Traitement de la dystonie de l`enfant – Treatment of

320 | La Lettre du Neurologue Vol. XIV - n° 10 - novembre 2010
MISE AU POINT
Traitement de la dystonie
de l’enfant
Treatment of childhood dystonia
E. Roze*, L.L. Mariani*, A. Roubertie**
* Service de neurologie, Fédération
des maladies du système nerveux,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
** Département de neurologie
dia trique, hôpital Gui-de-Chauliac,
Montpellier.
F
ondamentalement, la phénoménologie et le
traitement de la dystonie sont très similaires
chez l’enfant et chez l’adulte. Cependant, la
stratégie thérapeutique utilisée chez l’enfant diffère
de celle mise en œuvre chez l’adulte en raison de
certaines particularités liées à l’âge : les dystonies
secondaires chez l’enfant sont surreprésentées
par rapport aux dystonies primaires ; la dystonie
mobile est la forme clinique habituelle chez l’enfant,
tandis que les postures dystoniques fixées sont
plus fréquentes chez l’adulte ; les mouvements
anormaux mixtes sont très fréquents chez l’enfant,
comme, par exemple, l’association dystonie et
spasticité ; il est très important de prendre en
compte, chez l’enfant, l’évolution dynamique liée
à la croissance et au développement psychomoteur
ainsi que sa contribution à l’expression et à l’évo-
lution de la dystonie : par exemple, l’évolution de la
dystonie peut être modifiée au fil de la maturation
du système nerveux central (SNC) et du fait de la
plasticité remarquable du cerveau chez l’enfant ; la
tolérance et la réponse au traitement pharmaco-
logique sont parfois différentes chez les enfants ;
la stratégie thérapeutique doit être discutée à la
fois avec l’enfant et avec ses parents ; les choix de
traitements doivent intégrer le projet scolaire et
éducatif.
De nombreux travaux de recherche clinique et
expérimentale ont permis de mieux comprendre
la physiopathologie de la dystonie et ont suggéré
de nouvelles pistes thérapeutiques. À la lumière
de ce progrès dans les connaissances, il existe
des recommandations détaillées concernant le
traitement de la dystonie de l’adulte. Cependant,
le traitement de la dystonie de l’enfant est encore
mal codifié. Les options thérapeutiques utilisables et
leurs modalités d’utilisation restent, en particulier,
largement à préciser. À la lumière d’une revue des
travaux existants sur le sujet et de notre expérience
clinique, nous proposons ici une approche thérapeu-
tique de la dystonie de l’enfant.
Traitements pharmacologiques
Lévodopa
Un traitement d’épreuve par lévodopa doit être
systématiquement proposé chez l’enfant dysto-
nique, quelle que soit l’étiologie présumée. Ce
traitement peut être prolongé 3 mois afin de juger
de son efficacité éventuelle. La dystonie dopa-
sensible représente moins de 5 % des dystonies
de l’enfant et peut être liée à diverses anomalies
génétiques : des mutations ou des délétions dans les
gènes GTPCH 1 (GTP cyclohydrolase 1), TH (tyrosine
hydroxylase) ou SR (sépiaptérine réductase) [1]. Le
spectre clinique des dystonies dopa-sensibles est
extrêmement large. La maladie peut se présenter
sous la forme d’une dystonie, mais également sous
la forme d’un syndrome akinéto-rigide ou d’un
syndrome clinique mimant une infirmité motrice
cérébrale. Toutes ces présentations cliniques justi-
fient un traitement d’épreuve par lévodopa (2, 3).
Le dosage des mono-amines et des ptérines dans le
liquide céphalo-rachidien (LCR) [prélevé avant tout
traitement ou après l’arrêt de celui-ci] apporte des
arguments en faveur du diagnostic, qui peut être
confirmé par l’analyse génétique (1, 4).
La plupart des patients ayant une dystonie
dopa-sensible sont porteurs d’une mutation ou
d’une délétion dans le gène GTPCH 1. Le tableau
clinique typique est celui d’une dystonie débutant
dans l’enfance au niveau d’un membre, avec des
La Lettre du Neurologue Vol. XIV - n° 10 - novembre 2010 | 321
Points forts
»Les options thérapeutiques utilisées chez l’enfant sont globalement les mêmes que chez l’adulte.
