Traitement par HIFU du cancer de la prostate : revue de

L'incidence du cancer de prostate a augmenté de façon très impor-
tante ces dernières décennies. Le cancer de prostate est devenu
depuis 2000 le cancer le plus fréquent chez l’homme en France
(40 000 nouveaux cas estimés en 2000, soit 25% des nouveaux cas
de cancer masculins). Cette tendance s'accentue, liée au vieillisse-
ment de la population ainsi qu’à l'amélioration et à une meilleure
utilisation des moyens diagnostiques (PSA). Actuellement, un fran-
çais sur huit a un risque de découverte d'un cancer de la prostate au
cours de sa vie. Le cancer de prostate représente la deuxième cause
de mortalité par cancer chez l'homme après le cancer du poumon
[68]. La recommandation de l'Association Française d'Urologie sur
le dépistage du cancer de prostate par le dosage annuel du PSA
LE POINT SUR... Progrès en Urologie (2003), 13, 1428-1456
Traitement par HIFU du cancer de la prostate :
revue de la littérature et indications de traitement
Xavier REBILLARD (1), Jean-Louis DAVIN (2), Michel SOULIE (3),
Comité de Cancérologie de l’Association Française d’Urologie (4)
(1) Service d’Urologie, Clinique Beausoleil, Montpellier, France, (2) Clinique Rhône-Durance, Avignon, France,
(3) Service d’Urologie, CHU Rangueil, Toulouse, France, (4) Colloquium/AFU, Paris, France
RESUME
La littérature concernant l’efficacité et la sécurité du traitement par HIFU des cancers localisés de la prostate
comporte peu d’articles. Les principaux travaux publiés proviennent essentiellement de quatre équipes utilisant
l’appareil disponible en Europe. Bien que le suivi soit actuellement trop court pour permettre une évaluation
significative de l’efficacité de l'HIFU en terme de guérison d'un cancer localisé de la prostate, les résultats récem-
ment présentés, tant dans l'étude multicentrique européenne que dans l'étude de Gelet sur 242 patients ayant plus
d'un an de suivi, font apparaître le traitement par HIFU comme une alternative valable pour les cancers locali-
sés bien et moyennement différenciés avec une valeur initiale de PSA < 15 ng/ml chez des hommes ayant une espé-
rance de vie estimée entre 5 et 15 ans.
Pour les patients présentant une tumeur localisée avec un risque faible ou intermédiaire de récidive, les résultats
préliminaires de l’HIFU sont comparables aux autres options thérapeutiques. Les patients présentant un haut
risque de récidive ne relèvent pas d'un traitement en monothérapie par HIFU, mais probablement d’un traite-
ment combiné dans lequel l’HIFU pourrait être l'une des armes.
La place de l'HIFU en traitement de seconde ligne d'une tumeur localisée après échec de radiothérapie semble
prometteuse.
La pratique de la technique devant être évaluée de façon prospective, les urologues devront bénéficier d'une for-
mation et inclure l'ensemble de leurs patients dans la base de données de suivi longitudinal de l'Association Fran-
çaise d'Urologie. Cette étude d'évaluation de l'AFU devra préciser la place du traitement par HIFU par rapport
aux autres modalités de traitement du cancer de prostate localisé, ses indications par rapport à une simple sur-
veillance pour les patients âgés, confirmer la faible morbidité associée en terme de séquelles urinaires et sexuel-
les. Les situations cliniques hors recommandations standards feront l'objet d'une analyse particulière et/ou de
protocoles spécifiques.
Les hommes jeunes (espérance de vie > 15 ans) doivent être informés très clairement que le traitement de réfé-
rence des cancers localisés de la prostate reste la prostatectomie totale ou la radiothérapie et que l'HIFU n'est pas
une alternative actuellement validée dans ces circonstances.
La procédure est désormais standardisée. La courbe d'apprentissage de la technique est courte (environ 10 à 15
patients) pour les urologues ayant la pratique de l'échographie.
