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• En matière d’assistance au suicide, il n’y a aucune nécessité impérieuse de
légiférer
Ces deux dernières décennies, des organisations d’assistance au suicide se sont
développées et établies en Suisse, à la faveur de la réglementation libérale statuée
par le code pénal. En raison de l’accroissement du nombre des cas de suicide
assisté, des risques d’abus liés à l’activité de ces organisations se sont fait jour,
notamment en rapport avec la capacité de discernement de certains candidats au
suicide (principalement ceux qui appartiennent aux catégories de personnes
nécessitant tout particulièrement une protection: les jeunes, les personnes souffrant
d’une maladie psychique et les malades en phase terminale), avec la situation
financière des organisations, enfin avec l’expression de la volonté de mourir et la
maîtrise de l’acte de suicide par les intéressés. De tels abus peuvent conduire ceux
qui les commettent à franchir la limite qui sépare le comportement licite du
comportement délictueux (s’agissant notamment des infractions contre la vie visées
aux art. 111 ss., 114 et 115 CP). La protection des personnes concernées exige
donc que l’on prenne des mesures visant à empêcher de tels abus.
Certes, le législateur fédéral pourrait édicter, dans les domaines de la santé
publique, de la législation sur les stupéfiants et du droit de la tutelle, ainsi que dans le
cadre d’une loi spéciale sur la surveillance des organisations d’assistance au suicide,
des dispositions permettant d’avoir un contrôle des activités de celles-ci. Toutefois,
les différentes options qui ont été examinées se révèlent presque toutes
disproportionnées ou impropres parce qu’elles se traduiraient par une
bureaucratisation, et, dans la plupart des cas, reviendraient à institutionnaliser et à
certifier officiellement ces organisations et leurs activités.
Une révision de la législation sur les stupéfiants mériterait éventuellement d’être
envisagée, car elle permettrait de mieux appréhender les réalités propres aux cas de
suicide. Il est notoire, en effet, que dans le cadre des suicides qu’elles
accompagnent, les organisations concernées utilisent un stupéfiant appelé natrium
pentobarbital (NAP). Eventuellement, et dans le but de prévenir les abus, la
prescription et la remise de NAP pourraient être soumises à des conditions plus
restrictives.
En revanche, il n’y a pas lieu d’envisager de modifier l’art. 115 CP puisqu’il n’y a pas,
au premier chef, de lien de cause à effet entre les problèmes constatés en rapport
avec l’assistance au suicide et les éléments constitutifs de l’infraction visée à cet
article. Ces problèmes sont d’ordre pratique et appellent la question suivante:
comment peut-on garantir qu’aucun abus ne soit commis dans le cadre de
l’assistance au suicide ?
A l’échelon cantonal et communal, les autorités peuvent, cependant, empêcher les
abus en appliquant et en faisant respecter résolument le droit en vigueur (il s’agit
plus précisément que les autorités de poursuite pénale appliquent avec plus de
rigueur les art. 111ss, 114 et 115 CP qui visent les homicides et que les pouvoirs
publics exercent sur le personnel médical concerné la surveillance prévue par la
législation en matière de santé publique) ainsi qu’en adoptant des prescriptions pour
le secteur des hôpitaux, des établissements médico-sociaux et des homes.
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