. Arsis, 2008, p. 37. Citation à l’usage de certains commentateurs qui, tout en saluant l’encyclique du pape François, se croient autorisés à ironiser sur le fait que l’Eglise prendrait le train de l’écologie en marche. En France, le thème est réellement devenu populaire à partir de 1974 avec la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle. (2) Pape François, Laudato si’, encyclique sur la sauvegarde de la maison commune, Co-édition BayardCerf-Mame. Dans la suite de cet article les numéros mis entre parenthèses après les citations, renvoient aux paragraphes de l’encyclique. Ici n°161 (3) Bartholomeos 1er avait signé, en 2002, un texte commun avec le pape Jean-Paul II dit « Déclaration de Venise ». Voir Documentation catholique n°2278, p. 868-870. (4) Chacun d’eux ayant, tour à tour, enrichi la réflexion de l’Église sur les grands défis de l’heure : la paix pour Jean XXIII, le développement du tiers-monde pour Paul VI, la crise financière pour Benoît XVI. (5) Voilà qui devrait rassurer les tenants de l’herméneutique de la continuité. (6) Il évoque tour à tour : les États-Unis, l’Allemagne, le Canada, le Japon, le Brésil, la République Dominicaine, le Paraguay, la Nouvelle-Zélande, le Portugal, la Bolivie, l’Australie... (7) Jacques Blamont, membre de l’Académie des sciences, dans son livre Lève-toi et marche, Ed. Odile Jacob. (1) « Avec nos pensées, nous créons le monde » Bouddha religions et cultures ressources pour imaginer le monde 90e session des Semaines sociales de France Les 2, 3 et 4 octobre 2015 à l’Unesco, Paris. Programme complet et inscriptions sur www.ssf-lasession.org La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 5 RAPPORT ARIBAUD / VIGNON À Calais se joue une scène de l’Europe et du monde En septembre dernier, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve confiait à deux personnalités indépendantes, l’ancien préfet de région Jean Aribaud et Jérôme Vignon, président des SSF, une mission de proposition en vue de trouver des solutions durables et si possible consensuelles au problème des migrants qui se concentrent dans le Calaisis. Leur rapport devait être rendu public le 1er juillet 2015. Jérôme Vignon s’en explique. Jérôme Vignon, cette mission étaitelle liée au contexte de l’afflux des migrants sur les côtes européennes ? Pas vraiment. En 2012, le Secours catholique, très engagé sur le terrain à Calais avec d’autres associations locales, a voulu porter témoignage, d’une décennie d’accompagnement des migrants, piégés dans les jungles et les squatts, entre expulsions et passages clandestins. Il s’agissait, au-delà d’une protestation prophétique d’en appeler à l’action de l’État, indispensable face à l’épuisement des bénévoles. L’afflux exceptionnel des migrants à partir de 2013 a rendu cet appel encore plus urgent. La mission confiée par Bernard Cazeneuve à Jean Aribaud et moi-même, se veut une partie de la réponse qui se joue aussi dès maintenant sur le terrain. Cet afflux a-t-il eu néanmoins un impact sur la situation de Calais ? Oui, sans aucun doute. Nous avons pu établir une corrélation claire entre les arrivées massives de migrants par voie maritime ou terrestre en Grèce et en Italie et l’accroissement du nombre de migrants recensés à Calais. Cette évidence constitue même la base de notre rapport. Nous sommes, à Calais, solidaires des Italiens et des Grecs, en des points névralgiques de l’une des routes migratoires permanentes qu’empruntent les migrants asiatiques et africains, poussés par la misère et la violence des guerres. Les solutions durables ne peuvent donc qu’être européennes. Quelle est la situation actuelle à Calais ? Les mois de mai à octobre sont critiques, depuis deux ans, car propices aux passages maritimes les plus accessibles aux migrants les 6 La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 plus pauvres. En ce moment même la situation à Calais est extrêmement tendue entre forces de l’ordre et migrants. Dans