LA CITTÀ FUTURA Le cycle de rencontres que nous avons organisé a pour but de permettre aux chercheurs et aux équipes ayant déjà collaboré dans le passé d’approfondir leurs échanges et leurs réflexions, mais aussi d’interroger les reconfigurations sociales et politiques, ainsi que les sujets et les processus qui animent aujourd’hui l’espace urbain conçu comme lieu matériel, symbolique et politique (ville / cité). Si l’anthropologie urbaine classique ne cesse de se développer depuis presque un siècle (École de Chicago, École de Manchester, Anthropologie des Mondes Contemporains, Antropología urbana mexicana, etc.), ses modèles sont aujourd’hui appelés à répondre aux défis naissants de problématiques nouvelles. En effet, aux thèmes classiques de la recherche anthropologique (les enquêtes sur les minorités et le racisme, la ghettoïsation et la « désertification » dont parlait Elias, la violence sociale liée à la marginalité et plus récemment le phénomène des gangs, la présence des quartiers ethniques et les tensions provoquées par la « gentrification »), d’autres questions viennent aujourd’hui s’ajouter à des questionnements de plus en plus marqués par un sentiment d’urgence : un flux migratoire chaotique et inconnu depuis le temps de la deuxième guerre mondiale, les conflits engendrés par la crise du logement, les risques écologiques liés à la pollution ou aux catastrophes naturelles qui rythment la vie des grandes concentrations urbaines, tout cela concourt à faire naître un sentiment d’insécurité. Enfin, la prolifération de « camps » dont le but est à la fois d’accueillir et d’encercler les immigrés demandeurs d’asile ou les nomades, tout en modifiant le paysage social, contribue pour sa part à transformer les espaces urbains dans un lieu traversé par des nouvelles tensions politiques, et où des divisions et des murs ne cessent de se multiplier sur la toile de fond des nouvelles inégalités. La ville se trouve aujourd’hui sous le poids de l’incertitude et du soupçon. Dans ce labyrinthe fait de regroupements et de liens temporaires, où les relations sociales, les projets existentiels et même la consommation des opportunités sont pénétrées par la conscience du provisoire, la ville devient parfois le théâtre de conflits inédits, comme ceux qui concernent l’utilisation des espaces publics à Barcelone, ou les protestations contre l’insécurité sociale à San Salvario (Turin). L’occupation d’édifices abandonnés par des immigrés, les plus souvent « sans papiers », a été la source d’autres problèmes, mais elle révèle en même temps l’effort que ces habitants de la ville, citadins sans citoyenneté, font pour réaliser leurs espoirs, leurs rêves, leurs désirs. C’est ainsi que les villes deviennent à nouveau des laboratoires politiques et culturels pour la construction d’alliances et d’économies alternatives ou illégales, de relations spontanées et d’inventions sociales. Dans cet horizon, la volonté de ne pas rester piégés par les contraintes de la bureaucratie et les dispositifs de contrôle caractérisant les « technologies de la citoyenneté », fait que les jeunes ou les sujets marginaux essayent de se rendre invisibles pour mieux échapper aux normes, aux contraintes et aux coûts d’une ville que les exclut ou demeure impénétrable à leurs désirs. Rien d’étonnant si le religieux se fait porteur d’une demande d’affirmation, si les cultes se font promoteurs de liens sociaux et de support, peu importe s’ils sont si éphémères. Cette multitude de mondes parallèles – pas nécessairement et pas toujours en communication entre eux – qui compose la ville, ce lieu de styles de vie et de modèles de consommation hétérogènes se réverbérant les uns sur les autres, est aussi l’espace-temps où, bien au delà des appartenances culturelles, nationales ou religieuses, des temporalités différentes continuent de s’imbriquer et de se délier sans cesse, des dialogues auparavant inconcevables se construisent, des futurs possibles continuent d’être imaginés et écrits. La ville est aussi l’horizon où se dessine le futur collectif, le futur à écrire par des sujets qui ne se résignent pas à être des purs citoyens passifs : ! ! Nous partirons pour cela d’un texte de Gramsci moins connu que les célèbres Cahiers de prison. Il s’agit de La città futura, un numéro spécial d’une revue socialiste rédigé par Gramsci en 1917 (… ) Notons d’ores et déjà l’ambiguïté du terme de città en italien sur lequel joue Gramsci : notion qui renvoie autant à la cité qu’à la ville, à l’urbs qu’à la polis. Par extension, les notions de citadinité et de citoyenneté se confondent elles aussi dans le même terme cittadinanza, la