Radiothérapie des cancers de la prostate
Alberto BOSSI
Département de Radiothérapie
Institut Gustave-Roussy, Villejuif
I) Epidémiologie et classification des cancers de la prostate
Le cancer de la prostate atteint 50 0000 hommes par an en France. Il est le
cancer le plus fréquent chez l’homme (25% des nouveaux cas de cancers
masculins) et son incidence est en augmentation. Il est la 2ème cause de
mortalité par cancer chez l’homme (après le cancer du poumon) et
représente donc de ce fait une question de santé publique majeure. Cette
augmentation d’incidence concerne les cancers de la prostate localisés, le
plus souvent asymptomatiques et s’explique principalement par le dosage du
PSA.
Il existe plusieurs alternatives thérapeutiques pour le traitement des
adénocarcinomes prostatiques, dépendant du stade du cancer. Les
traitements locaux de référence (recul > 10 ans) du cancer prostatique sont
classiquement : la prostatectomie radicale + curage, la radiothérapie externe
et la curiethérapie (avec grains d’iode ou en technique de Haut débit).
L’hormonothérapie est associée à l’irradiation pour les stades les plus
avancés.
Les facteurs pronostiques du cancer de la prostate sont :
1) Le stade T du cancer (toucher rectal et examens de staging locale) :
T1 : tumeur non palpable : T1a : cancer identifié dans <5% des
copeaux de résection, T1b : cancer identifié dans >5% des
copeaux de résection, T1c : cancer identifié suite à l’élévation
du PSA.
T2 : tumeur intraprostatique : T2a : atteinte < 50% d’1 lobe,
T2b : atteinte > 50% d’1 lobe, T2c : atteinte des 2 lobes.
T3 : T3a : atteinte extra capsulaire, T3b : atteinte d’une ou
des 2 vésicules séminales.
T4 : atteinte des organes adjacents (vessie, rectum,…).
2) La concentration de PSA sanguin :
-en valeur absolue, 3 groupes de gravité : PSA : <10 ng/ml,
entre 10 et 20 ng/ml, >20 ng/ml
1
-cinétique d’augmentation avant diagnostic du cancer, temps de
doublement du PSA, PSADT (augmentation > 2 ng/ml l’année avant
diagnostic) 1
3) Le score de Gleason (2 à 10) : somme des 2 grades (1 à 5)
d’adénocarcinomes les plus représentés dans les biopsies prostatiques,
3 groupes de gravité (< 6, 7 et >8).
4) Pourcentage de biopsies positives.
Ces facteurs permettent d’identifier finalement 3 groupes pronostiques :
- bon pronostic : T1-2a et score de Gleason < 6 et PSA < 10 ng/ml,
- pronostic intermédiaire : T2b ou score de Gleason =7 ou PSA entre 10 et
20 ng/m,
- mauvais pronostic : T3-4 ou score de Gleason > 8 ou PSA >20 ng/ml ou
N+.
II) Techniques d’irradiation des cancers de la prostate
2.1) Radiothérapie externe
- La radiothérapie externe peut être indiquée pour tous les trois groupes
pronostiques du cancer prostatique, seule ou en association avec
l’hormonothérapie, selon les stades du cancer.
- Les volumes cibles sont : la prostate, les 2 vésicules séminales et dans
certains cas les ganglions pelviens (pelvis). Les organes à risque de toxicité
en cas de surdosage sont principalement le rectum et la vessie et dans une
moindre mesure les têtes fémorales et le bulbe pénien.
- La dose standard par séance est de 2 Gy (plus rarement 1,8 Gy),
l’étalement standard est de 5 séances par semaine (soit 10 Gy) et la dose
totale de 74 Gy minimum. Une escalade de dose est de plus en plus proposée
et correspond à une dose totale de 78 à 80 Gy. Cette dose élevée est
possible (donc avec une toxicité acceptable) du fait des techniques modernes
d’irradiation conformationnelle et de IMRT (Radiothérapie en Modulation
d’Intensité) avec IGRT (Radiothérapie guidée par l’imagerie).
- La distribution de dose est validée avant traitement :
-qualitativement par visualisation des courbes isodoses sur scanner
-quantitativement par histogrammes dose-volume pour chacun des
organes d’intérêt.
Trois techniques de traitement se sont succédées et peuvent encore exister:
- technique de la « boite » : 4 faisceaux d’irradiation convergent dans la
prostate (antérieur, postérieur et latéraux), actuellement peu souhaitable,
- technique conformationnelle standard : définie à partir d’un scanner
pelvien permettant une reconstruction 3D des volumes d’intérêt et une
simulation virtuelle des faisceaux d’irradiation. Cette technique est moins
toxique que la précédente dans une étude randomisée 2.
2
- technique par modulation des faisceaux, IMRT : elle permet de faire une
escalade de la dose d’irradiation mais avec une distribution de dose plus
hétérogène.
2.2) Curiethérapie de prostate par implants permanents d’iode 125
a) Généralités
Les progrès conjugués de l’imagerie (échographie endorectale) et de
l’informatique (calcul de distribution de dose) ont permis le développement
de la curiethérapie de prostate par implants radioactifs permanents (Iode-
125 ou plus rarement Palladium-103). Le recul concernant la curiethérapie
est maintenant largement supérieur à 15 ans. Aux Etats-Unis, le nombre de
patients traités par curiethérapie augmente fortement à mesure que le
nombre de prostatectomies radicales diminue. En France, plus d’une
vingtaine de centres environ effectue la curiethérapie de prostate par grains
d’iode.
b) Avantages et description et de la technique de
curiethérapie
La technique repose sur l’implantation définitive et à une seule reprise de
grains radioactifs d’iode 125, dont les caractéristiques physiques sont :
- une demi-vie de 59 jours : permettant de délivrer durant un temps long
(98% de dose en un an) une dose élevée (minimum de 144 Gy) dans le
volume tumoral prostatique ;
- une énergie très faible (27 keV): permettant une irradiation très peu
pénétrante au-delà de la position du grain (faible irradiation vésicale
et rectale, contrairement à la radiothérapie externe) mais ayant
l’inconvénient de ne pas traiter au-delà de la capsule (traitement des
tumeurs strictement intra capsulaires donc peu avancées).
