Les femmes sous-représentées dans les tests de médicaments

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Les femmes sous-représentées dans les tests de
médicaments
Par Caroline Piquet - le 08/03/2012
Trop peu nombreuses dans les tests cliniques, les femmes se voient proposer des
médicaments pas toujours adaptés à leur physiologie.
Avant la commercialisation d'un médicament, des essais cliniques sont toujours
conduits chez l'humain afin d'évaluer l'efficacité et les risques du nouveau traitement. Se
déroulant en quatre phases, ces tests réunissent des volontaires sains ou malades, dont la
plupart sont des hommes. Partant du principe que femmes et hommes étaient égaux sur
le plan physiologique, cette surreprésentation masculine n'a jamais éveillé les soupçons.
Cette pratique a pourtant montré ses limites quand des effets secondaires, non révélés
pendant les tests, sont apparus chez les femmes une fois le médicament commercialisé.
Si les médecins ont désormais compris qu'hommes et femmes pouvaient réagir
différemment face aux traitements, «les femmes demeurent moins représentées que les
hommes dans les tests cliniques», affirme le Dr Jean-Pierre Duffet, adjoint au directeur
du Centre national de gestion des essais de produits de santé (CeNGEPS). «C'est le cas
dans les essais effectués pour les maladies cardiovasculaires et dans certains types de
cancers», précise le cardiologue.
Plusieurs raisons expliquent cette faible participation. «Les tests peuvent
comporter des risques sur les femmes enceintes, notamment pour le fœtus», explique le
Dr Duffet. Les fluctuations hormonales du cycle ovarien ou encore les éventuelles
interactions avec les contraceptifs oraux pourraient également fausser les résultats des
essais. «Par conséquent, on incite peu les femmes à rejoindre les tests. De leur côté,
elles ne se portent pas spontanément volontaires, sûrement pour des raisons culturelles
et sociales», ajoute le médecin. En outre, les tests cliniques demandent une grande
disponibilité, difficile à trouver pour les jeunes mamans.
Le cas du VIHCet écart est particulièrement frappant dans les essais effectués
pour des traitements contre le sida. Alors que les femmes représentent 55% des
personnes séropositives dans le monde, elles sont seulement 15 à 20% à participer aux
tests aujourd'hui. Séropositive depuis 1987, Catherine Kapusta, coordinatrice du
collectif interassociatif Femmes & VIH, lutte depuis plusieurs années contre cette sousreprésentation, qui «pose un vrai problème sur la méconnaissance des spécificités des
femmes dans la maladie». «Les traitements entraînent des effets indésirables comme des
dérèglements hormonaux, des risques d'infarctus plus élevés ou des problèmes de
lipodystrophie, qui cause un déplacement des masses graisseuses dans le corps. En tant
que femme, c'est difficile de voir son corps se masculiniser. Aucune recherche n'aborde
ces questions sous l'angle des femmes. Quand aurons-nous des réponses à nos
questions?»
Puisque les spécificités féminines sont peu prises en compte dans les phases
d'essais cliniques, les traitements risquent d'être inadaptés aux femmes. C'est la position
défendue par Franck Barbier, responsable santé de l'association AIDES. «On tire des
conclusions d'études faites sur des hommes blancs d'une quarantaine d'années et on
administre des traitements à des femmes, dont les spécificités physiologiques sont
différentes. Selon le poids, l'âge, le métabolisme, les effets d'un médicament ne sont pas
les mêmes et nous continuons à nous battre pour que des études ciblées soient faites».
Les différences mieux prises en comptePour autant, le responsable santé de
l'association AIDES reconnaît les efforts qui ont été faits du côté des pouvoirs publics.
La loi sur les médicaments du 19 décembre 2011 montre les premiers signes d'une prise
en compte des personnes exclues des essais cliniques. En effet, la loi prévoit de
renforcer le contrôle des effets indésirables des médicaments au cours des autorisations
temporaires d'utilisation de médicament, mais cette fois-ci, en fonction des catégories de
malades (femmes, hommes, personnes âgées, enfants, etc). Ainsi, les effets néfastes sur
les femmes seront mieux connus avant la commercialisation du médicament et les
patientes en seront mieux informées. Une avancée non négligeable mais «la prochaine
étape, ça sera d'obtenir des études par sexe sur tous les essais qui sont réalisés», estime
Franck Barbier.
Le Figaro.fr - Santé
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