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PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2008
ventes mondiales : à savoir les érythro-
poïétines, avec un marché de près de
12 milliards de dollars, et le G-CSF
(Growth-Colony stimulating factor)
avec quelque 4,3 milliards de dollars
(voir Tableau 2).
Au total, huit classes de biomédica-
ments sont aujourd’hui ouvertes à la
concurrence par versions biosimilaires
en Europe. Ce sont ainsi deux hormo-
nes de croissance et quatre érythropoië-
tines biosimilaires qui disposent d’une
AMM, les premiers lancements effectifs
ayant été le fait de Sandoz avec Omni-
trope®, commercialisée en Allemagne et
en France depuis le 1er semestre 2007
et Binocrit®/Epoetin alfa Hexal® lancée
en Allemagne en novembre dernier. La
liste des AMM va également s’élargir
très vite après les avis favorables délivrés
par l’EMEA à quatre versions biosimi-
laires du G-CSF (filgrastim) et la publi-
cation prochaine de lignes directrices
pour l’interféron ß biosimilaires et les
héparines de bas poids moléculaires.
Des barrières conséquentes
Alors que la préparation des lignes di-
rectrices à l’EMEA est le signe que des
industriels ont formulé des demandes
d’avis scientifiques et travaillent donc au
dépôt de demandes d’AMM, le marché
des biosimilaires n’en recèle pas moins
une série de barrières à l’entrée non né-
gligeables2. Mises en avant tant dans les
travaux d’Eurostaf, de Precepta-Xerfi et
de Robert Shapiro, celles-ci se position-
nent sur l’ensemble de la chaîne depuis le
développement
jusqu’à la phar-
macovigilance.
Le biosimilaire
ne pouvant s’as-
similer à un gé-
nérique classi-
que, l’ensemble
de ces activités
va impliquer à
la fois des sa-
voir-faire spé-
cifiques et des
investissements
élevés. Au-delà
des cinq à huit
ans nécessaires à
l’enregistrement
d’un produit,
les coûts en-
gendrés par son
développement
sont estimés de
30 à 80 millions d’euros contre cinq en
moyenne pour un générique classique.
Au niveau de la production, la seule
construction d’une unité de bioproduc-
tion aux normes GMP requiert de 200 à
400 millions de dollars, tandis que la pro-
duction par elle-même implique des ma-
tériaux de base 20 à 100 fois plus chers,
relève l’étude de Robert Shapiro.
Pas de substitution
Au-delà des coûts de développement et
des méthodes de fabrication comple-
xes, les règles du jeu promotionnelles et
commerciales sont, elles aussi, en net dé-
calage avec celles du générique classique,
où l’interlocuteur privilégié est le phar-
macien et se rapprochent du modèle
de promotion et de commercialisation
de la spécialité de référence. Alors que,
lors de la transposition de la règlemen-
tation européenne en droit national, la
France a choisi d’interdire la substitu-
tion à l’officine, le taux de pénétration
du marché par les biosimilaires est ainsi
directement déterminé par les prescrip-
tions des médecins, et en particulier des
praticiens hospitaliers. Gagner leurs suf-
frages suppose aussi que « l’information
sur ces produits passe aussi par des ré-
seaux de chargés de relations avec les lea-
ders d’opinion, les instances régionales
(ARH, Cpam en France par exemple) »,
analyse Precepta. Maîtrise de circuits de
prescription spécifiques et spécialisés,
mais aussi suivi de pharmacovigilance
identique à celui des biomédicaments
de référence, coût élevé généralement
synonyme de suivi budgétaire strict par
les autorités de santé, tels sont les para-
mètres qui devraient alourdir sensible-
ment la facture de la commercialisation
des biosimilaires.
Des marchés théoriques
Les biosimilaires, souligne Eurostaf,
constituent encore un « marché théo-
rique » dans la mesure où la valorisa-
tion de leur potentiel commercial res-
te aléatoire et soumise à un très large
éventail de conditions. Les spécialités
accessibles à la génération de biosimi-
laires sont en effet des biomédicaments
de première génération, déjà soumis à
une rude concurrence par l’arrivée ré-
gulière de versions améliorées avec une
efficacité supérieure et une demi-vie
plus longue. Si l’UE, du fait d’un cadre
réglementaire spécifique, est à même
de générer, à court et moyen terme, un
véritable potentiel de développement,
c’est toutefois un paysage hétérogène
qui risque de s’y dessiner. La question
de la substitution est en effet laissée au
libre arbitre des Etats-membres, choix
dont le résultat va ensuite condition-
ner les stratégies de commercialisation
à mettre en œuvre. On peut aussi s’in-
terroger sur l’accueil que médecins et
patients vont leur réserver. Dans le cas
d’Omnitrope®, seul produit de ce type
actuellement commercialisé en Euro-
pe, les résultats de Sandoz pour 2007
montrent qu’au 4ème trimestre 2007,
10 % des nouveaux patients traités par
une hormone de croissance en France
se sont vus prescrire le biosimilaire
lancé en mai dernier. Cependant, les
évolutions futures du marché restent,
encore une fois, sous la dépendance
des Etats-Unis, où le blocage essentiel
réside dans… l’absence de cadre régle-
mentaire. Bien qu’un projet de loi ait
été déposé l’été dernier, il est peu pro-
bable qu’une telle réglementation in-
tervienne avant 2009, voire 2010. n
Anne-Lise Berthier
(1) Ces trois études sont : « Les perspec-
tives du marché mondial des biosimilai-
res » - Eurostaf (2007) ; « Médicaments
génériques et biosimilaires à l’horizon
2012 » - Precepta Xerfi (2007) ; « The
potential american market for generic
biological treatments and the associated
cost savings » - Robert Shapiro (2008)
(2) Cf. « La France, un modèle pour
l’Europe » – Pharmaceutiques n°149 –
septembre 2007
Médicament
-
diales 2006
en milliards de
dollars
Croissance
Part des Etats-Unis
dans les ventes
mondiales
Prévisions
de ventes de
biosimilaires en
2010 (en millions
de dollars)
Erythropoïétines 701
n/a 138
55 131
63 605
35 188
humaines 33 442
- - 2 205
Estimations des opportunités commerciales des
biosimilaires. D’après « Les perspectives du marché
mondial des biosimilaires » - Eurostaf (2007)
SOURCE : IMS ; DATAMONITOR, LE MERIE BUSINESS INTELLIGENCE, RAPPORTS ANNUELS DES ENTREPRISES