Article original Ann Biol Clin 2012 ; 70 (6) : 689-94 Étude bactériologique des souches isolées à partir d’infections oculaires Bacteriological study of the strains isolated from ocular infections Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Fatima-Zahra Hajoui Naima Daoudi Hakima Kabbaj Ahmed Alaoui Myriam Seffar Service de microbiologie, Hôpital des spécialités ; Faculté de médecine et de pharmacie, CHU Ibn Sina, Université Mohammed V, Rabat, Maroc <[email protected]> Résumé. L’isolement des bactéries impliquées dans les infections oculaires, ainsi que leur profil de sensibilité in vitro aux différents antibiotiques oculaires ont été étudiés. Différents prélèvements oculaires ont été obtenus à partir de 354 patients hospitalisés au service d’ophtalmologie. Les prélèvements ont été ensemencés directement sur des milieux de culture appropriés. Les tests biochimiques nécessaires ont été effectués et les micro-organismes ont été identifiés suivant la procédure standard. La sensibilité in vitro des germes pathogènes aux différents antibiotiques a été étudiée selon les recommandations de la CA-SFM ; 129 bactéries ont été isolées avec un taux de prévalence de 36,4 %. Les prélèvements conjonctivaux ont prédominé à 70,5 % (n = 91). Dans les conjonctivites et les kératites, le principal agent causal était représenté par les staphylocoques à coagulase négative suivis par les streptocoques alpha hémolytiques. Les bactéries issues de lentilles de contact ont été représentées essentiellement par les entérobactéries (50 %). Dans les uvéites et les cellulites, différentes bactéries ont été isolées. Les germes étudiés étaient sensibles à la plupart des antibiotiques testés, à l’exception des staphylocoques dorés qui ont révélé une résistance à la pénicilline G ; les Pseudomonas sp ont exprimé une sensibilité moyenne à la pipéracilline et la ticarcilline. Les streptocoques ␣ hémolytiques ont montré une très faible sensibilité à la ciprofloxacine. En conclusion, de nombreuses espèces peuvent être responsables des infections oculaires, mais elles étaient sensibles à la plupart des antibiotiques testés. doi:10.1684/abc.2012.0748 Mots clés : infection oculaire, isolat bactérien, sensibilité aux antibiotiques Article reçu le 5 mars 2012, accepté le 24 avril 2012 Abstract. Isolation of bacteria involved in eye infections and their susceptibility pattern to various antibiotics in vitro eye were studied. Different ocular samples were obtained from 354 patients hospitalized in ophthalmology unit. The samples were inoculated directly onto appropriate culture media. Biochemical tests have been performed and microorganisms were identified according to standard procedure. The in vitro susceptibility of pathogens to antibiotics has been studied as recommended by the CA-SFM; 129 bacteria were isolated with a prevalence rate of 36.4%. The conjunctival swabs were predominant in 70.5% (n=91). In conjunctivitis and keratitis, the main causal agent was coagulasenegative staphylococci followed by alpha hemolytic streptococci. Bacteria from contact lenses were represented mostly by Enterobacteriaceae (50%). In uveitis and cellulite, different bacteria were isolated. The pathogens studied were susceptible to most antibiotics tested except Staphylococcus aureus that showed resistance to penicillin G, Pseudomonas sp expressed an average sensitivity to piperacillin and ticarcillin. The alpha hemolytic streptococci showed very low sensitivity to ciprofloxacin. In conclusion many species could be responsible for eye infections. They were sensitive to most antibiotics tested exceptions. Key words: ocular infection, bacterial isolates, bacteria sensitivity to antibiotics, bacteria Tirés à part : F.