Stabilisation par champ magnétique de la convection en cavité

publicité
J. Chim. Phys. ( 1999) 96, 1098-1104
Q EDP Scie-.
Les Ulis
Stabilisation par champ magnétique de la convection
en cavité cylindrique chauffée par le bas
R. Touihri, H. Benhadid et D. ~ e n r ~ *
Laboratoire de Mécanique des Fluides et d'Acoustique, UMR 5509 du CNRS,
École Centrale de Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, ECL,
BP. 163, 69131 Écully cedex, France
Correspondance et tir&s-6-pafi
ABSTRACT
We consider the convection in a cylindrical cavity with aspect ratio A (A=height/
diameter), heated from below (Rayleigh-Bénard situation) and subrnitted to a horizontal, uniform and constant magnetic field. The three-dimensional Navier-Stokes
equations are discretized using the spectral element method, and soSved either by
time stepping or by Newton method. By a continuation technique, we have obtained
stability diagrams giving the thresholds for the onset of convection, and bifurcation
diagrams giving the evolution of solutions beyond the thresholds. This study gives
information about the stabilisation by a magnetic field, but also affords an example
of dynamical systern interesting by its symmetry properties and by the selection and
evolution of the convective modes.
key words : Rayleigh-Bénard, cylinder, stability, bifurcation, magnetic field
RÉSUMÉ
On considère la convection dans une cavité cylindrique, de rapport de forme
A (A=hauteur/diamètre), chauffée par le bas (Rayleigh-Bénard) et soumise à un
champ magnétique horizontal, uniforme et constant. Les équations tridimensionnelles de Navier-Stokes, disaétisées à l'aide de la méthode des éléments spectraux
isoparamétriques, sont résolues par intégration temporelle ou méthode de Newton.
L'utilisation d'une technique de continuation nous permet de tracer des diagrammes
de stabilité donnant les seuils d'apparition de la convection et des diagrammes de bifurcation donnant son évolution au delà de ces seuils. Outre des informations sur la
stabilisation par champ magnétique, cette étude nous donne un exemple de système
dynamique intéressant par ses propriétés de syméirie et par la sélection et l'évolution
des modes convectifs.
Stabilisation par champ magnétique de la convection
1099
mots-clés :Rayleigh-Bénard, cylindre, stabilité, bifurcation, champ magnétique
INTRODUCTION
Le contrôle des instabilités convectives dans le bain fondu lors de la croissance
cristalline est important pour l'obtention de cristaux de qualité. Outre le recours à la
microgravité, l'un des moyens de contrôle est l'utilisation d'un champ magnétique.
Dans ce travail, nous étudions l'effet d'un champ magnétique horizontal, uniforme et constant sur les instabilités de Rayleigh-Bén'ard dans une cavité cylindrique.
Pour ce type de configuration, la convection apparaît quand la différence de température, entre le bas et le haut de la cavité, dépasse une certaine valeur critique, ce qui
correspond à la première bifurcation primaire. Au delà de ces seuils primaires, la
convection s'établit et peut ensuite changer de structure en des points de bifurcation
secondaire. Si des résultats de stabilité linéaire existent pour une telie situation sans
champ magnétique [l-21, l'aspect non-linéaire a été beaucoup moins abordé [3-41,
de même que l'action d'un champ magnétique.
Pour la résolution des équations de Navier-Stokes 3 0 , couplées avec l'équation
d'énergie et la loi d'Ohm, nous utilisons une méthode des éléments spectraux isoparamétriques pour la discrétisation spatiale et la technique des différences finies
pour la discrétisation temporelle. En plus, pour le suivi des solutions quand les
paramètres de l'étude sont variés, nous avons développé une méthode de continuation bien appropriée à ce type de problème.
Ainsi, les résultats de l'analyse de stabilité linéaire sont présentés sous forme de
diagrammes de stabilité donnant l'évolution des seuils primaires en fonction du rapport de forme de la cavité, ou de l'intensité du champ magnétique. Au delà des seuils
primaires, les résultats sont donnés sous forme de diagrammes de bifurcation qui
donnent des informations sur l'évolution des structures de l'écoulement.
MODÈLEPHYSIQUE
On considère l'écoulement d'un liquide électriquement conducteur dans une cavité
cylindrique verticale (figure 1). Les températures sont maintenues constantes aux
deux extrémités avec une température en bas Tcsupérieure à celie d'en haut Tt,et les
parois latérales sont supposées adiabatiques. Electriquement, toutes les parois sont
isolantes. Le fluide est considéré comme incompressible et newtonien et vérifie l'approximation de Boussinesq. L'application du champ magnétique Bo crée une force
de freinage (force de Lorentz) à travers l'apparition de courants induits.