notion de cittadini renvoyant donc à la fois à l’idée de citadins et de sujets politiques, de citoyens. Dans La città futura, la notion de città sert à Gramsci pour penser la manière de bâtir un lieu politique d’émancipation des subalternes et donc une cittadinanza active, en contraste avec la citoyenneté passive, purement formelle et électorale, offerte par l’hégémonie bourgeoise. Ce texte est destiné à exhorter les jeunes à battre leur indifférence dans et pour la cité, autrement dit à assumer un rôle politique et historique de transformation sociale. (Riccardo Ciavolella, 2014, Alter-politique). Simona Taliani et Roberto Beneduce Responsables scientifiques des séminaires Fonds d’Alembert – Institut français Les photographies sont de Marco Tiberio (Satellites) 6-7 Octobre 2016 ! ! Campus Luigi Einaudi, Corso Lungo Dora Siena 100A 14,30 – 17,00 [+film 18,00-20,30] 9,30-12,30 et 14,00-17,00 aula seminari 3D322 (DCPS) ! La città futura Économies souterraines, indifférence sociale, agir politique Mots-clé de la rencontre : économies souterraines/informelles/cachées (et leurs articulations) ; dynamiques d’inclusion/exclusion social (sur base ethnique ou d’ethnicisassions, générationnelle, etc.) ; dispositifs de citoyenneté ; action publique et « périphéries ». ! ! Nadia Hachimi Alaoui (Université d’Aix-en Provence/Marseille, EGE de Rabat) Thème : Casablanca (gouverner par « moments »: la place du wali dans les transports urbains) Le séminaire sera présenté par JeanFrançois Bayart (FASOPO, Paris), Roberto Beneduce, Simona Taliani et Marta Montanini (Université de Turin CPS) ! ! Fariba Adelkhak (CERI-Science-Po Paris) Thème : Kaboul (économie morale des madrasas, anthropologie de dépendance religieuse et politique de l’humanitaire) Béatrice Hibou (CERI et Sciences-Po, Paris) et Isabel Raposo (Faculté d'architecture de l'Université Technique de Lisbonne) Thème : Lisbonne (action publique dans les périphéries et les bidonvilles) ! ! Tommaso Bobbio e Javier González Díez (Université de Turin, CPS) Thème : Ahmedabad / Quito (pratiques d'urbanisation subalterne entre informalité et "citadinité") Cecilia Rubiolo (Université de Turin CPS) Thème : Turin (gérer les indésirables : camps, campements, et bidonvilles rom, production sociale de l’indifférence) ! ! Laurent Fourchard (CERI-Sciences-Po Paris) Thème : Kano et Sharpeville (relectures subalternes: les émeutes de Kano en 1953 et de Sharpeville en 1960) ! ! ! Raffaele Urselli (Université de L’Orientale, Naples) Thème : Dakar (la décharge de Mbeubeuss, normalisation de la marginalité, santé publique) ! Le groupe de recherche “Hégémonie, domination, résistance” animera le débat. ! ! ! ! Events parallèles organisées avec CreativAfrica ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 6.10.2016 à partir de 18h00 Sala Il Movie - via Cagliari 32 - Torino ! « Ce qu’il reste de la folie » de Joris Lachaise ! Table rond avec Joris Lachaise, Roberto Beneduce, Alessandro Jedlowski ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 12 Décembre 2016 ! ! Campus Luigi Einaudi, Corso Lungo Dora Siena 100A 9,30-12,30 et 14,00-17,00 - Sala Lauree Rossa La cité cultuelle et les prophéties utopistes Imaginaires religieux et politiques contemporaines Mots-clé de la rencontre : imbrications du religieux et du politique ; la contribution d’Ernesto de Martino à l’anthropologie italienne et français ; subalternité et hégémonie ; imaginaire du fétichisme / violence du fétichisme ; maîtriser / succomber au désordre. ! Le séminaire sera présenté par Roberto Beneduce et Simona Taliani (Université de Turin), avec une Introduction de la journée fait par Marcello Massenzio (Università degli Studi di Tor Vergata ed EHESS, Paris) sur le thème « La problématique apocalyptique, parcours historiques ». Thème : Lecce (entre créativité artistique et marginalité dans le Sud de l’Italie) Andrea Ceriana Mayneri (CNRS-IMAF, Paris) Thème : Bangui (Imaginaires sorcellaires, guérison et dépossession) Alessandro Gusman (Université de Turin, CPS) Thème : Kampala (Eglise pentecôtiste congolaise, réfugiées politique) ! Elisabeth Claverie (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris) Thème : La Haye/Kinshasa (biographies des « fétiches » à la Cour pénale internationale) ! ! ! Giordana Charuty (Ecole Pratique des Hautes Etudes - Sciences religieuses - Paris) ! 16,00-17,00 en collaboration avec le Centro Piemontese di Studi Africani Presentation par Cecilia Pennacini & Alessandro Gusman ! ! Urban Africa - L’Africa delle città Discussant: Egidio Dansero (DCPS) Le groupe de recherche “Hégémonie, domination, résistance” animera le débat !