»
L’enfant n’est pas un adulte miniature, ce qui implique de prendre en compte, dans la réflexion
thérapeutique, sa plasticité cérébrale, sa croissance, sa vie familiale et son projet scolaire et éducatif.
»Un traitement d’épreuve par la lévodopa doit être proposé chez tout enfant dystonique.
»Le trihexyphénidyle est le seul traitement ayant une efficacité démontrée dans la dystonie non dopa-
sensible de l’enfant.
Mots-clés
Dystonie
Thérapeutique
Mouvements
anormaux
Stimulation cérébrale
profonde
Lévodopa
Highlights
»
Basically, the therapeutic
options are the same in chil-
dren or adults with dystonia.
»
Children are not miniature
adults. This implies that brain
plasticity, growth, familial life,
and educational project have to
be taken into account for the
therapeutic strategy.
»
A levodopa trial should
be done in any children with
dystonia.
»
Trihexyphenidyl is the only
drug with demonstrated effi-
cacy on non dopa-responsive
childhood dystonia.
Keywords
Dystonia
Therapeutics
Movement disorders
Deep brain stimulation
Levodopa
fluctuations nycthémérales (5). Ces patients ont une
réponse spectaculaire et rapide au traitement par
lévodopa, qui est maintenu tout au long de l’exis-
tence (2, 3). Le traitement doit être commencé à
faibles doses : 1 mg/kg/j de lévodopa associée à un
inhibiteur de la décarboxylase périphérique de la
lévodopa, dose augmentée chaque semaine, avec
une dose cible à atteindre en 6 semaines qui se situe
habituellement entre 3 et 5 mg/kg/j en 2 ou 3 prises.
Ce dosage est en général peu modifié par la suite.
Les effets indésirables digestifs sont fréquents ; ils
n’entraînent pas, en général, l’arrêt du traitement,
s’estompent avec le temps et peuvent être limités
par une augmentation très progressive des doses.
Chez l’enfant, les troubles du sommeil induits par la
prise de lévodopa sont assez fréquents, tandis que
l’hypotension orthostatique et les troubles psychia-
triques, plus fréquemment rencontrés chez l’adulte,
sont très rares.
Chez les patients ayant une dystonie dopa-sensible
en rapport avec une autre anomalie génétique, les
schémas thérapeutiques sont beaucoup moins bien
codifiés et les doses à utiliser sont très variables
d’un patient à l’autre, avec des réponses au
traitement qui sont également très variables. Dans
ce contexte étiologique, les patients développent
beaucoup plus facilement des effets indésirables, en
particulier des dyskinésies induites, une agitation
ou une irritabilité importante, y compris pour de
faibles doses. Cela est probablement en rapport
avec une sensibilité extrême des récepteurs
dopaminergiques secondaire à une carence dopami-
nergique chronique sévère. Par conséquent, dans
ce contexte, le traitement doit être instauré avec
de très grandes précautions à une dose initiale de
0,2 mg/kg/j en 2 à 5 prises, puis augmenté très
progressivement en fonction de la tolérance et de
l’efficacité. La dose cible se situe entre 2 et 10 mg/
kg/j et doit être atteinte en 6 à 12 mois (6). Le
traitement par lévodopa doit souvent être associé
à une supplémentation en 5-hydroxytryptophane
(précurseur de la sérotonine), à une dose qui
varie entre 1 et 20 mg/ kg/j en 1 à 4 prises (7, 8).
Le 5-hydroxytryptophane doit être donné en
même temps que la lévodopa, associé à un
inhibiteur de la dopa-décarboxylase périphérique
qui empêchera également la décarboxylation du
précurseur de la sérotonine, limitant ainsi le risque
d’effets indésirables systémiques liés à la prise de
5-hydroxytryptophane. L’efficacité de ces traite-
ments est principalement évaluée sur la réponse
et la tolérance clinique, mais aussi parfois sur des
dosages répétés de neurotransmetteurs dans le LCR.
Des traitements d’appoint par tétrahydrobioptérine,
agoniste dopaminergique, inhibiteur de la COMT
(catéchol-O-méthyl-transférase) ou acide folinique
sont parfois utilisés chez certains patients (7, 9).
