Interviews Cash - petits frères des Pauvres

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LA FRATERNITE ACCOMPAGNEMENT DES MALADES
A L’ECOUTE DE SES PARTENAIRES INSTITUTIONNELS
INTERVIEWS REALISES PAR LA FRATERNITE ACCOMPAGNEMENT DES
MALADES A L’HOPITAL MAX FOURESTIER DE NANTERRE
QUELLE EST VOTRE PERCEPTION DE LA NOTION DE DROIT DES
PATIENTS ?
Madame Sylvie Moudani (IDE en Gastrologie – Diabétologie)
Le droit des patients, c’est d’abord la possibilité de choisir le médecin et l’hôpital dans lequel
il souhaite être pris en charge.
Un autre droit, que je considère primordial, c’est le droit à l’information médicale et l’accès
du patient à son dossier médical. C’est un grand pas en avant, ce droit d’être informé sur son
état de santé.
Ce qui est nouveau aussi et important, c’est la possibilité de désigner une personne de
confiance, qui va pouvoir assister le patient dans ses démarches, lors des entretiens médicaux
et des consultations.
Enfin, et on l’expérimente tous les jours à l’hôpital Max Fourestier de Nanterre, le droit des
patients c’est aussi l’accès aux soins pour toutes les personnes, y compris les personnes les
plus démunies.
Docteur Martine Gaillard (Anesthésiste-Réanimateur, Présidente de la Commission Médicale
d’Etablissement) :
Personnellement, j’aimerais insister sur la notion de « devoir », qui est la contrepartie
nécessaire à tout droit. Les patients ont certes le droit fondamental d’être soignés, mais les
soignants ne sont pas obligés de se plier à certaines exigences irrecevables. Ainsi, nous avons
été confrontés à une patiente européenne convertie à l’Islam, qui exigeait une péridurale mais
refusait de découvrir son dos. Ce ne sont pas des conditions d’intervention acceptables.
Je pense aussi à l’interruption volontaire de grossesse. La loi accorde ce droit à toute femme,
mais le personnel médical, en son âme et conscience, n’a pas l’obligation de pratiquer des ivg
si cette pratique va à l’encontre de ses convictions religieuses ou tout simplement humaines.
Par contre, on a le devoir d’informer et d’orienter les patientes vers les structures adaptées qui
pourront répondre à leur demande.
Le devoir aussi pour un patient, c’est de respecter les autres. Connaître ses droits, ça ne
dispense pas d’être bienveillants, et de se reconnaître des devoirs.
POUVONS-NOUS REVENIR SUR L’ACCES AUX SOINS Y COMPRIS POUR LES
PERSONNES LES PLUS DEMUNIES, VOIRE SANS COUVERTURE MEDICALE
OU SANS PAPIERS ? Y A-T-IL UNE SPECIFICITE DU CASH, AVEC SA MISSION
SOCIALE, DANS LA MISE EN APPLICATION DU DROIT DES PATIENTS ?
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Sylvie Moudani
Oui, tout-à-fait. Nous accueillons ici des gens seuls, démunis, qui arrivent avec des incuries
importantes, qui présentent des pathologies que l’on ne voit pas ailleurs, comme les pieds de
vagabonds. Auparavant, en vingt ans de pratique, j’ai travaillé dans d’autres structures
hospitalières, à l’hôpital Boucicault puis à Garches, puis à l’hôpital Louis Mourier de
Colombes, et je n’avais jamais été confrontée à ces problématiques.
Ici, on prend en charge l’individu, on le soigne tout de suite. Ensuite ils sont dirigés vers des
assistantes sociales pour les aider. Ils ne sont pas refoulés comme dans la plupart des
hôpitaux.
Docteur Martine Gaillard :
On est en effet confronté à une population qui arrive parfois dépourvue de toute prise en
charge santé. On répond à ces problématiques en faisant appel à des structures accélérées de
prises en charge. On fait appel au réseau ASDES (Accès aux Soins, aux Droits et Education à
la Santé), un réseau de praticiens hospitaliers et libéraux qui s’est monté en 2000 pour faciliter
l’accès aux soins. Mais l’hôpital, qui dispose de services de pointe et de qualité, accueille
aussi des patients de tous horizons sociaux.
