Dossier | Des pubs à succès Regard sur trente ans de pubs Au cours des dernières décennies, les publicités agro-alimentaires sont devenues plus nombreuses et se sont adaptées aux évolutions sociétales. Un certain classicisme prédomine même si des spots plus créatifs figurent parmi les succès du genre. C ’ est indéniable, il existe aujourd’hui plus de publicités pour les produits agro-alimentaires qu’il y a trente ans. Certes, les professionnels du secteur consacrent un budget plus important qu’auparavant à la promotion de leurs marques. Mais cette hausse tient aussi au fait que l’offre en produits agro-alimentaires s’est considérablement étoffée durant cette période. En terme de contenu, l’évolution la plus notable est la place prépondérante désormais tenue par les enfants dans les spots. « Auparavant, les publicitaires ciblaient les ménagères, les femmes actives, les mères de famille. Aujourd’hui les enfants sont au centre de tous les scénarios ou presque car ils ont leur mot à dire sur tout. Sur les céréales, les desserts, le jus d’orange, bien entendu, mais aussi sur les sauces, la moutarde, le ketchup… », note Florence Illemassène, responsable documentaliste chez Culture Pub, l’émission référence sur la publicité qui se poursuit sur le web. Soucieux de coller aux évolutions sociétales, afin de mieux faire passer leurs messages, les publicitaires mettent désormais également en scène des étudiants ainsi que des familles monoparentales ou reconstituées. Par contre, disparues les belles femmes langoureuses et légèrement vêtues vantant yaourts ou autres comme cela a parfois été le cas dans les années 80-90. De même l’argument santé est-il en recul. « Au tournant de l’an 2000, on voyait du light à toutes les sauces, c’est terminé. Par ailleurs, les annonceurs ont réalisé que tous les consommateurs n’avaient pas le pouvoir d’achat pour se mettre au bio et cet axe de communication est en train de s’éteindre doucement au profit de l’alimentation équilibrée », estime Florence Illemassène qui déplore un manque de créativité. « Les publicitaires ne manquent pas d’imagination, mais les annonceurs veulent rester dans un certain classicisme car le public français est conservateur, pas prêt à être secoué comme dans certains pays d’Asie où l’on peut voir des spots un peu déjantées. D’ailleurs ce ne sont pas forcément les plus créatives qui amènent le plus de ventes ». 10 | L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 Quelques publicités se sont toutefois distinguées par leur originalité et ont marqué les téléspectateurs. Citons, celle des ChocoSui’s de Nestlé avec le poisson rouge Maurice. Celle d’Orangina, « Pourquoi est-il si méchant ». Celle des barres chocolatées Mars montrant un jeune homme renonçant à entrer au couvent. Ou encore celle signée Jean-Paul Goude pour le collectif du sucre où une abeille évoque des événements historiques. Mais parmi les succès avérés figurent aussi des spots bien plus orthodoxes comme les divorcés de Nescafé, le lait Lactel avec « comment on fait les bébés », Lustucru et ses extra-terrestres ou la saga des pâtes Panzani et de Don Patillo. « Les Français aiment les rendez-vous et les personnages incarnant un produit », déclare Florence Illemassène. Un autre exemple en a été fourni avec Monsieur Marie, qui surgissait dans les foyers pour vérifier la bonne préparation des plats cuisinés homonymes. Mais son succès a été tel que le personnage a fini par occulter le produit lui-même, ce qui a conduit à son abandon. Q Thierry Joly Des pubs à succès | Dossier Q Fondamentaux Sublimer le produit Sublimer le produit et faire parler de lui. Sébastien Mas de l’agence Magnétic nous dévoile les fondamentaux d’une campagne de publicité. La campagne doit être percutante, avec des visuels qui donnent envie de consommer le produit. La publicité est, selon le spécialiste, toujours « une affaire de séduction ». Séduire « Lorsque nous travaillons sur des produits avec signes officiel de qualité, nous réalisons une campagne axée produit. Nous cherchons à sublimer l’aliment et ses qualités gustatives. A donner de la valeur ajoutée au produit en montrant son originalité. Nous voulons faire passer son appétence, son origine, son terroir. Nous jouons sur la proximité du produit, avec un ton vrai ». Avec ces produits de niches, la typicité et le côté gustatif restent des valeurs fortes ». Comme les budgets ne permettent pas des campagnes télé, la promotion s’organise autour de la presse, de la communication globale qui va du packaging jusqu’à la promotion sur le lieu de vente. « Pour la presse écrite, le visuel s’avère très important. Les photos haute définition doivent donner envie de consommer le produit. Ensuite, la campagne doit être percutante. La publicité est toujours une affaire de séduction » ajoute l’expert. Les dossiers de presse envoyés aux journalistes doivent être attrayants, donner de l’information complémentaire sur le produit, la filière, le savoir-faire des différents acteurs, l’économie. Et entretenir la communication autour du produit « Nous organisons des repas avec des grands chefs utilisant l’aliment. Nous réalisons des déjeuners presse avec Alain Ducasse, Alain Passart ou Christian Constant. Avec à chaque fois, l’idée de réaliser un coffret, un écrin pour le produit visé. Nous ne sommes pas dans des publicités promotion/prix. Nous offrons du luxe ». Des communications avec les journaux culinaires, comme Régal, Saveurs, Gault & Millau, Elle à table, permettent de continuer à faire parler de l’aliment. De même que la publication de recettes. « Le côté gastronomie s’impose de plus en plus. Les