il faut estimer le nombre de cas attendus de tumeurs malignes primaires du cerveau
dans ce milieu ; ceci a été fait à partir des données de fréquence de ce cancer détenues
par le fichier des tumeurs du Québec et à partir du nombre moyen de travailleurs à la
CARRA au cours de la période d’observation. Les calculs utilisant le taux brut d’inci-
dence des tumeurs malignes
de l’encéphale au Québec3
(8,3 pour 100 000 pour les 2
sexes confondus) ont confirmé
un excès de tumeurs malignes
primaires du cerveau chez les
employés de la CARRA. Cet
écart, par rapport au nombre attendu, était significatif au plan statistique.
Une seconde question est également fondamentale à cette étape : existe-t-il un fac-
teur plausible biologiquement pouvant expliquer cet excès de cancers du cerveau et
qui justifierait d’aller plus loin dans l’investigation épidémiologique ?
Malgré l’augmentation de l’incidence du cancer du cerveau observée au cours des
dernières années dans la population générale, ce cancer demeure une énigme quant aux
hypothèses étiologiques confirmées. Celles-ci demeurent peu nombreuses. Les causes
connues de cancer du cerveau ont, bien sûr, été revues. Aucune ne pouvait s’être ma-
térialisée dans le contexte d’un travail dans un immeuble à bureaux. De plus, une visite
des lieux de travail a permis de confirmer qu’aucune activité de type quasi industriel
ne se déroulait dans l’immeuble, ni autour. Une visite du précédent immeuble où les
travailleurs de la CARRA avaient auparavant leurs bureaux n’a également démontré
aucune source particulière de contamination.
Une revue de la littérature a également permis d’identifier des études récentes4, 5, 6, 7
portant sur les expositions professionnelles et la survenue de gliomes et glioblastomes.
Ces études portent sur un nombre considérable de cas. Certains secteurs d’activités
montrent parfois un accroissement du risque de cancer du cerveau, par exemple l’agri-
culture, la pétrochimie, le secteur électrique ou électronique. Toutefois, les résultats
sont inconsistants et variables d’une étude à l’autre. Ils ne permettent pas de tirer des
conclusions robustes ou définitives sur des étiologies du cancer du cerveau. Par contre,
le travail de bureau analysé également dans ces études, n’a pas été associé au cancer
du cerveau dans aucune des quatre études plus récentes.
Des conclusions à tirer
Après les deux premières étapes, certains constats s’imposaient.
1. Un excès significatif de cancers du cerveau est bel et bien survenu entre 1999 et
2004 à la CARRA. 2. Les causes connues ou suspectées de cancer du cerveau ne sont
pas présentes dans ce milieu de travail. 3. Aucune cause de cancer du cerveau inconnue
à ce jour aurait pu
toucher uniquement les
travailleurs de ce mi-
lieu et amener un tel
accroissement de la
fréquence.
En conséquence,
l’investigation amenait
à conclure que cet
agrégat découlait d’une
distribution de cas de
cancer du cerveau que
le hasard, à lui seul,
peut occasionnellement
produire. Il n’y avait
pas lieu de poursuivre
aux étapes 3 et 4.
Dans 5 à 15 % des signalements
d’agrégat, un excès de cas significa-
tif au plan statistique est observé.
1 5 – OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 1, 2007
La communication
La communication et la transparence,
dans un contexte d’agrégat, sont les clés
de voûte de l’intervention. Sans elles, l’in-
tervention est handicapée d’entrée de jeu,
car suspectée de partialité par les travail-
leurs. En effet, les attentes sont, à peu près
toujours, très élevées face à une investiga-
tion d’agrégat. Toutefois, elles sont le plus
souvent déçues en raison des problèmes
méthodologiques courants lors de telles
investigations.
À la fin de l’enquête, une rencontre
paritaire d’information entre la direction
et les représentants syndicaux a été tenue.
Un communiqué explicitant les conclu-
sions de l’enquête a été transmis par l’in-
tranet de l’organisation tôt le lendemain,
de sorte que les travailleurs reçoivent une
copie électronique à leur arrivée au travail.
Le communiqué était accompagné d’une
invitation à des rencontres complémen-
taires d’information à la fin de la journée.
Les intervenants de la santé publique ont
alors répondu aux questions et expliqué
à nouveau le cheminement conduisant
aux conclusions de l’investigation.
Pour compléter les efforts de commu-
nication, une rencontre avec les journalistes
locaux a également eu lieu. Cet agrégat,
après avoir commencé son existence en
première page du Soleil, l’a terminée en
page A-7, avec le titre « Cancers du cer-
veau à la CARRA : un simple effet du ha-
sard ». Ainsi se termine le plus souvent
les agrégats de problème de santé. •
RÉFÉRENCES
1. THUN, M., J. SINKST. « Understanding Cancer Cluster »,
CA Cancer J. Clin., 2004, 54(5), p. 273-280.
2. CDC. Guidelines for Investigating Clusters of Health
Events, MMWR, 1990, 39, (RR-11).
3. Communication personnelle – Fichier des tumeurs du
Québec (2001).
4. DE ROOS, A. J., et al. Occupation and Risk of Adult
Glioma in the United-States, Cancer Causes and Control,
203, 14, p. 139-153.
5. KRISHNAN, G., et al. “Occupation and Adult Gliomas in
the San Francisco Bay Area”, J. Occup. Environ. Med.,
2003, 45(6), p. 639-647.
6. ZHENG, T., et al. “Occupational Risk Factors for Brain
Cancer : a Population-Cased Case-Control Study in Iowa”,
J. Occup. Environ. Med., 2001, 43(4), p. 317-324.
7. SCHLECHOFER, B., et al. “Occupational Risk Factors
for Low Grade and High Grade Glioma : Results from an
International Case Control Study of Adult Brain Tumors”,
Int. J. Cancer, 2005, 113(1), p. 116-125.
DOSSIER QUALITÉ DE L’AIR
Modèle d’intervention face aux agrégats suggéré par le CDC
Étape 1
Contact initial et
réponse immédiate
Étape 4
Étude
épidémiologique/
étiologique
FAIRE RAPPORT
AUX PARTIES
INTÉRESSÉES
Étape 3
Étude de faisabilité
Étape 2
A
Évaluation
préliminaire
B
Évaluation
des cas
C
Évaluation de
la fréquence