AVEZ-VOUS LE SENTIMENT QUE LE PERSONNEL SOIGNANT DANS SON
ENSEMBLE (MEDECINS, INFIRMIERES, AIDES-SOIGNANTES, ETC) EST AU
COURANT DE L’EXISTENCE DE CES DROITS ACCORDES PAR LA LOI ?
Docteur Martine Gaillard :
Avant de répondre à cette question, je voudrais d’abord souligner le mérite des aidessoignantes et des infirmières qui accueillent le patient avec humanité et professionnalisme.
La connaissance du droit des patients par le personnel soignant me semble très disparate.
Certains personnels peuvent énumérer quelques droits, d’autres non.
Madame Sylvie Moudani :
Dans tous les services il y a des grandes affiches de la charte du patient hospitalisé. De plus,
dans le cursus scolaire des infirmières, on étudie le droit des patients. Pour les médecins c’est
pareil. Personnellement je pense que tout le monde est au courant.
QU’EN EST-IL DE LA CONNAISSANCE DE CES DROITS PAR LES PATIENTS ?
Docteur Martine Gaillard :
Dans tous les services, un affichage informe qu’une commission chargée de défendre les
droits des patients existe, mais cela n’attire pas l’attention. Il faut ajouter qu’au cash, avec un
fort taux de population immigrée qui ne maîtrise pas la langue française, le problème de
l’accès à ce type d’informations est accru.
Madame Sylvie Moudani :
Je pense que les patients savent qu’ils ont le droit de choisir l’hôpital et leur médecin.
Pour ce qui est de la notion de personne de confiance, on va dans les chambres et on demande
aux patients de remplir la fiche des personnes de confiance. On leur explique à quoi ca sert, ce
que ça peut leur rapporter, que ce n’est pas obligatoire, On a un rôle d’information du patient,
en tant que soignants. .
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De même, on leur demande aussi leur accord avant de faire certains soins. Les médecins leur
expliquent la démarche thérapeutique, il y a comme une entente préalable. Ca fait partie de
leurs droits, et c’est notre rôle de leur expliquer. Ils sont libres aussi de partir de l’hôpital.
EST-CE QUE LA RECONNAISSANCE DE CES DROITS PAR LA LOI VOUS
SEMBLE AVOIR MODIFIE QUELQUE CHOSE DANS LA PRISE EN CHARGE DE
VOS PATIENTS ?
Docteur Martine Gaillard :
La qualité de la prise en charge des patients a toujours été le critère prioritaire dans nos
pratiques d’accueil et de soins.
Ce qui a pu changer, c’est le fait que le patient a droit à l’accès de son dossier médical. Mais
cela peut avoir des conséquences sur la tenue de ce dossier. Ainsi, par exemple, vis-à-vis
d’une patiente victime de violences conjugales mais qui souhaitait préserver le secret, on
hésitera à consigner sur le dossier la mention « ecchymose suspecte », pourtant utile si un jour
l’affaire devait se judiciariser. Les termes employés peuvent donc être plus modulés.
Toutefois, il faut le reconnaître, la proportion des patients qui savent qu’ils ont accès à leur
dossier médical, et qui l’exercent, est infime.
Ce qui a fait changer nos pratiques aussi, c’est la notion de « personne de confiance ». Avant,
on ne posait pas la question aux patients. La « personne de confiance » s’identifiait
naturellement par la présence d’un proche, que le corps médical considérait comme un
interlocuteur. Cette désignation d’une personne de confiance pose problème parfois. Je pense
à ces familles qui ne comprennent pas cette notion, à qui il faut l’expliquer, ou qui ne sont pas
d’accord avec la désignation de la personne de confiance par le patient. On a vu une situation
délicate où deux épouses se disputaient la reconnaissance de ce titre ! On doit faire aussi avec
cette réalité. Et il faut ajouter à tout ça le problème de la barrière de la langue. Au cash de
Nanterre, on a toutes les nationalités, des maghrébins mais aussi des russes, des slovènes, des
polonais, des sri-lankais. Souvent, pour se comprendre, on fait avec les moyens du bord, en
mettant à contribution, pour pouvoir communiquer, le personnel soignant d’origine étrangère.
