Psychothérapie à la française

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Psychothérapie à la française :
Le statut de la psychanalyse dans la France contemporaine par
rapport aux États-Unis
Research Thesis
Presented in partial fulfillment of the requirements for graduation with
honors research distinction in French in the undergraduate colleges of
The Ohio State University
By Jessica LaHote
The Ohio State University
April 2017
Project Advisor: Dr. Jennifer Willging, Department of French and Italian
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Il est certain que les maladies mentales ont un impact profond sur une société, y compris
les sociétés françaises et américaines. Selon le rapport de Couty en 2009, on estime qu’en
France, 18% de la population souffre d’une maladie mentale (Chevreul 883). Un rapport
américain estime la prévalence des maladies mentales aux États-Unis à 20% (Insel). Le coût
économique en France est de 109 milliard d’euros dont 20% sont les allocations des soins
médicaux et des coûts sociaux, et 80% sont les coûts des handicaps permanents, du suicide et de
la mauvaise qualité de vie (Chevreul 883-84).
On peut concevoir ces coûts au niveau mondial aussi. Le forum économique mondial a
estimé qu’en 2010, le coût mondial de la santé mentale était de $2.5 mille milliards, ce qui est
plus grand que les coûts du diabète, des troubles respiratoires et du cancer ensemble (Insel). Ces
chiffres nous indiquent l’importance du diagnostic et du traitement des maladies mentales dans le
monde entier. Ceci dit, même les pays occidentaux ne conçoivent pas les maladies mentales
toujours de la même manière.
En France, la psychanalyse joue un rôle important dans le traitement des maladies
mentales. En 2005, 70% des psychiatres français utilisaient la psychanalyse ou des thérapies
psychanalytiques (Meyer 7). Aux Etats-Unis, pourtant, la psychanalyse a perdu en général son
autorité depuis les années soixante-dix. En 2003, seulement 15% des psychologues américains se
considéraient de l’orientation psychanalytique (Norcross et al. 1471). Des données sur
l’orientation théorique des psychiatres américains ne sont pas disponibles mais en général, les
psychiatres ont tendance à être moins psychanalytiques que les psychologues parce qu’ils ont
reçu une formation en médecine—une formation plutôt biologique que théorique. Aux EtatsUnis et dans la plupart du monde occidental (sauf en France et en Argentine) on préconise des
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psychothérapies « basées sur les preuves » comme les thérapies cognitivo-comportementales
(TCC) (Meyer 7-10).
Ainsi pourquoi la France est-elle une telle exception en ce qui concerne la psychanalyse ?
Nous essayerons de répondre à cette question d’abord avec un résumé de l’histoire de la
psychanalyse et son évolution en France et aux Etats-Unis. Ensuite, nous analyserons un certain
nombre de débats entre les psychanalystes et les cognitivo-comportementalistes dans chaque
pays mais surtout en France. Nous focaliserons sur les débats depuis les dernières quinze années.
Il existe déjà des études sur l’histoire de la psychanalyse en France mais il y a peu de recherche
au sujet de la persistance de son autorité au vingt-et-unième siècle. Ces débats traitent la façon
dont on définit et nomme une malade mentale. Comment détermine-t-on ce qui est normal et ce
qui est anormal ? Dans ces débats il s’agit également du traitement de ces maladies. Ces débats
sont plus nuancés qu’un argument entre les psychanalystes et les cognitivo-comportementalistes,
mais ces deux perspectives émergent et contrastent souvent dans ces échanges intellectuels,
scientifiques et philosophiques. Pour cette étude, nous considérerons seulement ces deux
perspectives.
Tout au long de ce texte, nous ajouterons d’autres voix à ces débats grâce à des entretiens
que nous avons faits avec des psychanalystes et psychiatres surtout en France et mais aux EtatsUnis aussi. Nous avons eu l’occasion de passer cinq jours en stage au Centre hospitalier SainteAnne, plus spécifiquement dans le département d’addictologie. Nous avons suivi quatre
médecins, deux infirmières et un psychologue (qui est psychanalyste) afin d’observer les
approches diverses au sein de l’équipe et comment elles fonctionnent ensemble. Il n’y a qu’un
psychanalyste dans le département, Armando Lopez, qui travaille dans un bureau en face de celui
d’un psychiatre qui ne croit pas, nous a-t-il précisé, à l’efficacité de la psychanalyse. Le chef du
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département, le docteur Xavier Laqueille, a trouvé une place pour la psychanalyse dans le
département de l’addictologie car il croit à l’importance de différentes perspectives. Dans son
département, l’approche biologique domine mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place
pour d’autres idées.