émissions type Top chef ou Master Chef prépare le consommateur. A chaque fois, ces émissions insistent sur la nécessité de très bons produits pour de bons plats ». Les restaurateurs présentent de plus en plus leurs producteurs, comme acteurs principaux de la qualité gustative du plat final. Le client aime connaître l’origine du produit. D. R. «A il love you ». Trois petits mots destinés à changer le positionnement de l’ail. A le jucher comme un produit haut de gamme et… sexy. Il fallait oser : « Avec cette campagne décalée, nous voulons toucher les citadins de 25-40 ans. Notre objectif est de présenter l’ail comme un produit de luxe, dans un écrin » dévoile Sébastien Mas, responsable de Magnétic, une agence de communication. Cette agence toulousaine développe des campagnes de communication depuis plus de quinze ans pour les vins de Gaillac, le chasselas de Moissac, l’ail rose de Lautrec et depuis cette année l’ail pour l’interprofession. Au programme : création graphique, mise en place des plans médias, de l’aspect opérationnel des campagnes publicitaires mais aussi des Relations Presse et sites Internet. Les différents événements organisés par la filière deviennent aussi d’excellents vecteurs de communication avec la presse. Ils donnent la matière pour alimenter l’actualité presse ou web. Le web élargit le public touché. Les blogueurs culinaires deviennent des prescripteurs supplémentaires, au même titre que les journalistes. Les attachés de presse leurs envoient des informations, recettes, actualités. De même, les réseaux sociaux (pages facebook) et les sites internet entretiennent le « trafic », font parler du produit. Les jeux concours attirent une cible plus jeune. Et tout cela prolonge une campagne sublimée… We love it. Q Marie-Pierre Crosnier L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 | 11 Dossier | Des pubs à succès Q Le bœuf Entre anges et démons Quand le bœuf change de statut, la pub repositionne sa consommation. Avec le partage et la réconciliation comme valeurs fortes. Emotions garanties. «F bœuf, une viande consensuelle, sans interdit religieux, qui rassemble. Bref mettre son pouvoir d’attraction en avant » poursuit le spécialiste communication. Cinq facteurs de réussite Les professionnels de la filière se sont donné cinq facteurs clés pour réussir. D’abord une campagne longue sur trois ans. Avec un budget conséquent permettant une couverture télé importante (2 000 GRP, soit trois ou quatre vagues de passages télé sur TF1, M6 et les télé alternatives par an). Troisièmement, une communication axée au-delà du produit, sur l’émotionnel, avec comme bénéfice majeur « le goût d’être ensemble ». Ensuite, il s’agissait de frapper fort les esprits, avec un parti pris créatif osé. Enfin, les communications télé, points de vente, région et web devaient s’articuler en toute cohérence. Dès 2011, une campagne triennale décalée commence. Dans un spot télé original : les D. R. ace à l’érosion de la consommation de la viande de bœuf (29 % des viandes consommées en 2011, contre 39 % en 1970), il nous fallait réagir » décrète Jacques Mercier, responsable de l’animation et de la communication à Interbev Bovin. La filière bovine constate alors que le statut du bœuf change. Si les plus de 50 ans ne conçoivent pas de repas sans lui, il n’est plus au cœur du repas des plus jeunes. L’effet prix, l’émergence de la simplicité du snacking, une moindre connaissance culinaire, des mutations sociales. Autant d’explications à ce changement. Sans oublier les risques mis en avant comme les risques santé, environnemental ou l’absence de bien-être animal. Globalement le jeune consommateur prend de la distance avec la réalité de l’élevage bovin. Et il remet en cause la nécessité vitale d’en consommer. Reste alors à repositionner le bœuf au cœur du repas pour les 25-49 ans. Le goût, la qualité organoleptique ne s’imposent plus. « Nous avons choisi d’axer notre communication sur l’universalité de la viande de 12 | L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 anges rejoignent les démons en enfer pour déguster la viande. Les valeurs de réconciliation, partage, plaisir d’être ensemble, transgression touchent le jeune consommateur. Le ton décalé met en avant la viande de bœuf comme primordiale dans le moment privilégié du repas à la française. Si la dimension gourmande est présente, avec des gros plans sur la viande grillée, elle arrive en second point, après le partage d’émotions. Le film (30 secondes en début de campagne, 20 ensuite) passe en plusieurs vagues en 2011 et 2012. Les post-test confirment un agrément, avec de très bons scores. 75 % des consommateurs apprécient la pub. Ils la reconnaissent à 84 %. 12 % sont capables de donner des éléments du spot. 60 % la trouve convaincante et pensent qu’elle renouvelle le regard sur la viande. Enfin, 30 % disent qu’elle incite à l’achat. Campagne décalée Fin 2012, après six vagues de diffusion, l’intérêt pour la pub s’émousse. Une nouvelle version du film, plus décalée, plus sensuelle et transgressive, succède à la première. Cette fois-ci deux extraterrestres participent au festin, preuve de l’attractivité interplanétaire du bœuf. En 2013, un spot plus cinématographique envahit 3 400 salles de cinéma, dans 500 cinémas. Avec toujours cette volonté de faire vivre la pub et de toucher les plus jeunes. Pour les déclinaisons en points de vente, la filière bovine a boudé les kits papier au profit des écrans. Disposés dans les boucheries artisanales ou près des caisses d’hypermarché, ils dispensent le même message d’émotions et de partage. L’effet bœuf ! Q leboeuflegout.com Marie-Pierre