ce contexte un rapport est de peu de poids. Mais nous voudrions qu’il aide à ne pas se laisser gagner par la peur, en montrant qu’il existe des solutions qui font appel à la coopération de tous, y compris des migrants eux-mêmes. Qui sont ces migrants ? Ce que nous avons voulu mettre en évidence, c’est la richesse des compétences et des projets des migrants. ■ Toutes les catégories sont présentes à Calais : réfugiés, demandeurs d’asile, migrants économiques, avec une part très importante de personnes venues d’Érythrée et du Soudan qui ont besoin d’une protection définitive ou temporaire. Offrir l’asile en France, comme l’État a commencé de le faire, n’est donc pas une solution médiocre. Mais ce que nous avons voulu mettre en évidence, c’est la richesse des compétences et des projets des migrants. Nombreux sont les professionnels qualifiés et les universitaires pourchassés par les dictatures et les chefs de guerre. En prenant en compte ces compétences et ces projets, le fonctionnement des règles abstraites de l’asile en Europe serait grandement amélioré. Que propose votre rapport ? Maîtriser le flux migratoire par une coopération européenne inspirée des dernières propositions de la Commission ciblée sur quelques pays ; améliorer les conditions de l’accueil avec l’objectif d’une mise à l’abri ; constituer en divers lieux de transit en France et en Europe des lieux de mise à l’abri où le choix de demandeur d’asile serait fait en connaissance de cause ; encourager la coopération permanente de tous les acteurs sur place à Calais ; appliquer effectivement les décisions de retour lorsque l’asile ne peut être accordé en trouvant une issue aux cas difficiles ; mettre vraiment en échec les filières qui exploitent ou privent les migrants des protections élémentaires ; mieux réguler les trafics de camions ; constituer une avant-garde de pays décidés à appliquer entre eux les règles de l’accès à l’asile de manière coopérative. ● Propos recueillis par R.P. « L’expérience Europe » un site de référence L’encyclique du pape François, consacrée en grande partie au défi climatique, constitue un bon de coup de pied dans la fourmilière. Depuis des décennies, les grandes conférences de l’ONU sur le climat se succèdent, sans que les gouvernements puissent parvenir à un accord. Or les faits sont là et l’absence d’engagements et de décisions politiques menace désormais de façon claire la survie de notre planète et de ses habitants L e texte était très attendu, notamment parmi les décideurs européens. Cela prouve à quel point les politiques ont plus que jamais besoin de puiser dans un fondement éthique le courage d’agir. C’est parce que nous sommes convaincus de l’urgente nécessité de faire dialoguer politique et éthique, dont la pensée sociale de l’Église, que nous avons lancé en 2014 le site « L’Expérience Europe ». Le site développe notamment les points de contact entre politiques européennes et réflexion théologique et éthique. ● Son discernement quant aux repères anthropologiques et éthiques issus de sa tradition et susceptibles d’éclairer ce débat. L’Église entend stimuler une recherche respectueuse de la Un site web performant Réflexion sur la recherche scientifique Une dizaine de théologiens issus de différents centres de recherche en Europe ont ainsi contribué, depuis 2014, par leurs réflexions, à éclairer les enjeux européens. Parmi ces théologiens réputés, Marie-Jo Thiel, membre du Groupe européen d’éthique (GEE) qui conseille la Commission européenne, a récemment rédigé pour nous une réflexion sur la « Prudence audacieuse » en matière de recherche scientifique européenne. (1) Elle y explique que l’Église envisage son rôle à l’égard de la recherche scientifique sur trois points : ● Le souci d’accueillir les innovations biomédicales, de les étudier et d’en comprendre les enjeux. construction européenne, en encourageant et facilitant un dialogue des chrétiens, comme citoyens européens, avec les