Les psychiatres dans ce département ont des avis divers sur la psychanalyse. La plupart
d’entre eux croient que la psychanalyse a sa place et qu’elle bénéficie à certains patients. Ils
envoient certains patients à M. Lopez mais pas tous. Néanmoins, certains psychiatres dans le
département refusent absolument tout ce qui est psychanalytique et n’envoient jamais de patients
à M. Lopez.
Actuellement, il existe des associations psychanalytiques en France. L’École de la Cause
Freudienne, fondée par Jacques Lacan en 1981, offre des rendez-vous avec ses membres pour
discuter leur formation psychanalytique et le rôle de l’association, ou de la psychanalyse en
général. Par l’intermédiaire de L’École de la Cause Freudienne, nous avons trouvé une
psychanalyste à Paris qui s’appelle Hélène Bonnaud. Elle nous a reçu dans son cabinet dans le
troisième arrondissement de Paris où nous avons passé une demi-heure à discuter sa propre
formation et son orientation théorique. Elle ne croit pas au comportementalisme et le caractérise
comme une solution de fortune.
De plus, nous avons parlé à un autre psychiatre français, le docteur Serge Kannas, qui
travaille pour la Ministère de la Santé, et un psychiatre américain, le docteur John Strauss, qui est
professeur à Yale University. Ces deux psychiatres ont beaucoup d’expérience dans leur pays
maternel mais ils ont également beaucoup de connaissances sur la psychiatrie au niveau
transnational et global.
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Finalement, nous examinerons le rôle de la psychanalyse au-delà de la psychologie et de
la psychiatrie française. Dès les années 1980 jusqu’au présent, des politiciens et des citoyens
français ont évoqué la psychanalyse dans certains débats politiques comme les débat sur le
mariage homosexuel et sur l’homoparentalité (Robcis 1). De cette façon, le discours
psychanalytique imprègne la société en dehors du contexte de la psychothérapie. Nous
analyserons ces débats et les commentaires des professionnels dans le domaine de la psychologie
et de la psychiatrie afin de voir si la culture d’un pays influence ce que l’on y considère comme
« scientifique ». Et cette différence de traitement des maladies mentales n’est-elle qu’un
symptôme de différences culturelles à une plus grande échelle ?
Pour répondre à cette question, il faut commencer avec le parcours historique de la
psychanalyse dans chaque pays. En 1909, Freud est venu aux Etats-Unis pour la première fois.
G. Stanley Hall, psychologue et un des fondateurs de Clark University à Worcester,
Massachusetts, l’a invité à présenter à la Clark Conference, une offre qu’il a d’abord refusée. Il
ne s’intéressait pas aux Etats-Unis et profitait de son influence en Europe. Hall, déterminé à faire
venir Freud, a changé la date pour l’accommoder. Suite à cette deuxième proposition, avec
l’encouragement de son collègue, Carl Jung, Freud a accepté l’invitation. Malgré ses doutes à
propos des Etats-Unis, Freud avait hâte d’y aller. Il ne s’attendait pas à grand-chose de son séjour
et c’était probablement ce manque d’attentes qui lui a plu (Shamdasi et al. 55-57). Il a à peine
fait des préparations, mais sa présentation extemporanée est devenue sa fameuse œuvre Cinq
leçons sur la psychanalyse (Evans & Koelsch 944).
Sa présentation à la Clark Conference n’a pas immédiatement transformé le monde
psychologique aux Etats-Unis mais elle a contribué à la domination de la psychanalyse pendant
la plupart du vingtième siècle. Juste après sa présentation—qu’il a faite entièrement en
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allemand—la première traduction de Freud en anglais est apparue (Shamdasi et al. 75). Une
traduction française n’apparaîtra qu’onze ans plus tard dans un journal suisse (Kutter 70). En
outre, il existait déjà des courants psychanalytiques aux Etats-Unis. Leurs partisans se sont
accrochés à ce grand homme afin de promouvoir la psychanalyse et leurs propres théories
(Kutter 81). Ces courants ont établi une base pour la psychanalyse, permettant une réception
généralement assez accueillante des théories freudiennes, même les plus risquées à cette époque.