Crosnier Des pubs à succès | Dossier Q Interview de Wladimir Watine, chef de groupe La Vache qui rit La Vache qui rit porte des valeurs universelles Wladimir Watine, chef de groupe La Vache qui rit, nous explique ce qui fait le succès de la marque depuis plus de 90 ans. Elle véhicule des valeurs qui plaisent, et à la faveur des enfants, les principaux prescripteurs. ’ L les jeunes, dès 25 ans. Nous avons aussi mis en place un dispositif digital qui mobilise les internautes aux mois d’avril et mai 2013. Sur un ton toujours aussi léger que ludique, la marque travaille la proximité en invitant ses consommateurs à mener l’enquête. Les consommateurs sont invités à collecter des points en jouant en ligne sur le site de La Vache qui rit et en récoltant des QR code et des stickers disponibles dans les boîtes. Cette mécanique apporte de très bons résultats. Information Agricole – Pourquoi l’image de « La Vache qui rit » ne vieillit-elle pas ? Wladimir Watine Q Il s’agit d’une marque emblématique présente dans le cœur de l’ensemble des Français, avec le leadership incontesté auprès des familles. C’est le numéro 1 des fromages pour enfants depuis plusieurs générations. Les chiffres parlent d’eux-mêmes puisqu’une famille sur deux, avec des enfants de moins de 15 ans, achète de La Vache qui rit®1. 98 % des mères2 et 98 % des enfants âgés de 7 à 12 ans connaissent la marque3 ; la marque fait partie du Top 10 des marques alimentaires préférées des enfants âgés de 7 à 12 ans4. Elle transmet des valeurs universelles que tout le monde apprécie : c’està-dire la proximité (un fromage consommé de 7 à 77 ans), le partage (un fromage déjà portionné et donc facile à partager). D’autre part, le personnage iconique, emblématique et unique est un réel succès. Il s’agit d’une icône unique née de l’imagination de Benjamin Rabier : une vache rouge avec de cornes et des boucles d’oreille. Il s’agit du seul personnage de marque qui rit et regarde le consommateur dans les yeux. La Vache qui rit est devenue un personnage à part entière, copié, réédité et même détourné. Ce qui fait le gage de son succès, depuis plus de 90 ans. présentes sur des portions et à un soutien in pack (lancement pérenne). Au travers de ce lancement, La Vache qui rit travaille son lien avec le consommateur en s’inscrivant dans la quotidienneté des petits comme des grands. Le jeu est déployé sur quatre supports digitaux : Ipad, Iphone, jeu digital MDR et Facebook, depuis août dernier. Nous avons de très bons résultats. Sur l’application Ipad / Iphone, nous avons jusqu’à 40 000 téléchargements et le jeu digital obtient déjà plus de 300 000 parties. Avec plus d’un million de fans sur Facebook – 1 130 778 « j’aime » à ce jour –, La Vache qui rit récompense ses utilisateurs. Elle arrive à la onzième page des fanpages françaises des marques agroalimentaires (source : http://www.socialbakers.com). I. A. – Comment s’adapter aux nouveaux supports digitaux ? W. W. Q En 2013, La Vache qui rit est une marque « vachement » connectée ; le jeu Vacha’Lauréat a été lancé en octobre 2012, un jeu type « petit bac » grâce à des lettres I. A. – Les enfants restent-ils toujours la première cible de la marque ? W.W. Q Nous touchons aussi les plus grands. Le site « Monde Du Rire » cible en effet les enfants, de 8 à 12 ans. Quant à Facebook, il s’adresse aux adultes, les parents, mais aussi I. A. – Comment expliquer son succès, également à l’étranger ? W. W. Q La Vache qui rit a su s’adapter intelligemment aux gouts locaux. Une Vache qui rit à la cannelle est née aux Etats Unis, et aux poivrons en République Tchèque… Elle véhicule des valeurs fortes partagées par tous, au-delà des frontières, dans plus de 120 pays. Son icône est aimée par tous. I. A. – Quels sont les prochains projets de la marque ? W. W. Q Nos objectifs sont de continuer à être ambitieux en se renouvelant dans nos stratégies. Nous voulons développer les usages, par exemple culinaires et la fréquence de consommation. Nous avons lancé la Vache qui rit au Leerdammer. Nous voulons aussi renforcer le développement à l’international. La petite-fille de Lons qui a conquis le monde entier n’a pas dit son dernier mot. Propos recueillis par Claire Nioncel 1 Source Source Kantar – CAM 2T, 2013. Source Millward Brown, 2012. 3 Source IFOP, Novembre 2012. 4 Source IFOP, Octobre 2011. 2 L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 | 13 Dossier | Des pubs à succèss Q Produits laitiers La saga des amis pour la vie Les sagas fonctionnent aussi pour la publicité. La preuve avec les Bonies boys (personnages en os), mascottes des produits laitiers. La campagne des Bonies boys marque les esprits de manière exclusive et mémorable. Explications. L es produits laitiers, nos amis pour la vie ! Qui ne connaît pas le célèbre jingle. Lancé dans les années 1980, 35 % des jeunes générations s’en souviennent vingt ans après. Lorsque le Cniel, Centre national interprofessionnel de l’économie laitière, décide de promouvoir tous les produits laitiers avec des spots télé, en 2007, il le reprend. Avec la même mélodie, mais une orchestration moderne. Histoire de transmettre ce patrimoine publicitaire aux jeunes générations. Le début d’une saga Cette campagne 2007 marquera le début d’une saga. Celle des Bonies boys, petits squelettes en 3D, débordent d’énergie et de vitalité. Etres de synthèse, inspirés de E.T. et de Casper, ils évoquent un lien fort avec le squelette, le calcium et la vie. Pour les responsables du Cniel, il s’agit de marquer les esprits de manière exclusive et mémorable. Et de créer un territoire de proximité et d’empathie avec les produits