-Z. Hajoui Pour citer cet article : Hajoui FZ, Daoudi N, Kabbaj H, Alaoui A, Seffar M. Étude bactériologique des souches isolées à partir d’infections oculaires. Ann Biol Clin 2012 ; 70(6) : 689-94 doi:10.1684/abc.2012.0748 689 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Article original L’œil est l’unique organe qui est pratiquement imperméable à la plupart des agents environnementaux. L’écoulement continu des larmes, facilité par le réflexe de clignotement, lave mécaniquement les substances de la surface oculaire et empêche l’accumulation des micro-organismes. En outre, les lysozymes, la lactoferrine, les immunoglobulines sécrétoires, et les défensines, qui sont présents à des niveaux élevés dans les larmes, peuvent spécifiquement réduire la colonisation bactérienne de la surface oculaire [1, 2]. Cependant dans certaines circonstances, des agents infectieux peuvent accéder au segment postérieur de l’œil suivant un des trois itinéraires : 1) suite à une chirurgie intraoculaire [3, 4] ; 2) suite à des traumatismes pénétrants du globe [5] ; ou 3) de la diffusion hématogène des bactéries à partir d’un site éloigné. Les infections oculaires se caractérisent aussi bien par la diversité de leur localisation (conjonctive, cornée, vitré, choriorétine) que par les germes en cause (bactéries, virus, champignons ou parasites). Elles ont un pronostic variable : tandis que la plupart des infections sont bénignes (conjonctivites bactériennes, kératites), d’autres peuvent endommager les structures fonctionnelles importantes et mener à la cécité (uvéite, choriorétinite, perforation cornéenne et endophtalmie) [6]. Il s’agit alors d’une urgence thérapeutique. Des antibiotiques à large spectre doivent être administrés dès qu’un diagnostic est posé. Des topiques antibiotiques sont préférés pour des infections cornéennes et conjonctivales, alors que les antibiotiques parentéraux et intravitréens sont préférés pour les endophtalmies [7]. Objectif du travail Ce travail a pour but de présenter les aspects microbiologiques des infections oculaires superficielles et profondes et d’étudier le profil de résistance des germes isolés aux différents antibiotiques utilisés dans le traitement de ces infections oculaires. Matériels et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective s’étalant sur une période de 5 années de janvier 2005 à décembre 2009. La population étudiée est composée de patients hospitalisés au service d’ophtalmologie de l’hôpital des spécialités de Rabat ; 354 prélèvements ont été réalisés avant toute toilette faciale au niveau du site d’infection et l’acheminement vers le laboratoire de microbiologie a été immédiat. Au laboratoire, le traitement du prélèvement a suivi les étapes suivantes : 1) culture sur les milieux gélose au sang, gélose chocolat, Chapman, DCL (désoxycholate citrate lactose), BHI (brain heart infusion), Sabouraud additionné de chloramphénicol ; 2) incubation à 37 ◦ C pendant 24 h ; 3) examen 690 au microscope optique de deux frottis (Gram et Giemsa) ; 4) identification bactérienne à partir des caractères culturaux et biochimiques ; 5) antibiogramme réalisé par la méthode de diffusion selon les recommandations du Comité de l’antibiogramme de la Société française de microbiologie (CA-SFM). Résultats Au total 354 prélèvements ont été analysés dont 129 ont été positifs. La répartition de ces prélèvements positifs a montré une prédominance des prélèvements conjonctivaux avec 70,5 % (n = 91) suivi des prélèvements cornéens 12,4 % (tableau 1). La prévalence des infections oculaires durant les 5 années d’étude a été de 36,4 %. Celle-ci a augmenté à 36,5 % en 2005 pour atteindre 43 % en 2007 puis a baissé à 34 % en 2009 (tableau 2). La répartition des isolats bactériens selon la coloration de Gram a montré que les cocci à Gram positif ont prédominé avec 79 % (n = 102), les bacilles à Gram négatif 18,6 % (n = 24) et les coccobacilles à Gram négatif 2,3 % (n = 3) (tableau 3). La répartition des isolats bactériens selon leur localisation oculaire a montré que les staphylocoques à coagulase négative 49,4 % (n = 45), streptocoques ␣- hémolytiques (16,5 %) et Staphylococcus aureus (17,6 %) ont été les espèces les plus fréquemment rencontrées dans les conjonctivites bactériennes ; les autres streptocoques, les entérobactéries, Pseudomonas sp, Acinetobacter et Haemophilus ont été isolés plus rarement. Dans les kératites, les staphylocoques à coagulase négative 62,5 % (n = 10) ont été le principal agent, les autres bactéries Streptococcus sp et