La lévodopa peut également être utilisée pour
traiter des syndromes dystoniques secondaires à
la maladie de Parkinson juvénile ou à un déficit
en amino-acide aromatique décarboxylase. Dans
ces maladies, un traitement associé ou alternatif
par agoniste dopaminergique peut également
être intéressant (10). Enfin, la lévodopa peut aussi
permettre une amélioration discrète à modérée des
symptômes dystoniques chez les patients atteints
de dystonie primaire ou secondaire sans déficit en
neurotransmetteurs (2, 11). Concernant les aspects
pratiques de l’usage de la lévodopa chez l’enfant, les
préparations pharmacologiques utilisées chez les
patients adultes atteints de la maladie de Parkinson
sont facilement utilisables chez les grands enfants ou
les adolescents. En revanche, chez les jeunes enfants,
on peut soit administrer de plus faibles doses en
diluant les comprimés dispersibles (avec le risque
d’administrer une dose imprécise), soit utiliser des
comprimés faiblement dosés fabriqués sur mesure et
associant la dose requise de lévodopa et les inhibi-
teurs de la décarboxylase périphérique (par exemple,
bensérazide 1 à 2 mg/kg/j) [4].
Autres traitements dopaminergiques
Il nexiste pas d’étude contrôlée validant l’utilisation
des agonistes dopaminergiques, des inhibiteurs de
la COMT ou des inhibiteurs de la MAO (monoamine
oxydase) chez les enfants. Cependant, l’utilisation
de ces traitements a déjà été rapportée (12). En
particulier, la sélégiline a été proposée à une dose
de 0,5 à 1,1 mg/kg/j chez les patients atteints d’un
déficit en amino-acide aromatique décarboxylase
ou en TH en traitement d’appoint associé à la
lévodopa (7, 10). La bromocriptine a été proposée
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Traitement de la dystonie de l’enfant
MISE AU POINT
chez des enfants atteints de différentes anomalies
sur les voies de synthèse de la dopamine à la dose
de 0,1 à 0,5 mg/kg/j et chez les patients atteints de
la maladie de Parkinson juvénile (habituellement de
forme dystonique). Compte tenu du risque potentiel
de fibrose pleuropulmonaire rétropéritonéale et
de valvulopathie, qui est maintenant bien connu
chez les patients recevant un traitement chronique
par agoniste dopaminergique ergoté tel que la
bromocriptine (13), il paraît raisonnable d’utiliser
préférentiellement les agonistes dopaminergiques
non ergotés comme, par exemple, le ropinirole
ou le pramipexole, même si les informations
concernant leurs utilisations chez l’enfant sont
quasi inexistantes.
Anticholinergiques
Lefficacité des anticholinergiques tels que le
trihexyphénidyle (ou benzhexol) est démontrée
et semble peu dépendante de l’étiologie sous-
jacente (12, 14). Environ la moitié des enfants dysto-
niques répond à ce traitement (14, 15). Lefficacité
est corrélée positivement au jeune âge et à un délai
court d’instauration du traitement par rapport à
l’apparition de la dystonie. Chez les enfants atteints
de mouvements anormaux mixtes associant
dystonie, athétose et spasticité, les anticholi-
nergiques paraissent plus efficaces sur l’atteinte
de la parole et des membres supérieurs que sur
l’atteinte des membres inférieurs (15). D’une façon
générale, les anticholinergiques sont mieux tolérés
chez l’enfant que chez l’adulte, notamment à des
doses élevées. Néanmoins, une somnolence induite
ou des troubles du comportement peuvent être
occasionnellement observés et entraîner l’arrêt
du traitement. Les effets indésirables muscari-
niques tels que la bouche sèche, la vision trouble,
l’hypersensibilité à la lumière, la constipation et les
difficultés urinaires sont fréquents mais peuvent
être traités parallèlement. On observe rarement,
en particulier dans les dystonies secondaires,
certains mouvements hyperkinétiques pouvant
être aggravés par les anticholinergiques (15). La
dose initiale à utiliser est de 0,03 à 0,06 mg/kg/j de
trihexyphénidyle, à augmenter progressivement par
palier de 0,03 à 0,05 mg/kg/j en fonction de l’effi-
cacité et de la tolérance. La dose cible varie de 0,05
à 0,7 mg/ kg/j, mais il faut parfois quelques années
avant de pouvoir l’atteindre (15, 16). On ne peut
conclure à l’inefficacité de ce traitement qu’après
un essai pendant 3 mois, une fois la dose cible
atteinte (16). Les informations concernant l’utili-
sation des autres traitements anticholinergiques
(en dehors du trihexyphénidyle) ne permettent
pas d’établir des recommandations d’usage chez
l’enfant.
