Le pape François réformateur de son Église

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JOURNAL DES PAROISSES DE L''ÉGLISE PROTESTANTE UNIE :
N ° 261 - JANVIER 2017
MÉTROPOLE-NORD ~ BASSIN-MINIER ~ LITTORAL ~ ARTOIS ~ HAINAUT ~ AVESNOIS
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Le pape François
réformateur de son Église ?
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D O S S I E R
LE PAPE FRANÇOIS RÉFORMATEUR DE SON ÉGLISE ?
LE PAPE FRANÇOIS : UN REFORMATEUR ?
En 2013, le pape François accède au siège de saint
Pierre. Mais sa manière d'assumer, d'habiter le ministère
pontifical tranche avec celle de ses prédécesseurs. Par
des touches successives et hautement symboliques, il
se construit l'image d'un homme simple, humble et
recherchant la réconciliation. Il révolutionne la fonction
pontificale mais pas forcément l'Église…
Après sa première messe dominicale, le pape François
s'adonne à un bain de foule, sans doute pas totalement
improvisé mais inédit. Alors qu'elle scande son nom et crie
Viva il papa !, François prend le temps de saluer et de discuter
avec les fidèles. Tout cela, bien entendu, sous l'œil avisé des
caméras. Car, comme le pense Franck Bergeron, pasteur de
l'Église protestante unie, le pape est un communiquant, pas un
réformateur. L'Église catholique a changé de stratégie pour
atteindre les foules : à l'inverse du passé, le pape arrondit les
angles, fait de la "com", tandis que les évêques font la loi. Quoi
qu'il en soit, les chaînes de télévision et les radios propagent
aussitôt l'image d'un pape brisant les barrières, les frontières
qui le séparent de l'ensemble du peuple. Un pape accessible,
simple, humain.
Des gestes symboliques
Le pape François a posé de multiples gestes confortant
cette symbolique de l'accessibilité. D'abord, il renonce aux
mules papales, de la couleur du pouvoir : rouges. Il préfère
porter des chaussures noires, une couleur des plus
traditionnelles, commune à la plupart des hommes de la
planète. Ensuite, le véhicule auquel il recourt lors de ses
déplacements est très souvent celui de la marque du pays.
Ainsi, il s'affiche dans une Fiat 500L aux États-Unis (une
marque italo-américaine) et dans une Ibuzu aux Philippines…
La papamobile devient la voiture de monsieur tout le monde !
Enfin, le pape François n'habite pas le palais pontifical mais la
maison Sainte-Marthe. Même si les appartements de cet hôtel
n'ont rien de la rugosité d'une auberge de jeunesse, ils n'ont
pas non plus le faste du palais pontifical !
Des paroles fortes…
Mais ce pape n'en reste pas aux gestes symboliques ! Il sait
prononcer des paroles fortes. Ainsi, en pleine crise migratoire,
il dit aux catholiques : Chers frères et sœurs migrants et réfugiés
! À la racine de l'Évangile de la miséricorde, la rencontre et
l'accueil de l'autre se relient à la rencontre et à l'accueil de Dieu
: accueillir l'autre, c'est accueillir Dieu en personne ! Une parole
forte, courageuse et fraternelle qui, malheureusement, n'a pas
eu d'effet. François Clavairoly, président de la Fédération
protestante de France, analyse cela ainsi : Un qui parle pour
tous fait croire qu'un peut tout faire mais c'est un pieux
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mensonge. L'appel à la
responsabilité individuelle,
telle que la conçoit le
protestantisme,
à
l ' e n g a g e m e n t
communautaire, cet appel
s'en trouve conforté et
renforcé.