Pseudomonas sp occupent une place moindre, mais importante. Les bactéries issues de lentilles de contact ont été représentées par les entérobactéries (50 %), Pseudomonas sp et les streptocoques alpha hémolytiques. Dans les uvéites et les cellulites, différents germes ont été isolés au niveau des liquides oculaires (humeur aqueuse et vitré. . .) et des abcès orbitaires et périorbitaires : les entérobactéries, entérocoques, Pseudomonas sp, Moraxella, et streptocoques alpha hémolytiques (tableau 4). La sensibilité des germes aux antibiotiques a également été étudiée. Les staphylocoques à coagulase négative étudiés ont montré une bonne sensibilité à la plupart des antibiotiques testés à l’exception de l’érythromycine pour laquelle ils ont révélé une sensibilité médiocre (56,1 %) (tableau 5). Les staphylocoques dorés étudiés ont montré une très bonne sensibilité à la plupart des antibiotiques testés, sauf la pénicilline G où la résistance a été de 100 % (tableau 6). Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 6, novembre-décembre 2012 Étude bactériologique des isolats bactériens oculaires Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Tableau 1. Répartition des prélèvements positifs. Prélèvement (n = 129) Pus conjonctival (conjonctivites) Grattage cornéen (kératites) Lentille de contact Pus vitréen et humeur aqueuse (uvéites) Abcès orbitaire et périorbitaire (cellulite) Nombre 91 Pourcentage (%) 70,5 16 12,4 12 6 9,3 4,7 4 3,1 Les entérobactéries ont conservé une excellente sensibilité pour la plupart des antibiotiques testés avoisinant les 100 %, à l’exception de l’amikacine (66,7 %) (tableau 7). Les Pseudomonas sp ont exprimé une bonne sensibilité pour la ceftazidime, la tobramycine, la gentamycine, la ciprofloxacine et l’imipénème. Cependant, celle-ci n’a pas dépassé les 50 % pour la pipéracilline et la ticarcilline (tableau 8). Les streptocoques alpha hémolytiques ont conservé une bonne sensibilité pour la plupart des antibiotiques testés, à l’exception de la ciprofloxacine (28 %) (tableau 9). Tableau 2. Prévalence annuelle des infections oculaires au service d’ophtalmologie à l’hôpital des spécialités de Rabat. Discussion Années 2005 2006 2007 2008 2009 Total des prélèvements 74 76 65 51 88 Nombre des isolats bactériens 27 30 28 14 30 Prévalence (%) 36,5 39,5 43 27,5 34 Tableau 3. Répartition des isolats bactériens selon la coloration de Gram. Germes Cocci à Gram positif Bacilles à Gram négatif Coccobacilles à Gram négatif Nombre 102 24 3 Pourcentage 79 18,6 2,3 Les prélèvements oculaires sont particulièrement délicats en raison de la faible quantité de matériel disponible. Un abcès cornéen n’est souvent constitué que de quelques millimètres cubes. La flore bactérienne de la conjonctive et des paupières peut par ailleurs contaminer les prélèvements [8]. L’identification est souvent difficile en raison de la présence de bactéries commensales. Par conséquent, pour considérer un germe comme pathogène, il faut que la culture soit monomicrobienne, qu’il y ait une concordance entre les données de l’examen direct et la culture, que le germe soit incriminé dans les infections oculaires et qu’il soit à l’origine d’une symptomatologie clinique [8-10]. Les organismes à l’origine des infections oculaires sont généralement exogènes, pénétrant dans l’œil lors d’une chirurgie Tableau 4. Répartition des isolats bactériens en fonction de leur localisation oculaire. Type d’infection Conjonctivite/91 Kératite/16 Lentilles de contact/12 Uvéite/6 Cellulite/4 Les espèces bactériennes isolées Staphylocoques à coagulase négative Streptocoques alpha hémolytiques Staphylococcus aureus Pseudomonas spp Entérobactéries Streptocoques bêta-hémolytique Acinetobacter Haemophilus Staphylocoques à coagulase négative Streptocoques alpha hémolytiques Streptocoques de groupe D Pseudomonas spp Entérobactéries Pseudomonas spp Streptocoques alpha hémolytiques Streptocoques alpha hémolytiques Staphylocoques à coagulase négative Entérocoques Entérobactéries Moraxella Staphylocoques à coagulase négative Streptocoques alpha hémolytiques Entérobactéries Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 