institutions européennes et notamment le Parlement européen. dignité humaine (Gaudium et spes) de chacun et du bien commun de tous : « Promouvoir tout homme et tout l’homme », selon le mot de Paul VI (Populorum progressio, 1967, N°15). ● Enfin son devoir de faire œuvre de sagesse pratique en proposant une attitude de prudence audacieuse, justifiée par l’évaluation des pratiques biomédicales à l’aune de repères fondamentaux et de l’analyse des pratiques en question. Grâce à ces réflexions, mais aussi aux propositions politiques de nombreuses ONG chrétiennes, le site « L’Expérience Europe » atteint progressivement son objectif : susciter la réflexion sur l’évolution de la Depuis son lancement en avril 2014 jusqu’à la fin d’avril 2015, soit sur un an, le site web a été visité par 48 405 internautes de toute l’Europe. La fréquence fut particulièrement élevée dans la période précédant les élections européennes ainsi que lors de la diffusion en direct des auditions des commissaires désignés, durant laquelle il a atteint des niveaux de 400 à 500 visites par jour. L’aventure continue en 20152016 et le site est appelé à s’étoffer et à continuer à vous aider à mieux décrypter les enjeux du débat européen et de la construction de notre maison commune. ● Johanna Touzel Coordinatrice pour les SSF du Groupe IXE (Initiative de chrétiens pour l’Europe) Coordinatrice du Site http://theeuropeexperience.eu http://theeuropeexperience.eu/site/fr/ dveloppementdurabledanslu/inspirezvousarticle/1500.html (1) La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 7 La Doctrine sociale en langage “jeunes” Pour qui veut s’initier à la Doctrine sociale de l’Église, il existe déjà de bons livres, sites internet ou parcours pédagogiques. Mais il n’existait encore rien qui soit adapté à la culture des jeunes. C ette lacune est désormais comblée, grâce au webdocumentaire « Jeunes et engagés, portraits d’une Église qui (se) bouge ». Son objectif : donner aux jeunes chrétiens le désir d’en savoir plus sur ce « trésor caché » de l’Église qu’est sa doctrine sociale. Il a été présenté à quelque 200 jeunes et « prescripteurs », le 16 avril, lors d’une soirée qui s’est tenue dans les locaux de la Conférence des évêques de France. Celle-ci est en effet l’un des partenaires du projet, qui en regroupe bien d’autres, très divers : Scouts et Guides de France, Guides et Scouts d’Europe, CCFD-Terre solidaire, Fondacio, JOC, ESH (fondation liée aux EDC), MRJC, Secours catholique, Mission de France, Centre d’études pédagogiques ignatien, Fondation de Montcheuil, Association Georges Hourdin et, bien sûr, les Semaines sociales de France (Jérôme Vignon et Elena Lasida figurent parmi les experts interviewés). Tous ces partenaires ont été coordonnés par le Ceras, maître Retrouvez cette chronique sur le site www.doctrine-socialecatholique.fr onglet « la fabrique de la doctrine sociale » d’œuvre et producteur de ce nouvel outil de formation. L’histoire de ce « webdoc » commence en février 2013, lors de la session annuelle du Ceras, consacrée cette année-là à la Doctrine sociale de l’Église. Parmi les participants, Martin de Lalaubie, 24 ans, découvre avec joie l’existence et le contenu de cette pensée sociale, dont il ignorait tout. Jugeant vraiment Les jeunes chrétiens sont désireux de connaître la doctrine sociale de l’Église regrettable que les jeunes chrétiens ignorent tout des grands principes de la pensée sociale chrétienne, qu’ils mettent pourtant en œuvre sans en avoir toujours conscience, il décide de réaliser un outil spécifiquement destiné à ce public. Le Ceras l’embauche pour ce travail, qu’il réalise en un an et demi, tout en poursuivant en alternance une formation de journaliste. Le webdocumentaire « Jeunes et engagés » se compose de vingt-etune vidéos d’environ cinq minutes chacune, entre lesquelles l’internaute peut « naviguer » à son gré. Chacun des sept grands principes de la doctrine sociale catholique – dignité de 