…et œcuméniques
Ensuite, après sa
publication d'Amoris Laetitia, (La joie de l'Amour),
et l'établissement par les évêques argentins d'un certain
nombre de critères pour l'accueil des divorcés-remariés à la
table eucharistique, le pape a dit : Leur projet exprime
pleinement le sens du chapitre 8 d'Amoris Laetitia. Et d'ajouter :
Il n'y a pas d'autres interprétations ! Comme le souligne Jane
Stranz, responsable du service des relations œcuméniques au
sein de la Fédération protestante de France, le pape aurait pu
passer sous silence ce projet argentin mais en le louant
il valorise la démarche. Il montre la voie vers laquelle les autres
conférences épiscopales doivent aller. Dans un autre
domaine, celui de l'unité de l'Église, l'actuel pape prononce des
paroles hautement significatives. Au patriarche Cyrille de
Russie, par exemple, il dit : Nous voici enfin frères ! Et, lors de
sa visite à Turin, il n'hésite pas à demander humblement
pardon aux protestants vaudois. Comme le fait remarquer
François Clavairoly, c'est sans doute ce qui change aujourd'hui
: L'Église catholique romaine est aujourd'hui en dialogue avec
tous les partenaires. Elle a conscience qu'elle ne peut pas être
seule : elle est une parmi d'autres. Elle a probablement un rôle
particulier à jouer mais avec d'autres. C'est la conséquence de
la conscience de la mondialisation.
Des écrits qui marquent et…
Peu de commentateurs ont relevé, comme le souligne Jane
Stranz, que dans la première exhortation papale, Evangelii
Gaudium, (La joie de l'Évangile), le mot réforme et le verbe
réformer reviennent sans cesse. C'est le signe que François
veut changer, pousser l'Église vers quelque chose de nouveau.
C'est le symbole de sa volonté de faire redécouvrir à l'Église
catholique romaine sa mission initiale, évangélique. De même,
sous l'impulsion du pape François, l'Église catholique se dote
d'un écrit sur la sauvegarde de la création, Laudate si, (Sois
loué) [Seigneur], remarqué et encensé dans l'Église et endehors de celle-ci. Enfin, dans Misericordiae vultus, (Le visage
de la miséricorde), le pape François semble porter un autre
regard sur les indulgences. Xavier Gué, dans un article récent,
souligne qu'il n'est plus question de " gagner " ou "d'obtenir "
des indulgences, que la distinction entre plénières et partielles
a été abandonnée, que le " trésor des mérites " n'est plus
évoqué et que le pape n'emploie plus le pluriel mais le
singulier. Dans son esprit, il s'agit d'être au bénéfice de la
Miséricorde du Père. L'indulgence de Dieu libère l'homme et
le fait entrer dans une dynamique de changement. Si cette
" réforme " langagière du pape reste pour le moins
ambivalente, elle rappelle certaines intuitions de Luther,
fondatrices de la Réforme.
… des écrits qui manquent !
Mais au-delà des gestes symboliques, des paroles fortes,
des écrits exhortatifs, quelles réformes de l'Église le pape a-t-il
initiées ? Les synodes sur la famille ? Ils ont accouché d'une
souris.
Comme le souligne Michel Barlow, théologien de l'Église
protestante unie de France, les grands dossiers sont au point
mort. Comme par le passé, on a l'impression que l'Église
catholique est soucieuse de ne pas bouger. Comme dit un
personnage du roman "Le guépard" : on doit donner
l'impression que tout bouge pour que rien ne bouge ! L'accueil
des divorcés-remariés, par exemple, est sur une voie de
garage, tout comme la place des femmes dans l'Église, sans
parler du ministère féminin et du célibat des prêtres. Comme
beaucoup de protestants, François Clavairoly, attend des textes
et non des paroles ou des images. Ou plus exactement :
l'Église catholique est en droit d'attendre des textes et pas
seulement du son ou de l'image. Jean Paul II avait tenté d'ouvrir
une brèche sur la compréhension du ministère de communion
et cela n'a pas été suivi d'effet. Il en va de même pour l'accord
de 1999 sur la justification. Le champ des accords
œcuméniques est en jachère depuis
quinze ans. La véritable réforme, comme
le pense Michel Barlow, serait de revenir
à Vatican II et d'appliquer les mesures du
Concile. Autrement dit : la réforme de
l'Église catholique n'est incarnée qu'en
apparence par le pape François. Elle
aurait pu déjà advenir mais reste
pleinement à venir…
Christophe Jacon, pasteur
Journal "Ensemble"
Jorge Mario Bergoglio en visite
dans le bidonville Buenos Aires
QUELQUES REPÈRES
1936 : Naissance le 17 décembre de Jorge Mario à Buenos Aires.