Les avantages principaux du traitement par HIFU restent sa faible morbidité et la possibilité de traitement ité-
ratif, la possibilité de traiter en cas d’antécédent de résection, le contrôle local précoce vérifié par des biopsies et
la possibilité, en cas d’échec, d’un traitement de seconde ligne par radiothérapie éventuellement, sans augmenter
les complications.
Mots clés : Cancer, prostate, traitement, HIFU, Ablatherm, High intensity focused ultrasound.
1428
Manuscrit reçu : novembre 2003, accepté : novembre 2003
Adresse pour correspondance : CCAFU, Colloquium-AFU, 12, rue de la Croix Faubin,
75557 Paris Cedex 11.
Ref : REBILLARD X., DAVIN J.L., SOULIE M., Prog. Urol., 2003, 1, 1428-1456.
entre 50 et 75 ans et dès 45 ans pour les hommes appartenant aux
groupes à risque doit permettre d'augmenter le nombre de cancers
diagnostiqués à un stade précoce [67, 88]. Le traitement de ces can-
cers localisés (prostatectomie totale, radiothérapie) n'est pas
dépourvu d'effets secondaires. Certaines options thérapeutiques
dites moins invasives désormais proposées (curiethérapie, HIFU)
permettraient de limiter la morbidité des traitements. Le traitement
par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) démontre une effi-
cacité certaine dans le cancer localisé de la prostate. Plusieurs équi-
pes en France et en Europe ont déjà traité un nombre important de
patients.
La diffusion actuelle de cette technique innovante justifie pour le
Comité de Cancérologie de l'Association Française d'Urologie
(CCAFU) d'en préciser les indications thérapeutiques optimales et
d'encadrer la diffusion en France de cette technologie innovante par
une évaluation clinique prospective continue. L'objectif de cet arti-
cle est de réaliser une analyse de la littérature et de déterminer les
indications du traitement par ultrasons focalisés de haute intensité
(HIFU) dans le cancer de la prostate.
RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Le groupe de travail pour cette revue de littérature a été constitué
par les 3 urologues cités comme auteurs. Le document a été relu par
des membres du comité multidisciplinaire de cancérologie de l'As-
sociation française d'urologie et un groupe d'experts.
La recherche bibliographique a été réalisée sur le moteur de recher-
che PubMed, en juillet 2003. Les mots clés sélectionnés étaient
<HIFU ; Ablatherm ; high intensity focused ultrasound et prostate
cancer>. Seuls les articles directement en rapport avec le sujet, en
anglais ou en français, publiés dans des revues d’accès possible en
France et ne constituant pas de doublons (mêmes auteurs et résul-
tats dans des revues différentes) ont été retenus. Au total, 66 publi-
cations référencées ont été analysées et 26 articles en langue anglai-
se ou française (articles en japonais ou allemand non retenus)
concernant les traitements par HIFU ont été retenus pour ce travail.
Le recueil a été exhaustif et a permis de faire une recherche com-
plémentaire fondée sur l’option de PubMed “related articles” ainsi
que les références bibliographiques des articles retenus.
S'y ajoutent 4 articles non encore publiés ayant été adressés par
leurs auteurs (équipe de Regensburg en Allemagne, IMM-Paris et
Lyon en France), ainsi que les abstracts et communications posters
ou orales présentés lors de récents congrès internationaux (équipes
de Lyon et Paris - France, Anvers - Belgique et Côme - Italie, étude
AFU-Ablatherm 2001-2003).
Nous ne disposons d'aucun travail randomisé sur le traitement par
HIFU du cancer de prostate. Les articles retenus concernent des
séries thérapeutiques prospectives ou des analyses de pratique.
Les propositions d'indications thérapeutiques présentées correspon-
dent à des études de patients consécutifs avec intervention (niveau
de preuve IIIc).
