La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - février 1998 11
ETIOLOGIE
Facteurs de risque
Les variations géographiques et temporelles observées ont
conduit à chercher dans l’environnement, et surtout dans l’ali-
mentation, les facteurs influençant l’évolution de ce cancer.
•Le rôle d’H. pylori, que le Centre international de la recherche
sur le cancer a classé en 1994 parmi les carcinogènes certains,
est développé dans un autre article.
•Plusieurs études ont montré le rôle favorisant d’une consom-
mation excessive de sel sur le cancer gastrique. Il agirait de
façon précoce, sur les stades initiaux de la cancérogenèse. Le
changement du mode de conservation des aliments, avec aban-
don progressif des salaisons dans la plupart des pays, l’utilisa-
tion plus modérée du sel dans l’alimentation ont entraîné une
baisse de la consommation de sel expliquant en partie la baisse
d’incidence des cancers de l’estomac.
•La progression vers la métaplasie intestinale de type III et vers
la dysplasie serait liée à la présence de carcinogènes. Le rôle des
nitrates et des nitrites issus de l’alimentation et de l’eau, trans-
formés en nitrosamines dans l’estomac est discuté. Les dérivés
nitrosaminés seraient particulièrement agressifs en cas d’hypo-
ou d’achlorhydrie, principalement après gastrectomie, vagoto-
mie, ou lors d’une anémie pernicieuse.
D i ffé rentes études épidémiologiques ont souligné le rôle
d’autres facteurs étiologiques. Le tabac et l’alcool sont des fac-
teurs de risque de cancer gastrique, dont le rôle ne semble tou-
tefois pas essentiel. L’ensemble des études concernant la rela-
tion entre tabac et cancer, et entre alcool et cancer, ne retrouvent
pas toutes une relation positive entre ces facteurs et le cancer
gastrique (8/40 pour l’alcool, 29/42 pour le tabac). Un excès de
consommation d’hydrocarbures
polycycliques, issus notamment
des aliments fumés, ainsi que le
reflux bilieux seraient également
des facteurs de risque du cancer
de l’estomac.
•Le rôle protecteur des légumes
et des fruits, principalement des
agrumes, est maintenant bien éta-
bli. Le risque de cancer de l’esto-
mac est diminué de moitié en
moyenne chez les forts consom-
mateurs de légumes et de fruits,
par rapport aux faibles consom-
mateurs. Le rôle de la vitamine C
semble particulièrement net, par
une action antioxydante.
Plusieurs études épidémiolo-
giques suggèrent qu’une supplé-
mentation en vitamine C pourrait
diminuer de moitié le risque de
cancer gastrique (7). Dans une
vaste étude d’intervention menée
jusqu’en 1993 en Chine, dans le
Lixian, et ayant inclus près de
33 000 individus, plusieurs associations d’agents antioxydants
ont été étudiées. Les résultats suggèrent que l’association de ß-
carotène, vitamine E et sélénium diminue le risque de cancer
gastrique (OR = 0,79 [0,64-0,99]), cette diminution concernant
surtout les cancers proximaux (8). Toutefois, ces effets n’ont pas
été confirmés dans deux autres études concernant, l’une les
sujets atteints de dysplasie œsophagienne, et pour l’autre des
gros fumeurs (9, 10). Trois autres études d’intervention sont
encore en cours en Colombie, au Venezuela et en Europe sur des
sujets porteurs de métaplasie ou de lésions précancéreuses.
Elles testent respectivement les effets de l’éradication de H.
pylori et/ou une supplémentation vitaminique en vitamine C
et/ou ß-carotène. Les résultats de ces diverses études d’inter-
vention permettront sans doute d’évaluer la faisabilité et l’op-
portunité de vastes programmes de prévention.
Lésions précancéreuses
Certaines lésions précancéreuses ont été identifiées. La notion
d’antécédents d’ulcère gastrique est retrouvée chez 8 % des cas
dans le département de la Côte-d’Or et 13 % des cas dans le
département du Calvados (4). Il peut s’agir d’un ulcère trans-
formé ou d’un authentique cancer dont le diagnostic n’a pas été
fait auparavant. En Côte-d’Or, de tels antécédents étaient
retrouvés chez plus de 25 % des sujets atteints d’un cancer gas-
trique superficiel, c’est-à-dire limité à la muqueuse ou la sous-
muqueuse (11). Ces résultats confirment l’utilité d’une sur-
veillance endoscopique en cas d’ulcère, avec biopsie lors de
chaque poussée, afin de ne pas manquer une transformation
maligne précoce. Près de 5 % des cas surviennent chez des
sujets avec une gastrectomie faite plus de 15 ans auparavant.
D’autres maladies prédisposantes existent, mais elles ne sont
1978-82 1983-87 1988-92 1978-82 1983-87 1988-92
Canada (Québec) 14,5 15,2 12,1 6,4 6,4 5,2
Etats-Unis (Seattle) 9,1 8,1 7,5 4,0 3,6 3,0
Australie (Victoria) 14,8 14,1 11,7 6,2 6,0 4,9
Chine (Shangai) 58,3 51,7 46,5 24,6 21,9 21,0
Japon (Osaka) 76,9 73,6 65,5 35,9 32,7 27,3
Allemagne (Saarland) 25,5 22,2 18,5 12,3 11,2 9,0
Italie (Varese) 39,0 32,7 26,6 17,1 15,0 12,7
Espagne (Tarragone) 16,9 15,1 13,5 7,8 7,9 6,2
Angleterre (Oxford) 20,2 17,5 13,6 7,8 6,8 5,1
Taux standardisés pour 100 000 habitants, sur la population mondiale.
Hommes Femmes
Tableau II. Evolution de l’incidence du cancer de l’estomac dans le monde.