Commerce et finance éthiques reposent sur le respect de critères déterminés notamment par des
agences de notation. Ces critères de l’équité – voire de la moralité – varient, selon les systèmes
de référence des acteurs eux-mêmes. Renvoient-ils à des choix du constructeur d’indice ? de
l’actionnaire (voire du salarié-actionnaire) ? des ONG et organisations religieuses ? du consom-
mateur ?… De fait, les critères suivis reposent sur des modèles implicites qui se retrouvent tout
autant dans les choix qui président à la traduction de ces critères en indicateurs mesurables que
dans leur pondération et hiérarchisation.
D’autres acteurs préfèreront parler de ce qui est “équitable”,“juste”,“solidaire”. Ces qualifica-
tifs (avancés notamment par des ONG mais aussi certains syndicats) visent notamment à souli-
gner un souci de distanciation par rapport aux démarches éthiques courantes et, au fond, à
interroger la place occupée par l’éthique dans le dispositif d’ensemble.
•A rebours d’une démarche qui leur paraît ressembler plus à une opération de “labellisation”,
permettant d’insuffler un peu d’éthique dans un système économique et financier qui obéit lar-
gement à d’autres règles, le projet défendu en particulier par un certain nombre d’acteurs
sociaux en faveur d’un commerce et d’un système financier plus juste, vise à interpeller les
mécanismes de l’économie eux-mêmes et certaines options de politique publique. Il propose la
mise en place de circuits financiers et commerciaux qui répondent, dans leur ensemble, à des
critères d’équité et de justice, en permettant notamment à certains acteurs marginalisés (en par-
ticulier ceux originaires des pays du Sud) d’être des partenaires à part entière, d’avoir accès à
certaines facilités, et de voir leurs intérêts garantis, ce que ne permettrait pas le seul fonction-
nement de la loi du marché.
• D’autres organisations comme Global Witness, également soucieuses que l’éthique ne
devienne pas un simple “vernis”qui “rassure”les actionnaires comme les gouvernants, deman-
dent, elles, que discussions et bonnes intentions générales ne dispensent pas les entreprises
d’être mises concrètement devant leurs responsabilités, en particulier lorsqu’elles interviennent
dans des situations conflictuelles, dans des alliances bien réelles avec les entrepreneurs de
conflits (cas en particulier de l’Angola). Ces organisations militent pour plus de transparence
dans les pratiques de commissions et de prêts aux entrepreneurs politiques et économiques
locaux. Elles plaident pour une démarche éthique qui ne renvoie pas à des labels donnés par des
cabinets de conseil et d’audit privés, constituant autant d’écrans supplémentaires, mais passe
par une information publique, objective et comparable, un effort concret de transparence per-
mettant à tout un chacun d’évaluer concrètement les pratiques des entreprises. Elle suppose, de
fait, un rôle accru d’un certain nombre d’organismes de régulation et pose la question centrale
du contrôle, de l’évaluation et de la sanction.
• D’autres encore, en particulier des syndicats, soulignent la nécessité que les normes sociales
fassent l’objet d’une négociation propre, incitative, et ne deviennent pas un instrument au ser-
vice d’autres enjeux et d’autres rapports de force, en particulier commerciaux.
Ces quelques exemples soulignent combien, derrière des démarches et terminologies différentes
sont posées des questions politiques de fond.
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