Ces propositions s'adressent principalement aux urologues, oncolo-
gues et radiothérapeutes qui, comme pour tout traitement, devront
présenter et expliquer aux patients les indications, bénéfices et
effets secondaires du traitement HIFU, sa place par rapport aux trai-
tements de référence actuels ; elles concernent plus spécifiquement
les urologues référents pour ce traitement. Elles comportent une
description des indications thérapeutiques, des principes physiques
du traitement par ultrasons focalisés, de la procédure standard de
réalisation du traitement, des effets secondaires attendus et des
modes de surveillance après traitement.
Ce texte sera diffusé dans la revue de l'AFU (Progrès en Urologie)
adressée à tous les urologues et disponible sur le site de l'AFU Uro-
france (www.urofrance.org), directement accessible aux patients,
médecins généralistes, oncologues ou autres médecins spécialistes
non urologues.
MATERIEL
Technologie et matériel
La description précise du matériel et l'historique de ses adaptations
successives sont rapportées dans les principaux articles publiés
[33]. L'appareillage comporte une table de traitement, un générateur
d'ultrasons avec une tête de tir placée dans un ballon réfrigéré cou-
plé à un échographe endorectal (pour l'identification du volume
cible), et à un ordinateur qui dirige les tirs dans le volume cible
déterminé par l'urologue.
Les dispositifs de sécurité ont été progressivement renforcés, à la
suite des premières évaluations cliniques, pour assurer le contrôle
continu de la position du transducteur par rapport à la paroi rectale,
la détection des mouvements du patient et l’interruption des tirs en
cas d'anomalie. La température de la muqueuse rectale est refroidie
entre 12 et 14 degrés Celsius.
La procédure est désormais standardisée. Elle découle de l'optimisa-
tion progressive des paramètres techniques modulables (fréquence
des ultrasons, durée du tir et latence entre les tirs) pour la meilleure
efficience du traitement. Ce standard propose actuellement une fré-
quence de 3 MHz, une latence et une durée de tir de 5 secondes pour
le traitement standard en première intention, et des durées de tir
réduites pour les retraitements et le traitement des échecs ou récidi-
ves après radiothérapie. Le volume de la lésion élémentaire est fai-
ble (19 à 24 mm de longueur par 1,7 mm de diamètre) [33].
Principe du traitement par ultrasons focalisés transrectaux
Le transducteur piézo-électrique produit des faisceaux d'ultrasons
convergents de haute intensité par salves.
La destruction tissulaire dans la zone cible est due à 3 phénomènes
(coagulation, cavitation et thermique) :
- la nécrose de coagulation est liée à l'hyperthermie soudaine (entre
85 et 100 degrés C) au point focal de concentration. La zone élé-
mentaire détruite lors de chaque tir est ellipsoïdale et mesure
quelques millimètres cubes. La brièveté du phénomène limite la
diffusion de la chaleur autour du point focal. La répétition des tirs
après déplacement du point focal permet de juxtaposer les lésions
élémentaires et de détruire le volume prostatique.
- le phénomène de cavitation correspond à la mise en vibration des
microbulles de gaz dissoutes dans les tissus par les impulsions
ultrasonores successives. Cette cavitation explique que la lésion
ellipsoïdale créée par chaque tir n'est pas centrée sur le point focal,
mais s'étend en direction du transducteur.
- une élévation thermique se produit progressivement au sein du
volume cible par la sommation des tirs dans le temps et l'espace
(pas de tir de 1,7 mm). Elle est maximale au centre du volume trai-
té, mais diffuse en périphérie. Cette diffusion, déterminée par cal-
cul grâce au modèle informatique développé par l’INSERM U556
[20], impose de conserver des “marges de sécurité” à l'apex pro-
X. Rébillard et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1428-1456
1429
statique pour protéger le sphincter strié et le cas échéant les ban-
delettes vasculo-nerveuses.
ANALYSE DE LA LITTERATURE
Les étapes successives de développement de la technique HIFU et
l'application progressive du traitement HIFU au cancer de la pro-
state sont rappelées dans le Tableau I.
Etudes expérimentales
Plusieurs études expérimentales ont montré l'efficacité des ultra-
sons focalisés de haute intensité (HIFU) sur la destruction tissulai-
re prostatique par nécrose de coagulation [15], sans léser les tissus
environnants [14] ni favoriser le développement de métastases [57].