laitiers. La campagne s’est déroulée en trois volets avec trois spots télévisés, explique Dominique Poisson, responsable média du Cniel. En 2007, les Bonies boys dansent sur une reprise de Staying Alive. Le seul qui n’a pas bu le lait distribué par une vache « Bouddha », est terne et mou. Ses amis le sauvent en le mettant sous la fontaine de lait jaillissant de la vache géante. Dans le deuxième spot publicitaire, en 2009, trois de ces Bonies boys mettent une raclée au Grand Méchant Loup. Le loup n’avait qu’à consommer des produits laitiers ! Le troisième spot en 2012 garde le même concept. Les bony boys, aidés par le Petit Chaperon Rouge, Pérette et le Corbeau et le Renard (le renard ayant été remplacé par un loup) indiquent comment consommer trois produits laitiers par jour. « Cette campagne a un impact très fort » constate Dominique Poisson. L’effet saga, avec le même univers, les mêmes personnages, le même jingle renforce la mémorisation des messages ». 23 points de notoriété en plus « Le premier spot visait la promotion générale de tous les produits laitiers. Le second, avec les trois petits cochons, succède une étude de suivi barométrique. Elle indiquait une faible connaissance du public des recommandations du PNNS (plan national nutrition santé), de consommer trois produits laitiers par jour » explique la responsable média. Le passage du spot a permis de passer à 62 % de personnes connaissant ce repère de consommation à 85 %. Soit 23 points de plus après un an de pub entre 2009 et 2010. Cette campagne des petits cochons a été un véritable succès. Avec un score d’audience et de mémorisation très élevé. Elle arrive en sixième rang sur 800 pub en terme de visibilité en France. Elle a plu à 85 % des mères de famille, le public cible, et 82 % des Français. D’après TNS Sofrès, la clé du succès s’explique par l’utilisation d’une saga. Les consommateurs apprécient de retrouver des personnages qu’ils ont aimés lors du premier spot. La diffusion d’un second spot, puis d’un troisième renforce la notoriété, la reconnaissance, l’impact et l’agrément. Le passage où les trois petits cochons battent le loup contribue à créer quelque chose de saillant, mémorisé, que l’on aime ou pas ! De plus, ce spot augmente l’envie de consommer des produits 14 | L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 laitiers des consommateurs. Ils attribuent une note de 6,5 sur 10 à cette idée (contre 4,7 avant la campagne). Pas de morale, mais du plaisir Pour le troisième spot, l’idée était de montrer la simplicité de consommer trois produits laitiers par jour. Avec comme suggestion un verre de lait le matin, un fromage le midi et un yaourt le soir. « La difficulté est d’apporter des recommandations ? Ce que les Français apprécient peu. Il faut réussir à faire passer le message, sans être ni directif, ni moralisateur. Pour concilier les images d’une alimentation saine et du plaisir du goût, nous avons jouer sur l’humour et la vitalité », poursuit Dominique Poisson. Autres impératifs pour qu’un message passe, il faut d’abord que le film publicitaire soit vu. Ensuite qu’il plaise. Enfin qu’il soit mémorisé. Au Cniel, ce sont les représentants des producteurs laitiers et des transformateurs qui décident de la campagne publicitaire, aidés par les agents du Cniel. Ils choisissent parmi les projets proposés par 4 ou 5 agences de publicité. Ils ont opté pour l’agence La Chose, séduits par ces personnages en 3D et l’idée d’une saga. Pour le premier spot, l’agence a réalisé le tournage avec de vrais décors, une vraie vache. Ensuite, les personnages en 3 D sont incrustés sur l’ordinateur. Chaque spot coûte autour de 200 000 € pour 30 secondes. La télé, un média leader qui s’érode L’interprofession laitière investit 2 millions d’euros chaque année pour la publicité D. R. Des pubs à succès | Dossier Depuis cinq ans, les Bonies boys vantent les produits laitiers, les amis pour la vie. télé et web. La cible reste la mère de famille, responsable des achats, et les jeunes, prescripteurs. Pour les mères de famille, la télévision demeure le média principal. Elles s’avèrent très sensibles aux messages de santé, dynamisme, vitalité. Le Cniel a utilisé dans son plan média les chaînes hertziennes et les numériques. « Il existe une réelle complémentarité entre les deux types de chaînes. Et de grandes différences de prix. Un spot de 30 secondes coûtera entre 30 000 € et 40 000 € par passage aux heures de grande écoute sur TF1. Mais il sera visible par 800 000 ou 1 million de téléspectateurs. Certains spots sont accessibles à 200 €, à des horaires de plus faible écoute sur des chaînes numériques. Gulli, D8, Energy 12, Teva ou W9 offrent une couverture plus large. De plus, leurs audiences augmentent » dévoile Dominique Poisson. La couverture télé a un coût élevé. Mais sa large audience donne de la visibilité aux produits. Elle met en valeur le côté vivant, gai, dynamique de la consommation laitière, avec des arguments santé. Elle s’avère nécessaire pour assurer la vie des produits alimentaires. Les choix budgétaires s’avèrent positifs pour les produits et pour la filière, assure Dominique Poisson. Au profit de la toile Mais depuis quelques années, les habitudes de consommation d’écran ont fortement évoluées. L’audience télé s’érode face au web, même si selon Médiamétrie les Français passent encore 3 h 50 chaque jour devant. Le web devient indispensable pour toucher les jeunes de moins de 35 ans, dont les jeunes mères. Les jeunes peuvent regarder plusieurs écrans en même temps, la télé, la tablette, l’ordinateur ou le portable. Les publicités du Cniel sont associées à des