Etudes et Documents n° 11, CERDI, 2014
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1. Introduction
Au début des années 1990, plusieurs pays en développement se sont engagés dans un
processus de décentralisation. Celui-ci visait alors à redéfinir le rôle de l’État et à réformer le
secteur public. Alors que les gouvernements centraux avaient perdu une partie de leur
légitimité du fait de leur incapacité à promouvoir le développement économique, la
décentralisation est apparue comme un moyen de réduire leur rôle en fragmentant leur autorité
et en introduisant plus de concurrence et de contre-pouvoirs.
De plus, dans un monde où pèsent les menaces de conflits ethniques et de mouvements
séparatistes, cette réforme devait permettre d’atténuer les tensions en autorisant une certaine
autonomie politique locale. Largement soutenu par les agences de développement
internationales (World Bank, 1999, 2000), le transfert de compétences au niveau local a
également été guidé par la volonté de promouvoir la démocratie locale et de rendre ainsi les
décideurs publics plus redevables et efficaces.
Si l’analyse de la décentralisation a suscité, comme nous le verrons, un certain engouement
ces trois dernières décennies, cette notion reste délicate à définir, renvoyant à des
arrangements institutionnels aussi variés que les pays qui se sont engagés dans ce processus.
Une clarification terminologique s’impose alors. D’un point de vue du droit constitutionnel, la
notion de décentralisation n’a pas la même portée selon que l’État concerné soit unitaire ou
fédéral. Pour le premier type, la souveraineté, qui peut être partiellement cédée aux unités
locales constituantes, réside initialement au niveau central. Pour les États fédéraux, les
gouvernements indépendants des territoires constituants et le gouvernement central décident
conjointement du partage des compétences. De plus, tandis que le pouvoir dans les États
unitaires est délégué aux gouvernements locaux par une loi selon la seule volonté de l’État,
dans les États fédéraux, la répartition du pouvoir est prévue par la constitution et ne peut être
modifiée aisément.
L’existence d’un État unitaire ou fédéral ne préjuge pas néanmoins du degré de
décentralisation. Ce dernier, difficilement mesurable, dépend de la répartition qualitative et
quantitative des compétences entre les différents niveaux de gouvernements. Dans ce cadre, il
est indispensable de distinguer les notions de déconcentration, de délégation et de dévolution.
La déconcentration a pour seul but d’améliorer l’efficacité opérationnelle de l’action de l’État.
Elle consiste en un transfert de responsabilités de l’État central à des agents d’une
circonscription territoriale, alors subordonnés à l’autorité hiérarchique du gouvernement
central. La délégation correspond au transfert de pouvoir et de responsabilité dans un domaine