Rôle de l'humeur dans l'efficacité des publicités :
Effets affectifs, conatifs et comportementaux.
Eric TAFANI*
Professeur des Universités
Aix-Marseille Université, CERGAM, IAE Aix
29 Avenue Robert Schuman, 13 621 Aix en Provence
04 13 55 38 16
Elyette ROUX
Professeur des Universités
Aix-Marseille Université, CERGAM, IAE Aix
.
Rôle de l'humeur dans l'efficacité des publicités :
Effets affectifs, conatifs et comportementaux.
Deux expériences ont manipulé l'humeur des cibles (positive versus négative) et l’attitude
envers la marque (favorable versus défavorable) pour tester l'efficacité d'une publicité aux
niveaux affectif, conatif et comportemental. Les sultats révèlent un rôle modérateur de
l'humeur aux niveaux affectif et conatif : quand l'attitude envers la marque est favorable, la
publicité est plus efficace sous humeur positive plutôt que négative, tandis que c'est l'inverse
si l'attitude est défavorable. Toutefois, il apparaît que l'attitude et l'intention d'achat formées
sous humeur négative, procèdent d'un traitement ascendant facilitant l'élaboration du message
(expérience 1) et lui assurant une meilleure efficacité comportementale (expérience 2).
Mots-clés : Publicité ; Humeur ; Traitement de linformation ; Attitude ; Comportement.
The Role of Context-Induced Mood in Advertising Effectiveness:
Affective, Conative and Behavioural Effects
Two experiments manipulate the context-induced mood (positive versus negative) and
brand-attitude (favourable versus unfavourable) to test the advertising effectiveness at
affective, conative and behavioral levels. Mains results reveal that mood moderates the ad
effectiveness both at affective and conative levels: in the case of favourable brand-attitude, a
positive rather than negative mood improves ad efficiency, while it is the opposite for
unfavourable brand-attitude. However, the formation of attitude and purchase intention under
negative mood, results from bottom-up processing which facilitates the message elaboration
(experiment 1) and therefore improves the ad effectiveness at behavioural level (experiment
2).
Key-words: Advertising ; Mood ; Information processing ; Attitude ; Consumer behaviour.
Introduction
L’humeur est un état d'activation physiologique, cognitive et comportementale (Frijda, 1993)
qui se différencie de l’émotion, en ce qu'elle est plus durable, mais moins intense, et que les
individus n'ont pas nécessairement connaissance de son origine. Depuis Gardner (1985), les
recherches en marketing se sont attachées aux effets de l'humeur dans la prise de décision,
étudiés sous deux angles complémentaires (Loken, 2006) : l’influence de l’humeur sur le
traitement de l'information et la formation des attitudes. Greifeneder, Bless et Kuschmann
(2007) articulent ces deux perspectives, en s'intéressant à l’effet respectif de l’humeur et de
l’attitude vis-à-vis de la marque sur l’évaluation d’un produit d’extension. Cette étude met en
évidence le rôle modérateur de l'humeur : l'humeur positive facilite le transfert au nouveau
produit de l’attitude envers la marque, tandis que l'humeur gative limite ce transfert. En
conséquence, les auteurs avancent que si la marque jouit d'une attitude favorable, la publicité
serait plus efficace quand elle est insérée dans un contexte induisant une humeur positive,
tandis que ce serait l'inverse si l'attitude est défavorable. On peut toutefois reconsidérer cette
préconisation, du fait que l’humeur négative favorise une meilleure élaboration du message,
susceptible de rendre l’attitude qui en sulte, plus prédictive des comportements (Martin et
al., 2007). Or, le niveau comportemental est primordial car il constitue généralement l'objectif
final des campagnes et présuppose une efficacité aux niveaux affectif et conatif (Palda, 1966).
Après une revue des modèles de l'humeur et de ses effets dans le traitement des publicités, on
présentera une série d’hypothèses sur son rôle dans l'efficacité publicitaire. Les principales
hypothèses qui sont testées dans deux expériences, posent que l’humeur négative favorise
l’élaboration du message et lui assure ainsi une meilleure efficacité comportementale.
