Deux mesures d'association fréquemment utilisées en épidémiologie : l'Odds-Ratio et le Risque Relatif
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°72 - mars 1999
Deux mesures d'association fréquemment utilisées en
épidémiologie : l'Odds-Ratio et le Risque Relatif
Emmanuel Lagarde
CNRS, laboratoire d'anthropologie biologique (Paris)
L’utilisation des antiprotéases améliore-t-elle la santé des personnes atteintes ? Les adolescents qui
ont reçu des conseils en matière de prévention utilisent-ils plus fréquemment le préservatif que les
autres ? Les personnes qui ont un grand nombre de partenaires sont-elles plus souvent séropositives
que celles qui en ont un seul ?
Pour répondre à ces questions, des enquêtes sont conduites auprès des populations concernées et des
comparaisons sont faites à l’aide de tests statistiques (le test du Chi2 par exemple). On sait alors si
une maladie est associée de façon significative à un facteur d’exposition ou de protection.
Les auteurs de publications scientifiques fournissent par ailleurs des indicateurs de l’intensité de cette
liaison : un Odds-Ratio (OR) ou un Risque Relatif (RR), souvent accompagnés de leur intervalle de
confiance (IC) (par exemple : OR = 2,3 ; IC : 1,5-5,9). Que signifient ces chiffres ?
En épidémiologie, il est fréquent d’utiliser comme exemple l’impact du tabac sur le cancer du
poumon. Jamais les épidémiologistes n’ont trouvé avec autant de constance et de force une liaison
entre une maladie et une exposition. En cela on peut dire que l’épidémiologie doit beaucoup au
tabac, et c’est par reconnaissance que nous prendrons cet exemple.
La maladie M est donc le cancer du poumon, l’exposition E le fait d’avoir été fumeur ou pas. Si l’on
sélectionne un échantillon d’adultes âgés de plus de 40 ans et qu’on leur demande s’ils ont été
fumeurs d’une part, et s’ils ont eu un cancer du poumon d’autre part, on peut classer ces individus
dans quatre groupes en fonction des réponses données. Les effectifs a, b, c, d de ces groupes sont
souvent présentés dans le tableau ci-dessous :
cancer Pas de cancer
Fumeur a b
Non - fumeur c d
Par exemple, b est le nombre des fumeurs qui n’ont pas de cancer.
Pour réaliser les calculs, donnons des valeurs à ces lettres :
cancer Pas de cancer
Fumeur 20 80
Non - fumeur 10 90
Ainsi, il y a 10 / (10 + 90) = 10 % de non-fumeurs qui ont eu un cancer et 20 / (20 + 80) = 20 % de fumeurs
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qui ont eu un cancer, soit deux fois plus. On dit que le Risque Relatif (RR) est de 2.
Le risque d’avoir un cancer quand on est non-fumeur est de 10 %, notons le Pnf. Le risque d’avoir un
cancer quand on est fumeur est de 20 %, notons le Pf. Ainsi:
Le risque relatif est le rapport des risques de chaque groupe d’exposition.
Il est plus fréquent de rencontrer des Odds-Ratios (OR) que des Risques Relatifs (RR) dans les
publications. Un " Odd ", c’est le rapport du nombre de personnes malades et du nombre de personnes
non malades. Dans notre exemple, l’" Odd " du cancer est de 20 contre 80 (ou 20 / 80) chez les fumeurs, il
est de 10 contre 90 (ou 10 / 90) chez les non-fumeurs.
Les Québécois traduisent " Odd " par " cote ". On retrouve cette expression dans le monde des courses
hippiques. Lorsqu’un cheval est coté à 3 contre 1, cela signifie que 3 parieurs l’ont joué perdant pour 1
parieur l’ayant joué gagnant.
Comment utiliser les Odds pour comparer les fumeurs et les non-fumeurs ? En les divisant par exemple.
On obtient ainsi la valeur de l’Odds-Ratio (ou du rapport de cotes québécois) qui est :
Notons que ces cotes peuvent s’écrire :
De même :
L’OR est donc :
On pourra en outre vérifier que :
Pourquoi utiliser l’OR, alors que le RR est si facile à interpréter ? Essentiellement pour deux raisons.
La première est que l’on utilise en épidémiologie un modèle appelé logistique qui permet d’évaluer l’effet
conjoint de plusieurs facteurs sur une maladie (ou sur toute autre variable d’intérêt). Les coefficients
associés aux variables explicatives de ce modèle sont justement des OR et pas des RR (en fait, des
exponentiels d’OR). Il est pratique d’utiliser ces coefficients pour présenter les résultats.
La seconde raison est que le calcul du RR n’a de sens que lorsque les données proviennent d’une étude
de cohorte ou d’un échantillon représentatif de la population à laquelle on s’intéresse. Ce n’est
évidemment pas le cas des enquêtes cas-témoins car la proportion de " malades " dans l’échantillon y est
fixée (à 50 % par exemple si l’on a pris 1 témoin pour 1 cas). En revanche, l’OR peut être calculé car il ne
dépend pas de la proportion de " malades " dans l’échantillon de l’étude.
Une dernière propriété intéressante est que l’OR et le RR sont presque égaux lorsque la maladie est rare.
On interprétera alors un OR comme un RR. Dans notre exemple, si l’on déclare que le cancer est 2,25 fois
plus fréquent chez les fumeurs, on se trompera assez peu. (le Risque Relatif est de 2). En effet, lorsque la
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maladie est rare, Pf et Pnf sont petits, 1-Pf est proche de Pf et 1-Pnf est proche de Pnf. D’où :
Pour résumer, le risque c’est le nombre de cancers divisé par le nombre total de personnes ;
La cote, c’est le nombre de malades divisé par le nombre de non-malades ;
Le RR c’est le rapport des risques ;
L’OR c’est le rapport des Odds (le rapport de cotes en québécois).
Notons enfin que le RR comme l’OR sont compris entre zéro et l’infini. On jugera du sens de l’association
mesurée en comparant leur valeur à 1. S’ils sont inférieurs à 1, l’exposition protège contre la maladie. S’ils
sont supérieurs à 1, l’exposition est un facteur de risque de la maladie. Dans notre exemple, l’OR est de
2,25, le RR de 2. Les données de notre exemple suggèrent que le tabac est un facteur de risque pour le
cancer étudié. - Emmanuel Lagarde
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