Rhumatologue, infirmière,
psychologue, ergothérapeute,
diététicienne, podo-orthésiste :
pour être efficace, la prise
en charge des rhumatismes
inflammatoires chroniques
(RIC) doit être globale et
multidisciplinaire.
P
ourquoi avoir instauré une
consultation pluridisciplinaire ?
Pr Soubrier : Il y a quelques années, nous
étions face à un constat terrible : l’état des
mains et des pieds des patients souffrant
de polyarthrite rhumatoïde en Auvergne
était très mauvais, avec des répercussions
tant psychologiques que sur les activités
quotidiennes. Il a donc fallu réagir ! En nous
basant sur le modèle de l’hôpital Cochin
à Paris, nous avons progressivement créé
une consultation regroupant l’ensemble des
acteurs pouvant améliorer la prise en charge
des patients atteints de RIC.
Mme Fayet : L’infirmière intervient à
plusieurs niveaux dans cette consultation
multidisciplinaire : éducation du patient à son
traitement, accompagnement, programmation
et orientation vers les différents intervenants
(diagnostic éducatif). Elle fait également le lien
avec le rhumatologue libéral et le médecin
généraliste.
Valérie Micheau-Beaugendre : Le médecin
podologue a un rôle de conseil vis à vis du
chaussage. Il est également prescripteur de
semelles et/ou d’orthèses. Enfin, il oriente le
patient vers un chirurgien du pied si besoin.
Une consultation multidisciplinaire pour
optimiser la prise en charge des
rhumatismes inflammatoires chroniques
Pr Martin Soubrier, Chef du Service de Rhumatologie
Patricia Hirsch Ergothérapeute - Carole Roche, Diététicienne
Françoise Fayet, Infirmière - Corinne Dalla Zanna, Psychologue
Eric Thomas, Podo-orthésiste
Dr Valérie Micheau-Beaugendre, rhumatologue-podologue
Un intérêt historique pour les pathologies auto-immunes
et systémiques
Connectivites, vascularites,
myosites… : depuis toujours
le service de Rhumatologie
s’intéresse aux maladies
systémiques et auto-immunes.
L’organisation en réseau est
essentielle non seulement pour
la prise en charge de ces
maladies rares mais également
pour favoriser la recherche.
P
ourquoi prendre en charge des maladies
systémiques et auto-immunes dans un
service de rhumatologie ?
Dr Dubost : Il s’agit d’une activité historique
datant de la création du service dans les
années 1970 avec notamment un intérêt
premier pour le syndrome de Gougerot-
Sjögren (SGS)*. Nous prenons également en
charge d’autres maladies systémiques comme
le lupus, la sclérodermie.... La prise en charge
est multidisciplinaire et les travaux de recherche
s’appuient sur des réseaux nationaux comme
la cohorte ASSESS pour le SGS qui permet
de suivre 400 patients sur 20 ans. Nous nous
intéressons à ces maladies car leur expression
rhumatologique est fréquente et souvent
révélatrice. Par exemple, la maladie de Horton
et la pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR)
sont très intriquées, la PPR pouvant être la
manifestation première d’une maladie de
Horton (artérite inflammatoire temporale).
Pr Tournadre : Nous prenons également
en charge les myosites (maladies
inflammatoires du muscle) qui peuvent avoir
des manifestations systémiques variées
au niveau de la peau, des poumons et des
articulations. Nous sommes membres du
réseau national des myosites ce qui nous
permet de colliger l’ensemble des cas et de
développer des études collaboratives afin de
mieux comprendre la maladie et mieux cibler
les interventions thérapeutiques.
Comment s’organise la recherche clinique ?
Pr Tournadre : Pour développer des essais,
nous travaillons avec d’autres réseaux et
filières nationales : FAI2R (filière des maladies
auto-immunes et auto-inflammatoires rares),
le Club Rhumatismes Inflammations (CRI)
ou encore le groupe FLEUR (France lupus
érythémateux systémique Réseau).
Thomas Frayssac : Nous avons récemment
mis en place un nouveau protocole de
recherche afin d’explorer la douleur dans le
SGS (étude ancillaire de la cohorte ASSESS).
Angélique Fan : Dans la PPR, nous étudions
également les habitudes de prescription des
rhumatologues de la région.
* Le syndrome de Gougeron-Sjögren est une pathologie
auto-immune qui se caractérise par la destruction progressive
des glandes salivaires et lacrymales conduisant à une perte
des fonctions de sécrétion des glandes et à l’installation d’une
sécheresse des yeux et de la bouche.
**Cohorte ASSESS : évaluation de l’Atteinte Systémique et de
l’Evolution des patients atteints de Syndrome de Sjögren primitif.
Pr Anne Tournadre, PU-PH en Rhumatologie
Dr Jean-Jacques Dubost, PH en Immunologie Clinique
Angélique Fan et Thomas Frayssac, Attachés de recherche
clinique
De l’enfant à
l’adulte : assurer
la continuité de la
prise en charge
U
ne consultation de transition entre
l’enfant et l’adulte
Une fois par mois, une consultation
multidisciplinaire est organisée dans le service
de Pédiatrie, pour les enfants atteints d’arthrite
juvénile idiopathique (AJI). Elle regroupe
des pédiatres, un rhumatologue prenant en
charge les RIC de l’adulte, un psychologue, un
kinésithérapeute et une diététicienne.