8 La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 la personne humaine, bien commun, solidarité, destination universelle des biens, option préférentielle pour les pauvres, subsidiarité, justice sociale – est présenté en trois vidéos très complémentaires : le portrait d’un jeune dont l’action illustre le principe, l’enseignement d’un « expert » montrant le lien entre l’engagement du jeune et telle ou telle insistance des encycliques sociales, enfin le témoignage d’un acteur s’efforçant d’incarner ce principe dans les institutions de la vie sociale, économique, politique. Occasion de rappeler qu’il existe une « voie institutionnelle de la charité », comme le dit Benoît XVI dans Caritas in veritate. Quelques « fenêtres » complètent le tout, proposant des compléments utiles : définitions, questions pour animer un débat, bibliographie pour aller plus loin, liens vers des mouvements proposant un engagement actif, etc. ● Christian Mellon, sj Ceras Site à visiter et à signaler sans modération à tous les jeunes chrétiens avec qui vous êtes en contact : www.jeunes-et-engages.fr Un “ webdoc ” qui marche V oilà deux mois que « Jeunes et engagés, portraits d’une Église qui (se) bouge » vit sa vie sur internet. Il a déjà reçu la visite de plusieurs milliers d’internautes et les médias catholiques lui ont fait un bel écho. La plus grande satisfaction est de savoir que notre intuition de départ s’est trouvée confirmée : les jeunes chrétiens sont désireux de connaître la doctrine sociale de l’Église. Grâce à ce webdocumentaire, tous nos partenaires, dont la collaboration a été fructueuse, sont désormais équipés d’un outil pour diffuser largement cette doctrine dans leur réseau et y former leurs (jeunes) membres. Depuis le lancement de « Jeunes et engagés » en avril, j’ai déjà eu l’occasion de le présenter et de m’en servir comme support d’animation dans différents lieux : une soirée du service jeunes de la Mission de France ou de la plateforme solidarité du Réseau jeunesse ignatien ; à JPentecôte, rassemblement porté par la CoJP (Coordination des Jeunes Professionnel) et les Semaines sociales ; auprès des adultes référents jeunes du Secours catholique. D’autres présentations sont prévues tout au long de l’été, notamment à la session de « La politique, une bonne nouvelle » et à la rentrée. C’est une vraie chance d’accompagner la diffusion d’un projet devenu réalité après y avoir travaillé pendant presque deux ans. Sa sortie ne marque pas une fin en soi, mais le début d’un nouveau chapitre. Aller rencontrer tous ces jeunes vivant la doctrine sociale de l’Église, échanger avec eux sur leurs engagements : voilà de riches ressources pour imaginer la suite ! ● Martin de Lalaubie Si vous voulez organiser une présentation du webdocumentaire, contactez-moi : [email protected] Revue Projet N° 346, JUIN 2015 « Social : réparer ou reconstruire ? » Le rêve social français voulait les mêmes droits pour tous. Signifier que l’on compte sur chacun. Aujourd’hui, 10 millions de personnes subissent l’isolement ou le chômage. Et se demandent à quoi elles servent. État, associations, citoyens… quelle réponse apporter ? Avec des articles de JeanFrançois Serres, Denis Clerc, Fabienne Brugère, les contributions de l’association Magdala et du groupe Fous d’art solidaires… En partenariat avec : le Secours catholique et les Petits frères des pauvres. Et bientôt : N° 347, août 2015 « Les spiritualités au secours de la planète ? » A commander (13 €) en ligne sur Revue-Projet.com ou en envoyant un chèque à l’ordre de Ceras-Projet à Revue Projet, 4 rue de la Croix-Faron, 93217 La Plaine Saint-Denis. Tél. : 01.48.22.40.18 La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 9 Livre Interview YANN RAISON DU CLEUZIOU « Mettre les catholiques face à leur diversité » Le livre n’a que quelques mois. Quels échos a-t-il suscité ? La crise de l’Église catholique de France est devenue un lieu commun. Nombre de livres de sociologues