La voie transrectale a été validée sur modèle animal [35], puis par
les premiers essais en clinique humaine [36, 37]. Le mécanisme
complexe de la destruction tissulaire est modélisé [20].
Résultats cliniques
Nous présenterons successivement le nombre de traitements effec-
tués depuis les premières applications cliniques de l'HIFU dans le
cancer de prostate, les séries publiées rapportant l'expérience des
principales équipes, puis l'analyse de leurs résultats sur la lésion
cancéreuse et les risques d'effets secondaires.
La première étude clinique de phase I a concerné en 1992 l'application
d'HIFU par voie transrectale sur l'adénome de prostate de 12 patients
avant adénomectomie pour permettre une analyse des lésions tissulai-
res du tissu prostatique après HIFU. Le volume moyen de l'adénome
était de 40 cc. La durée du traitement HIFU était d'environ 20 minu-
tes. L'étude histologique montrait que la lésion prostatique variait en
fonction de la dose d'ultrasons. La nécrose de coagulation était homo-
gène avec des limites nettes en cas de dose forte, non homogènes en
cas de dose faible. Aucune complication importante n'est survenue ;
un patient sur 4 présentait une anomalie de la muqueuse rectale lors
du contrôle rectal systématique [37].
Nombre de traitements effectués
Le nombre de traitements HIFU (Ablatherm) répertorié au 31 juin
2003 est présenté dans le Tableau II, par site. Les équipes ayant
réalisé un faible nombre de séances à cette date (moins de 20) ont
été regroupées.
Le nombre de séances HIFU indiqué prend en compte les retraite-
ments pour certains patients et le fait que le traitement HIFU était
réalisé avant 1998 successivement sur chaque lobe prostatique à un
mois d'intervalle.
Un article sur une série de 20 patients rapporte l'expérience de l'ap-
pareil développé aux USA (Sonablate 500®) pour lequel les pre-
mières études cliniques sont réalisées au Japon [85]. Ces données
ont été actualisées sur 44 patients lors d’une présentation poster
(abstract congrès AUA 2002, Orlando).
Résultats des séries publiées de traitement par HIFU du cancer de
prostate
Deux équipes (Lyon, Munich) ont publié les étapes successives de
leur expérience dans le traitement par HIFU du cancer de prostate
localisé et leurs résultats. Nous présenterons les résultats de leurs
publications les plus significatives regroupant pour certaines l'en-
semble des traitements décrits dans leurs articles précédents qui
seront alors rapidement résumés.
Les résultats préliminaires de l’Etude Multicentrique Européenne
ont été publiés très récemment, et regroupent l’expérience de 6 sites
(Munich et Regensburg - Allemagne, Lyon, IMM et Saint-Louis -
France, et Nimègue - Pays Bas) sur 652 patients consécutifs inclus
de novembre 1995 à octobre 2000.
Nous disposons également de résultats relatant l'expérience non
encore publiée de plusieurs équipes, présentés en poster ou en com-
munications orales dans des congrès internationaux (équipes de
l’IMM Paris et étude AFU 2001-2002 - France, de Munich - Alle-
magne, d’Anvers - Belgique et de Côme - Italie) ainsi que de 4 arti-
cles actuellement soumis pour publication, transmis par leurs
auteurs dont :
- une étude qui présente les résultats de l'HIFU en traitement de rat-
trapage d'un échec de radiothérapie initiale (Gelet - soumis à Uro-
logy).
- La mise à jour des résultats à long terme de l’équipe de Lyon sur
242 patients ayant un an de suivi minimum (Gelet - soumis à Jour-
nal of Urology)
- L’étude de faisabilité de l’association d’une résection au traite-
ment par HIFU (Vallancien - soumis à Journal of Urology)
- la série de 146 patients avec cancer localisé de Regensburg (Alle-
magne) (Blana - soumis à Urology - accepté).
