Étude bactériologique des souches isolées à partir d`infections

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Article original
Ann Biol Clin 2012 ; 70 (6) : 689-94
Étude bactériologique des souches isolées
à partir d’infections oculaires
Bacteriological study of the strains isolated from ocular infections
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Fatima-Zahra Hajoui
Naima Daoudi
Hakima Kabbaj
Ahmed Alaoui
Myriam Seffar
Service de microbiologie, Hôpital des
spécialités ; Faculté de médecine et de
pharmacie, CHU Ibn Sina, Université
Mohammed V, Rabat, Maroc
<[email protected]>
Résumé. L’isolement des bactéries impliquées dans les infections oculaires,
ainsi que leur profil de sensibilité in vitro aux différents antibiotiques oculaires
ont été étudiés. Différents prélèvements oculaires ont été obtenus à partir de
354 patients hospitalisés au service d’ophtalmologie. Les prélèvements ont été
ensemencés directement sur des milieux de culture appropriés. Les tests biochimiques nécessaires ont été effectués et les micro-organismes ont été identifiés
suivant la procédure standard. La sensibilité in vitro des germes pathogènes aux
différents antibiotiques a été étudiée selon les recommandations de la CA-SFM ;
129 bactéries ont été isolées avec un taux de prévalence de 36,4 %. Les prélèvements conjonctivaux ont prédominé à 70,5 % (n = 91). Dans les conjonctivites
et les kératites, le principal agent causal était représenté par les staphylocoques
à coagulase négative suivis par les streptocoques alpha hémolytiques. Les bactéries issues de lentilles de contact ont été représentées essentiellement par les
entérobactéries (50 %). Dans les uvéites et les cellulites, différentes bactéries
ont été isolées. Les germes étudiés étaient sensibles à la plupart des antibiotiques
testés, à l’exception des staphylocoques dorés qui ont révélé une résistance à la
pénicilline G ; les Pseudomonas sp ont exprimé une sensibilité moyenne à la
pipéracilline et la ticarcilline. Les streptocoques ␣ hémolytiques ont montré une
très faible sensibilité à la ciprofloxacine. En conclusion, de nombreuses espèces
peuvent être responsables des infections oculaires, mais elles étaient sensibles
à la plupart des antibiotiques testés.
doi:10.1684/abc.2012.0748
Mots clés : infection oculaire, isolat bactérien, sensibilité aux antibiotiques
Article reçu le 5 mars 2012,
accepté le 24 avril 2012
Abstract. Isolation of bacteria involved in eye infections and their susceptibility pattern to various antibiotics in vitro eye were studied. Different ocular
samples were obtained from 354 patients hospitalized in ophthalmology unit.
The samples were inoculated directly onto appropriate culture media. Biochemical tests have been performed and microorganisms were identified according
to standard procedure. The in vitro susceptibility of pathogens to antibiotics has
been studied as recommended by the CA-SFM; 129 bacteria were isolated with
a prevalence rate of 36.4%. The conjunctival swabs were predominant in 70.5%
(n=91). In conjunctivitis and keratitis, the main causal agent was coagulasenegative staphylococci followed by alpha hemolytic streptococci. Bacteria from
contact lenses were represented mostly by Enterobacteriaceae (50%). In uveitis
and cellulite, different bacteria were isolated. The pathogens studied were susceptible to most antibiotics tested except Staphylococcus aureus that showed
resistance to penicillin G, Pseudomonas sp expressed an average sensitivity to
piperacillin and ticarcillin. The alpha hemolytic streptococci showed very low
sensitivity to ciprofloxacin. In conclusion many species could be responsible
for eye infections. They were sensitive to most antibiotics tested exceptions.