se proposent d’en actualiser les symptômes ou d’en identifier les causes. Or voici qu’un ouvrage vient renouveler l’approche en examinant comment les catholiques eux-mêmes vivent cette crise et imaginent pour leur Église les moyens d’en sortir ! Le résultat est passionnant ! Les échos sont bons. Les lecteurs disent y découvrir une diversité du monde catholique qu’ils ne soupçonnaient pas, exprimée au travers de portraits et de témoignages très riches. Le livre offre un panorama assez exhaustif des catholiques engagés, de toutes sensibilités, capables d’exprimer ce que l’Église représente pour eux. Il permet à chacun de se situer personnellement, ainsi que ses proches ou connaissances, et de se confronter à « l’intelligence » de ceux qui ne pensent pas comme lui. C’était là tout le projet de Confrontations. DR Ce panorama se déploie autour de douze groupes correspondant à des portraits types. YANN RAISON DU CLEUZIOU est sociologue, chercheur, maître de conférence à l’Université de Bordeaux. Yann Raison du Cleuziou, d’où vient ce projet de livre ? Il a été initié par l’association Confrontations, héritière de l’ancien Centre catholique des intellectuels français, avec une volonté affichée de tendre aux catholiques de France une sorte de miroir qui puisse les inciter à entrer en dialogue. Le livre résulte d’une enquête en profondeur menée entre 2010 et 2013, donc sous le pontificat de Benoît XVI. Mais ses conclusions demeurent pertinentes sous le pape François. 10 La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 Douze portraits classés en quatre catégories parfois hétérogènes. L’une de ces catégories, par exemple, accueille trois groupes qui ont cette caractéristique de se penser essentiellement par rapport au Concile, soit pour nourrir à son égard une forme de nostalgie, soit pour se réjouir de certaines de ses innovations soit, à l’inverse, pour y voir la cause majeure du déclin de l’Église. De même peut-on identifier trois autres groupes qui partagent un même sentiment de blessure vis-à-vis de l’institution catholique peu fidèle, selon eux, à « l’esprit de Évangile » : certains ont pris leurs distances, d’autres, au cœur de leur engagement, vivent douloureusement leur situation de divorcés remariés ou de femmes en quête de reconnaissance. Une troisième catégorie concerne, elle, ceux que l’on pourrait appeler les artisans optimistes de la reconstruction : soit qu’ils considèrent, simplement, que l’Église a toujours su traverser les crises, soit qu’ils croient à l’attractivité d’un catholicisme identitaire décomplexé, soit qu’ils misent sur un catholicisme pluriel. Enfin, il était intéressant de terminer sur trois groupes de jeunes très différenciés : les premiers s’inscrivant sans com- plexe dans une fidélité à l’Église liée à une grande liberté personnelle, les deuxièmes se percevant comme les fers de lance d’une reconquête spirituelle, les derniers correspondant plutôt à une forme d’attachement aux valeurs chrétiennes, indépendamment d’une institution jugée archaïque. Est-il possible de quantifier chacun de ces groupes ? Non, pas actuellement, bien que la question soit à l’étude. Mais cette incertitude est préférable car elle nous oblige à essayer de comprendre l’autre indépendamment de ce qu’il pèse réellement. Cela supprime la tentation de vouloir tout ramener à un simple rapport de force. Quel critère vous semble le plus discriminant lorsqu’il s’agit d’y voir plus clair dans cette diversité ? sur les réseaux sociaux, souvent critiques visà-vis du clergé local ou de leur évêque. Prenez à l’inverse les conciliaires revendiqués. Ils trouvent que les prêtres ont trop de pouvoir, que le magistère est à côté de la plaque... Or dans le même temps ce sont les plus investis dans les structures paroissiales et diocésaines. Ils incarnent une position de critique de l’institution alors qu’ils y sont totalement intégrés... Tous les catholiques revendiquent une forme d’autonomie