La protection des personnes qui se prêtent à la recherche médicale

Mission Loi Huriet et Directive Européenne. – Pr. F. Lemaire (1/1)
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La protection des personnes qui se prêtent à la recherche
médicale : de la Loi Huriet à la Directive Européenne
Pr. François Lemaire
Service de Réanimation Médicale
Hôpital Henri Mondor
94010 CRETEIL
Mission Loi Huriet et Directive Européenne. – Pr. F. Lemaire (2/2)
- Sommaire -
Page
Introduction
Recommandations
A. Pourquoi faut-il modifier la loi de décembre 1988, dite loi Huriet-
Sérusclat ?
1. L'amélioration de la protection des patients
2. L'insatisfaction persistante des investigateurs et des promoteurs
institutionnels
3. La directive européenne sur la recherche médicamenteuse
B. Les difficultés de la loi et de la réglementation actuelle en France
a) les principes
1. La distinction des recherches avec et sans BID
2. Le patient incompétent et l'absence de représentant
3. Le régime de responsabilité
b) l’organisation de la recherche
4. L'autorisation de lieux agréés pour la recherche sans BID
5. La promotion institutionnelle/industrielle
6. L’obligation de gratuité à la charge du promoteur
7. L'évaluation scientifique des projets
8. La recherche sur les enfants
9. La recherche en génétique
10. Les dispositifs médicaux
11. Le suivi de l'essai
12. L'information des patients/famille à la fin de l'essai
13. un cas particulier : la recherche médicale en situation d’urgence
c) sa structuration
14. la CNIL
15. Les conditions de fonctionnement des CCPPRB
16. L'organisation administrative de la recherche clinique
C. La directive européenne
Conclusion
Références
Annexes
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Introduction
Il était indispensable en 1988 de doter la France d’une loi qui à la fois organiserait la
recherche biomédicale et garantirait la protection des patients. A l’origine, on retrouve en effet
la forte demande des milieux de l’industrie pharmaceutique, alarmés à juste titre de ce que
les essais de médicaments de phase I, pourtant réglementés depuis décembre 1975,
restaient illégaux et exposaient les investigateurs à des poursuites pénales. Une autre
motivation essentielle était la nécessité d’organiser la protection des patients, après que
l’"affaire" d’Amiens eût révélé au public certaines formes contestables de la recherche
médicale. Un projet de loi rédigé par Jacques Dangoumeau avait vu le jour en 1985, suivi
deux ans plus tard d’un rapport du Conseil d’état "De l’éthique au droit", commandé par le
Premier Ministre de l’époque, Jacques Chirac (1). S’inspirant des grands textes éthiques
internationaux (la déclaration d’Helsinki, surtout, dans sa version de 1975) et du guide des
Bonnes Pratiques Cliniques, que le Ministère des Affaires sociales venait de traduire et de
publier, le sénateur Huriet présentait devant la Commission des affaires sociales du Sénat un
projet de loi "relative aux essais chez l’homme d’une substance à visée thérapeutique ou
diagnostique destinée à faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché". Le
champ d’application de la loi, initialement restreint aux essais de médicaments, a été alors
élargi à la totalité de la recherche biomédicale, sans que son architecture ait été modifiée de
façon à intégrer les contraintes propres à d’autres types de recherche, notamment la
recherche physio-pathologique, dite aussi recherche cognitive.
Malgré les profonds bouleversements que la loi a introduits dans l’organisation de la
recherche en France, elle a été immédiatement bien accueillie, aussi bien par l’industrie
pharmaceutique qui l’avait souhaitée que par l’immense majorité des médecins-
investigateurs. Ceux-ci rencontraient alors de grandes difficultés à publier leurs travaux dans
les revues internationales à comité de lecture, et avaient été à l’origine des comités
d’éthiques hospitaliers ou de sociétés savantes auxquels ils soumettaient leurs protocoles,
comme l’avait demandé le manifeste des éditeurs de revues médicales réunis à Vancouver
en 1983 (2). La loi organisait désormais l’obtention du consentement des patients sur des
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bases reconnues, universellement admises, éventuellement opposables. Il faut redire avec
force que la loi Huriet était indispensable, que ses effets ont été bénéfiques, et que nul
aujourd’hui ne songe à revenir à l’état de non droit qui lui préexistait. Les aménagements
dont il sera question ici sont soit rendus nécessaires par l’évolution du droit communautaire,
soit doivent être proposés à la lumière de l’évolution de la recherche biomédicale elle-même,
si rapide, des résultats des essais cliniques publiés, notamment pour ce qui concerne la
sécurité des patients, et enfin de la pression des associations de malades.