Key words: ocular infection, bacterial isolates, bacteria sensitivity to antibiotics, bacteria
Tirés à part : F.-Z. Hajoui
Pour citer cet article : Hajoui FZ, Daoudi N, Kabbaj H, Alaoui A, Seffar M. Étude bactériologique des souches isolées à partir d’infections oculaires. Ann Biol Clin 2012 ;
70(6) : 689-94 doi:10.1684/abc.2012.0748
689
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Article original
L’œil est l’unique organe qui est pratiquement imperméable
à la plupart des agents environnementaux. L’écoulement
continu des larmes, facilité par le réflexe de clignotement,
lave mécaniquement les substances de la surface oculaire et
empêche l’accumulation des micro-organismes. En outre,
les lysozymes, la lactoferrine, les immunoglobulines sécrétoires, et les défensines, qui sont présents à des niveaux
élevés dans les larmes, peuvent spécifiquement réduire
la colonisation bactérienne de la surface oculaire [1, 2].
Cependant dans certaines circonstances, des agents infectieux peuvent accéder au segment postérieur de l’œil suivant
un des trois itinéraires : 1) suite à une chirurgie intraoculaire [3, 4] ; 2) suite à des traumatismes pénétrants du
globe [5] ; ou 3) de la diffusion hématogène des bactéries à partir d’un site éloigné. Les infections oculaires se
caractérisent aussi bien par la diversité de leur localisation
(conjonctive, cornée, vitré, choriorétine) que par les germes
en cause (bactéries, virus, champignons ou parasites). Elles
ont un pronostic variable : tandis que la plupart des infections sont bénignes (conjonctivites bactériennes, kératites),
d’autres peuvent endommager les structures fonctionnelles
importantes et mener à la cécité (uvéite, choriorétinite,
perforation cornéenne et endophtalmie) [6]. Il s’agit alors
d’une urgence thérapeutique. Des antibiotiques à large
spectre doivent être administrés dès qu’un diagnostic est
posé. Des topiques antibiotiques sont préférés pour des
infections cornéennes et conjonctivales, alors que les antibiotiques parentéraux et intravitréens sont préférés pour les
endophtalmies [7].
Objectif du travail
Ce travail a pour but de présenter les aspects microbiologiques des infections oculaires superficielles et profondes
et d’étudier le profil de résistance des germes isolés aux
différents antibiotiques utilisés dans le traitement de ces
infections oculaires.
Matériels et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective s’étalant sur une période
de 5 années de janvier 2005 à décembre 2009. La population étudiée est composée de patients hospitalisés au service
d’ophtalmologie de l’hôpital des spécialités de Rabat ; 354
prélèvements ont été réalisés avant toute toilette faciale au
niveau du site d’infection et l’acheminement vers le laboratoire de microbiologie a été immédiat. Au laboratoire,
le traitement du prélèvement a suivi les étapes suivantes :
1) culture sur les milieux gélose au sang, gélose chocolat, Chapman, DCL (désoxycholate citrate lactose), BHI
(brain heart infusion), Sabouraud additionné de chloramphénicol ; 2) incubation à 37 ◦ C pendant 24 h ; 3) examen
690
au microscope optique de deux frottis (Gram et Giemsa) ;
4) identification bactérienne à partir des caractères culturaux et biochimiques ; 5) antibiogramme réalisé par la
méthode de diffusion selon les recommandations du Comité
de l’antibiogramme de la Société française de microbiologie (CA-SFM).
Résultats
Au total 354 prélèvements ont été analysés dont 129 ont été
positifs. La répartition de ces prélèvements positifs a montré une prédominance des prélèvements conjonctivaux avec
70,5 % (n = 91) suivi des prélèvements cornéens 12,4 %
(tableau 1).
La prévalence des infections oculaires durant les 5 années
d’étude a été de 36,4 %. Celle-ci a augmenté à 36,5 % en
2005 pour atteindre 43 % en 2007 puis a baissé à 34 % en
2009 (tableau 2).
La répartition des isolats bactériens selon la coloration de
Gram a montré que les cocci à Gram positif ont prédominé
avec 79 % (n = 102), les bacilles à Gram négatif 18,6 %
(n = 24) et les coccobacilles à Gram négatif 2,3 % (n = 3)
(tableau 3).