face au magistère. ■ Eternelle question pour le sociologue. Avec la tentation permanente de la simplification. Je pense par exemple que l’opposition entre catholiques d’ouverture et d’identité, souvent utilisée, est réductrice. Sans doute le critère le plus pertinent est-il celui du regard sur Jésus avec quatre possibilités : le Sauveur qui offre la vie éternelle ; le Libérateur des hommes opprimés ; le Dieu-amour personnellement rencontré dans un moment de conversion ; enfin le Miséricordieux qui transgresse les normes sociales pour inclure l’exclu. Ce sont là des accentuations différentes d’une même foi que l’on retrouve dans toutes les tranches d’âge alors qu’on serait tenté parfois de s’en tenir à une opposition de type générationnel. Là encore l’opposition est à nuancer.Tous les catholiques revendiquent une forme d’autonomie face au magistère. Il existe deux sensus fidei qui s’affrontent, comme on le voit dans le débat actuel autour du synode sur la famille. Ce qui divise est le discernement de ce qui, dans le magistère, est l’essentiel de l’accessoire. Avec cette question : qu’est-ce qui est religieusement authentique dans l’expérience propre des laïcs ? De même pour l’identité. Elle est présente des deux côtés : du côté d’un retour à la soutane, aux processions, à une visibilité « décomplexée », comme du côté de ceux qui refusent tout prosélytisme et optent pour la discrétion comme autre forme de visibilité. Cette diversité est souvent perçue comme source de divisions et vous constatez, dans votre étude, que l’Eglise répugne à la culture du débat, ce qui conforte l’absence de dialogue entre les uns et les autres. A travers les témoignages cités dans le livre on a pourtant l’impression que pour reconstruire l’Église les uns misent plutôt sur la hiérarchie, le clergé, la paroisse traditionnelle là où d’autres pensent que le renouveau viendra des laïcs... La réalité est plus complexe. Prenez les catholiques néoclassiques qui correspondent bien à votre premier groupe. Ils montrent en effet, au niveau du discours, une grande déférence vis-à-vis du pape, de l’autorité, de la hiérarchie, de la verticalité de l’Église. Dans la pratique, ce sont souvent des laïcs parfaitement autonomes, organisés en réseaux, créateurs d’écoles hors contrat, initiateurs de pétitions D’autres oppositions semblent émerger entre les tenants du magistère et ceux du sensus fidei, ceux de l’identité et ceux de l’enfouissement... Yann Raison du Cleuziou, Qui sont les catholiques aujourd’hui ?, DDB, 2014, 340 p., 18,90 € Ce qui domine en France est la culture de la docilité. Or la disputatio est parfaitement légitime et féconde. Le débat a existé dans l’Église de France. Pensons aux décennies 1950-1970... aux grandes figures d’intellectuels catholiques, à des journaux comme TC ou France catholique. Chez les évêques existe une vraie crainte des clivages et de la division, et la conviction que tout débat institué ne pourrait que les mettre en lumière et les exacerber. Ce qui est une erreur. Débattre permet aussi de savoir sur quoi on s’accorde. Il faut aujourd’hui chercher le débat du côté des blogs ou du courrier des lecteurs des journaux et magazines qui, à leur manière, défendent l’idée d’élargir le pensable des catholiques afin d’ouvrir les possibles. ● Propos recueillis par René Poujol La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015 11 Livres Notre sélection Fin de vie, un enjeu de fraternité Par Mgr Pierre d’Ornellas, Ed. Salvator, 160 p., 15 €. Il s’agit là de la réflexion du groupe de travail de la Conférence des évêques de France, en lien avec le récent débat parlementaire sur la fin de la vie. Un débat qui, quelque en ait été l’issue, en termes législatifs, ne rend que plus nécessaire l’appropriation, par les citoyens que nous sommes, d’une argumentation éthique solide sauf à se résigner à un glissement inéluctable vers une culture réellement euthanasique. Il faut reconnaître deux qualités