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Krankenpflege ISoins infirmiers ICure infermieristiche 11/2013
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souvent passionnelle et engagée. Peut-
être est-il utile de rappeler que le mou-
vement «Pour le droit de mourir dans la
dignité» est né en Angleterre en 1935
déjà, puis s’est rapidement étendu à
d’autres pays et continents. L’Associa-
tion EXIT A.D.M.D. Suisse romande a
été fondée en 1982 par une dizaine de
personnes. Elle compte aujourd’hui plus
de 18 000 adhérents. La Fédération mon-
diale des associations pour le droit de
mourir dans la dignité2réunit quant à
elle 52 associations réparties dans 27
pays. Mais l’assistance au suicide telle
que nous la connaissons n’est autorisée
légalement que dans une poignée de
pays: la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique,
le Luxembourg ainsi que dans les Etats
américains de Washington et de l’Ore-
gon.
Quand l’idéal se heurte
àla réalité
La polémique autour du suicide assisté
est, à bien des égards,passionnante et
révélatrice de nos contradictions in-
times. Quoiqu’on en dise, la mort fait
toujourspartie des sujets «délicats», voi-
retabous dans notresociété, au même
titreque la sexualité, l’avortement, les
transplantations d’organes,le handicap
etc.Quant à la question du suicide en
général, elle n’a cessé d’interpeller les
hommes depuis la nuit des temps: a-t-on
le droit d’interrompredélibérément le
cours d’une vie, alors qu’elle a été don-
née et qu’une «puissance supérieure»
seule est habilitée à décider du moment
de sa fin? Posée ainsi, elle est bien sûr
caricaturale, mais tel est le nœud du pro-
blème.Et c’est là que les défenseurs du
droit à l’autodétermination se heurtent
aux réticences de bon nombrede théo-
logiens, philosophes, éthiciens et bien
entendu, médecins.
Mais c’est seulement lorsqu’on est per-
sonnellement confronté à une demande
d’assistance au suicide que la question
se pose soudain de manièrebrutale.
Quand une personne gravement malade,
pour laquelle la médecine a tout tenté,
qui voit sa qualité de vie diminuer
chaque jour et ses douleurs devenir de
plus en plus importantes et, surtout, qui
aperdu le sens de la vie, demande à
mourir, qu’allons-nous lui dire? Les ré-
flexions philosophiques, éthiques ou en-
core morales se perdent dans l’abstrait
et il faudra, tôt ou tard, apporter une ré-
ponse à cette demande.
Le dilemme des infirmières
Les demandes d’assistance au suicide
ne sont pas encore très fréquentes dans
les établissements de soins, mais la ten-
dance est clairement à la hausse. Dans
le canton de Vaud surtout, où, suite à la
votation du 17 juin 2012, la Loi sur la
santé publique prévoit désormais que
«Les établissements sanitaires reconnus
d’intérêt public ne peuvent refuser la te-
nue d’une assistance au suicide en leur
sein, demandée par un patient ou un ré-
sident, si un certain nombre de condi-
tions sont réunies»3.Cet article stipule
que si le patient n’a d’autredomicile
que l’institution dans laquelle il se trou-
ve, celle-ci est dans l’obligation d’ac-
cepter sa demande d’aide au suicide.
Une disposition qui place les EMS de-
vant des défis considérables et qui a
mené certains établissements à refuser
purement et simplement d’appliquer la
loi.4
Pour les soignants, les demandes d’as-
sistance au suicide sont source de mul-
tiples questionnements, voire de re-
mises en question. Si l’on a côtoyé un
patient pendant une longue période –
par exemple en EMS – qu’on l’a soigné,
entouré, partagé avec lui ses joies et ses
peines,il est extrêmement difficile d’ac-
cepter qu’il veuille mettre fin à ses
jours.
Dans les hôpitaux aussi, des demandes
d’assistance au suicide commencent à
être formulées. Pour Hélène Brioschi
Levi, directrice des soins au CHUV, il
s’agit là d’un nouveau défi pour les
équipes et pour les directions des insti-
tutions. Pour sa part, elle attache une
énorme importance à un accompagne-
ment de qualité pour les équipes, qui vi-
vent alors des moments éprouvants.
«Les soignants doivent savoir que, face
àdes questions aussi essentielles et des
situations extrêmement difficiles pour
eux, je serai là personnellement en tant
que directrice des soins». Et d’ajouter:
«Sachant ce que représentent ces mo-
ments pour les soignants,ce serait com-
me si je me dédouanais en n’étant pas
là». La directrice des soins insiste égale-
ment sur l’attitude des cadres,qui se
doivent d’être exemplaires dans de
telles situations.
Des directives claires
Pour que les infirmières et le personnel
hospitalier en général puissent s’orienter
et se positionner clairement par rapport
àla question du suicide assisté, il est in-
dispensable que les institutions mettent
1Sondage réalisé en 2009 par l’Hebdo.
2World Federation of the Right to Die Societies,
WFRtDS.
3Loi vaudoise sur la santé publique, Art. 27 d –
Assistance au suicide en établissement sanitaire
reconnu d’intérêt public. Entrée en vigueur le
1. 1. 2013.
4Les portes des EMS ne s’ouvrent pas toutes à
Exit. 24Heures, 10.7. 2013.
Recommandations
Position éthique 1 de l’ASI
Si l’assistance au suicide ne fait pas
partie de la mission des soins infir-
miers, il ne s’agit pas pour autant
d’abandonner le patient au moment où
il demande un dernier service à ses soi-
gnants. Répondre au souhait de sui-
cide d’un patient, en professionnelle,
c’est continuer à l’accompagner et à le
soigner avec respect et sans juger de sa
décision et de ses sentiments, ni de
ceux de son entourage.
Ce que vous pouvez faire:
•écouter avec attention le patient et
vous engager à ce que tout ce qu’il
est possible de faire ait été mis en
œuvre pour soulager ses souffrances
morales et/ou physiques et tout in-
confort lié à sa maladie
•partager avec l’équipe ce que vous
vivez face à cette décision et cher-
cher du soutien
•discuter et explorer avec le patient et
en équipe des possibilités existantes
pour que la décision du patient de se
donner la mort puisse êtreréalisée
•accompagner sa famille et ses pro-
ches
•demander à être relevée de la respon-
sabilité des soins donnés à ce patient
s’ils sont trop lourds pour vous
•ou assister,si le patient, sa famille et
si vous-même le souhaitez, à ses der-
niers instants.
Ce que vous ne pouvez pas faire:
•procurer la substance mortelle,la
préparer et la mettre à portée du
patient, même sur délégation du mé-
decin.
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>publications > Position éthique 1: L’assis-
tance au suicide, 2005.