C’était une réponse que Freud lui-même avait sous-estimée.
Quelques décennies plus tard, en 1939, un mouvement « néo-freudien » s’est développé.
Des personnalités signifiantes, comme Sándor Radó, David Levy, Abram Kardiner et Karen
Horney, ont mené le mouvement, préconisant une approche libérale à la psychanalyse : une
psychanalyse qui ne se limiterait pas aux théories de ce neurologue allemand. Plus
spécifiquement, ils voulaient s’éloigner du concept de ce « unconscious libido » qui dominait
tout dans le monde freudien (Shamdasi et al. 188-19). C’était précisément cette notion de
sexualité qui limitait l’évolution de la psychanalyse, selon eux, car chaque évènement était censé
renvoyer à une sexualité refoulée.
Pendant ce mouvement néo-freudien, la théorie de comportementalisme de John B.
Watson s’est développé. Son étudiant, B.F. Skinner, a élaboré ses idées. Avec son « Skinner
box », une boîte qui contient un levier qui donne à manger aux rats quand ils y appuient, Skinner
a démontre ses principes de conditionnement opérant. Après quelques instances où le rat appuie
sur le levier par hasard, il apprend que cette action mène à une récompense. Au-delà du
conditionnement classique qu’avait démontré Pavlov, ce type de conditionnement se focalise sur
les conséquences de renforcement et de punition (Greengrass 80). On comprenait mieux les
comportements des rats mais pour beaucoup des professionnels dans le domaine de la
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psychologie et de la psychiatrie, cette théorie ignorait les complexités des êtres humains. Le
conditionnement peut-il expliquer toutes nos actions ?
Dans les années soixante, Aaron Beck, un ancien psychanalyste, s’est éloigné de la
théorie psychanalytique. En observant ses patients, Beck a identifié une série de ce qu’il a
nommé « pensées automatiques ». Grâce à ces observations, il a développé la thérapie cognitivocomportementale (TCC), un processus qui cherche à identifier les pensées et les comportements
négatifs d’un patient. Selon cette théorie, plus le patient apprend à reconnaître ces modes de
comportement et de pensée négatifs, plus il sera capable de lutter contre eux. Au lieu de mettre
l’accent sur l’inconscient et d’essayer de démystifier les détails du passé du patient, la TCC se
concentre sur la reconstruction consciente des pensées négatives. Elle encourage le patient à
mettre en place des comportements habituels, comme faire du sport où sortir de la maison chaque
matin, qui servent à réduire les symptômes spécifiques d’un patient (Beck Institute for Cognitive
Behavior Therapy).
Si le développement de la théorie cognitivo-comportementale marque une certaine
rupture entre la psychanalyse et la psychologie actuelle aux États-Unis, c’est le cas aussi avec la
sortie du DSM-III en 1980. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
[Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders] désormais appelé le DSM, est une
manifestation de l’approche américaine aux troubles mentaux. Ce manuel, créé par l’American
Psychological Association (APA), est le standard pour tout diagnostic aux Etats-Unis. Par sa
nature, la psychanalyse évite de catégoriser les patients car elle considère leurs symptômes
comme spécifiques à chaque individu sa propre situation. Ce changement notable dans le DSM
est le résultat de fortes critiques de la psychothérapie dans les années soixante-dix quand on
considérait la discipline trop subjective pour être efficace où scientifique.
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La version actuelle du DSM caractérise les maladies mentales par une conglomération de
symptômes avec une durée spécifique. Contrairement aux versions précédentes, comme le DSMIII et le DSM-IV, le DSM-V ne considère pas le contexte social de l’individu. On le critique en
France et également aux États-Unis pour sa technique « réductionniste » qui dépeint l’être
humain comme un produit de sa biologie et qui ignore un grand nombre de cas individuels qui ne
se conforment à aucune catégorie établie de ce système diagnostique.