La répartition des isolats bactériens selon leur localisation oculaire a montré que les staphylocoques à coagulase
négative 49,4 % (n = 45), streptocoques ␣- hémolytiques
(16,5 %) et Staphylococcus aureus (17,6 %) ont été
les espèces les plus fréquemment rencontrées dans les
conjonctivites bactériennes ; les autres streptocoques, les
entérobactéries, Pseudomonas sp, Acinetobacter et Haemophilus ont été isolés plus rarement.
Dans les kératites, les staphylocoques à coagulase négative
62,5 % (n = 10) ont été le principal agent, les autres bactéries
Streptococcus sp et Pseudomonas sp occupent une place
moindre, mais importante.
Les bactéries issues de lentilles de contact ont été représentées par les entérobactéries (50 %), Pseudomonas sp
et les streptocoques alpha hémolytiques. Dans les uvéites
et les cellulites, différents germes ont été isolés au niveau
des liquides oculaires (humeur aqueuse et vitré. . .) et des
abcès orbitaires et périorbitaires : les entérobactéries, entérocoques, Pseudomonas sp, Moraxella, et streptocoques
alpha hémolytiques (tableau 4).
La sensibilité des germes aux antibiotiques a également été
étudiée.
Les staphylocoques à coagulase négative étudiés ont montré
une bonne sensibilité à la plupart des antibiotiques testés à
l’exception de l’érythromycine pour laquelle ils ont révélé
une sensibilité médiocre (56,1 %) (tableau 5).
Les staphylocoques dorés étudiés ont montré une très bonne
sensibilité à la plupart des antibiotiques testés, sauf la pénicilline G où la résistance a été de 100 % (tableau 6).
Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 6, novembre-décembre 2012
Étude bactériologique des isolats bactériens oculaires
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Tableau 1. Répartition des prélèvements positifs.
Prélèvement (n = 129)
Pus conjonctival
(conjonctivites)
Grattage cornéen
(kératites)
Lentille de contact
Pus vitréen et humeur
aqueuse (uvéites)
Abcès orbitaire et
périorbitaire (cellulite)
Nombre
91
Pourcentage (%)
70,5
16
12,4
12
6
9,3
4,7
4
3,1
Les entérobactéries ont conservé une excellente sensibilité
pour la plupart des antibiotiques testés avoisinant les 100 %,
à l’exception de l’amikacine (66,7 %) (tableau 7).
Les Pseudomonas sp ont exprimé une bonne sensibilité
pour la ceftazidime, la tobramycine, la gentamycine, la
ciprofloxacine et l’imipénème. Cependant, celle-ci n’a pas
dépassé les 50 % pour la pipéracilline et la ticarcilline
(tableau 8).
Les streptocoques alpha hémolytiques ont conservé une
bonne sensibilité pour la plupart des antibiotiques testés,
à l’exception de la ciprofloxacine (28 %) (tableau 9).
Tableau 2. Prévalence annuelle des infections oculaires au service
d’ophtalmologie à l’hôpital des spécialités de Rabat.
Discussion
Années
2005
2006
2007
2008
2009
Total des
prélèvements
74
76
65
51
88
Nombre des
isolats bactériens
27
30
28
14
30
Prévalence
(%)
36,5
39,5
43
27,5
34
Tableau 3. Répartition des isolats bactériens selon la coloration
de Gram.
Germes
Cocci à Gram positif
Bacilles à Gram négatif
Coccobacilles à Gram négatif
Nombre
102
24
3
Pourcentage
79
18,6
2,3
Les prélèvements oculaires sont particulièrement délicats
en raison de la faible quantité de matériel disponible. Un
abcès cornéen n’est souvent constitué que de quelques millimètres cubes. La flore bactérienne de la conjonctive et des
paupières peut par ailleurs contaminer les prélèvements [8].