6, novembre-décembre 2012 Nombre des isolats bactériens (%) 45 (49,4) 18 (16,5) 16 (17,6) 5 (5,5) 4 (4,4) 1 (1) 1 (1) 1 (1) 10 (62,5) 2 (12,5) 2 (12,5) 2 (12,5) 6 (50) 5 (41,7) 1 (8,3) 3 (50) 1 (16,7) 1 (16,7) 1 (16,7) 1 (25) 1 (25) 1 (25) 1 (25) 691 Article original Tableau 5. Sensibilité des staphylocoques à coagulase négative aux différents antibiotiques testés. Antibiotique Nombre testé Nombre sensible Sensibilité (%) PG 57 8 14 FOX 57 36 63,2 TOB 57 34 59,6 CN 57 35 61,4 CIP 57 35 61,4 E 57 32 56,1 FD 57 38 66,7 VA 57 56 98,2 PG : pénicilline G ; FOX : céfoxitine ; TOB : tobramycine ; CN : gentamycine ; CIP : ciprofloxacine ; E : érythromycine ; FD : acide fusidique ; VA : vancomycine. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Tableau 6. Sensibilité des staphylocoques dorés aux différents antibiotiques testés. Antibiotique Nombre testé Nombre sensible Sensibilité (%) PG 16 0 0 FOX 16 13 81,3 TOB 16 13 81,3 CN 16 14 87,5 CIP 16 14 87,5 E 16 13 81,3 FD 16 13 81,3 VA 16 16 100 PG : pénicilline G ; FOX : céfoxitine ; TOB : tobramycine ; CN : gentamycine ; CIP : ciprofloxacine ; E : érythromycine ; FD : acide fusidique ; VA : vancomycine. Tableau 7. Sensibilité des entérobactéries (Klebsiella, Enterobacter cloacae, E. coli, Proteus, Serratia) aux différents antibiotiques testés. Antibiotique Nombre testé Nombre sensible Sensibilité (%) CRO 12 12 100 CAZ 12 12 100 AK 12 8 66,7 TOB 12 11 91,7 CN 12 11 91,7 CIP 12 12 100 CRO : ceftriaxone ; CAZ : ceftazidime ; AK : amikacine ; TOB : tobramycine ; CN : gentamycine ; CIP : cipofloxacine. Tableau 8. Sensibilité de Pseudomonas aux différents antibiotiques testés. Antibiotique Nombre testé Nombre sensible Sensibilité (%) CAZ 12 12 100 PIP 12 7 58,3 TIC 12 6 50 TOB 12 12 100 CN 12 9 75 IPM 12 12 100 CIP 12 12 100 CAZ : ceftazidime ; PIP : pipéracilline ; TIC : ticarcilline ; TOB : tobramycine ; CN : gentamycine ; CIP : ciprofloxacine ; IPM : imipénème. oculaire. Les sources de contamination sont constituées essentiellement des instruments, des fluides d’infusion et du sac conjonctival qui héberge normalement plusieurs micro-organismes commensaux [9, 10]. Dans la présente étude, la prévalence globale des infections oculaires durant toute la période d’étude était de 36,4 %. Ce taux légèrement faible s’explique par le fait que les prélèvements s’avèrent souvent négatifs bien que ensemencés de façon adéquate [8]. Nos résultats se rapprochent de ceux obtenus dans des études similaires rapportant des taux de prévalence variant entre 22 % ; 25,5 % ; 43 % et 37,7 % [3, 9-11]. La prévalence annuelle de ces infections a varié selon les années. Ainsi, elle a augmenté durant les 3 premières années atteignant 43 % en 2007 puis a baissé à 34 % en 2009. Cette diminution est peut-être liée aux mesures de prévention et de lutte contre les infections nosocomiales 692 Tableau 9. Sensibilité des Streptocoques alpha hémolytique aux différents antibiotiques testés. Antibiotique Nombre testé Nombre sensible Sensibilité (%) OXA 25 19 76 G500 25 17 68 IPM 25 24 96 VA 25 23 92 CIP 25 7 28 OXA : oxacilline ; G500 : gentamycine ; IPM : imipénème ; VA : vancomycine ; CIP : ciprofloxacine. postopératoires appliquées au sein de l’hôpital des spécialités de Rabat. On a noté le caractère polymorphe des prélèvements reçus au laboratoire (conjonctivaux, cornéens, vitréens, lentilles de contact. . .), avec une prédominance des prélèvements conjonctivaux (70,5 %), suivis des Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 6, novembre-décembre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Étude bactériologique des isolats bactériens oculaires prélèvements cornéens. L’étude de la répartition des isolats bactériens selon la coloration de Gram a montré une prédominance des cocci à Gram positif (79 %), suivis des bacilles et des coccobacilles à Gram négatif. Ces résultats concordent avec ceux de l’étude antérieure rapportant un taux de 67,2 % pour les cocci à Gram positif et 32,8 % pour les bacilles à Gram négatif [3, 9, 11]. La répartition des germes par espèce bactérienne dans l’ensemble des prélèvements a révélé une