sites de chargement de musique ou des sites permettant de re-visionner une émission. Elles passent alors en pré-roll. La pub sur les produits laitiers apparaît ainsi sur les sites de Prisma, Doctissimo ou Voici. L’interprofession laitière achète un passage d’une quantité du spot publicitaire, avec la garantie que les vidéos seront vues un certain nombre de fois, 200 000 par exemple. Elles restent attachées au site jusqu’à ce le chiffre soit atteint. Cette part de média progresse régulièrement. Le Cniel y dépense 20 % de son budget pub (80 % à la télé). Cette année, l’institut a décidé de rediffuser le spot des trois petits cochons créé en 2009 sur le web. Le prélude peut-être à un quatrième épisode de la saga… Q Marie-Pierre Crosnier L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 | 15 Dossier | Des pubs à succès Q Défendre le lait local Une campagne unique et innovante en Afrique de l’Ouest Pour lutter contre les stéréotypes associés au lait local, l’Institut sénégalais de recherche appliquée (ISRA) a imaginé une campagne de communication en rupture avec la communication habituelle. Intitulée « Mon lait, je l’aime local », elle interpelle le consommateur sur l’importance du lait local pour le dynamisme économique de l’Afrique de l’Ouest. L ’ enjeu est de taille : consommé sous les formes les plus diverses (lait frais, caillé, crème, beurre, bouillies, couscous…), le lait est un des produits de base de l’alimentation ouest-africaine. C’est également une source de protéines plus facilement accessible que la viande. Pourtant, le lait local est fortement concurrencé : entre 1994 et 2004, les importations laitières en Afrique de l’Ouest ont triplé, or, le lait local génère d’importantes ressources économiques. Même insuffisamment collecté, il contribue à couvrir 47 % de la demande des pays sahéliens, où il contribue également entre 3,5 et 11 % du chiffre d’affaires agricole de chacun des Etats de la région. Au Sénégal, la consommation moyenne de produits laitiers approche les 40 kg par habitant par an. Un produit victime de son image « artisanale » Beaucoup moins fragile et plus facile d’utilisation, le lait en poudre importé bénéficie de moyens publicitaires d’envergure déployés par les industriels. Pourtant, ce lait en poudre a une valeur nutritive beaucoup moins riche, conséquence d’un séchage industriel à très haute température. Une grande partie est écrémée, parfois ré-engraissée avec de la matière grasse végétale, moins chère. Le produit n’est pas utilisable pour la fabrication des fromages et de la crème. Cependant, le lait en poudre bénéficie de la confiance des ménages africains, notamment des urbains, 16 | L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 qui redoutent la moindre qualité sanitaire du lait local. Comme le souligne l’ISRA, c’est pour lutter contre ce cliché du « bidon d’essence à moitié rouillé recyclé en pot au lait survolé par un nuage de mouches » que cette campagne de communication a été imaginée. Des personnalités sportives, culturelles, entrepreneuriales et du monde de la mode ont ainsi été mobilisées pour poser sur les affiches, incarnant chacune un symbole positif associé au lait local. Ainsi, Mokobé, membre du groupe de rap 113, illustre la diversité des produits et savoirfaire laitiers ouest-africains en affichant des origines multiples, métissées, comme l’indique la légende : « Mokobé, artiste francomalien-sénégalo-mauritanien ». A l’inverse du lait en poudre, le lait local permet en effet d’obtenir une grande diversité de produits consommés dans toute l’Afrique de l’Ouest. Le lait caillé, décliné en lait fermentés ou en crèmes fermentées, est utilisé dans la préparation de nombreux plats et boissons (bouillies, dégué au Mali, lakh au Sénégal…). De même, le beurre et l’huile de beurre sont des produits typiques très appréciés. Enfin, les produits de type européen comme les yaourts et les fromages ont également leur place dans les ateliers de transformation. Sur une autre affiche, un célèbre lutteur sénégalais, Gris-Bordeaux, incarne la vigueur et la vitalité conférées par le lait local, qui possède des qualités organoleptiques originales. Liée à la qualité des pâturages naturels et à la rusticité des races locales, cette richesse lui donne l’avantage de contenir 4 à 6 % de matières grasses, soit un taux supérieur au lait issu Des pubs à succès | Dossier d’élevages industriels, qui utilisent des races améliorées. D’autres visages viennent illustrer les aspects positifs du lait local : Ndeye Ndack, mannequin professionnel sénégalais, met l’accent sur l’excellente qualité du lait local via le slogan : « au top, la vache ». Ces dernières années, les professionnels de la filière ont beaucoup œuvré pour faire valoir la bonne qualité sanitaire de leurs produits, adoptant une charte de bonnes pratiques en production et transformation et communiquant sur ces aspects. Des propriétaires de laiteries posent également, souriant, sous cette affirmation « le patron, c’est la vache ! » : le lait local, transformé par de nombreux ateliers artisanaux ou « mini-laiteries », est au cœur des processus de développement local. Créatrices d’emplois, les entreprises de la filière sont en plein essor. A titre d’exemple, le nombre de mini-laiteries est passé de 5 en 1997 à 50 en 2007 au Sénégal. La filière se développe grâce à une demande croissante : produit du quotidien en milieu rural, le lait entre dans les habitudes urbaines. Servi à table Photos : Afdi Un véritable rôle social lors des fêtes, il est également de plus en plus présent dans la restauration hors foyer sous des formes très diverses : aromatisé, sucré, en sachet ou bâton glacé. Si son rôle économique est incontestable, le rôle du lait local est aussi social. Il créé des emplois tout en valorisant le travail des femmes, garantes traditionnelles des savoir-faire laitiers, que ce soit pour la traite, la fermentation, l’écrémage et le battage. Conscients du rôle des filières laitières locales dans le développement de l’Afrique de l’Ouest, les personnalités ont toutes participé gracieusement à la campagne de communication. Cette dernière a augmenté sa visibilité via sa forme itinérante, en se déplaçant au Burkina Faso, au Sénégal, au Mali et même en France où elle a été associée à des expositions. Q Delphine Jeanne Q Thomas Marko, Fondateur-Directeur Associé de Thomas Marko & Associés Des outils comme l’événementiel et le digital sont essentiels ’ L Information Agricole – En tant qu’expert «communication » auprès des décideurs des marques du secteur de l’agriculture et l’agro-alimentaire, pourriez-vous nous préciser quelles évolutions a connu le secteur au cours de ces dernières années ? Thomas Marko Q La communication des marques, mais aussi celle des filières, a connu en effet de fortes évolutions au cours de la précédente décennie. On peut dire qu’une communication binaire est apparue : l’une sur le thème de la promotion des produits, l’autre sur le thème de la L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 | 17 D. R. Thomas Marko, spécialiste en communication d’influence et relations publics, dans les secteurs agriculture, agro-industrie, agro-fourniture, viticulture et agroalimentaire nous livre sa vision de l’évolution de la publicité dans ces secteurs. Dossier | Des pubs à succès nostalgie de notre passé et par un lien quasi charnel à la terre, aux origines, à l’authenticité, aux valeurs. Les marques ont su utiliser et valoriser ce lien indéfectible entre l’agriculteur ou l’éleveur et le consommateur. Il en est ainsi pour Fleury Michon qui a développé une gamme spécifique. De même, les marques de volailles utilisent ce procédé. L’idée est de donner l’impression aux consommateurs qu’ils achètent en grande surface un produit de la ferme et que l’anonymat du producteur disparaît. défense d’une marque ou d’une catégorie. En matière de promotion, ce sont principalement les messages sur les thèmes de la santé (bienfait nutritionnel, prévention), de la traçabilité (maîtrise de la chaîne du champ à l’assiette), de l’origine (terroir, patrimoine, gastronomie), de la naturalité (sans colorant, sans conservateur, sans sucre ajouté) et du développement durable (emballage, empreinte carbone, intrants) qui se sont fait entendre. Certaines marques ont su avec brio communiquer, telles McDonald’s et D’aucy. Parallèlement, des marques et enseignes (Findus, Nutella, Picard, Buffalo Grill…), mais aussi des filières ou catégories (concombre, saumon…), ont dû faire face à des crises qui ont affectés leur réputation et les ventes. Elles ont dû réagir avec des outils hors médias comme l’événementiel et le digital. Ces actions de défense s’adressaient, bien sûr, aux consommateurs, mais d’autres, plus discrètes, avaient pour cibles les journalistes, les élus et les décisionnaires publics. I. A. – Pourquoi l’image d’un agriculteur rassure-t-elle le consommateur ? T. M. Q Les Français aiment les agriculteurs et leur témoignent un fort attachement chaque année au Salon de l’Agriculture. Les crises ne parviennent pas à rompre cet attachement. Il est explicable par une I. A. – Quels secteurs agro-alimentaires diffusent le plus de messages (viande, produits laitiers, épicerie…) ? T. M. Q Si l’on regarde la décennie écoulée, les produits laitiers (CIDIL/CNIEL), la viande (CIV/INTERBEV), les fruits et légumes (INTERFEL) et tout récemment la pêche et les produits de la mer – à travers Pavillon-France ont donné de la voix. La filière porcine Inaporc fait aussi un travail remarquable et affronte une forte adversité. Il s’agit de filières organisées de l’amont à l’aval qui subissent des attaques régulières, le plus souvent orchestrées par des ONG militantes et relayées par des médias complices. Cette orchestration revêt d’ailleurs une sophistication accrue depuis 3 ou 4 ans : sortie d’une étude, reprise par un livre dont les bonnes feuilles sont publiées dans un hebdomadaire à fort tirage, le tout amplifié par les revues de presse des médias audiovisuels qui précèdent souvent une émission d’investigation, l’ensemble largement commenté sur le web. I. A. – Comment réagir en temps de crise ? Vaut-il mieux rester muet ou au contraire « matraquer » le consommateur ? T. M. Q Je dirais que c’est presque trop tard si on ne s’est pas préalablement préparé à la crise. En effet, construire son plan de communication de crise et le réaliser en temps réel pendant la crise est un exercice périlleux qui peut avoir de lourdes conséquences, notamment sur la réputation 18 | L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 d’une marque, d’une entreprise, d’une filière, c’est-à-dire sur son actif immatériel. En revanche, l’attitude vertueuse consiste à consacrer du temps et des moyens à la prévention et à la gestion des crises avant qu’elles ne se produisent. Dans notre monde, les crises sont beaucoup plus nombreuses que par le passé, très intenses, mais leur durée est plus courte. Il convient en premier lieu d’identifier les zones de vulnérabilité (mauvaises pratiques ? risques industriels, sur la santé ? ...), de construire les argumentaires avec les experts, d’imaginer les scénarios possibles et de s’y préparer. Le déploiement des plans de gestion de crise peut ou non recourir à une communication