L’objectif de ce travail n’est pas de faire une synthèse comparative
des articles étudiés, mais de présenter l’ensemble des résultats
publiés ou accessibles, le plus exhaustivement possible, pour per-
mettre l’analyse de l’efficacité et de la morbidité du traitement par
HIFU dans le cancer de la prostate et rechercher ses indications
parmi les différentes options thérapeutiques actuelles (Tableau III).
Pour la plupart de ces études, le temps de surveillance trop court
après traitement curatif d'un cancer de prostate localisé rend diffici-
le une interprétation de l’efficacité. De plus, la faiblesse des effec-
tifs pénalise l'analyse de certains sous-groupes par manque de puis-
sance.
Equipe de Lyon (Hôpital Edouard Herriot - Dr Gelet)
Plusieurs publications proviennent de l'équipe de Lyon (Hôpital
Edouard Herriot). Cinq sont détaillées dans cette revue. Certains
patients sont pris en compte dans plusieurs de ces analyses ou inclus
dans l'étude européenne multicentrique.
La première étude, publiée en 2001 [34], porte sur 102 patients
présentant une lésion cliniquement localisée (46% T1b-c et 46%
T2) ou une récidive locale après radiothérapie externe (8%). On
X. Rébillard et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1428-1456
1430
Tableau I. Etapes successives du développement de l'HIFU dans le
cancer de prostate
1989 : Etudes préliminaires sur le rein de rat et de chien
1990 : Expérimentation sur des cellules adénocarcinomateuses de prostate DUNNING
1991 : Expérimentation sur la prostate de chien (endorectale)
1992 : Essai clinique de faisabilité sur hypertrophie bénigne de prostate
1993 : Premiers traitements humains sur cancer de prostate localisé
1995 : Amélioration des paramètres de sécurité
1996 : Essai européen multicentrique
2000 : Certification CEE Ablatherm®
2001 : Modélisation informatique (Inserm U556)
2001 : Etude d'évaluation par l'AFU
2002 : Définition des paramètres spécifiques après échec de radiothérapie externe
2003 : Définition des paramètres spécifiques après échec de curiethérapie
2004 : Etude longitudinale AFU
note 8% de traitement hormonal néoadjuvant arrêté avant le traite-
ment HIFU. Ces patients étaient non candidats à une prostatecto-
mie, mais présentaient une espérance de vie > 10 ans ou avaient
refusé les autres options thérapeutiques proposées ou une sur-
veillance simple. L'âge moyen au traitement était de 70,8 ± 6,13
ans. La durée moyenne de suivi était de 19 mois (de 7 à 76 mois).
Dans ce délai, 75% des patients sont indemnes de récidive (biopsie
négative). Le taux actuariel de patients ne présentant pas de signes
d’évolution de leur cancer (biopsie négative, pas d'élévation PSA)
était de 66% à 5 ans. Le taux de survie sans progression s'établit à
73% si PSA <10ng/ml (vs 50%, p=0,02), à 81% si Gleason <6 (vs
46%, p<0,001) et à 68% si 1 à 4 PBP positives pré traitement (vs
40%, p=0,01). Il n'y a pas de différence significative selon le volu-
me de la prostate traité.
La seconde étude, publiée en 2003 [61], regroupe les résultats de
120 patients traités par HIFU depuis 1993 pour une tumeur locali-
sée (T1-2 N0 M0) à PSA pré-opératoire < 10 ng/ml, d'âge moyen
71 (56 à 86) ans, non-candidats pour une prostatectomie radicale
avec une espérance de vie supérieure à 10 ans.
La survie sans progression à 5 ans est de 76,9%. Elle s'élève signi-
ficativement (p=0,024) à 85,4% si la tumeur est bien différenciée
(Gleason 2-6) contre 61,3% pour les tumeurs peu différenciées
(Gleason 7-10). Il n'existe pas de différence significative selon le
volume de la prostate (71,5% si volume < 40cc vs 72,3% si volume
> 40cc), selon le nombre de biopsies positives au diagnostic (78%
si une à 2 biopsies positives vs 77,2 si 3 à 6 biopsies positives),
selon la valeur initiale de PSA (88% si PSA < 4ng/ml vs 73,1% si
PSA >4ng/ml).
