LA GAZETTE DE TRANSALPIE / LA GAZZETTA DI TRANSALPINO / NO 1
LE RECTANGLE … PAS SI EVIDENT!
Bernard ANSELMO, Clara BISSO, Lucia GRUGNETTI
Au nom du Groupe géométrie plane1
1. Introduction
Comme une bonne partie de la géométrie plane, la définition du rectangle prend aussi ses racines dans les
Éléments d’Euclide, en tant que quadrilatère dont les côtés ne sont pas tous isométriques (contrairement au cas
du carré), mais dont tous les angles sont droits. C’est ainsi une figure « allongée » ou « oblongue » dans
l’acception « plus longue que large ».
Et c’est cette caractéristique, si on peut le dire ainsi, qui fait qu’on parle de « longueur » et de « largeur » plutôt
que de « du plus grand côté» ou du « plus petit côté » et qu’on pense implicitement à un rectangle en position
« privilégiée » (selon une terminologie empruntée à L. Lismont, N. Rouche2 avec la longueur horizontale et la
largeur verticale ou vice versa3. Et si, par curiosité, on consulte le fameux ouvrage chinois ancien Les neuf
chapitres, on s’aperçoit que les mots désignant la longueur et la largeur d’un rectangle sont zong et guang qui
indiquent respectivement les directions nord-sud et est-ouest.
Depuis toujours, dans les manuels, le rectangle est le plus souvent représenté en position privilégiée, en référence
à l’horizontale et à la verticale.
Comme le soulignent Lismont et Rouche, la forme rectangulaire en position privilégiée est typique d’objets
familiers comme, par exemple, les portes et les fenêtres. Elle est reconnue très tôt par le jeune enfant sans
référence aux propriétés caractéristiques du rectangle.
Mais que se passe-t-il quand une forme rectangulaire ne se trouve pas dans cette position ? Si la « forme » dont
nous parlons est celle d’un objet de la réalité physique ou encore d’un « objet mental », son essence rectangulaire
ou sa « rectangularité » est encore reconnue sans devoir entrer dans les particularités de ses propriétés qui en font
précisément un rectangle.
Mais que se passe-t-il s’il s’agit de reconnaître ou de construire la figure rectangle dans une position non
privilégiée ?
Les classes participant à la finale internationale de Brigue, en 2008 (Jaquet, 2009), ont eu à chercher un
problème sur ce thème. Les résultats obtenus ont mis clairement en évidence certaines difficultés rencontrées par
les élèves lors de sa résolution. De là est née la nécessité de chercher les raisons de ces difficultés. Cependant,
dans cet article, avant de traiter des difficultés attachées au concept de rectangle, le groupe de travail géométrie
fait un pas de côté pour revenir, brièvement, sur les questions liées au concept d'aire dont il s'est occupé depuis
2005 sous le nom de groupe Ellealquadrato (Bisso, Grugnetti, 2006, 2007a, 2007b, 2009).
2. Un pas de côté : difficultés relevant du concept d’aire
Dans le cours de notre recherche, concernant la construction du concept d'aire et les difficultés qui y sont
associées, plusieurs problèmes du RMT sur la détermination d’aires par pavage et dénombrements ont fait
apparaître l’obstacle lié à la recherche d’une unité de mesure commune à différents types de pavages. D’autres
ont fait apparaître des confusions entre aire et périmètre (cf. par ex. Jaquet, 2000).
La particularité du RMT, qui propose un même problème à des catégories différentes, permet de faire
d’intéressantes observations à partir des résultats, catégorie par catégorie, comme, par exemple, vérifier si un
obstacle donné perdure ou bien tend « à disparaître » à mesure que l'âge des élèves augmente. Cette spécificité
peut, en quelque sorte, permettre, (comme on le verra au § 2.3.) de tirer quelques conclusions sur la dichotomie
« obstacle ontogénique »/« obstacle didactique ».
L'autre particularité de RMT est le nombre des classes impliquées et donc la taille de l’échantillon « à analyser ».
Aux résultats des recherches mentionnées dans les articles rappelés plus haut, nous avons estimé important d’en
apporter d’autres, à partir encore d'un problème avec des surfaces à mesurer par comptage d'unités d'aire (une
fois l'unité de mesure commune choisie). Le groupe géométrie a par conséquent proposé le problème « Les
feuilles mortes», qui a été retenu pour faire partie de ceux de la première épreuve du 18° RMT.
1 Bernard Anselmo, Chiara Badiali, Silvana Bisogni, Clara Bisso, Jean-Louis Billody, Fabio Brunelli, Florence Falguères, Lucia Grugnetti,
Elisabetta Mari, André Nguyen, Letizia Pucci, Michele Rapuano, Elsa Renna, Samia Mehaddene, M. Francesca Tanda, Agnese Tomasini,
Donata Tardio, con la collaborazione di Anna Maria D’Andrea e Francesca Ricci.
2 Formes et Mouvements (2001).
3 L’image mentale de cette position est encore renforcée en italien où la « largeur » est traduite par « altezza » qui signifie aussi « hauteur ».