Auparavant, la psychiatrie américaine s’occupait beaucoup moins des diagnostics
spécifiques. En 1948, les psychanalystes dominaient l’APA (Vallée 91). Ils ne s’inquiétaient pas
des diagnostics précis car ils considéraient un diagnostic comme un indice qui aide à identifier
les problèmes sous-jacents. Néanmoins, cela a changé à partir de 1960. On a commencé à
critiquer le manque de fiabilité inter-évaluateur et à questionner la validité des diagnostics. Par
conséquent, le soutien financier des recherches psychologiques a diminué. Notamment, le
nombre de subventions du National Institute of Mental Health (NIMH) a baissé de seize pourcent
entre 1963 et 1972 (Vallée 92). Par la suite, les entreprises d’assurance ont baissé la couverture
du traitement psychologique et psychiatrique. Cette pression économique a nécessité un
changement dans les diagnostics : un appel aux règles plus définies que l’on pouvait quantifier
(Vallée 92).
En outre, une enquête sur la profession de la psychiatre dans les années soixante-dix a
également provoqué cette transformation. Les psychiatres voulaient se distinguer des
psychologues et des psychothérapeutes, une distinction qu’ils espéraient renforcer par
l’établissement de diagnostics moins abstraits. La publication du DSM-III marque cette
transformation. Ce manuel a remplacé des descriptions floues avec des catégories distinctes. Le
DSM-III a établi un langage commun, permettant aux professionnels dans le domaine de la
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psychiatrie et la psychologie de pouvoir se communiquer plus clairement. Il était censé être
« théoriquement neutre » (Mays & Horwitz 252). Autrement dit, ce langage commun est censé
ignorer l’école de pensée à laquelle on souscrit afin de faciliter l’expansion des connaissances et
non pas leur segmentation.
Le cas du trouble de déficit de l’attention (le TDAH), dit « Attention Deficit and
Hyperactivity Disorder » (l’ADHD), est une manifestation d’une des critiques principales contre
le système américain parmi les Français et les Américains. Selon le DSM-5, il faut un certain
nombre ou combinaison de symptômes. Même si le nom implique des problèmes d’hyperactivité
et d’attention, selon le DSM il n’est pas nécessaire d’avoir des symptômes hyperactifs pour
recevoir un diagnostic du TDAH. Le DSM est censé être objectif, mais on voit comment un
diagnostic peut être flou. En revanche, selon la Classification française des troubles mentaux de
l’enfant et de l’adolescent (la CFTMEA), il faut absolument avoir des symptômes dans les deux
catégories, hyperactivité et problèmes d’attention, pour recevoir un diagnostic de TDAH.
Cependant, le CFTMEA ne précise pas un certain nombre ou combinaison de symptômes pour
atteindre le seuil (Vallée 97-98).
Il faut également considérer l’histoire de la psychanalyse en France. Freud a séjourné en
France plusieurs fois avant le tournant du siècle, où il était l’élève de Charcot, un neurologue
français connu. Pendant ses séjours, Freud a transmis des connaissances entre les pays
germaniques et la France (Carroy et al. 110). La réception de ses théories était ambivalente pour
plusieurs raisons. Tandis que la première traduction anglaise de Freud est apparue en 1909, la
première traduction française n’apparaîtrait que onze ans plus tard en 1920 (Carroy et al. 111).
Ce manque de traduction a engendré l’incompréhension et la méconnaissance de ses théories car
son langage était très précis et nuancé, même pour ceux qui parlaient allemand. En outre, une
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sorte de xénophobie a joué contre cet Autrichien. On s’est demandé si Freud était « trop éloigné
de l’esprit français » ; selon ces critiques, la psychanalyse se distinguait trop du rationalisme
(Sédat 24). En réalité, cette critique n’était qu’un prétexte pour la peur de l’influence étrangère
qui grandissait dans le domaine de la psychologie en France à cette époque. En outre, plus on
rejetait les théories de Freud, plus il est devenu amer. Par conséquent, plus il exprimait son
mécontentement avec la France, plus on a rejeté ses théories ; c’était un cercle vicieux (Sédat 5).
Dans les années 1910, une querelle s’est développée entre Freud et Pierre Janet, un autre
neurologue et psychologue notable en France. Janet n’a condamné la psychanalyse comme
discipline que dans la mesure où, selon lui, elle prétendait être scientifique. La citation suivante,
publiée dans le Journal de psychologie normale et pathologique en 1914, résume bien son
attitude envers la psychanalyse : « Plus tard, on oubliera les généralisations outrées et les
symbolismes aventureux qui aujourd’hui semblent caractériser ces études et les séparer des
autres travaux scientifiques, et on ne se souviendra que d’une seule chose, c’est que la
psychanalyse a rendu de grands services à l’analyse psychologique » (65). D’après lui, la
psychanalyse n’était pas sans valeur mais sa valeur avait bien des limites.
