de ses livres, comme profération en acte, ou comme acte de parole. Ce
qui permet de poser quelques questions radicales, non inutiles dans l’exé-
gèse levinassienne générale. Il s’agit donc d’un questionnement sémio-
tique. J’entends sémiotique au double sens, bien reçu, de réflexion sur
les procédures de production-réception de la valeur, et de tentative de
modélisation de ces procédures. Mon inflexion personnelle est que ces
procédures génèrent du sens, de la signification, comme valeurs socia-
lement et interactivement reconnues, à l’intérieur de groupes humains
d’extension variable, et que ces procédures sont de la sorte les diverses
espèces de langage, traitant les inter-relations de chaque subjectivité
(individuelle ou collective), dont le langage verbal, qui n’est qu’un langage
parmi d’autres. La forme du langage verbal, justement, c’est le discours,
en tant que manifestation publique de cette activité, socialement recon-
nue par les partenaires de l’interaction verbale occurremment réalisée.
Il est ainsi intéressant, pour attaquer la racine du problème, de se
demander si le discours expressément philosophique de Levinas n’est
pas parasité par d’autres discours : éventuellement en quel sens, quels
en pourraient être les enjeux, et, au fond, qu’est-ce que cela voudrait dire.
Ces autres discours pourraient évidemment bien être le discours théo-
logique, ou le discours religieux, étant entendu qu’il ne s’agit pas du
discours sur la théologie ni sur la religion (ni sur le théologique ou sur
le religieux?). Et il faudrait commencer par tenter une distinction.
Le discours théologique, pris dans sa généralité, serait analysable
comme un discours théorétique sur Dieu, sur le divin, sur la transcen-
dance. À partir de là, il y aurait divergence possible. Soit du côté de la
transcendance en tant que telle (si l’on ose dire…), ce qui se rapproche-
rait plus ou moins de ce que l’on appelle en sémiotique le monde (inat-
teignable, ingrignotable, inappréhendable, en tant que monde) : ce qui,
comme «objet» supposé, relève à tout le moins du peu, ou de l’absolu-
ment pas sémiotisable, techniquement indicible; et l’on vire logique-
ment vers la théologie négative. Soit on se range du côté de l’intérieur
de la construction d’un univers religieux, de son architecture, et l’on vire
vers la dogmatique.
Le problème, de ce côté théologique, est que l’auteur de ce discours
y croit ou n’y croit pas, ce qui entraîne une mise en question du sens
d’un tel discours, et de la portée humaine concrète, praxique, de sa profé-
ration en prenant au sérieux la position du locuteur à l’égard de la
substance du contenu mise en jeu.
68 GEORGES MOLINIÉ
Pardès 42 14/05/07 16:46 Page 68
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