majeures à l’ouvrage : un refus de toute surenchère qui ferait apparaître l’Église comme détentrice, sur le sujet, d’une vérité définitive opposable à tous au nom de la raison ; une approche extrêmement concrète et pédagogique avec, notamment, des « résumés » pour chacun des chapitres : développer la médecine palliative ; gérer les « directives anticipées », apaiser les souffrances... Une contribution ouverte et courageuse à un débat citoyen qui reste encore largement devant nous. René Poujol L’homme et les technosciences, le défi Collectif, actes de la session 2014 des SSF, 252 p., 20 € * Smartphones, imprimantes 3D, robots, objets connectés, cours en ligne, accès quasi gratuit au savoir, etc. Les technosciences progressent à une vitesse d’autant plus grande qu’elles profitent d’un effet de convergence entre nanosciences, biotechnologies, technologies de l’information et de la communication et neurosciences. Cette « Transition fulgurante » qui recouvre une multitude de domaines est en train de transformer notre relation au monde, aux autres et à nous-mêmes. Pas question donc de porter un jugement a priori sur ces évolutions sans tout d’abord les toucher du doigt, en débattre en ateliers ou au cours de grandes conférences à plusieurs voix, permettant aux différentes sensibilités de s’exprimer. Le livre qui rend compte des grands moments de la session et recueille les conférences des intervenants, offre aussi un choix d’articles du journal la Croix sur ces questions. D’où un ouvrage dense, nuancé, qui constitue une véritable mine d’informations et fournit des pistes d’appréciation multiples de ce phénomène aux innombrables facettes. Parmi les 65 intervenants, citons pour mémoire : Martine Aubry, Alain Caillé, Claude Evin, Isabelle FalquePierrotin, Bruno Latour, Thierry Magnin, Bruno Patino… Jean-Pierre Rosa * Edité par les SSF en édition à la demande, le livre est disponible dans les librairies de notre partenaire La Procure ou peut être commandé en ligne sur le site BoD.fr. Il existe aussi en e-book. 7,99 € sur le site de la Fnac et d’Amazon Dieu s’intéresse-t-il à notre travail ? Collectif, Ed. Mcc, 224 p., 10 € ✱ « Dieu s’intéresse-t-il à notre travail ? » C’est par cette question abrupte que s’ouvre un ouvrage collectif édité à l’occasion du cinquantenaire du Mouvement chrétien des cadres et dirigeants. Le MCC et les Semaines sociales de France sont issus du même tremblement de terre, l’encyclique Rerum Novarum qui a bouleversé le monde catholique pour lui faire découvrir que l’Evangile se jouait aussi sur la scène de la société, de l’économie et de l’industrie, pas seulement dans l’intimité du cœur. Le livre anniversaire du MCC fait vivre ces dimensions multiples de la conversion de, par et pour l’entreprise. Il montre le chemin par lequel des responsables professionnels, toutes générations mêlées, en cessant d’idolâtrer le travail, ont pu en redécouvrir le sens : celui d’un appel à servir, créer du neuf, reconnaître et solliciter des talents, faire naître autrui à la responsabilité. Jérôme Vignon Le livre peut être commandé en ligne sur www. mcc.asso.fr ou par correspondance à MCC, 18, rue de Varennes, 75007 Paris. 10 € + 4 € de frais de port. ✱ Les SSF sur Internet Entre chaque numéro de la Lettre, l’information se poursuit sur le site www.ssf-fr.org et le débat s’organise autour du forum latribunedessemaines.fr. Rejoignez-nous et faites connaître le site à vos amis. La Lettre des Semaines sociales de France : trimestriel édité par l’association Semaines sociales de France 18, rue Barbès, 92 128 Montrouge cedex - Téléphone : 01 74 31 69 00 - E-mail : [email protected] Site : www.ssf-fr.org - Directeur de la publication : Jérôme Vignon. Rédacteur en chef : René Poujol. Maquettiste : Martine Ullmann - Commission paritaire : CPPAP-0911G90019 - ISSN 1270-4687 Impression : DB print (Lille) - Abonnement 12 € pour quatre numéros. 12 La Lettre des Semaines sociales - juillet 2015