Parfois, on doit faire appel à des interprètes.
Madame Sylvie Moudani :
Les lois ont permis aux malades de participer aux choix thérapeutiques. Les patients atteints
de maladies chroniques peuvent aussi participer à des programmes thérapeutiques. C’est un
grand pas et une grande mission des soignants.
Ce qui a beaucoup changé aussi, c’est l’amélioration de la prise en charge de la douleur, qui
est devenue une préoccupation constante. C’est la loi qui a permis ça. A l’hôpital, il y a des
groupes de travail qui mettent en place des outils pour une meilleure prise en charge de la
douleur. Une attention particulière est portée sur les douleurs des personnes en fin de vie. Ce
point est très important. A l’hôpital, nous avons une équipe mobile de soins palliatifs. Tout est
fait pour que les gens meurent dans la dignité. Là aussi, ce point fait partie du cursus de
formation du personnel médical et infirmier et soignant. On nous apprend par exemple
comment accompagner les familles des patients en fin de vie, En plus, tous les ans, pour ceux
qui le souhaitent, il y a des formations spécifiques dans l’hôpital sur la douleur et sur les soins
palliatifs de fin de vie, avec 2 journées avec un psychologue, où on nous apprend aussi à
savoir être à l’écoute + 1 journée avec un médecin de la douleur et 1 journée avec le Dr Gallet
qui est le chef de service de l’équipe de soins mobiles..
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IL EXISTE AU SEIN DE L’HOPITAL UNE COMMISSION DE REPRESENTANTS
DES USAGERS POUR LA QUALITE DE LA PRISE EN CHARGE, QUI INTEGRE
EN SON SEIN DES REPRESENTANTS D’ASSOCIATIONS.
A. => QUE PENSEZ-VOUS DE CETTE PLACE PRISE PAR LE CITOYEN AU SEIN
D’UNE INSTANCE COMME CELLE-LA ?
Docteur Martine Gaillard :
Ca me gène pas. Je me pose juste la question du niveau de compréhension de certaines
plaintes. Ainsi, on a eu le cas, en pédiatrie, d’une maman dont l’enfant était dans un état
grave, où le pronostic vital était engagé. Elle ne voulait pas comprendre la gravité de la
situation malgré mes explications, et tout ce qu’elle exprimait, c’était une révolte de devoir
attendre et de ne pas pouvoir sortir rapidement de l’hôpital avec son enfant.
Dans ce genre de cas, s’il y a réclamation, la commission des usagers entend la plainte mais
n’a pas les éléments pour pouvoir discerner le bien-fondé de la plainte. Il faut un dialogue
avec le corps médical pour pouvoir se faire une idée.
Madame Sylvie Moudani :
Les représentants des usagers assurent une continuité de mission avec le personnel soignant.
Ils ont toute leur place pour aider et soutenir les patients qui le souhaitent, mais bien-sûr sans
interférer avec la pratique des soins.
B. => L’EXISTENCE DE CETTE COMMISSION DE REPRESENTANTS DES
USAGERS VOUS SEMBLE-T-ELLE PERCUE PAR LE PERSONNEL SOIGNANT ?
Docteur Martine Gaillard :
Je ne suis pas sûre que cette commission de représentants des usagers soit perçue par le
personnel soignant.
Madame Sylvie Moudani :
On le sait au moins par l’affichage.
C. => SON EXISTENCE VOUS SEMBLE-T-ELLE PERCUE PAR LES PATIENTS
EUX-MEMES ?