forte en direction des consommateurs, mais cela peut ne pas être une nécessité. Tout dépend du cas. Il n’y a qu’une certitude : celle que toute marque, entreprise ou filière traversera une ou plusieurs crises dans les 2 ou 3 ans à venir. Il est néanmoins des crises que les plans de gestion ne peuvent pas prévoir. Ce sont certaines crises atypiques, par exemple liées aux propos d’un dirigeant d’une entreprise. L’exemple récent du tollé suscité par les déclarations de Guido Barilla, sur la famille traditionnelle mise en scène dans les publicités de la marque et excluant les couples homosexuels, est à ce titre significatif. I. A. – Qu’est-ce-qui fait que « La Vache qui rit » résiste au temps ? T. M. Q C’est la force de certaines marques qui ont su traverser le temps avec une offre produit renouvelée tout en exploitant le désir de réassurance et de proximité du consommateur qui s’attache à certaines icônes. Propos recueillis par Claire Nioncel Des pubs à succès | Dossier Q Réussite Miss Better et ses 173 000 fans Avec 173 000 fans, Miss Better fait un tabac sur facebook. Après 18 mois d’existence, l’égérie de la filière betteravière se targue d’une belle notoriété. 90 % des personnes qui ont vu le spot télé de 45 secondes affirment l’apprécier. Un taux rarement atteint. N ée le 6 décembre 2011, Miss Better, une betterave animée aux jolis yeux verts et au feuillage verdoyant a conquis son public. « La filière betteravière veut alors communiquer pour montrer les atouts de cette plante et ses débouchés » explique Carine Abecassis, chargée de la communication de la CGB, confédération générale des betteraviers. Une nécessité avec la fin programmée des quotas betteraviers et les nombreuses questions sur les bio-carburants. « L’absence de connaissance sur la betterave sucrière était criant. Beaucoup de personnes la confondent avec la betterave rouge, ou ignorent la production de sucre et de bioéthanol en France. Sans oublier la capacité d’exportation de ce fleuron de l’industrie française », insiste la spécialiste de la communication. Les planteurs et les industriels ont décidé de lancer la première campagne publicitaire de la betterave sucrière. La première campagne de pub de son histoire Mais comment faire pour développer les connaissances sur la betterave à sucre et de sa notoriété, notamment pour le public 13-25 ans ? Les professionnels optent pour un projet original de l’agence 6:AM. Elle propose un Mister Better ludique et sympathique. Mais la betterave étant plutôt pulpeuse (avec ses fameuses pulpes) et de sexe féminin, Miss Better, beaucoup plus sexy, l’emportera. Ce petit personnage peut participer aux événements et délivrer des messages pédagogiques. Et ce avec un vrai capital sympathie. Miss Better n’hésite média a réussi sa mission. 85 % des plus de 15 ans ont vu au moins 6 fois la publicité en télé. 84 % des 25-49 ans 5,5 fois en @lternatives TV. Enfin, 90 % des personnes qui ont vu le spot de 45 secondes affirment l’apprécier. Un taux rarement atteint. Des fans et des joueurs à Better City pas, à serrer la main du ministre de l’agriculture. Ou encore partager des bisous avec les enfants lors du salon agricole. A côté de cette mascotte, le slogan : « Ici et ailleurs, la betterave, it’s better » fait mouche. Il rappelle l’importance de la plante sucrière en France, mais aussi à l’export. Le film enfin, alliant humour et pédagogie, rappelle en 45 secondes que la betterave apporte le plaisir du sucre et l’énergie du bioéthanol. Les images de synthèse permettent de concilier la réalité (champ, silo de betterave, voiture) à un univers enchanté. Passé sur TF1 et France 3 régions en décembre 2011 et février 2012, complété par les @lternatives TV sur le web, le plan Mais la surprise allait venir du succès du prolongement de la campagne sur le web, avec la page facebook. Avec 150 000 fans au bout d’un an et 173 000 après 18 mois d’existence. Soit 10 fois plus qu’espéré. Miss Better y donne des informations sur la filière, les évènements (salon agricole, foires…), des recettes sucrées. Les pages sont actualisées deux à trois fois par semaines. Et les amis « like ». « Notre objectif est de faire durer la page, pour que la pub ne se limite pas à un seul coup », poursuit Carine Abecassis. Le social game, jeu sur internet, créé en mars 2012, remplit aussi cette fonction. Le joueur doit semer ses betteraves à Bettercity, cultiver, gérer et aller jusqu’à la transformation en éthanol ou sucre. Avec des bettercents en récompense. 35 000 joueurs sont enregistrés, soit un million de parties de 18 minutes en moyenne. Face à un tel succès, une version mobile est prévue pour les tablettes et autres portables. Quant aux agriculteurs, ils ont tous adopté Miss Better. Elle a même été nominée aux sixième Victoires des Agriculteurs en 2012 dans la catégorie image et innovation. Q http://www.facebook.com/MissBetter Marie-Pierre Crosnier L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 | 19 Dossier | Des pubs à succès Q Interfel Des mascottes pour booster fruits et légumes Relancer la consommation des fruits et légumes chez les enfants. Tel est l’objectif de la dernière campagne publicitaire d’Interfel. Récit de sa genèse. Programme européen Interfel n’a donc pas hésité lorsque s’est présenté l’opportunité de s’associer à un programme communautaire de communication ayant pour but de promouvoir les bonnes habitudes alimentaires chez les jeunes. Dans ce cadre, il a été décidé une campagne de 3 ans associant des spots télévisés et un plan hors média de trois ans comprenant participation au Salon Kidexpo de l’automne 2013, au Salon de