De se part, Janet se considérait comme un psychologue expérimental. Il s’opposait à
Freud parce qu’il était partisan de la psychologie pathologique française au lieu de la
psychanalyse. En réalité, ses recherches, basées sur l’observation, n’étaient pas si loin des
théories de Freud. Il a également parlé de l’inconscient dans ses œuvres, ce qui a provoqué un
conflit entre Freud et lui. Les deux étaient des élèves de Jean-Martin Charcot alors ils avaient
une formation similaire. Comme Janet avait traité l’inconscient avant Freud, il croyait que Freud
avait tiré profit de son idée (Carroy et al. 132-133).
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À la même époque, Jean Piaget a publié ses fameuses œuvres au sujet de l’enfant, plus
spécifiquement des stades cognitifs de l’enfant. Pour Piaget, l’enfant était égocentrique et
asocial. Il a étudie l’acquisition des connaissances chez l’enfant, comme le développement du
langage et la capacité des pensées abstraites. Henri Wallon, son contemporain, a travaillé sur le
même sujet mais il a souligné l’importance de l’environnement de l’enfant, surtout
l’environnement social. Pour Wallon, les interactions avec les autres étaient la source de
connaissances la plus importante chez l’enfant. Les travaux de Wallon et Piaget étaient tellement
notables que la psychologie de l’enfant fait penser d’abord à la psychologie française (Birns &
Voyat 325-27).
Pendant que les Américains semblaient s’écarter de la psychanalyse, en France Jacques
Lacan était en train de mener un retour à, ou une « relecture » de, Freud. Lacan, déjà un
intellectuel célèbre dans la société française, recueillait le soutien de ses interprétations de la
théorie psychanalytique de Freud, surtout pendant les années soixante. Sa relecture de Freud
consistait à des analyses de textes freudiens de la perspective philosophique du moment.
Autrement dit, Lacan a appliqué le structuralisme et le surréalisme aux théories freudiennes.
D’autres philosophes de l’époque ont profité de l’occasion de faire avancer leurs propres théories
au moyen de faire avancer la psychanalyse (Meyer 267-68). Se trouvant au milieu de théories
attirantes, Lacan a mélangé les doctrines de son époque : le surréalisme, le freudisme, le
marxisme et le structuralisme ont tous leur place chez lui (Roudinesco 112-113). Le
structuralisme, qui soutient que tout dans le domaine humain est construit et que le sens du
monde vient du langage, est particulièrement présent dans les œuvres de Lacan. Dans le contexte
du structuralisme, Lacan offre sa perspicacité quant à la structure de l’inconscient :
« l'inconscient est structuré comme un langage » (Lévy 7). Ses œuvres intègrent le contexte
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historique de la psychologie, l’esprit de son temps, et l’innovation française dans le domaine de
la philosophie.
Déjà connu dans le monde littéraire, Lacan s’est servi de ses dons littéraires pour
promouvoir la psychanalyse. Par exemple, il a écrit un livre qui a superposé le personnage
d’Emma Bovary à Aimée, une de ces études de cas. Ce livre se lit comme de la littérature
française plutôt que comme un article de journal médical, ce qui fait preuve de la prouesse
langagière de Lacan (Roudinesco 112-13). Grâce à la capacité de Lacan de saisir l’air du temps
dans ses écrits, le lacanisme a remplacé la psychanalyse traditionnelle en France.
Tandis que Freud a essayé d’établir un rapport entre la biologie et la psychiatrie, Lacan a
complètement rejeté la place de la biologie dans la psychiatrie (Meyer 264). Cette séparation
lacanienne s’est manifestée non seulement dans ses écrits mais aussi dans les changements
successifs de la formation des psychiatres en France. Auparavant, les psychiatres et les
neurologues avaient la même formation. À partir de 1968, la psychiatrie s’est séparée de la
neurologie dans les universités. Comme la nouvelle discipline universitaire de la psychiatrie a
mis l’accent sur les théories et les thérapies psychanalytiques, l’influence de la psychanalyse est
devenue la plus grande distinction entre les deux disciplines (Meyer 247-48).