1. Rôle de l’humeur dans le traitement des informations
L'humeur peut orienter la façon dont les individus traitent l’information, car elle module leur
motivation et les ressources cognitives disponibles. Selon le modèle « affect as information »
(Schwarz et Clore, 2003), l’humeur conduit les individus à procéder à des inférences sur leur
environnement et les risques qu’il comporte. Une humeur négative accroît les risques perçus,
ce qui motive à traiter en profondeur l’information, alors qu’une humeur positive limite cette
motivation au profit d’un traitement superficiel. On retrouve une explication motivationnelle
dans le modèle « mood and general knowledge » (Bless, 2000), l’humeur positive favorise
le recours à des connaissances générales préalables (catégories, attitudes…) en un traitement
descendant, tandis que sous humeur négative intervient un traitement ascendant qui s’appuie
sur les informations disponibles à propos de l'objet à évaluer. L’humeur peut aussi affecter les
ressources cognitives allouées au traitement de l’information : lhumeur positive induit une
surcharge cognitive car elle amorce davantage de souvenirs autobiographiques en mémoire de
travail, ce qui entraîne un traitement superficiel (Mackie et Worth, 1989). Bien que ces trois
modèles divergent dans l’explication des effets de l’humeur, ils reconnaissent un traitement
plus profond sous humeur négative. Partant, l'expérience de Greifeneder et al. (2007) qui
manipulait l’humeur (positive vs neutre vs négative) et l’attitude envers la marque (favorable
vs défavorable), montre que si l'attitude est favorable, le produit s’avère plus apprécié sous
humeur positive que négative, alors que c'est l'inverse si l'attitude est défavorable. De plus,
sous humeur positive, les consommateurs utilisent davantage l’attitude envers la marque pour
se forger une opinion du produit, ce qui rejoint ainsi la position de Loken, Barsalou et Joiner
(2008) : la marque est une catégorie qui permet d’inférer les attributs de ses exemplaires. Ces
résultats révèlent la prévalence d’un traitement descendant (de la catégorie vers l’exemplaire)
sous humeur positive versus ascendant (un examen approfondi de l'exemplaire) sous humeur
négative. Il convient donc d'en examiner les implications pour l’efficacité publicitaire.
2. Rôle de l’humeur dans la persuasion et l'efficacité publicitaire
Les principaux modèles de la persuasion, le modèle du traitement heuristique vs systématique
(HSM) de Chaiken (1980) et celui de la probabilité d’élaboration (ELM) de Petty et Cacciopo
(1986) avancent que la profondeur de traitement d’un message persuasif peut varier. Pour le
modèle HSM, les cibles jugent la validité d’un message soit par un examen approfondi de son
contenu, fondé principalement sur la qualité de l'argumentation (traitement systématique), soit
sur la base d’indices plus superficiels relatifs à la source, comme sa crédibilité (traitement
heuristique). Le modèle ELM oppose une voie centrale procédant de l’élaboration effective
du contenu du message à une voie périphérique qui consiste en une élaboration plus limitée
faisant appel à des heuristiques ou à d’autres processus de formation des attitudes, comme le
conditionnement (Petty, 2009). Ces deux modèles s’accordent sur le fait que la profondeur du
traitement dépend des ressources cognitives disponibles, de la motivation et de l’implication
(Johnson et Eagly, 1989). En effet, un traitement approfondi requiert davantage de ressources
ainsi qu'une motivation à s’engager dans une élaboration plus coûteuse, ce que garantirait une
forte implication. En outre, les attitudes sultant d’un tel traitement sont mieux intégrées au
sein des structures cognitives, ce qui en améliore l'accessibilité et la stabilité, et les rend plus
prédictives du comportement (Martin et al. 2007 ; Rucker, Petty et Priester, 2007). L’humeur
joue un rôle nodal dans la persuasion, car elle oriente le traitement du message. D’une part,
l’humeur positive réduit l’élaboration du message du fait d’une limitation de la motivation,
d’un déficit cognitif ou d’une confiance plus élevée dans les connaissances préalables (Bless
et al., 1990). D’autre part, le modèle de la contingence hédonique (Wegener et Petty, 1994)
avance que l’humeur positive peut favoriser l’élaboration, si celle-ci permet d’entretenir l’état
positif qu’éprouvent les cibles. Une méta-analyse (Hullett, 2005) confirme que si le traitement
est plus profond sous humeur négative que positive, l’humeur positive peut induire néanmoins
un tel traitement, si l’élaboration a des conséquences positives sur l’état des cibles. L’humeur
peut également modérer le traitement, et donc, l’efficacité d’un message publicitaire. D’une
part, l’humeur des cibles lors de l'exposition au message, oriente la profondeur du traitement :
un traitement plus profond et plus efficace intervient sous humeur négative plutôt que positive
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