L’identification est souvent difficile en raison de la présence
de bactéries commensales. Par conséquent, pour considérer un germe comme pathogène, il faut que la culture soit
monomicrobienne, qu’il y ait une concordance entre les
données de l’examen direct et la culture, que le germe soit
incriminé dans les infections oculaires et qu’il soit à
l’origine d’une symptomatologie clinique [8-10]. Les
organismes à l’origine des infections oculaires sont généralement exogènes, pénétrant dans l’œil lors d’une chirurgie
Tableau 4. Répartition des isolats bactériens en fonction de leur localisation oculaire.
Type d’infection
Conjonctivite/91
Kératite/16
Lentilles de contact/12
Uvéite/6
Cellulite/4
Les espèces bactériennes isolées
Staphylocoques à coagulase négative
Streptocoques alpha hémolytiques
Staphylococcus aureus
Pseudomonas spp
Entérobactéries
Streptocoques bêta-hémolytique
Acinetobacter
Haemophilus
Staphylocoques à coagulase négative
Streptocoques alpha hémolytiques
Streptocoques de groupe D
Pseudomonas spp
Entérobactéries
Pseudomonas spp
Streptocoques alpha hémolytiques
Streptocoques alpha hémolytiques
Staphylocoques à coagulase négative
Entérocoques
Entérobactéries
Moraxella
Staphylocoques à coagulase négative
Streptocoques alpha hémolytiques
Entérobactéries
Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 6, novembre-décembre 2012
Nombre des isolats bactériens (%)
45 (49,4)
18 (16,5)
16 (17,6)
5 (5,5)
4 (4,4)
1 (1)
1 (1)
1 (1)
10 (62,5)
2 (12,5)
2 (12,5)
2 (12,5)
6 (50)
5 (41,7)
1 (8,3)
3 (50)
1 (16,7)
1 (16,7)
1 (16,7)
1 (25)
1 (25)
1 (25)
1 (25)
691
Article original
Tableau 5. Sensibilité des staphylocoques à coagulase négative aux différents antibiotiques testés.
Antibiotique
Nombre testé
Nombre sensible
Sensibilité (%)
PG
57
8
14
FOX
57
36
63,2
TOB
57
34
59,6
CN
57
35
61,4
CIP
57
35
61,4
E
57
32
56,1
FD
57
38
66,7
VA
57
56
98,2
PG : pénicilline G ; FOX : céfoxitine ; TOB : tobramycine ; CN : gentamycine ; CIP : ciprofloxacine ; E : érythromycine ; FD : acide fusidique ; VA : vancomycine.
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Tableau 6. Sensibilité des staphylocoques dorés aux différents antibiotiques testés.
Antibiotique
Nombre testé
Nombre sensible
Sensibilité (%)
PG
16
0
0
FOX
16
13
81,3
TOB
16
13
81,3
CN
16
14
87,5
CIP
16
14
87,5
E
16
13
81,3
FD
16
13
81,3
VA
16
16
100
PG : pénicilline G ; FOX : céfoxitine ; TOB : tobramycine ; CN : gentamycine ; CIP : ciprofloxacine ; E : érythromycine ; FD : acide fusidique ; VA : vancomycine.
Tableau 7. Sensibilité des entérobactéries (Klebsiella, Enterobacter cloacae, E. coli, Proteus, Serratia) aux différents antibiotiques testés.
Antibiotique
Nombre testé
Nombre sensible
Sensibilité (%)
CRO
12
12
100
CAZ
12
12
100
AK
12
8
66,7
TOB
12
11
91,7
CN
12
11
91,7
CIP
12
12
100
CRO : ceftriaxone ; CAZ : ceftazidime ; AK : amikacine ; TOB : tobramycine ; CN : gentamycine ; CIP : cipofloxacine.
Tableau 8. Sensibilité de Pseudomonas aux différents antibiotiques testés.