Baclofène
Cet agoniste des récepteurs GABA-B, largement
utilisé en traitement de la spasticité et de la
dystonie, peut permettre d’améliorer la marche
chez environ un tiers des enfants souffrant d’une
dystonie primaire (17), mais son utilisation est
délicate dans les dystonies secondaires compte
tenu du risque d’aggravation de l’hypotonie axiale
qui est fréquemment associée dans ce contexte. La
tolérance de ce médicament est habituellement
bonne, mais il peut induire une somnolence,
des troubles digestifs et, rarement, des crises
comitiales. Le traitement doit être instauré à la
dose de 0,3 mg/kg/j en 2 ou 3 prises et augmenté
de façon hebdomadaire jusqu’à une dose cible
comprise entre 0,5 et 1,5 mg/kg/j. L’efficacité du
baclofène en administration intrathécale peut
potentiellement apporter une amélioration chez
les enfants atteints d’une dystonie secondaire, en
particulier lorsque cette dernière est associée à
une spasticité (18). La principale limite de cette
approche est le risque élevé de complications (un
tiers des patients) [19], qui sont principalement
liées à la voie d’administration : infection, lésion
cutanée au point d’insertion de la pompe, rupture,
migration de matériel, fuite de LCR.
Neuroleptiques
La tétrabénazine est une molécule classée dans la
catégorie des neuroleptiques mais qui a un profil
pharmacologique original (déplétion dopami-
nergique présynaptique, blocage des récepteurs
dopaminergiques post-synaptiques, inhibition du
transport des mono-amines). Depuis une trentaine
d’années, elle est largement utilisée pour le
traitement des mouvements hyperkinétiques de
l’adulte, en particulier dans les dyskinésies tardives
post-neuroleptiques et les mouvements choréiques
de la maladie de Huntington, bien que le niveau
de preuve de son efficacité soit faible (2, 3, 12).
Dans notre expérience, la tétrabénazine est
une option thérapeutique intéressante qui peut
permettre d’améliorer soit une dystonie isolée,
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Traitement de la dystonie de l’enfant
MISE AU POINT
soit des mouvements anormaux mixtes incluant
une dystonie. Il est important de noter que la tétra-
bénazine semble plus efficace lorsque la dystonie se
présente sous la forme d’une dystonie mobile que
lorsqu’elle se présente sous la forme de postures
fixées. Elle doit être utilisée avec précaution chez
les patients ayant des postures dystoniques fixées
ou une akinésie associée. Les principaux effets
indésirables potentiels sont l’asthénie, la sédation,
la dépression et les troubles du sommeil. Un
syndrome parkinsonien induit peut également être
observé, mais beaucoup moins fréquemment chez
l’enfant que chez l’adulte (20). Ces différents effets
indésirables sont en général contrôlés par l’adap-
tation de la dose et du rythme d’augmentation.
Il existe enfin un risque théorique de syndrome
malin des neuroleptiques avec ce médicament,
mais cela n’a jamais été rapporté chez l’enfant.
Même si aucune étude n’a permis de déterminer
clairement les doses adéquates chez l’enfant, les
doses utilisées varient entre 1 et 20 mg/ kg/j, avec
une dose moyenne autour de 4 mg/ kg/j (20). Il est
recommandé de démarrer à une dose de 0,5 mg/
kg/j et de l’augmenter chaque semaine par palier de
0,5 mg/kg/j, l’amplitude et la vitesse de l’augmen-
tation étant à ajuster en fonction de l’efficacité et
de la tolérance sans dépasser 200 mg/j. L’utilisation
de neuroleptiques tels que le tiapride, l’halopé-
ridol ou la rispéridone pour traiter la dystonie
est controversée (2, 3, 12) et n’a pas été évaluée
spécifiquement chez les enfants. D’une façon
générale, nous ne recommandons pas l’utilisation
de cette classe thérapeutique dans ce contexte.