1936 : Jorge Mario est baptisé le 25 décembre dans une basilique du quartier d'Almagro à Buenos Aires.
1953 : Il fait l'expérience de " la miséricorde divine " et se sent appelé par Dieu à entrer dans les ordres.
1957 : Il décide de devenir prêtre.
1958 : Il entre au séminaire puis au noviciat de la Compagnie de Jésus.
1958-62 : Il poursuit sa formation au Chili.
1963 : Il revient en Argentine pour des études de philosophie.
1967-69 : Après diverses expériences, dont une dans l'enseignement, il étudie la théologie.
1969 : Il est ordonné prêtre. Il poursuit ses études en théologie et philosophie.
1972 : Il est nommé maître des novices du Colegio Máximo San José, institution jésuite.
1973 : Le 31 juillet, âgé d'à peine trente-six ans, il est nommé Provincial des jésuites du pays.
1980 : À la fin de sa charge de Provincial, il est nommé recteur de la faculté de théologie et de philosophie de San Miguel
(l'ancien Colegio Maximo).
1986 : Après un séjour en Allemagne pour terminer sa thèse, il est nommé prêtre dans un quartier pauvre de l'Argentine.
1992 : Jean-Paul II le nomme évêque auxiliaire de Buenos Aires. Il quitte ainsi "l'exil" de Cordoba.
1997 : Il est nommé coadjuteur du même archidiocèse.
1998 : À la mort du cardinal, il devient archevêque de Buenos Aires.
2001 : Il est nommé cardinal.
2005 : Il est l'un des concurrents de Joseph Ratzinger lors du conclave.
2013 : Il est élu pape.
Christophe Jacon, pasteur
Journal "Ensemble"
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DES PAROLES FORTES
Le discours du pape François, lors de la présentation des
vœux de Noël à la Curie romaine, lundi 22 décembre 2014 au
Vatican, a suscité un écho considérable. Cela tient à la liste des
quinze " maladies " pouvant affecter les collaborateurs du SaintSiège dont le pape François a fait une liste détaillée et
argumentée, qu'il égrène très simplement et courageusement.
Ces quinze maladies et tentations qui affaiblissent le service de
l'Évangile n'étant pas la spécificité de la Curie romaine, la
méditation de cette dénonciation peut nourrir la réflexion de
toute l'Église.
1. La maladie de celui qui se sent immortel, immunisé
ou tout à fait indispensable et néglige les contrôles
nécessaires et habituels. Une Curie qui ne fait pas son
autocritique, ne s'ajuste pas en permanence, ne cherche pas à
s'améliorer, est un corps malade, infirme. […] C'est la maladie
de l'homme riche et insensé de l'Évangile, qui pensait vivre
éternellement (cf. Lc 12,13-21), et de tous ceux qui se
transforment en maîtres et se sentent supérieurs à tous, et non
au service de tous. [… ]
L'antidote à cette épidémie est la grâce de se sentir
pécheurs et de savoir dire de tout cœur : nous sommes de
simples serviteurs : nous n'avons fait que notre devoir
(Lc 17, 10).
2. Autre maladie : le marthalisme (qui vient de Marthe)
qui concerne ceux qui se noient dans le travail et négligent
inévitablement la meilleure part : s'asseoir aux pieds de Jésus
(cf. Lc 10,38-42). C'est pourquoi Jésus a demandé à ses
disciples de se reposer un peu (cf. Mc 6,31), car négliger le
repos nécessaire conduit au stress et à l'agitation. […] Il faut
retenir ce qu'enseigne Qohéleth : Il y a un moment pour tout
(Qo 3,1-15).