Pour la résolution des équations couplées (Navier-Stokes, énergie, loi d'ohm), nous
adiiensionnons les longueurs, le temps et la vitesse par respectivement D, D'/u,
où v désigne la viscosité cinématique, et Uref = v.Gr/D, où Gr est le nombre de
/
~
~ adimensionnée
2
.
est (T- .AILIT,
Grashof, Gr = S ~ ~ ~ ~ La4température
z)
R. Touihri et al.
1100
AT = Tc - Tf étant la différence de température entre le bas et le haut et To la
température moyenne du fluide To = (Tc+ Tf)/2.
Le champ magnétique est adimensionné par sa norme Bo, et le courant induit par ueUrefBo.
Avec ces valeurs
de référence, et certaines hypothèses sur le champ magnétique induit (voir [5]),les
équations du problème s'écrivent :
div(v')= O
dG/dt
+ GT(V.V)Ü= -Vp + v2V+TeZ+ ffa2YA e>
dT/Bt + Gr(CVT)= V'T/PT
y=-v@+v'A~';
V*Q= &.(V /\ 5)
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
Dans ces équations, les nombres de Prandti et de Hartmann sont définis par PT =
r / / r c et Ha = B O D ( O , / ~ V ) 'Sous
/ ~ . leur forme adimensionnée, les conditions aux
limites associées s'écrivent :
Pourr=l/2,u=v=w=L3~/dn=j.7i=O
Pourz=O,u=v=w=T-A/~=;.z=o
Pourz=A,u=v=w=~+~/2=~.~=0
Figure 1 : CorJiguration
étudiée : cavité cylindrique
char~ffée
par le bas et sounzise
à un ctarnp rnugnétique horizontal.
Figure 2 :IrtfEuence de la taille de la cavitk
cylindrique sur le déclenchenlcizt de la corzvection. Evolution des nombres de Rayleigh critiques Ra, donnants les seuils printuires, corresporzdarrt ar~sprirzciparu rnodes m = 0, m = 1
et m = 2, eri fonction L ~ Urapport de forme A.
Stabilisation par champ magnétique de la convection
1101
CAS THERMIQUE PUR
Apparition de la convection
Pour un rapport de forme donné, les seuils d'apparition de la convection, appelés seuils primaires, sont donnés d'une façon unique par les nombres de Rayleigh
correspondant Ra, (Ra = Gr PT),indépendamment du nombre de Prandtl Pr. Le
premier seuil, dit seuil critique, correspond au mode le plus instable qui donne la
structure de l'écoulement observé. Nous présentons sur la figure 2 le diagramme de
stabilité qui donne l'évolution des valeurs de Ra, pour les trois premiers seuils primaires correspondant aux modes azimutaux m = O, m = 1 et m = 2, en fonction
du rapport de forme A. Ce diagramme montre que la transition du mode le plus instable entre le mode m = O et le mode m = 1,se passe à la valeur critique A, = 0.55.
Figure 3 :Diagramme de bifurcation pour A = 0.5 et PT = 1 . Evolutiotz de
la coniposanfe verticale de la vitesse w,en un point f i e , en forlcfion du tzonzbre de
Grashof Gr. Figures des isovaleurs de w dans PH.Brarlches stables en lignes corztinues et branches instables en lignes discontinues.
Evolutwn non-linéaire de la convection
Le diagramme de bifurcation de la figure 3 donne l'évolution non-linéaire des
solutions convectives au delà de leur seuil d'apparition, pour A = 0.5 et Pr = 1.
Etant donné que toute apparition de convection est accompagnée par une rupture de
la réflexion par rapport au plan PH,toutes les bifurcations sont fourches. A la valeur
1102
R. Touihri et al.
critique G r = 35854, la convection apparait sous la forme d'un mode axisymétrique
(m = O). Le suivi de cette branche met en évidence l'existence d'un point de bifurcation secondaire à Gr = 47508. En ce point, la branche axisymétrique perd sa
stabilité et il y a création d'une nouvelle branche stable. Cette bifurcation est de type
fourche supercritique car elle s'accompagne d'une rupture des symétries de rotation,
et elle correspond à une transition vers un écoulement stationnaire 30. Ce nouvel
écoulement peut être identifié comme la superposition de deux modes : le mode
m = O qui est le mode de base, et le mode m = 2, qui est le mode du vecteur propre
instable. 11 sera ainsi désigné par "m = 02". Enfin, deux autres seuils primaires, à
Gr = 38928 et Gr = 41783, donnent naissance à des branches de solutions correspondant respectivement à des modes asymétriques rn = 2 et rrl = ]., mais ces
solutions sont instables sur le domaine d'étude.