Cependant, de façon exceptionnelle, l’utilisation
des neuroleptiques (autres que la tétrabénazine)
peut être envisagée en traitement des états de mal
dystonique (21).
Autres traitements
Les traitements pharmacologiques proposés dans
ce paragraphe sont parfois utilisés en traitement
de la dystonie de l’enfant, mais il n’existe aucune
monstration de leur efficacité. Les benzodia-
pines, couramment utilisées en traitement de la
dystonie de l’enfant (2, 12), potentialisent l’inhibition
gabaergique en augmentant l’affinité de ce neuro-
transmetteur pour le récepteur GABA-A. Le diazépam
(0,1 mg/kg/j) et le clonazépam (0,01 mg/ kg/j) sont
les plus utilisés. Enfin, le midazolam peut être utile
dans le traitement des orages dystoniques à la dose
de 30 à 100 µg/ kg/h (21).
Dans les dystonies douloureuses ou lors de la phase
d’exacerbation de la dystonie, les traitements antal-
giques peuvent être efficaces à la fois sur la douleur
et sur la dystonie (2). En particulier, la codéine à la
dose de 3 à 4 mg/kg/j en 4 à 6 prises, le sulfate de
morphine ou le chlorhydrate de morphine à la dose
de 1 mg/kg/j peuvent être proposés (22). Dans le
même contexte, l’amitriptyline instaurée à une dose
de 0,1 mg/kg/j et augmentée jusqu’à 0,5 mg/kg/j est
particulièrement intéressante en utilisation intra-
veineuse en hospitalisation pour la prise en charge
en aigu des orages dystoniques ou des exacerbations
subaiguës de la dystonie.
Certains anticonvulsivants sont efficaces dans les
formes de dystonie paroxystique kinésigénique
(carbamazépine, valproate, vigabatrine) et sont
en général peu efficaces sur les autres types de
dystonies paroxystiques ou sur les états dystoniques
permanents (3, 12).
Les médicaments myorelaxants peuvent être
utilisés en traitement d’appoint de la dystonie
chez les patients spastiques ou ayant une dystonie
douloureuse. Le dantrolène peut être utilisé dans
le même contexte, à la dose initiale de 1 mg/kg/j,
augmentée progressivement jusqu’à 12 mg/kg/j en
4 prises, mais son usage est restreint par son hépato-
toxicité potentielle.
Stimulation cérébrale profonde
La stimulation cérébrale profonde est utilisée pour
le traitement des dystonies généralisées sévères
et pharmaco-résistantes de l’enfant depuis une
quinzaine d’années en France. Son mécanisme
d’action demeure incertain, mais il semble que
la stimulation à haute fréquence habituellement
réalisée dans les 2 pallidums internes module
l’activité neuronale au sein du réseau fonctionnel
entre les ganglions de la base, le thalamus et le
cortex. Comme chez l’adulte, la partie antéro-
ventrale du pallidum est la cible de choix chez les
patients dystoniques. Les procédures chirurgicales
peuvent varier selon les équipes. En résumé, après
localisation de la cible par une IRM stéréotaxique,
les électrodes sont mises en place (chez un patient
sous anesthésie générale ou chez un patient éveillé)
et secondairement connectées à un générateur
thoracique ou abdominal sous-cutané. Le dispositif
n’est ensuite utilisé que quelques jours plus tard,
et les paramètres de stimulation, qui là encore
varient selon les équipes, sont optimisés dans
les jours et les semaines qui suivent la procédure
La Lettre du Neurologue Vol. XIV - n° 10 - novembre 2010 | 325
MISE AU POINT
chirurgicale. Le meilleur effet est en général
obtenu seulement après 3 à 6 mois de stimu-
lation. Lefficacité de ce traitement est généra-
lement bonne, avec une amélioration des scores
dystoniques de 50 à 80 % (23, 24) et un bénéfice
fonctionnel tout à fait significatif. Cependant, les
résultats peuvent être assez variables d’un patient
à l’autre, sans qu’il soit possible de prédire préci-
sément quel sera le bénéfice pour un patient
donné. Il semble que les résultats soient meilleurs
chez les patients ayant une dystonie généralisée
primaire de type DYT 1, chez les patients ayant
une forme mobile de dystonie et chez les patients
opérés assez précocement, notamment avant la
survenue des déformations squelettiques secon-
daires à la dystonie (25). Il a pu être démontré
chez l’adulte dystonique que l’effet bénéfique de
la stimulation cérébrale profonde bipallidale se
maintenait au cours du temps, au moins pendant
plusieurs années, sans affecter négativement les
performances cognitives ou l’humeur (26). Enfin,
il est important de noter que le risque chirurgical
de cette produre est faible, de l’ordre de 1 à 5 %.