diversité d’espèces isolées à partir des infections oculaires. En effet, la répartition des isolats bactériens selon leur localisation oculaire a montré que les staphylocoques à coagulase négative (49,4 %) (n = 45), streptocoques alpha hémolytiques (16,5 %) et Staphylococcus aureus (17,6 %) ont été les espèces les plus fréquemment rencontrées dans les conjonctivites bactériennes ; les autres streptocoques, les entérobactéries, Pseudomonas sp, Acinetobacter et Haemophilus ont été isolés plus rarement. En France et chez l’adulte Staphylococcus aureus, Branhamella catarrhalis, Streptococcus pneumoniae sont les espèces les plus fréquemment rencontrées ; les autres streptocoques, les entérobactéries et les Moraxella, Acinetobacter et Haemophilus sont isolés plus rarement [12, 13]. À New York, Haemophilus influenzae et Streptococcus pneumoniae ont été les espèces les plus fréquemment isolées dans les conjonctivites chez l’adulte, alors que Moraxella catarrhalis a été l’espèce la plus isolée chez l’enfant [12]. Dans les kératites, les staphylocoques à coagulase négative (62,5 %) (n = 10) ont été le principal agent causal, les autres bactéries Streptocoques sp (12,5 %) et Pseudomonas sp (12,5 %) ont été faiblement isolées. La littérature rapporte que Staphylococcus aureus et Staphylococcus epidermidis sont les principaux agents (27 %), les autres bactéries à Gram positif : cocci : streptocoques (14,5 %) ou bacilles : corynébactéries ou autres (10 %), occupent une place moindre, mais importante [13-15]. La nature des espèces bactériennes en cause varie selon que le patient est ou non porteur de lentilles. En effet, les bactéries issues de lentilles de contact ont été représentées par les entérobactéries (50 %), Pseudomonas sp et les streptocoques alpha hémolytiques. Ces résultats concordent avec ceux de la littérature rapportant que les bactéries à Gram négatif à savoir : Enterobacteriaceae, Pseudomonas et Acinetobacter sont les principaux germes rencontrés dans les cas de port de lentilles [12, 13, 16, 17]. Pour les uvéites, les germes isolés au niveau des liquides endo-oculaires (humeur aqueuse et vitré. . .) ont été les streptocoques alpha hémolytiques (50 %), staphylocoques à coagulase négatif, entérocoques et les entérobactéries avec un taux de 16,7 % chacun. Pour les cellulites, différents germes ont été isolés au niveau des abcès orbitaires et périorbitaires : staphylocoques à Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 6, novembre-décembre 2012 coagulase négatif, Moraxella sp, entérobactéries, et streptocoques alpha hémolytiques avec un taux de 25 % chacun. Une étude menée au Texas rapporte que Staphylococcus aureus méthicilline-résistant, streptocoques sp et Haemophilus sp sont les espèces les plus isolées dans les cellulites orbitaires pédiatriques [18]. L’étude de la sensibilité des germes oculaires aux différents antibiotiques a montré que les staphylocoques à coagulase négative ont révélé un bon profil de sensibilité à la majorité des antibiotiques testés sauf la pénicilline G qui a montré une très faible assurance contre ces germes (14 % de sensibilité). Cependant, malgré la bonne sensibilité des staphylocoques blancs, leurs taux restent inférieurs à ceux rapportés par les études antérieures où la sensibilité des staphylocoques à la gentamicine a été de 77,1 % contre 61,4 % pour notre étude, la sensibilité à la ciprofloxacine de 92 % contre 61,4 pour notre étude et la sensibilité de 100 % à la vancomycine contre 98,2 % pour notre étude. Ceci peut être lié à l’usage abusif, l’utilisation aveugle et prolongée de ces molécules et la pratique commune de l’automédication [19, 20]. Les staphylocoques dorés ont présenté un profil de sensibilité meilleur que celui des staphylocoques blancs et semblable à celui rapporté dans la littérature. Ainsi, la sensibilité à la vancomycine a été de 100 % et 87,5 % pour la gentamycine, dépassant ainsi les taux de la littérature. Cependant, la pénicilline G n’a montré aucune assurance contre ces germes [19, 20]. La sensibilité des entérobactéries a été meilleure, avoisinant les 100 % pour tous les antibiotiques testés, sauf