3. Il y a aussi la maladie de la pétrification mentale et
spirituelle. Ceux qui en sont atteints possèdent un cœur de
pierre et une nuque raide (Ac 7,51-60). Ce sont ceux qui,
chemin faisant, perdent leur sérénité intérieure, la vivacité et
l'audace, et se cachent derrière leurs dossiers, devenant les
rois du formulaire et non des hommes de Dieu (cf. He, 3,12). Il
est dangereux de perdre cette sensibilité humaine qui permet
de pleurer avec ceux qui pleurent et de se réjouir avec ceux qui
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se réjouissent ! […] Être chrétien, en fait, signifie
avoir les dispositions qui sont dans le Christ
Jésus (cf. Ph 2, 5), dispositions à l'humilité et au
don, au détachement et à la générosité.
4. La maladie de la planification
excessive et du fonctionnarisme est celle de
l'apôtre qui planifie tout minutieusement et croit
que planifier à la perfection fait réellement
avancer les choses. Il se transforme
pratiquement en expert-comptable ou en
fiscaliste. Tout bien préparer est nécessaire mais
il ne faut jamais succomber à la tentation de
vouloir enfermer ou piloter la liberté de l'Esprit
Saint, qui demeure toujours plus grande, plus
généreuse que toute planification humaine (cf.
Jn 3,8). […] Domestiquer l'Esprit Saint ! Il est
fraîcheur, imagination, nouveauté.
5. La maladie de la mauvaise coordination, advient
quand il n'existe plus de communion entre les membres et que
le corps est privé de son fonctionnement harmonieux et de sa
tempérance en devenant un orchestre qui produit seulement du
chahut, parce que ses membres ne collaborent pas et ne vivent
pas l'esprit de communion et d'équipe. Lorsque le pied dit au
bras : je n'ai pas besoin de toi ou la main à la tête : c'est moi qui
commande, provoquant ainsi malaise et scandale.
6. Il y a aussi la maladie d' "Alzheimer spirituelle",
c'est-à-dire l'oubli de l'histoire du salut, de l'histoire personnelle
avec le Seigneur, du premier amour (Ap 2,4). Il s'agit d'un déclin
progressif des facultés spirituelles qui, à plus ou moins long
terme, provoque de graves handicaps chez la personne, la
rendant incapable d'exercer une activité autonome. Celle-ci vit
dans un état de dépendance absolue vis-à-vis de ses vues
souvent imaginaires. Nous détectons cette maladie chez ceux
qui ont perdu la mémoire de leur rencontre avec le Seigneur ;
[…]
7. La maladie de la rivalité et de la vanité apparaît quand
l'apparence, les couleurs des vêtements, les signes
honorifiques deviennent le premier objectif de la vie, et que l'on
oublie les paroles de saint Paul : Ne soyez jamais intrigants ni
vaniteux, mais ayez assez d'humilité pour estimer les autres
supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas
préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des
autres (Ph 2,3-4). […] (Ph 3, 18-19).
8. La maladie de la schizophrénie existentielle est la
maladie de ceux qui ont une double vie, fruit de l'hypocrisie
typique du médiocre et du vide spirituel progressif que les
diplômes et les titres académiques ne peuvent combler. Une
maladie qui frappe souvent ceux qui, abandonnant le service
pastoral, se limitent aux tâches bureaucratiques et perdent
ainsi le contact avec la réalité, avec les personnes concrètes.
Ils créent ainsi un monde parallèle, à eux, où ils mettent de
côté tout ce qu'ils enseignent sévèrement aux autres et où ils
commencent à vivre une vie cachée et souvent dissolue. La
conversion est assez urgente et indispensable pour lutter contre
cette maladie extrêmement grave (cf. Lc 15,11-32).
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