Antibiotique
Nombre testé
Nombre sensible
Sensibilité (%)
CAZ
12
12
100
PIP
12
7
58,3
TIC
12
6
50
TOB
12
12
100
CN
12
9
75
IPM
12
12
100
CIP
12
12
100
CAZ : ceftazidime ; PIP : pipéracilline ; TIC : ticarcilline ; TOB : tobramycine ; CN : gentamycine ; CIP : ciprofloxacine ; IPM : imipénème.
oculaire. Les sources de contamination sont constituées
essentiellement des instruments, des fluides d’infusion et
du sac conjonctival qui héberge normalement plusieurs
micro-organismes commensaux [9, 10]. Dans la présente
étude, la prévalence globale des infections oculaires durant
toute la période d’étude était de 36,4 %. Ce taux légèrement faible s’explique par le fait que les prélèvements
s’avèrent souvent négatifs bien que ensemencés de façon
adéquate [8]. Nos résultats se rapprochent de ceux obtenus
dans des études similaires rapportant des taux de prévalence
variant entre 22 % ; 25,5 % ; 43 % et 37,7 % [3, 9-11].
La prévalence annuelle de ces infections a varié selon les
années. Ainsi, elle a augmenté durant les 3 premières années
atteignant 43 % en 2007 puis a baissé à 34 % en 2009.
Cette diminution est peut-être liée aux mesures de prévention et de lutte contre les infections nosocomiales
692
Tableau 9. Sensibilité des Streptocoques alpha hémolytique aux
différents antibiotiques testés.
Antibiotique
Nombre testé
Nombre sensible
Sensibilité (%)
OXA
25
19
76
G500
25
17
68
IPM
25
24
96
VA
25
23
92
CIP
25
7
28
OXA : oxacilline ; G500 : gentamycine ; IPM : imipénème ; VA : vancomycine ;
CIP : ciprofloxacine.
postopératoires appliquées au sein de l’hôpital des spécialités de Rabat. On a noté le caractère polymorphe
des prélèvements reçus au laboratoire (conjonctivaux, cornéens, vitréens, lentilles de contact. . .), avec une prédominance des prélèvements conjonctivaux (70,5 %), suivis des
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Étude bactériologique des isolats bactériens oculaires
prélèvements cornéens. L’étude de la répartition des isolats bactériens selon la coloration de Gram a montré une
prédominance des cocci à Gram positif (79 %), suivis des
bacilles et des coccobacilles à Gram négatif. Ces résultats
concordent avec ceux de l’étude antérieure rapportant un
taux de 67,2 % pour les cocci à Gram positif et 32,8 %
pour les bacilles à Gram négatif [3, 9, 11]. La répartition des germes par espèce bactérienne dans l’ensemble
des prélèvements a révélé une diversité d’espèces isolées à
partir des infections oculaires. En effet, la répartition des
isolats bactériens selon leur localisation oculaire a montré que les staphylocoques à coagulase négative (49,4 %)
(n = 45), streptocoques alpha hémolytiques (16,5 %) et
Staphylococcus aureus (17,6 %) ont été les espèces les
plus fréquemment rencontrées dans les conjonctivites bactériennes ; les autres streptocoques, les entérobactéries,
Pseudomonas sp, Acinetobacter et Haemophilus ont été
isolés plus rarement. En France et chez l’adulte Staphylococcus aureus, Branhamella catarrhalis, Streptococcus
pneumoniae sont les espèces les plus fréquemment rencontrées ; les autres streptocoques, les entérobactéries et les
Moraxella, Acinetobacter et Haemophilus sont isolés plus
rarement [12, 13]. À New York, Haemophilus influenzae
et Streptococcus pneumoniae ont été les espèces les plus
fréquemment isolées dans les conjonctivites chez l’adulte,
alors que Moraxella catarrhalis a été l’espèce la plus
isolée chez l’enfant [12]. Dans les kératites, les staphylocoques à coagulase négative (62,5 %) (n = 10) ont été le
principal agent causal, les autres bactéries Streptocoques
sp (12,5 %) et Pseudomonas sp (12,5 %) ont été faiblement isolées. La littérature rapporte que Staphylococcus
aureus et Staphylococcus epidermidis sont les principaux
agents (27 %), les autres bactéries à Gram positif : cocci :
streptocoques (14,5 %) ou bacilles : corynébactéries ou
autres (10 %), occupent une place moindre, mais importante
[13-15].