Le nadir de PSA est un facteur pronostique majeur : on note 91% de
biopsies négatives et un taux de survie sans progression de 86% si
le nadir PSA < 0,5ng/ml. Le taux de survie sans progression est
même de 93% si les biopsies de contrôle sont négatives et le nadir
< 0,5 ng/ml.
La troisième étude soumise pour publication en 2003 (Gelet
2003 soumis Journal of Urology) présente les résultats concernant
242 patients traités entre 1993 et 2002 à l'hôpital Edouard Herriot
avec un suivi minimum d'un an. Ce travail prospectif est le premier
à présenter des résultats de survie actuarielle sans récidive sur des
groupes stratifiés en fonction de leur risque pronostique (25,6%
risque faible, 44,6% intermédiaire, 29,8% risque élevé de récidive)
avec un suivi minimal d'un an. Le prototype Ablatherm a été utilisé
de 1993 à 1999 (104 patients), l'appareil standard depuis 2000 (138
patients). Les patients inclus, d'âge moyen 71 + 5,43 ans (médiane
: 71 ans), présentaient essentiellement une lésion localisée (48,8%
X. Rébillard et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1428-1456
1431
Tableau II. Nombre de séances HIFU répertoriées au 31 juin 2003.
Centre Total séances HIFU Séries publiées/présentées(Ablatherm)
Harlaching (Munich) 977 - Analyse 65 patients <T2, PSA < 25 traités avant 1997·
- Analyse 184 patients
- Etude multicentrique européenne (402 tumeurs localisées)
- Impact résection combinée HIFU (271 tumeurs localisées)
- Expérience sur 576 patients (T1-2, T3, rattrapage après chirurgie ou radiothérapie,
traitement post hormothérapie ou en réduction du volume tumoral de tumeurs N+/M+)
Edouard Herriot (Lyon) 846 - 102 patients (T1-T2 et récidives après radiothérapie)
- 120 patients T1-T2, PSA<10ng/ml
- 245 T1-T2-T3
- Etude multicentrique européenne
- 242 patients, > 1 an suivi
71 patients retraitements (avec IMM)
- Participation étude AFU
Caritas ( Regensburg) 356 - Etude multicentrique européenne 146 patients T localisée
Institut Mutualiste Montsouris (IMM) (Paris) 350 - Etude multicentrique européenne
- Publication sur re-traitements (avec Lyon)
- Faisabilité résection + HIFU : 30 patients
- Complications chez 223 patients
- Participation étude AFU
AZ Middelheim (Anvers) 255 - 220 patients T1-3 N0 M0
Santa Anna (Côme) 205 - 106 patients, tumeurs localisées
St Joseph (Marseille) 165
S. Giov. Batt. (Turin) 112
Pitié/Saint Louis (Paris) 70 - Etude multicentrique européenne (St Louis)
- Participation étude AFU (Pitié)
Bari 61
Hôp. Côte de Nâcre (Caen) 73 - Etude médico-économique : 20 patients
Inst. Bordet (Bruxelles) 53
Autres centres France : Nice, Monaco, Lille, 65 - Participation étude AFU
autres centres de l'étude AFU
Autres centres internationaux : Hambourg, Jeddah, Rome, 103
Madrid, Itzeho (UMS), Genève, Manille Neustadt (UMS),
Nimègue, Washington, Houston, San Francisco
TOTAL = 3691 séances
T1, 47,5% T2 et 3,7% T3) avec un PSA < 30 ng/ml (PSA moyen :
9,22 + 5,76 ng/ml). Le volume de la prostate était de 32,4 + 16,6 cc.
La différenciation cellulaire était faible chez 12,8% des patients
(score de Gleason de 2 à 4 : 59,5%, score 7 : 27,7% et >7 : 12,8%).