l’amikacine (66,7 %), ce qui concorde avec la littérature. Quand au taux de l’amikacine, la littérature rapporte que cette molécule a la plus grande assurance contre les germes à Gram positif et la tobramycine contre les germes à Gram négatif. La sensibilité de Pseudomonas était de 100 % pour ciprofloxacine et l’imipénème. Ces taux dépassent ceux de la littérature rapportant un taux avoisinant 80 % pour ces antibiotiques. La sensibilité pour la ticarcilline et la pipéracilline a été d’environ 50 %. Les streptocoques ont révélé une bonne sensibilité à l’exception du taux de sensibilité faible pour la ciprofloxacine. Conclusion Cette étude a montré le caractère polymorphe des infections oculaires étudiées. De nombreuses espèces peuvent en être responsables, mais elles sont sensibles à la plupart des antibiotiques testés. Ces résultats peuvent servir de base pour les ophtalmologistes dans le traitement et la surveillance des infections oculaires. Conflits d’intérêts : aucun. 693 Article original Références 1. McIntosh RS, Cade JE, Al-Abed M, Shanmuganathan V, Gupta R, Bhan A, et al. Antimicrobial defensin peptides ofthe human ocular surface. Br J Ophthalmol 1999 ; 83 : 737-41. 2. McClellan KA. Mucosal defense of the outer eye. Surv Ophthalmol 1997 ; 42 : 233-46. 10. Khosravi AD, Mehdinejad M, Heidari M. Bacteriological findings in patients with ocular infection and antibiotic susceptibility patterns of isolated pathogens. Singapore Med 2007 ; 48 : 741. 11. Dickey JB, Thompson D, Jay WM. Anterior chamber aspirate cultures after uncomplicated cataract surgery. Am J Ophthalmol 1991 ; 112 : 27882. 12. Epling J. Bacterial conjunctivitis. Clin Evid 2012 (sous presse). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 3. Srinivasan R, Reddy RA, Rene S, Kanungo R, Natarajan MK. Bacterial contamination of anterior chamber during IOL surgery. Indian J Ophthalmol 1999 ; 47 : 185-9. 4. Mistlberger A, Ruckhofer J, Raithel E, Müller M, Alzner E, Egger SF, et al. Anterior chambercontamination during cataract surgery with intraocular lensimplantation. J Cataract Refract Surg 1997 ; 23 : 1064-9. 5. Abu el-Asrar AM, al-Amro SA, al-Mosallam AA, al-Obeidan S. Posttraumatic endophthalmitis : causative organisms and visual outcome. Eur J Ophthalmol 1999 ; 9 : 21-31. 6. Scott IU, Flynn HW Jr, Feuer W, Pflugfelder SC, Alfonso EC, Forster RK, et al. Endophthalmitis associated with microbial keratitis. Ophthalmology 1996 ; 103 : 1864-70. 7. Robert WS, Glasser DB. Antibiotic therapy for ocular infection. West J Med 1994 ; 161 : 579-84. 8. Guex-Crosier Y. Prévention et traitement des infections oculaires bactériennes chez la personne âgée. www.hpci.ch/files/formation/ forum/hh_forum0509-3.pdf. 9. Egger S, Huber-Spitzy V, Scholda C, Schneider B, Grabner G. Bacterial contamination during extracapsular cataract extraction. Ophthalmol 1994 ; 208 : 77-81. 694 13. Denis F, Ploy MC, Rogez S, Martin C, Mounier M, Gambarotto K, et al. Infections oculaires bactériennes : méthodes de diagnostic actuelles et prospectives. Ann Biol Clin 1999 ; 57 : 401-8. 14. Liesegang TH, Forster RK. Spectrum of microbial keratitis in South Florida. Am J Ophtalmol 1980 ; 90 : 38-47. 15. Adenis JP, Denis F, Bron A, Colin J, Franco JL, Mounier M. Infections et inflammations du segment antérieur de l’œil. In : Les hématies. Paris : Merck Sharp Dohme-Chibret, 1989 : 214-31. 16. Liotet S. Infections bactériennes sous lentilles de contact. Rev Fr Lab 1990 ; 207 : 47-9. 17. Brosse Y. La flore microbienne des lentilles en HEMA in situ. Contactol 1982 ; 4 : 50-3. 18. McKinley SH, Yen MT, Miller AM, Yen KG. Microbiology of pediatric orbital cellulitis. Am J Ophthalmol 2007 ; 144 : 497-501. 19. Arantes TE, Cavalcanti RF, Diniz Mde F, Severo MS, Lins Neto J, Castro CM. A conjunctival bacterial flora and antibiotic resistance pattern in patients undergoing cataract surgery. Rq Bras Oftalmol 2006 ; 69 : 33-6. 20. Najia R, Bano H, Baqir S. Naqvi. Sensitivity pattern of bacteria isolated from contact lens wearer. Iran J Pharm Res 2008 ; 7 : 131-4. Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 6, novembre-décembre 2012