Pose de la première pierre de La Maison d’accueil spécialisé Pour adultes avec troubles du spectre autistique La Goélette La Pouverine – Cuers Jusqu’au milieu du XXème siècle, l’autisme était considéré comme une arriération mentale incurable et inéducable. On pensait par conséquent qu’il n’y avait rien à faire, la seule réponse était un internement à vie dans des asiles psychiatriques. Par la suite, un certain nombre de points de vue sur la nature de cette affection se sont développés : Certains, dans une conception héritée de la psychanalyse, ont considéré qu’il s’agissait d’un trouble de la relation précoce de l’enfant à sa mère, le repli sur lui-même de l’enfant étant attribué à une défense psychique devant un monde jugé trop angoissant. Il était alors conseillé d’éviter au maximum toute relation entre l’enfant et son entourage proche considéré comme pathogène, et de soumettre l’enfant à une psychothérapie destinée à le reconstruire dans un contexte considéré comme salvateur, les parents étant invités à des séances de thérapie destinées à leur permettre de prendre conscience de leur difficulté à répondre aux besoins affectifs de leur enfant. A partir des années 1960, en particulier dans les pays anglo-saxons, des recherches ont montré d’une part que les parents d’enfants avec autisme n’étaient pas plus pathologiques que les parents dont l’enfant était porteur d’un autre handicap, ou même que les parents dont l’enfant n’avait aucun handicap, et d‘autre part qu’il s’agissait très vraisemblablement d’un déficit dans le fonctionnement même du cerveau, et non d’un trouble psychologique. Comme le disait Eric SCHOPLER, qui a développé le programme TEACCH dans l’Etat de Caroline du Nord aux Etats-Unis dans les années 1960 : « Le problème des parents d’un enfant avec autisme, c’est celui d’avoir un enfant autiste ! ». En 2010, en France, la Haute Autorité de Santé a publié un « Etat des connaissances», définissant les troubles autistiques comme « Troubles envahissants du développement », c’est-à-dire résultant d’un dysfonctionnement dans le développement des fonctions du cerveau qui permettent de comprendre le monde, d’interpréter les signaux sociaux, de communiquer et d’interagir avec autrui. Les causes de ces troubles font l’objet de nombreuses recherches, et évoquent notamment des anomalies génétiques qui font obstacle à un fonctionnement normal des connexions cérébrales, d’autres facteurs pouvant également être en cause. Les parents d’enfants avec autisme, regroupés en associations, se sont organisés depuis des décennies pour sortir leurs enfants des services psychiatriques et leur offrir des dispositifs d’éducation efficaces et des conditions de vie digne, considérant qu’il était possible de les éduquer à condition d’employer les bonnes méthodes, et de leur permettre les apprentissages nécessaires à l’acquisition de la plus grande autonomie possible, gage d’une meilleurs qualité de vie à l’âge adulte. Puisqu’on ne pouvait pas les guérir de leur autisme, handicap à vie dans l’état actuel des connaissances, il fallait aménager leur environnement matériel et humain pour leur rendre le monde plus accessible, plus compréhensible, afin qu’ils puissent prendre leur place dans la société. Ces parents ont donc été à l’origine de la création d’établissements spécialisés pour leurs enfants, prenant en compte les particularités de leur fonctionnement cognitif, c’est-à-dire de leur compréhension particulière, essentiellement visuelle, de leur environnement. Cela se traduit par une organisation de l’espace qui leur permette de disposer des repères nécessaires à leur compréhension des fonctions de chaque lieu, et donc de s’y sentir à l’aise. L’architecture de la Frégate, et maintenant de la Goélette, a été pensée en ce sens. Les politiques publiques aujourd’hui reconnaissent le bien-fondé des programmes éducatifs, la Haute Autorité de Santé et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux (ANESM) ont publié en 2012 des recommandations sur les dispositifs d’accompagnement des enfants et des adolescents avec autisme, qui préconisent le recours aux méthodes d’éducation structurée, les dispositifs se référant aux approches psychanalytiques étant jugées non consensuelles, et par conséquent non recommandées. Le 3ème plan autisme conditionne les créations de places au respect de ces recommandations. Si nous pouvons nous réjouir de ces décisions, de l’annonce de créations de places qui permettent de répondre aux attentes d’un certain nombre de familles, nous savons que l’on est loin de répondre à l’étendue des besoins : nombre d’enfants, et encore plus d’adultes, se trouvent sans solution à la charge de leur famille, ou se trouvent dans des structures inadaptées à leurs besoins, voire dans des établissements psychiatriques qui peuvent être des lieux de soins temporaires, mais certainement pas des lieux de vie. Pour la seconde fois, la France vient d’être condamnée par le Conseil de l’Europe pour l’insuffisance patente de ses réponses aux besoins des personnes avec autisme de notre pays. Du chemin a été parcouru, mais beaucoup reste à faire ! La Pouverine, le 15 02 2014 Jean-Paul DIONISI Président du Centre Ressource Autisme Ile de France ( CRAIF)