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  Partie réservée aux candidats présentant la psychologie/pédagogie à l’oral 
 
 
Lisez attentivement le texte suivant : 
 
Je commencerai par prendre un exemple imaginaire : ce sera ici comme un experimentum 
crucis (une  expérience  cruciale).  […]  – Concevons deux jeunes hommes, Caïus et Titus, 
tous deux passionnément épris de deux jeunes filles différentes : chacun d'eux se voit barrer 
la route par un rival préféré, préféré pour des avantages extérieurs. Ils résolvent, chacun de 
son côté, de faire disparaître de ce monde leurs rivaux ; d'ailleurs ils sont parfaitement à 
 l'abri de toute recherche, et même de tout soupçon. Pourtant, au moment où ils procèdent 
aux préparatifs du meurtre, tous deux, après une lutte intérieure, s'arrêtent. C'est sur cet 
abandon de leur projet qu'ils ont à s'expliquer devant nous, sincèrement et clairement. 
- Quant à Caïus, je laisse au lecteur le choix des explications qu'il lui mettra dans la bouche. 
Il pourra avoir été retenu par des motifs religieux, par la pensée de la volonté divine, du 
 châtiment qui l'attend, du jugement futur, etc. Ou bien encore il dira: « J'ai réfléchi que la 
maxime de ma conduite dans cette circonstance n'eût pas été propre à fournir une règle 
capable de s'appliquer à tous les êtres raisonnables en général, car j'allais traiter mon rival 
comme un simple moyen, sans voir en lui en même temps une fin en soi. » Ou bien avec 
Fichte, il s'exprimera ainsi: « La vie d'un homme quelconque est un moyen propre à amener 
 la réalisation de la loi morale : je ne peux donc pas, à moins d'être indifférent à la réalisation 
de la loi morale, anéantir un être dont la destinée est d'y contribuer. » (Ce scrupule, soit dit 
en passant, il pourrait s'en défaire, car il espère bien, une fois en possession de celle qu'il 
aime, ne pas tarder à créer un instrument nouveau de la loi morale.) […] Bref, il dira ce qu'il 
vous plaira. 
 - Mais pour Titus, que je me suis réservé de faire s'expliquer à ma manière, il dira: « Quand 
j'en suis venu aux préparatifs, quand, par suite, j'ai dû considérer pour un moment, non plus 
ma passion, mais mon rival, alors j'ai commencé à voir clairement de quoi il s'agissait et pour 
moi et pour lui. Mais alors aussi la pitié, la compassion m'ont saisi, je n'ai pas eu le cœur d'y 
résister: je n'ai pas pu faire ce que je voulais. » Maintenant, je le demande à tout lecteur 
 sincère et libre de préjugés : de ces deux hommes, quel est le meilleur ? quel est celui aux 
mains de qui on remettrait le plus volontiers sa destinée ? quel est celui qui a été retenu par 
le plus pur motif ? - Où gît dès lors le fondement de la morale ? 
Il n'est rien qui soulève jusque dans ses profondeurs notre sentiment moral autant que la 
cruauté. Toute autre faute, nous pouvons la pardonner ; la cruauté, jamais. La raison en est 
 que la cruauté est précisément le contraire de la pitié. [Devant un acte de grande cruauté], 
aussitôt nous voilà saisis d'horreur ; nous nous écrions : "Comment peut-on faire de pareilles 
choses?".  Et  quel  est  le  sens  de  cette  question?  Celui-ci  peut-être  :  comment  peut-on 
redouter aussi peu les châtiments de la vie future ? - L'interprétation est difficile à admettre. - 
Ou bien celui-ci : comment peut-on agir d'après une maxime aussi peu propre à devenir la loi 
 générale de tous les êtres raisonnables ? - Pour cela, non. Ou bien encore : comment peut-
on négliger à ce point sa propre perfection et celle d'autrui ? - Pas davantage. Le sens vrai, 
le voici à n'en pas douter : comment peut-on être à ce point sans pitié ? C'est donc quand 
une action s'écarte extrêmement de la pitié qu'elle porte comme un stigmate le caractère 
d'une chose moralement condamnable, méprisable. La pitié est par excellence le ressort de 
 la moralité. 
Le principe de la morale, le ressort de la moralité, tel que je l'ai révélé, est le seul absolument 
auquel on puisse rendre cette justice, qu'il agit avec efficacité et même sur un domaine 
étendu. Personne ne voudrait en dire autant de tous les autres principes de morale proposés 
par les philosophes : ces principes consistent en des propositions abstraites, souvent même 
 subtiles, sans autre fondement  qu'une  combinaison  artificielle  des  notions  :  c’est  au  point 
qu'ils ne sauraient s'appliquer à la vie pratique sans offrir quelque côté risible. Une bonne 
action qui aurait été inspirée par le seul principe moral de Kant, serait au fond l'acte d'un