DOULEUR
La Lettre du Rhumatologue - n° 279 - février 2002
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Effets des cannabinoïdes sur
le comportement alimentaire
On sait que la marijuana augmente la
consommation alimentaire chez l’homme,
notamment par l’augmentation du désir de
nourritures sucrées. Ces études, confir-
mées chez l’animal, montrent que l’on peut
moduler la consommation alimentaire
quotidienne par des agonistes ou antago-
nistes sélectifs des cannabinoïdes. Cette
action orexigène est utilisée et autorisée en
thérapeutique dans certains pays dans des
maladies cachectisantes graves comme le
sida ou le cancer. À l’inverse, on peut envi-
sager le développement de substances ano-
rexigènes par antagonisme des cannabi-
noïdes dans l’obésité et divers troubles des
conduites alimentaires.
Effets des cannabinoïdes
sur le système immunitaire
et l’inflammation
L’effet original de ces substances antal-
giques est l’action modulatrice immuni-
taire des cannabinoïdes. En effet, les
cannabinoïdes peuvent induire une proli-
fération ou un arrêt de la croissance cellu-
laire. À faible dose, on peut observer un
effet sur la prolifération des lymphocytes
B, médié par les récepteurs CB2, et à forte
dose une mort cellulaire. Cet effet pro-
apoptotique pourrait être utilisé comme
drogue antitumorale, notamment dans des
tumeurs neurologiques (gliomes...). La
plupart des études montrent que le ∆9-THC
exerce un effet immunosuppresseur : inhi-
bition de la fonction des macrophages et
des lymphocytes, inhibition de la résis-
tance aux agents infectieux et inhibition de
la production de diverses cytokines.
Effets sur la cognition
et la mémoire : limiter
les effets du vieillissement ?
Les effets bien connus des cannabinoïdes
sur la mémoire et la cognition sont liés aux
effets psychodysleptiques de ces compo-
sés. Chez l’animal, le blocage des récep-
teurs CB1 pourrait améliorer les processus
cognitifs, notamment les altérations obser-
vées lors du vieillissement, ce qui n’a pas
été confirmé chez l’homme. Les endocan-
nabinoïdes interagissent avec le système
d’acquisition et de stockage de l’informa-
tion, notamment en réduisant les concen-
trations d’acétylcholine, voire de dopa-
mine dans des zones cérébrales comme
l’hippocampe et le cortex frontal. Les can-
nabinoïdes ont également un rôle sur
l’anxiété et l’état émotionnel, cet effet
étant fonction du terrain et des expériences
antérieures du patient.
Y a-t-il une dépendance
et une accoutumance
aux cannabinoïdes ?
On observe rarement des symptômes phy-
siques de sevrage chez l’homme à l’arrêt
de la consommation de cannabinoïdes : ce
sont parfois des malaises, des troubles du
sommeil, une anxiété, des nausées, des
troubles intestinaux... chez des grands
fumeurs de marijuana après un arrêt com-
plet. Il existe, en revanche, une accoutu-
mance aux effets des cannabinoïdes qui se
développe rapidement et peut persister
longtemps après l’arrêt de l’administration
de ces drogues, à la différence de l’admi-
nistration d’opiacés. Les études animales
ont par ailleurs montré une accoutumance
croisée aux effets antalgiques des opiacés
et des cannabinoïdes.
Usage thérapeutique
des cannabinoïdes :
des médicaments ubiquitaires ?
Il existe de nombreux usages thérapeu-
tiques potentiels pour les cannabinoïdes.
Seuls le ∆9-THC (dronabinol, aux États-
Unis) et un dérivé synthétique, la nabi-
lone (Grande-Bretagne), sont commer-
cialisés en préparation orale, pour
supprimer les effets émétiques des trai-
tements anticancéreux. Ils sont également
prescrits pour stimuler l’appétit de
patients cachectiques, cancéreux ou
atteints du sida. La douleur est une indi-
cation possible, éventuellement dans les
migraines accompagnées de vomisse-
ments ou de nausées. On envisage égale-
ment d’utiliser ces molécules dans l’hy-
pertension oculaire et les contractions
utérines, intestinales ou bronchiques.
Mais l’usage thérapeutique est limité par
le fait que les effets psychotropes inter-
viennent assez précocement et en restrei-
gnent l’utilisation. On travaille donc sur
la mise au point de composés actifs qui
seraient dénués d’effets psychotropes. En
revanche, ces effets psychotropes ont per-
mis d’envisager l’emploi de certains déri-
vés cannabinoïdes dans le traitement des
dépendances aux drogues toxicomano-
gènes, lors de troubles du comportement
alimentaire, voire dans les psychoses. Les
études restent encore préliminaires sur
ces sujets ; elles demandent à être confir-
mées par des projets cliniques, mais lais-
sent entrevoir de nombreuses possibili-
tés, avec notamment des perspectives
originales. !
S. Perrot, service de rhumatologie A,
et Centre de traitement de la douleur,
hôpital Cochin-Tarnier, Paris.
Pour en savoir plus...
"Ashton CH. Pharmacology and effects of
cannabis : a brief review. Br J Psychiatry
2001 ; 178 : 101-6.
"Dyer O. Cannabis trial launched in patients
with MS. Br Med J 2001 ; 322 : 192.
"Fox A, Kesingland A, Gentry C et al. The
role of central and peripheral cannabinoid
receptors in the antihyperalgesic activity of
cannabinoids in a model of neuropathic pain.
Pain 2001 ; 92 : 91-100.
"Pertwee RG. Cannabinoid receptors and
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"Williamson EM, Evans FJ. Cannabinoids
in clinical practice. Drugs 2000 ; 60 : 1303-
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