É D I T O R I A L Stimulation pallidale dans la dystonie Bilateral pallidal stimulations in dystonia ● M. Vidailhet pour le groupe SPIDY* a dystonie fait partie des maladies rares, difficiles à traiter et souvent méconnues. La sévérité du handicap lié aux dystonies généralisées et l’absence de traitement pharmacologique efficace ont justifié le développement d’alternatives thérapeutiques, notamment neurochirurgicales. À la fin des années 1990, l’équipe de Montpellier (Coubes et al., 2000) montrait, pour la première fois, l’efficacité majeure de la stimulation pallidale dans les dystonies généralisées primaires de l’enfant et de l’adulte. De 1997 à 2005, de nombreuses publications ont rapporté l’expérience des différentes équipes chirurgicales (Krauss et al., 2004 ; Volkmann et al., 2002 ; Vercueil et al., 2001). Il s’agissait cependant de cas isolés, de séries hétérogènes ou, plus récemment, de larges groupes de patients, mais dans des études en ouvert (Coubes et al., 2004). L L’étude SPIDY (stimulation du pallidum interne dans la dystonie généralisée), soutenue par un PHRC national et récemment publiée dans le New England Journal of Medicine, est la première étude contrôlée, multicentrique (Grenoble, Paris, Lille), menée sur 22 patients atteints de dystonie généralisée en évaluant en aveugle à partir de vidéos standardisées l’efficacité du traitement à 3, 6 et 12 mois après la chirurgie, sous neurostimulation. De plus, l’effet propre de la stimulation était étudié, en comparant en double aveugle, à 3 mois, les scores obtenus sous stimulation en marche et à l’arrêt. Le résultat majeur est la démonstration de l’efficacité de la stimulation bipallidale dans les dystonies généralisées primaires, avec une amélioration de la sévérité de la dystonie en moyenne de 50 % dès 3 mois et une stabilité du résultat à un an. Cet effet positif était corrélé à l’amélioration du handicap et de la qualité de vie, ce qui confirme la pertinence du traitement pour les patients. L’arrêt du stimulateur se traduit par une aggravation de la dystonie sans retour au niveau préopératoire, ce qui suggère l’existence d’un post-effet. Enfin, la morbidité est faible, sans effets indésirables pérennes ni retentissement psychique ou intellectuel. * Service de neurologie, hôpital Saint-Antoine, Paris. La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 8 - octobre 2005 Cette étude apporte un niveau de preuve plus élevé, dans un contexte d’evidence based medicine, ce qui est un point fort en faveur de la chirurgie fonctionnelle de la dystonie, vis-à-vis des autres équipes européennes et américaines. Toutefois, ce travail ainsi que les données de la littérature laissent de nombreuses questions en suspens, telles que les facteurs prédictifs du résultat, les critères de sélection des patients qui pourront bénéficier de cette chirurgie, la compréhension de la différence d’amplitude d’amélioration selon les patients et les mécanismes d’action. Chacune de ces questions est ou sera l’objet de recherches ciblées. À ce jour, la réponse au traitement des autres types de dystonies reste très mal connue. Toutefois, à la lumière de ces résultats et de ceux de la littérature, il est tentant de vouloir appliquer la chirurgie fonctionnelle à des formes moins sévères de dystonie ou à des formes sources d’une dépendance importante telles que les dystonies postanoxiques ou certaines formes de dystonies secondaires (Vidailhet, Pollak, 2005). De nombreuses équipes déploient une activité importante et rapportent, souvent sur des cas cliniques isolés ou de petites séries, des bénéfices thérapeutiques dans des formes génétiques rares (DYT11, Cif et al., 2004), dans une forme particulière de maladie hérédodégénérative (PKAN, Castelnau, 2005) ou dans des études prospectives de dystonies tardives postneuroleptiques (Damier et al., étude TARDYS). Seules des études contrôlées, concernant une population homogène, avec évaluation en aveugle et détermination de l’impact sur la qualité de vie, permettront de garantir la pertinence du résultat dans ces formes particulières. Enfin, le mécanisme d’action de l’effet de la stimulation cérébrale profonde reste partiellement incompris. Très schématiquement, il existe dans la dystonie une perte de l’organisation et de la sélectivité d’activation des cortex moteurs et sensitifs, secondaire à un dysfonctionnement des structures profondes (ganglions de la base). Une étude récente en imagerie fonctionnelle (tomographie à émission de positons) a montré que la stimulation cérébrale profonde permettait de restaurer un pattern d’activation corticale normal chez des patients atteints de dystonies généralisées (Detante et al., 2004). Ainsi, la chirurgie fonctionnelle est une des voies d’approche de la physiopathologie de la dystonie et de la physiologie du circuit moteur mettant en jeu les ganglions de ■ la base et le cortex. 259 É P D O U R I E N T S A V O O I R P R L U S . I . . ■ Vercueil L, Pollak P, Fraix V et al. Deep brain stimulation in the treatment of severe dystonia. J Neurol 2001;248:695-700. ■ Vidailhet M, Vercueil L, Houeto JL et al. French Stimulation du Pallidum Interne dans la Dystonie (SPIDY) Study Group. Bilateral deep-brain stimulation of the globus pallidus in primary generalized dystonia. N Engl J Med 2005;352:459-67. ■ Detante O, Vercueil L, Thobois S et al. Globus pallidus internus stimulation in primary generalized dystonia: a H215O PET study. Brain 2004;127:1899-908. ■ Vidailhet M, Pollak P. Deep brain stimulation for dystonia: make the lame walk. Ann Neurol 2005;57:613-4. ■ Krauss JK, Yianni J, Loher TJ et al. Deep brain stimulation for dystonia. J Clin Neurophysiol 2004;21:18-30. A L ■ Volkmann J, Benecke R. Deep brain stimulation for dystonia: patient selection and evaluation. Mov Disord 2002;17 (Suppl. 3):S112-5. ■ Coubes P, Roubertie A, Vayssiere N et al. Treatment of DYT1-generalised dystonia by bilateral electrical stimulation of the internal globus pallidus. Lancet 2000; 355:2220-1. ■ Coubes P, Cif L, El Fertit H et al. Electrical stimulation of the globus pallidus internus in patients with primary generalized dystonia: long-term results. J Neurosurg 2004;101:189-94. ■ Cif L, Valente EM, Hemm S et al. Deep brain stimulation in myoclonus-dystonia syndrome. Mov Disord 2004;19:724-7. ■ Castelnau P, Cif L, Valente EM et al. Pallidal stimulation improves pantothenate kinase-associated neurodegeneration. Ann Neurol 2005;57:738-41. Les groupes SPIDY 1 et 2 : Grenoble : Laurent Vercueil, Olivier Detante, Valérie Fraix, Paul Krack, Pierre Pollak, Alim-Louis Benabid, Stephan Chabardes, Adnan Koudsie, Claire Ardouin, Abdelhamid Benazzouz, Sylvie Grand, Jean-François Le Bas, Philippe Vittini, Christelle Henri-Lagrange. Paris : Yves Agid, Jean-Luc Houeto, Valérie Mesnage, Marie Vidailhet, Marie-Laure Welter, David Grabli, Philippe Cornu, Soledad Navarro, Bernard Pillon, Bernard Pidoux, Didier Dormont, Sophie Tézenas du Montcel, Antoine Pellissolo, Éric Bardinet, Jérôme Yelnik. Lille : Luc Defebvre, Alain Destée, Pierre Krystkowiak, Canan Ozsancak, Serge Blond, Gustavo Touzet, François Cassim, Philippe Derambure, Olivier Cottencin, Kathy Dujardin, Jean-Pierre Pruvo, Christine Delmaire. 260 La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 8 - octobre 2005