Contrairement à l’irradiation externe :
- le traitement est plus rapide pour le patient (48h d’hospitalisation et
non 7 à 8 semaines de traitement)
- l’irradiation est plus précise puisque les grains sont situés directement
dans la tumeur et dans la prostate (pas d’incertitude due aux variations
anatomiques d’une séance à l’autre)
Le patient est allongé en position gynécologique avec mise en place d’une
sonde urinaire Une échographie endorectale est effectuée (figures 1 et 2) et
les images sont transférées dans un logiciel de dosimétrie. Les grains sont
ensuite déposés dans la prostate sous anesthésie générale (ou
rachianesthésie) par voie transpérinéale à l’aide d’aiguilles, sous contrôle
échographique endorectal. Le patient est classiquement hospitalisé la nuit
suivant l’implantation (risque théorique de rétention urinaire). Il s’agit donc
d’une technique peu invasive.
3
L’organe à risque de toxicité est principalement l’urètre et, dans une moindre
mesure, le rectum.
c) Indications de la curiethérapie par grains diode 125
- tumeur de bon pronostic : (T1-2a et score de Gleason < 6 et PSA < 10
ng/ml)
- volume prostatique < 60 cc (si > 60 cc : hormonothérapie néoadjuvante
d’abord)
- patients peu symptomatiques sur le plan urinaire
- pas d’antécédent récent de résection prostatique
Pour les tumeurs plus avancées, la place de la curiethérapie associée à une
hormonothérapie et/ou une radiothérapie externe est moins bienfinie.
2.3) Curiethérapie de prostate par Haut Débit de dose
La technique de curiethérapie par Haut Débit de Dose à été récemment
proposé pour le traitement des cancers de prostate avances en « boost » (=
surdose) associé à la radiothérapie externe. Elle consiste dans la mise en
place de 15 à 20 aiguilles vectrice dans la prostate (patient sous anesthésie
générale), sous contrôle échographique qui seront chargés dans un deuxième
temps par une source d’iridium de Haut Débit.
Une dose très élevée est donc délivré dans le volume tumoral prostatique
avec en plus la possibilité de traiter au-delà de la capsule (traitement des
tumeurs pas que strictement intra capsulaires, T3a).
Pour l’instant en France, peux de centres effectuent la curiethérapie de
prostate par Haut Débit de dose.
III) Indications thérapeutiques par stades du cancer
1) adénocarcinome de bon pronostic (T1-2a et score de Gleason < 6 et
PSA < 10 ng/ml): discussion avec le patient, 3 options thérapeutiques
d’efficacité identique, de modalité et d’effets secondaires différents :
- prostatectomie radicale (avec préservation des bandelettes vasculo-
nerveuses)
- curiethérapie par iode 125 (si volume prostatique < 60 cc et patient peu
symptomatique sur le plan urinaire et en l’absence de résection
prostatique récente)
- radiothérapie externe
Il n’existe pas d’étude randomisée ayant comparé la chirurgie à la
curiethérapie ou à la radiothérapie externe. Plusieurs études rétrospectives
ont néanmoins montré l’équivalence des 3 traitements pour les tumeurs de
4
bon pronostic, en termes de survie sans récidive biochimique. L’étude
rétrospective qui semble la plus démonstrative est celle de D’Amico ayant
analysé 1872 patients traités entre 1989 et 1997 par prostatectomie (888
patients), radiothérapie externe (766 patients) et curiethérapie avec ou sans
hormonothérapie associée (218 patients) 3. La survie sans récidive biologique
à 5 ans n’était pas différente selon les modalités thérapeutiques pour le
groupe de tumeurs de bon pronostic.
2) adénocarcinome de pronostic intermédiaire : 2 options :
- prostatectomie radicale avec curage
- radiothérapie externe : à dose élevée et/ou associée à une
hormonothérapie courte (analogue de la LHRH pendant 4-6 mois) avec
éventuellement un boost avec Curiethérapie.
3) adénocarcinome de mauvais pronostic (T3-4 ou score de Gleason > 8
ou PSA >20 ng/ml ou N+) : traitement de référence :
= radiothérapie externe (éventuellement avec escalade de dose et
irradiation pelvienne) et hormonothérapie longue (analogue de la LHRH
pendant 2-3 ans) avec éventuellement un boost avec Curiethérapie.
L’hormonothérapie associée à l’irradiation augmente la survie par rapport à
une irradiation seule :
- dans les cancers de mauvais pronostic, dans plusieurs études
randomisées (standard thérapeutique) 4-6
- dans les cancers de pronostic intermédiaire dans une étude randomisée
plus récente 7 (tableau 1 et 2).
Le bénéfice de l’escalade de dose sur la survie sans récidive biochimique
(et non la survie globale) a été montré dans 4 études randomisées,
principalement pour les tumeurs de pronostic intermédiaire 8-13. Des études
randomisées sont en cours testant le bénéfice combiné de l’escalade de dose
et de l’hormonothérapie par rapport à une escalade de dose seule ou une
hormonothérapie associée à une irradiation sans escalade de dose.
Dans les cancers de mauvais pronostic, le bénéfice de l’irradiation
pelvienne par rapport à une irradiation prostatique seule est controversé 14,
15.
IV) Résultats thérapeutiques
4.1) Toxicité de l’irradiation
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