Michel Foucault, philosophe français mais aussi psychologue, faisait partie du
mouvement structuraliste comme Lacan. Au cours de sa carrière Foucault est devenu un des
intellectuels principaux du mouvement antipsychiatrique. Il a repris à son compte l’argument de
Janet, qui avait décrit la psychanalyse comme un discipline qui se veut scientifique. Foucault, par
contre, a fait l’argument à l’envers. D’après lui, la psychologie n’est pas une discipline
scientifique. Ce qu’il admirait dans la psychanalyse, c’est qu’elle ne prétendait pas être
scientifique comme les autres théories psychologiques. La psychanalyse s’est déclarée
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subjective, fière d’être une « contre-science » (Carroy et al. 216-18). Ce mouvement contre la
psychiatrie a amplifié la séparation qui existait déjà entre la psychiatrie et la psychologie et a
influencé l’état actuel des deux disciplines en France.
La traduction relativement tardive de Freud en France en 1920 y a renforcé la résistance
contre les théories étrangères. Malgré ce retard, la psychanalyse a trouvé à la longue sa place
dans la société française. Il a fallu un grand intellectuel français, Jacques Lacan, qui a profité
d’une époque de révolution sociale pour revigorer la psychanalyse. Lacan est resté sous les feux
de l'actualité jusqu’aux années soixante-dix en compagnie des voix de grands philosophes tels
que Foucault. Cette deuxième vague de psychanalyse a encore un impact aujourd’hui puisque la
plupart des psychanalystes se considèrent toujours comme des Lacaniens et justifient la
séparation de la psychiatrie qu’a préconisée Lacan (Meyer 250).
Aujourd’hui cette lacanisation de la psychanalyse se traduit en des critiques du
cognitivisme et du comportementalisme en France. Pour illustrer les critiques françaises de
l’approche cognitivo-comportementale, on commencera par examiner les différences de la
prévalence du TDAH en France et aux États-Unis. Dans l’article « Why French Kids Don’t Have
ADHD », Marilyn Wedge, psychologue américaine, constate que la prévalence aux Etats-Unis
est de 9% tandis qu’en France elle est de 0.5%. Elle attribue cette divergence aux différences de
traitement : les traitements neurobiologiques par rapport aux traitements psychosociaux. Elle
croit que les traitements psychosociaux sont souvent des traitements précoces qui aident les
enfants hyperactifs et donc les empêchent de recevoir un diagnostic du TDAH plus tard. Par
ailleurs, il y a des études, comme celle de Faraone et al. en 2003, qui soulignent que la plupart
des études sur le TDAH viennent des Etats-Unis. Dans cette étude, on a imposé les standards des
diagnostics du DSM-IV et du ICD-10 aux enfants de 20 autres pays occidentaux afin de voir si le
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TDAH était véritablement une « maladie américaine », c’est-à-dire que les enfants américains
souffraient plus que d’autres enfants du TDAH. Ils soutiennent que la société américaine n’a pas
créé le TDAH, mais l’association entre les Etats-Unis et le TDAH est plus saillante que dans
d’autres pays en raison du nombre d’études américaines sur le TDAH (104). L’étude de
Lecendreux et al. (2011) a trouvé que selon les critères du DSM-IV, entre 3.5% et 5.6% des
enfants français répondent aux critères pour le TDAH. Dans la même étude, on estime que la
prévalence est de 3.4% aux États-Unis et de 3.9% en Italie—des chiffres similaires à celui en
France (522). Ces résultants indiquent que les différences dans les estimations de prévalences
viennent des différences de diagnostics au lieu de différences de symptômes (516). Le TDAH est
partout mais sa prévalence dans tel ou tel pays dépend de la façon dont on définit et nomme ce
qui est maladaptif.
Wedge prétend aussi que le choix de manuel diagnostic a un effet sur la prévalence ; le
CFTMEA recommande des traitements thérapeutiques tandis que, dit-elle, le DSM conseille des
traitements biologiques. Aux Etats-Unis, elle continue, on voit le TDAH comme une maladie
avec des bases biologiques que l’on peut soigner avec des méthodes biologiques, comme
l’ordonnance des stimulants. Mais en réalité, le DSM ne donne pas de conseils en ce qui
concerne le traitement des maladies mentales : ce n’est qu’un manuel pour les diagnostiquer, non
pas pour les traiter. Néanmoins, on associe le DSM à l’image de la psychiatrie américaine et
selon Wedge, la psychiatrie américaine ne considère pas le contexte social d’un enfant qui a des
symptômes du TDAH. Elle croit que les médecins français reconnaissent ces symptômes plus tôt
parce qu’ils considèrent l’environnement de l’enfant et que, par conséquent, ces enfants
reçoivent des traitements plus tôt qu’aux États-Unis et que cette intervention précoce empêche
un diagnostique formel du TDAH plus tard. Elle mentionne aussi des facteurs nutritionnels que
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l’on considère plus en France et la différence de l’éducation des enfants dans les deux pays.