EFFET DU CHAMP MAGNÉTIQUE HORIZONTAL
Effet sur l'apparition de la convection
Sur la figure 4, nous présentons pour A = 0.5 un diagramme de stabilité donnant
l'évolution des seuils primaires correspondant aux cinq premiers modes, en fonction
du nombre de Hartmann Ha. Nous remarquons tout d'abord que tous ces seuils sont
croissants avec Ha, ce qui confirme le phénomène de stabilisation de la convection
par le champ magnétique. L'application du champ magnétique horizontal supprime
les symétries de rotation, et ne conserve que les symétries de réflexion par rapport
aux trois plans P H , Pil et Pl (figure 1).Le mode axisyrnétrique m = O ne peut donc
plus exister. Il donne un mode asymétrique, caractérisé par ses deux rouleaux contrarotatifs d'axes parallèles au champ magnétique B, d'où son appelation m = (YJI1.
Pour les modes asymétriques, la stabilisation donne quatre modes : 7n = III
et
m = IL pour le mode m = 1 et m = 2 et m = 0 2 l pour le mode
= 2. Les
cinq modes obtenus ne sont pas stabilisés de la même façon. D'une façon générale,
le champ magnétique stabilise faiblement les modes parallèles à sa direction. Une
analyse énergétique de cette transition vers la convection sous champ magnétique
montre que la stabilisation vient principalement de la dissipation d'énergie due au
terme de Lorentz [6].
Effet sur la bifurcation secondaire
Le diagramme de bifurcation, donné sur la figure 5, montre qu'avec le champ
magnétique la bifurcation secondaire est devenue imparfaite. Cette bifurcation imparfaite se manifeste par l'existence de deux branches déconnectées. La première
branche, stable, correspond au mode m = 02[/ et la seconde, instable, au mode
7n = 0 2 l . En fait, la partie de cette deuxième branche qui résulte de la branche
m = O est deux fois instable tandis que la partie qui résulte du mode TL= 2 est une
Stabilisation par champ magnétique de la convection
seule fois instable.
1
Figure 4 :Effet du champ magnétiqne horizontal sur les seuils primaires. Evolrrtion
des rzornbres de Rayleigh critiques Ra, corresporzdar~taux cinq prenilers tnodes. et1
jonctiorl de Ha pour A=0.5.
Fjgure 5 :Effet du charrip magnétique sur la bijirrcation secondaire porrr A = 0.5
(bifurcatiorl secondaire remplacée par une bifurcutiorz irnparfaile).
Ce comportement est typique d'une imperfection agissant sur une bifurcation fourche
liée à la brisure d'une symétrie de rotation [6].Cette disparition de la bifurcation sec-
1104
R. Touihri et al
ondaire est expliquée par le fait qu'avec champ magnétique, la convection apparaît
déjà sous la forme du mode m = 02,,. En d'autre termes, le champ magnétique brise
les symétries que brisait la bifurcation secondaire dans le cas thermique pur.
CONCLUSION
Cette étude a permis de caractériser l'action d'un champ magnétique horizontal sur la convection de Rayleigh-Bénard dans un cylindre vertical. Outre son effet
sur la stabilisation, le champ horizontal joue sur les propriétés de symétrie et sur la
sélection et l'évolution des modes convectifs. Par contre, pour un champ magnétique
vertical [6],les propriétés de symétrie et les modes convectifs restent les mêmes que
dans le cas sans champ magnétique, et l'effet de stabilisation est plus fort que pour
le champ horizontal.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier M. MOREAU René, professeur à L'INPG, Dr TUCKERMAN Laurette, chercheur CNRS au LIMSI et Dr BERGEON Alain, maître de
conférences à l'université Paul Sabatier de Toulouse, pour leur collaboration très
significative à la réussite de ce travail. Ce travail a été réalisé grâce au soutien financier du CNES, et aux heures de calcul allouées par l'IDRIS. Nous remercions ces
deux organismes.
RÉFÉRENCES
1 Bueii J.C., Catton 1. (1983) J. Heat Transfer 105,255-260.
2 Charlson G.S., Sani R.L. (1971) Int. J.Heat Mass Transfer 14,2157-2160.
3 Neumann G. (1990) J. Fluid Mech. 214,559-578.
4 Wanschura M., Shevtsova V.M., Kuhlrnan H.C., Path H.J. (1996) J. Fluid Mech.
326,399-415.
5 Benfiadid H., Henry D., Kaddeche S. (1997) J. Fluid Mech. 333,23-83.
6 Touihri R., BenHadid H., Henry D. (1999) Accepté dans Physics of Fluid.7.
J Chim. Phys
Téléchargement