En moyenne 1,6 + 0,8 sessions ont été réalisées par patient sur l’en-
semble de l’effectif. 1,9 ± 0,9 sessions par patients ont été réalisées
pour les 104 patients traités avec le prototype (correspondant à 2
sessions systématiques, soit une session par lobe), et 1,3 ± 0,4 ses-
sions par patient pour les 138 patients traités avec le dispositif stan-
dard. Tous les patients ont été suivi plus d'un an (suivi moyen : 29
+ 21 mois ; extrêmes : 1 à 9 ans ; médiane : 24 mois). Les critères
d'échec pour le calcul de la survie sans progression étaient une
biopsie positive quelle que soit la valeur du PSA ou 3 élévations
consécutives de PSA avec une vélocité du PSA > 0,75.
Le nadir médian de PSA est de 0,16 ng/ml ; 72,7% des patients ont
un nadir de PSA< 0,5 ng/ml ; 81,8% des biopsies étaient négatives
après traitement. Le taux actuariel de biopsies négatives à 5 ans est
de 74% (respectivement 82%, 71% et 48% pour les Gleason 2 à 6,
7 et >7).
La survie sans récidive (DFS) à 5 ans est de 63% (risque faible :
78%, risque intermédiaire : 61%, et haut risque : 47%). 16,5% des
patients ont reçu un traitement adjuvant après échec thérapeutique
(moitié radiothérapie, moitié hormonothérapie dont 2 traitements
combinés). 7% des patients en échec n'ont pas eu de traitement
complémentaire en raison d’un PSA bas avec faible vélocité. Le
taux actuariel de patients sans traitement adjuvant à 5 ans est de
72% (risque faible : 94%, risque intermédiaire: 62%, et haut risque:
65%, p<0,05).
A signaler la présentation en poster en 2003 (WCE Montréal
2003) d'un groupe de 245 patients traités en 1ère intention par
HIFU à Lyon avec un PSA initial < 30 ng/ml. Cette série n’a pas été
publiée. La série de ces 245 patients est antérieure et ne doit pas être
confondue avec la série de 242 patients qui vient d'être décrite (sou-
mis J Urol 2003) avec des critères d'inclusion différents (au mini-
mum un an de suivi). L’étude concerne le traitement initial par
HIFU de 245 patients sans traitement préalable, d'âge moyen 71,1
± 5,5 ans, traités consécutivement depuis 1993 pour une lésion de
stade T1 à T3 (46% T1, 50% T2, 4% T3), à PSA < 30ng/ml (PSA
moyen : 9,1 ± 6,2 ng/ml) (poster - Montréal 2003). Le volume
moyen de la prostate était de 32,3 ± 16,1 cc et le Gleason de 2 à 6
(60%), 7 (26.5%) et 8 à 10 (13,5%). Les 100 premiers patients ont
été traités sur prototype Ablatherm avant 2000, les 145 derniers
selon procédure standard actuelle. Le suivi moyen était de 24 (3 à
103) mois.
Le nadir moyen du PSA après traitement est de 0,64 ng/ml (médian
= 0,15 ng/ml). 73,5% des patients ont un nadir < 0,5 ng/ml, 10,2%
un nadir de 0,5 à 1 ng/ml et 16,3% un nadir > 1 ng/ml.
Les résultats sont, là aussi, différenciés selon les groupes pronos-
tiques : 86% des biopsies sont négatives après HIFU (taux actua-
riels à 5 ans : faible risque : 88.4%, intermédiaire: 82.4%, risque
élevé : 72,6%). Pour des Gleason < 6, 88% des biopsies sont néga-
tives contre 69% si Gleason > 8 (p<0,01). Il n'y a pas de différence
selon la valeur de PSA initial. La survie globale sans progression est
de 66,3% à 5 ans (faible risque : 77,4%, intermédiaire : 66,1%,
risque élevé: 53,9%). 21,8% des patients ont reçu un traitement
adjuvant par radiothérapie ou hormothérapie (faible risque: 5.4%,
intermédiaire: 22.5%,risque élevé: 32.8%).