Docteur Martine Gaillard :
Non, je ne crois pas. Ce que je crois, c’est qu’ils sont favorables à la présence de bénévoles
qui leur rendent visite, pour avoir quelqu’un avec qui dialoguer. Ca c’est très bien perçu. Mais
je doute qu’ils sachent qu’il existe une Commission de représentants des usagers qui peut les
défendre, ça non, je ne pense pas
Madame Sylvie Moudani :
Dans tous les services il y a aussi une grande affiche qui les informe de l’existence de cette
commission. Sur internet aussi, dans la présentation du cash, ils peuvent avoir accès à cette
info, avec la liste des gens élus. C’est aussi marqué dans le livret d’accueil qui est en train
d’être refait au cash. Et si tout cela devait ne pas suffire, le personnel soignant peut être
« relai » de ces informations
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LES PETITS FRERES DES PAUVRES, ASSOCIATION NON CONFESSIONNELLE,
RECONNUE D’UTILITE PUBLIQUE, A POUR MISSION D’ACCOMPAGNER DES
PERSONNES AGEES SOUFFRANT DE SOLITUDE. QUE PENSEZ-VOUS DE
L’INVESTISSEMENT DES PETITS FRERES DANS CETTE COMMISSION ?
Docteur Martine Gaillard :
Je ne suis pas dans cette commission des usagers. Ici on a toutes les religions du monde. Alors
c’est bien que l’Association soit non confessionnelle.
Côté accompagnement, c’est important que vous y soyez.
ET ENFIN LA QUESTION « BAGUETTE MAGIQUE » : SI VOUS DEVIEZ
CHOISIR UNE ACTION A ENTREPRENDRE POUR AMELIORER LA PRISE EN
CHARGE GLOBALE DE VOS PATIENTS, LAQUELLE ENGAGERIEZ-VOUS ?
Madame Sylvie Moudani :
Ce qui manque c’est d’avoir une équipe de bénévoles qui passe régulièrement. En Médecine
Interne et en Réanimation, par exemple, ça manque vraiment. On a bien l’aumônerie qui
passe, plus les alcooliques anonymes qui viennent en Gastro pour accompagner les sevrages,
mais ce n’est pas suffisant.
Docteur Martine Gaillard :
Il manque des lieux de vie dans l’hôpital. En chirurgie, on a bien par exemple une grande salle
polyvalente mais elle est moche, mal organisée, mal meublée. Il faudrait des lieux de vie.
Pour que certaines personnes puissent manger ensemble, par exemple. Même hospitalisés, les
gens doivent avoir la possibilité de manger ensemble dans une salle à manger. On n’a pas non
plus de salons suffisamment grands pour que les gens puissent bavarder ensemble, chacun est
confiné dans sa chambre. Ca pose même parfois problème de recevoir les membres de la
famille dans une chambre trop exigüe. Même pour les séjours courts, que les patients aient des
espaces pour échanger entre eux, ce serait positif.
Au SSR (Soins de Suite et de Réadaptation), il y a les bien des lieux mais je ne suis pas sûre
que les gens en profitent. C’est le problème de l’animation de ces lieux qui se pose.
C’est dommage également que l’hôpital n’ait pas de point presse, ni de cafeteria. Ca fait partie
des manques. Ce serait un point de rencontre, un but de promenade d’aller chercher le journal.
Je me souviens, on a eu une époque une musicologue au service réanimation. Ca m’a fait
bizarre quand le l’ai vue la première fois avec sa guitare rentrer dans les chambres. Elle
chantait, que les gens soient réveillés ou pas. Il est arrivé que du personnel chante avec elle.
Ce genre de présences bénévoles est trop rare. Cette présence bénévole donnait une dimension
conviviale et humaine à l’hôpital.
« Egalité de tous les hommes devant la souffrance et la guérison »
Devise du docteur Max Fourestier
Propos recueillis par Maryvonne Sendra
Communication Fraternité Accompagnement des Personnes Malades
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