« Cette consultation permet de faire le point
sur les dossiers complexes et de préparer
la transition vers la prise en charge adulte.
En effet, le changement de service peut être
une source d’angoisse pour les adolescents,
suivis depuis longtemps pour une pathologie
chronique » explique le Pr Tournadre. Cette
consultation de transition a été mise en place
depuis 4 ans, suite à l’arrivée progressive des
biothérapies dans le traitement de l’AJI.
Pr Anne Tournadre,
PU-PH en
Rhumatologie
Le muscle et les comorbidités cardiométaboliques, au
cœur de la recherche fondamentale et translationnelle
Après s’être concentré sur la recherche clinique, le service de Rhumatologie développe
aujourd’hui des projets de recherche fondamentale et translationnelle en collaboration avec
plusieurs unités de recherche : unité de nutrition humaine (UMR 1019), unité de microbiologie
(UR 0454) et unité Neuro-Dol (UMR 1107).
P
ouvez-vous nous décrire vos travaux
sur le muscle ?
Pr Tournadre : Nous nous intéressons
au muscle en conditions inflammatoires.
Au cours des rhumatismes inflammatoires
chroniques (RIC), il existe un lien étroit
entre la composition corporelle (masse
maigre/graisse) et le développement des
comorbidités cardiométaboliques. Ainsi, nous
travaillons sur la caractérisation de cette
obésité sarcopénique au cours des RIC et
son évolution sous biothérapies en utilisant
l’ostéodensitométrie ou des techniques
innovantes comme la pQCT (microscanner).
En collaboration avec les unités de recherche,
nous explorons les mécanismes de la
sarcopénie en condition inflammatoire.
Dr Vial : Au cours de mon année recherche,
je vais observer le muscle sur des modèles
d’arthrite au collagène.
Dr Giraud : Pour ma part, j’ai travaillé sur
les aspects de lipotoxicité au cours de
l’inflammation. En fonction de la composition
lipidique, on observe un retentissement
sur la protection contre l’athérosclérose.
Les résultats de cette étude pilote seront
présentés sous la forme d’un poster au
prochain congrès de la Société Française de
Rhumatologie.
Avez-vous d’autres projets de recherche
fondamentale ?
Pr Tournadre : Nous participons au projet
régional ARTH-INNOV qui vise à tester
l’effet de l’alimentation (et notamment le
régime sans gluten) et l’effet du stress
environnemental sur des modèles
murins de polyarthrite rhumatoïde et de
spondyloarthrite.
Qu’est-ce que le projet « Jeunes
chercheurs » ?
Dr Vial : Avec les internes de Montpellier,
Bordeaux, Toulouse et Limoges, nous nous
réunissons deux fois par an afin de travailler
sur un projet commun de recherche. Au-delà
d’être une opportunité de publication, c’est
également un moment convivial d’échanges.
Pr Anne Tournadre, PU-PH en Rhumatologie - Dr Gaëlle Vial et Charlotte Giraud, Internes en Rhumatologie
Le rôle de la diététicienne
L’enjeu de la consultation de diététique
est d’étudier l’équilibre alimentaire des
patients en évaluant les apports en
calcium, protéines, glucides et lipides.
« De plus, la perte de poids est souvent
une préoccupation des patients. Nous
trouvons ensemble des solutions pour
améliorer le choix des aliments afin de
réduire le poids, le cholestérol et les
triglycérides notamment » explique Mme
Roche. Les patients sont suivis tous les 2,
3 ou 6 mois selon les besoins.
Le rôle du podo-orthésiste
Le travail consiste à soulager les douleurs
podales en proposant des orthèses
plantaires afin de favoriser leurs appuis.
« Le point fort du service est de permettre
au patient de repartir avec son orthèse à
l’issue de la consultation » précise
Mr Thomas, qui réalise les semelles en
moins d’une heure dans une salle dédiée.
Les orthèses plantaires sont renouvelées
tous les 2 à 3 ans, lorsque les douleurs
réapparaissent.
Le rôle du psychologue
La prise en charge psychologique peut
concerner soit la maladie chronique, soit
une problématique plus personnelle.
« Selon la problématique abordée par le
patient, je propose différentes thérapies :
la sophrologie ou l’hypnose pour la gestion
de la douleur et de l’anxiété, ou un travail
plus profond avec la psychothérapie
(thérapie cognitivo-comportementale) »
explique Mme Dalla Zanna.
Le rôle de l’ergothérapeute
En cas de douleur aux mains ou aux
poignets, des attelles de repos peuvent
être proposées. De plus, il est possible
d’améliorer les activités journalières en
utilisant des outils adéquats. « J’aborde
avec les patients la transformation gestuelle
et leur donne des astuces pour réaliser les
gestes du quotidien avec le minimum de
douleur et de dépense énergétique : ouvrir
un robinet, ouvrir une bouteille, couper du
pain, etc. » explique Mme Hirsch. Enfin, les
activités sportives doivent être intégrées
dans la vie quotidienne des patients.