l’Agricul- D. R. P eut-être n’avez vous pas vu les derniers spots publicitaires d’Interfel. Ciblant les enfants de 6 à 11 ans, ils ne sont en effet diffusés que sur les chaînes qui leurs sont destinées (Giulli, Canal J, Disney Chanel...) ou aux heures où sont programmés des dessins animés sur TF1, France 3 et M6. Une stratégie nouvelle pour l’organisation professionnelle dont les précédentes campagnes visaient le grand public et plus particulièrement les moins de 40 ans. « Mais en 2009 une étude du Credoc a mis en évidence un effet intergénérationnel négatif, c’est à dire que les habitudes de consommation se perdent d’une génération à l’autre », explique Sophie Pedrosa, responsable du pôle publicité, promotion, événements et salons. ture 2014 avec un stand 100 % enfants où seront organisés des ateliers culinaires, une tournée nationale dans les écoles avec des camions customisés, la fourniture de kits pédagogiques aux enseignants… Pour commencer, une réflexion en interne a défini les grandes lignes de cette campagne. D’une part conserver un thème culinaire, comme par le passé, « car les personnes qui ne savent pas cuisiner ou préparer les fruits et les légumes ne les consomment pas ». De l’autre, faire intervenir une mascotte, afin de mieux toucher les enfants. « L’histoire montre qu’elles ont toujours un effet positif sur eux, tel le tigre des cornflakes Kellog’s. 20 | L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 Avec Sopexa Plusieurs agences ont ensuite été consultées et c’est la Sopexa qui a été retenue avec un projet prévoyant deux spots, l’un sur les fruits, l’autre sur les légumes, chacun mettant à chaque fois en scène un enfant et une mascotte. Avec un déroulé qui correspondait aux exigences initiales d’Interfel, l’action ayant lieu dans une cuisine où la mascotte découpait un fruit ou un légume et créait un moment de complicité et de partage avec l’enfant. « Lorsqu’on s’adresse aux enfants, la règle de base pour les toucher est d’éviter un ton moralisateur. Notre idée était de leur montrer que les fruits et légumes frais sont une source de créativité, d’où le slogan de toute la campagne de communication : « Tu crées, tu croques, tu craques », déclare Alexandre Fachinetti, qui a dirigé le projet au sein de la Sopexa. Interfel a toutefois souhaité apporter quelques ajustements à cette proposition. Des pubs à succès | Dossier « Les deux spots ne mettaient en scène qu’un fruit et un légume alors que nous représentons tous les fruits et légumes. Il nous était donc difficile de n’en choisir que deux. De plus, le premier script était trop pédagogique, pas assez ludique. Afin de nous démarquer, nous souhaitions aussi étonner les enfants », précise Sophie Pedrosa. S’en est donc suivi un travail intense d’échanges de quatre mois entre l’équipe de 5 personnes en charge du projet chez Sopexa et Interfel. D. R. Ce qui, au final, a donné naissance à une saga de 5 spots de 20 secondes suggérant divers moments de consommation (petit-déjeuner, déjeuner, goûter, dîner), diffusés tous les jours sur une période de 3-4 semaines entre janvier 2013 et le printemps 2014. « Ce qui nous apporte l’avantage d’être présent une année entière à la télé », souligne Sophie Pedrosa. Hormis le premier exclusivement dédié au kiwi, car en partie financé par cette filière, ils montrent la découpe et la préparation d’un fruit et d’un légume de saison, à savoir concombre + cerise et radis + fraise au printemps, tomate + abricot en été, carotte + pomme à l’automne. Ce à quoi s’ajoute la présence d’autres variétés sur le plan de travail. D. R. Sur une année entière Par ailleurs, il a été créé deux mascottes en 3D, Frutti et Veggi, dont le look et les attitudes se rapprochent des personnages des mangas japonais. Leur habileté à découper fruits et légumes fait en effet indéniablement penser aux samouraïs. « Nous les avons souhaité proches de notre cible, un peu comme le “meilleur copain” pour créer de l’affect et de la proximité et faire passer plus facilement les messages. Elles montrent à l’enfant les différents gestes culinaires qu’il pourra refaire seul ou en famille », détaille Alexandre Fachinetti. « De plus, en fonction des retours, nous pouvons continuer à agir sur leurs expressions car si toutes les images réelles ont été réalisées en une semaine, en décembre 2012, avec le même enfant et dans le même décor, l’ajout de la mascotte 3D se fait avant la diffusion de chaque spot », révèle Sophie Pedrosa. Un investissement lourd Mais, le concept a bien sûr été pré-testé avant le premier tournage car c’est un investissement lourd pour Interfel même si l’UE prend en charge la moitié du coût qui s’élève à 8 millions d’€ dont 1,3 millions pour la pub télé. En septembre 2012, il a donc été demandé à un échantillon de 386 enfants de 6 à 11 ans de se prononcer sur les mascottes, leurs couleurs, leurs expression, le scénario du spot qui leur a été présenté sous forme de BD et le slogan « Tu crées, tu craques, tu croques ». « Les résultats nous ont conforté dans nos choix car 90 % d’entre eux ont déclaré aimer la mascotte et 96 % la trouvaient sympathique et agréable », déclare Sophie Pedrosa. Une tendance confirmée par les post-test réalisés on line après les premiers passages des spots à la télé auprès de 1 000 enfants sélectionnés par un cabinet spécialisé. 94 % ont en effet déclaré avoir aimé la pub et 80 % ont assuré qu’elle leur avait donné envie de manger plus de fruits et légumes. Si l’on en croit ces chiffres, l’investissement réalisé devrait donc s’avérer rentable sur le long terme. Q Thierry Joly L’Information Agricole - N° 871 Octobre 2013 | 21