Dès le premier bilan d’application de la loi Huriet, réalisé en 1993 à la demande
d’Edouard Balladur, et sans remettre en cause son bien-fondé, JF Mattei proposait quelques
aménagements De nombreuses difficultés étaient en effet apparues dès le début des années
quatre-vingt-dix, dont la plupart tenaient à l’inadaptation de la loi à la recherche non
médicamenteuse. Les décrets d’application avaient renforcé la rigidité du dispositif, légitime
dans le cas des traitements innovants, nécessairement à risque, mais qui s’est avéré
inadapté et inutilement dissuasif pour de nombreuses recherches sans risques. La recherche
en génétique, par exemple, dont le développement explosif ne pouvait guère être prévu en
1988, s’en trouve aujourd’hui notablement freinée. Signalons ici aussi les difficultés
persistantes du recueil du consentement chez les patients "incapables de fait" (Alzheimer,
autres démences, patients de réanimation ou atteints d’affections neurologiques,
psychiatriques, etc.), en dehors du contexte de l’urgence, et qui amènent les CCPPRB à
accepter de bien étranges contorsions pour que la recherche ne soit pas totalement stoppée
dans ces secteurs.
A côté de la recherche promue par l’industrie s’est amplifiée depuis une dizaine
d’années en France une recherche clinique de qualité, aussi bien thérapeutique que
physiopathologique, promue par des institutions publiques (INSERM, ANRS, centres
hospitaliers, …) ou par divers organismes (FNCLCC) et financée par le Programme
Hospitalier de Recherche Clinique (un milliard de francs en huit ans) ou d’autres institutions
publiques ou privées (EORTC, GELA, AFM, …). Et c’est de ce milieu que se sont exprimées
les demandes les plus insistantes d’aménagement de la loi, résumées dans une "plate-forme"
Mission Loi Huriet et Directive Européenne. – Pr. F. Lemaire (5/5)
transmise en avril 2001 à Bernard Kouchner, Ministre délégué à la santé à cette époque, et
qui en retour a souhaité que soit menée une « mission de réflexion et de proposition sur
l’évolution du cadre législatif applicable à la recherche médicale ».
Cette mission s’est déroulée du printemps 2001 à l’été 2002 (Annexes I et II). Elle a
bénéficié de l’aide de Catherine Grillot-Courvalin, membre de la cellule d’appui scientifique de
la DGS. Dans un premier temps, l’urgence a été de profiter du calendrier parlementaire pour
régler par amendement un des problèmes les plus irritants auxquels étaient confrontés les
chercheurs, l’inadaptation de la réglementation concernant les lieux dans lesquels se déroule
la recherche sans bénéfice individuel direct. C’est dans la loi « droits des malades » votée en
mars 2002 qu’a été introduite du Ministère de la santé, un article réglant ce problème, ainsi
qu’une incitation à prévoir l’information des personnes qui se prêtent à la recherche à la fin de
l’essai. La deuxième partie de cette mission a été consacrée à une réflexion sur la
transposition dans le droit national de la directive européenne d’avril 2001 sur la recherche
clinique (concernant les médicaments), qu’il incombera au gouvernement sorti des urnes en
juin 2002 de mener à son terme. Les décisions que devra prendre dans les prochains mois le
Ministre de la santé, le Pr. Jean-François Mattei, vont être cruciales pour l’avenir de la
recherche clinique dans norte pays : adaptation rapide de la directive pour se conformer à un
calendrier particulièrement contraignant, en se limitant à la recherche médicamenteuse, ce
qui est certainement une solution pragmatique ; ou reprendre plus profondément notre
dispositif législatif et réglementaire, pour régler au fond les nombreux problèmes laissés
pendants ou apparus depuis quinze ans. Quelle que soit la solution retenue, l’enjeu est
immense : il s’agit certes de la recherche clinique et de sa place dans la compétition
internationale, mais aussi et surtout de la protection des personnes qui se prêtent à cette
recherche.
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