La nature des espèces bactériennes en cause varie selon que
le patient est ou non porteur de lentilles. En effet, les bactéries issues de lentilles de contact ont été représentées par
les entérobactéries (50 %), Pseudomonas sp et les streptocoques alpha hémolytiques. Ces résultats concordent avec
ceux de la littérature rapportant que les bactéries à Gram
négatif à savoir : Enterobacteriaceae, Pseudomonas et Acinetobacter sont les principaux germes rencontrés dans les
cas de port de lentilles [12, 13, 16, 17].
Pour les uvéites, les germes isolés au niveau des liquides
endo-oculaires (humeur aqueuse et vitré. . .) ont été les
streptocoques alpha hémolytiques (50 %), staphylocoques à
coagulase négatif, entérocoques et les entérobactéries avec
un taux de 16,7 % chacun.
Pour les cellulites, différents germes ont été isolés au niveau
des abcès orbitaires et périorbitaires : staphylocoques à
Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 6, novembre-décembre 2012
coagulase négatif, Moraxella sp, entérobactéries, et streptocoques alpha hémolytiques avec un taux de 25 % chacun.
Une étude menée au Texas rapporte que Staphylococcus
aureus méthicilline-résistant, streptocoques sp et Haemophilus sp sont les espèces les plus isolées dans les cellulites
orbitaires pédiatriques [18].
L’étude de la sensibilité des germes oculaires aux différents
antibiotiques a montré que les staphylocoques à coagulase négative ont révélé un bon profil de sensibilité à la
majorité des antibiotiques testés sauf la pénicilline G qui a
montré une très faible assurance contre ces germes (14 %
de sensibilité). Cependant, malgré la bonne sensibilité des
staphylocoques blancs, leurs taux restent inférieurs à ceux
rapportés par les études antérieures où la sensibilité des
staphylocoques à la gentamicine a été de 77,1 % contre
61,4 % pour notre étude, la sensibilité à la ciprofloxacine
de 92 % contre 61,4 pour notre étude et la sensibilité de
100 % à la vancomycine contre 98,2 % pour notre étude.
Ceci peut être lié à l’usage abusif, l’utilisation aveugle et
prolongée de ces molécules et la pratique commune de
l’automédication [19, 20]. Les staphylocoques dorés ont
présenté un profil de sensibilité meilleur que celui des staphylocoques blancs et semblable à celui rapporté dans la
littérature. Ainsi, la sensibilité à la vancomycine a été de
100 % et 87,5 % pour la gentamycine, dépassant ainsi
les taux de la littérature. Cependant, la pénicilline G n’a
montré aucune assurance contre ces germes [19, 20]. La
sensibilité des entérobactéries a été meilleure, avoisinant les
100 % pour tous les antibiotiques testés, sauf l’amikacine
(66,7 %), ce qui concorde avec la littérature. Quand au taux
de l’amikacine, la littérature rapporte que cette molécule a
la plus grande assurance contre les germes à Gram positif et
la tobramycine contre les germes à Gram négatif. La sensibilité de Pseudomonas était de 100 % pour ciprofloxacine
et l’imipénème. Ces taux dépassent ceux de la littérature
rapportant un taux avoisinant 80 % pour ces antibiotiques.
La sensibilité pour la ticarcilline et la pipéracilline a été
d’environ 50 %. Les streptocoques ont révélé une bonne
sensibilité à l’exception du taux de sensibilité faible pour
la ciprofloxacine.
Conclusion
Cette étude a montré le caractère polymorphe des infections
oculaires étudiées. De nombreuses espèces peuvent en être
responsables, mais elles sont sensibles à la plupart des antibiotiques testés. Ces résultats peuvent servir de base pour
les ophtalmologistes dans le traitement et la surveillance
des infections oculaires.
Conflits d’intérêts :
aucun.
693
Article original
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