Les effets indésirables éventuels liés à la stimu-
lation elle-même, principalement la dysarthrie
induite, sont en général contrôlés par l’adaptation
des paramètres de stimulation. La stimulation
cérébrale profonde bipallidale peut également
être proposée en traitement des dystonies secon-
daires, avec une efficacité là encore très variable,
mais moins importante (de l’ordre de 20 à 30 %
d’amélioration) que chez les enfants atteints d’une
dystonie primaire. Enfin, la stimulation cérébrale
profonde “en urgence” est une option thérapeu-
tique à considérer dans l’état de mal dystonique
menaçant et pharmaco-résistant.
Toxine botulique
L’utilisation de la toxine botulique est largement
validée, avec une bonne efficacité dans différentes
formes de dystonies focales ou segmentaires de
l’adulte (2, 3, 12). Il faut renouveler les injections tous
les 3 à 5 mois. La toxine botulique présente un faible
risque d’effets indésirables chez les adultes dysto-
niques si elle est utilisée dans le respect des doses
préconisées en fonction du site d’injection (2). Chez
l’enfant, la toxine botulique est largement utilisée
pour traiter la spasticité (27), mais il n’existe que très
peu de données permettant de recommander son
utilisation chez lenfant dystonique (28). Cependant,
dans notre expérience, la toxine botulique peut être
utile pour traiter les dystonies focales de l’enfant, ou
encore, avec une efficacité qui est habituellement
moindre, en traitement d’une posture dystonique
chez un enfant ayant une dystonie généralisée.
Ces injections doivent être réalisées à l’hôpital en
utilisant une sédation brève par protoxyde d’azote.
Conclusion
Chez l’enfant, le traitement de la dystonie doit être
précédé d’une enquête étiologique minutieuse,
compte tenu de la surreprésentation des dystonies
secondaires dans cette population. Le cas échéant,
le traitement étiologique spécifique doit être mis
en œuvre dès que possible. Il faut ensuite procéder
à une évaluation rigoureuse des symptômes et
réaliser une évaluation filmée afin de pouvoir
suivre l’efficacité du traitement. Il est également
important d’identifier les comorbidités éventuelles
et les traitements associés, qui sont à prendre en
compte dans le choix de la stratégie thérapeutique.
Enfin, la prise en charge pharmacologique doit s’ins-
crire dans un projet thérapeutique global incluant
la mise en place d’une rééducation fonctionnelle
dans le cadre d’une collaboration entre les acteurs
médicaux, paramédicaux et l’équipe pédagogique
ayant un contact quotidien avec l’enfant. Un
traitement d’épreuve par la lévodopa doit ensuite
être proposé devant tout syndrome dystonique de
l’enfant. En cas de non-efficacité de la lévodopa,
nous recommandons un essai avec le trihexyphé-
nidyle. Les autres traitements pharmacologiques
à essayer, en monothérapie ou en association,
dépendront ensuite du contexte général (âge,
topographie de la dystonie, évolutivité, reten-
tissement fonctionnel, signes neurologiques
associés, comorbidités). Quelles que soient les
options choisies, il est très important d’introduire
les nouveaux traitements de façon très progressive
et de les arrêter très progressivement. Toute modifi-
cation de traitement devra être encadrée par des
consultations rapprochées. Le traitement chirur-
gical par stimulation cérébrale profonde bipallidale
est principalement indiqué chez les enfants atteints
de dystonie généralisée primaire sévère avec, dans
ce groupe de patients, un très bon rapport bénéfice/
risque.
Remerciements. Nous remercions Constance Flamand
et Véronique Picard pour leur aide à la préparation de
l’article.
Références
bibliographiques ▸▸▸
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