Wedge soutient qu’en général, les Français donnent plus de règles aux enfants, un « cadre » strict
qui leur apprend la maîtrise de soi. D’après elle, puisque les enfants français apprennent la
maîtrise de soi très jeune, ils se comportent « mieux » que les enfants américains. Cependant,
elle ne fournit pas d’anecdotes ou d’études qui soutiennent son hypothèse que les enfants
français se comportent « mieux » que les enfants américains dans la vie quotidienne et donc il
faut constater que ses assertions restent très subjectives.
L’ordonnance des psychotropes aux enfants est un sujet controversé dans les deux pays.
Une grande partie de la critique du traitement du TDAH aux Etats-Unis tourne autour de
l’ordonnance des stimulants aux enfants. Aux Etats-Unis, 4.3% des enfants prennent des
stimulants. Une étude par Kovess et al. a examiné le taux d’ordonnances des psychotropes aux
enfants en France. Les auteurs ont trouvé que le taux de consommation de stimulants par les
enfants en France est seulement de 0.2%. Même par rapport aux autres pays occidentaux, les
Etats-Unis prescrivent de loin le plus de stimulants. Aux Pays-Bas, le taux est de 1.2% et en
Allemagne il est de 0.7%. En général, les enfants français prennent moins de psychotropes que
les enfants américains. Selon Kovess et al., on en prescrit moins parce qu’on craint les effets
secondaires dont on en sait peu à présent (168). Néanmoins, on donne plus d’anxiolytiques et
d’hypnotiques aux enfants en France qu’aux Etats-Unis (2% et .65% respectivement) (171). En
outre, les taux d’ordonnance d’antidépresseurs et d’antipsychotiques sont comparables aux autres
pays européens (172). Peut-être que la résistance française aux stimulants est à la base une
résistance au diagnostic d’une « maladie américaine ». Sinon, pourquoi hésiter à prescrire les
stimulants quand on prescrit assez libéralement les anxiolytiques ? En effet, les deux classes de
médicaments ont des effets secondaires que l’on ne comprend toujours pas.
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Tandis que les enfants français consomment moins de psychotropes que les enfants
américains, pendant longtemps les adultes en France en consommaient plus que dans n’importe
quel autre pays. Actuellement, la France n’est plus en tête mais elle consomme plus de
psychotropes que ses voisins européens (Inserm 31). Pourquoi la France consomme-t-elle
tellement de psychotropes (surtout des antidépresseurs et anxiolytiques) ? Les critiques
françaises de cette surconsommation offrent plusieurs explications : peut-être que les Français
ont une caractéristique particulière qui les motive à chercher le plaisir et le bonheur ou peut-être
que la culture américaine a tiré profit de ce désir en le commercialisant dans la forme de pilules
(Willging 17). Comme le dit Patrick Légeron, médecin-psychiatre à l’Hôpital Sainte-Anne, en
France il n’y a « rien entre le Prozac et le divan ». Autrement dit, la France offre aux gens avec
les maladies mentales les médicaments ou la psychanalyse : rien entre les deux. Il associe le haut
taux de consommation des psychotropes en France au manque d’accessibilité aux TCC. Quand la
psychanalyse ne réussit pas à soigner un tel patient, il cherche la seule alternative qu’on lui
offre : les médicaments (Meyer 292-93). Quelle que soit la position que l’on prend dans
l’argument, un point commun émerge : l’importance de l’identité française dans le domaine de la
santé mentale.
En gros, ceux qui s’opposent à l’ordonnance des psychotropes—Français et
Américains—pensent que ces médicaments ignorent les besoins de l’individu. En effet, les
psychotropes ne traitent pas les causes d’une maladie mentale mais seulement les symptômes.