Equipe de Munich (Harlaching – Dr Chaussy et Thüroff )
Trois articles exposent les résultats cliniques de l'équipe de Munich
et une présentation récente (poster AUA 2003) regroupe différentes
indications de traitement retenues.
La première étude rapporte les résultats d’une série de 184 patients
porteurs de cancers cliniquement localisés ayant une espérance de
vie > 5 ans, non-candidats à une prostatectomie totale. La moitié
des patients (48%) avait été soumis à une hormonosuppression pré-
alable [16]. Les résultats font apparaître 57% de biopsies négatives
après traitement pour l'ensemble de l'effectif et 79% pour les 94
patients traités depuis novembre 1997 selon la procédure standard
(paramètres techniques optimisés et systèmes de protection et alar-
mes). Un tiers des patients a subi une résection trans-urétrale 6 à 8
semaines après HIFU pour rétention persistante. La valeur du der-
nier PSA post opératoire médian était à 1,3 ng/ml (0 à 14,3 ng/ml).
Une précédente étude de cette équipe faisait état de 65 patients
traités par HIFU avant décembre 1997 et suivis 10 mois (1 à 18
mois) pour une tumeur localisée <T2 N0 M0, de volume < 30cc
avec un PSA<25ng/ml). Les résultats montraient 35% de cancer
résiduel si l’HIFU était appliquée sur une partie seulement de la
prostate et 17% si HIFU la totalité de la prostate était traitée [18].
La troisième étude de Munich publiée en 2003 évalue le bénéfi-
ce d'une résection trans uréthrale de prostate associée au traitement
par HIFU (3MHz, durée de 5 sec) sur le confort du patient [17]. Elle
regroupe 271 patients présentant un cancer localisé avec un PSA <
15 ng/ml, quelle que soit la valeur du Gleason. Les patients ont été
inclus en 2 étapes successives de novembre 1996 à décembre 2002
qui correspondent aux procédures successivement appliquées dans
cette équipe (HIFU seule jusqu'en 1999 puis résection préalable
depuis lors). Aucun des patients n'avait été traité par radiothérapie;
et seuls les patients sans hormonothérapie ou ayant bénéficié d’une
hormonothérapie avant HIFU de moins de 6 mois ont été pris en
compte. L'analyse concerne 2 groupes de patients selon la réalisa-
tion (175 patients) ou non (96 patients) d'une résection de prostate
avant HIFU. Les 2 groupes ont été traités successivement, l’équipe
de Munich ayant débuté les résections en 2000 et l’ayant pratiquée
systématiquement depuis lors. Le poids moyen de la résection était
de 15,7 g (2 à 110 g - médiane : 12,5 g). L'examen histopatholo-
X. Rébillard et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1428-1456
1432
Tableau III. Liste des séries analysées et nombre de patients inclus
Technologie ABLATHERM
A- Cancers de prostate localisés
1- Lyon (Hopital Edouard Herriot -Gelet)
- Gelet 2001 102 patients
- Poissonnier 2003 120 patients
- Gelet (soumis 2003) 242 patients
- Gelet (poster) 245 patients
2- Paris (IM Montsouris - Vallancien)
- Vallancien (soumis) 30 patients
- Rozet (communication AFU) 223 patients
3- Munich (Harlaching -Thüroff et Chaussy)
- Chaussy 2001 184 patients
- Chaussy 2003 271 patients
- Thuroff 2003 (poster) 576 patients
4- Etude multicentrique européenne 652 patients
5- Etude AFU-Ablatherm 2001-2002 117 patients
6- Regensburg (Saint Josef Hospital - Blana) (soumis) 146 patients
7- Anvers - AZ Middelheim (D'Hont, Van Erps - Belgique) (poster) 220 patients
8- Côme - St Anna (Conti -Italie) (poster) 138 patients
B- rattrapage échec de radiothérapie
- Gelet 2003 (Lyon + IMM - Paris) 71 patients
Technologie Sonablate (Uchida - Japon)
- Uchida 2002 20 patients
- Uchida 2002 (poster) 44 patients
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