Pour les psychanalystes, il est impossible de soigner un patient sans trouver les causes de sa
maladie. Les médicaments et les thérapies cognitivo-comportementales sont une solution rapide
mais non pas une solution durable. Cela s’accorde bien avec l’image clichée des Américains qui
cherchent toujours un raccourci.
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Pour comprendre une autre critique des TCC, il faut comprendre le contexte de L’Anti-livre
noir de la psychanalyse. L’Anti-livre noir de la psychanalyse est une réponse à Le Livre noir de
la psychanalyse, un livre qui est sorti en 2005 et qui se compose de chapitres écrits par différents
psychologues et psychiatres de l’école cognitivo-comportementale. Le Livre noir de la
psychanalyse consiste de plus de 800 pages qui essayent d’expliquer pourquoi la psychanalyse
est toujours courante en France mais non pas dans le reste du monde (avec l’exception de
l’Argentine). Ses auteurs attaquent les arguments des psychanalystes et préconisent l’importance
d’une psychologie basée sur les preuves. Ils considèrent que la psychanalyse est une forme
d’obscurantisme et ils essayent d’exposer ce qu’ils considèrent comme ses secrets. En réponse,
les auteurs de L’Anti-livre noir de la psychanalyse ont mené une attaque contre le cognitivocomportementalisme.
Dans L’anti livre noir de la psychanalyse, Hélène Deltombe, psychologue et psychanalyste,
décrit la perspective psychanalytique sur les TCC : « Les TCC sont l’arbre qui cache la forêt : la
forêt de l’inconscient, de la répétition, de la pulsion et du transfert, derrière l’arbre minuscule
d’un trouble qui n’a plus le droit de faire signe d’un sujet dans son rapport à l’objet » (42).
Autrement dit, il ne faut pas supprimer les symptômes parce qu’elles sont des indices qui nous
aident à comprendre nos problèmes au niveau inconscient. Elle continue dans une direction de
plus en plus radicale, traitant finalement les TCC de « lavage de cerveau que l’on applique à soimême » (42).
Pour Hélène Bonnaud, psychanalyste à Paris et membre de l’École de la Cause
Freudienne, le désir de la conformité explique le succès des TCC : « Dans notre culture
aujourd’hui tout le monde veut être pareil, tout le monde veut être dans la norme et donc
LaHote18
l’approche comportementale, elle répond parfaitement à ça » (entretien avec l’auteur). Pour la
psychanalyse,
Il n’y a pas… comme les jeunes cherchent aujourd’hui… une méthode clé en
main. Chaque sujet est diffèrent et pour chaque sujet il y a une mise en jeu dans
l’analyse… évidemment il y a une méthode mais ce n’est pas une méthode au
sens qu’on le verrait en médicine, par exemple.
Selon elle, la société moderne—qui est une société mondiale—nous encourage à chercher des
méthodes et des explications concrètes. L’abstrait nous met mal à l’aise.
Les commentaires de Foucault sur la différence entre la psychologie et la psychanalyse
réapparaissent dans l’opposition aux TCC. Pour lui, la psychanalyse a du mérite parce qu’elle ne
feigne pas d’être scientifique ou empirique comme les autres approches psychologiques, qui ne
sont pourtant pas capables de l’être. De façon similaire, l’opposition aux TCC est à la base
l’opposition au positivisme, courant philosophique fondé, ironiquement, par un Français,
Auguste Comte. Le positivisme affirme que toute connaissance vient des données dérivées de
l’observation. Comte était un sociologue qui pensait que la méthode scientifique devrait être
appliquée aux sciences sociales et non seulement aux sciences dures (Feigl, « Positivism »). Le
positivisme scientifique prétend que « la science est capable de décrire sans interpréter » (Miller
169). Cela est le problème sous-jacent : deux perceptions distinctes du monde et de l’étude de
l’Homme. Yves Cartuyvels, ancien doyen de la faculté de droit et facultés universitaires SaintLouis en Belgique, résume cette dualité dans le contexte de la psychanalyse et du
comportementalisme de la manière suivante :
On est certainement confronté à deux visions différentes de l’humain. D’un côté,
un sujet pris dans le langage, renvoyé à sa liberté et sa vérité, invité à questionner
LaHote19
le sens de son histoire et à interroger sa part de responsabilité dans ce qui lui
arrive. Un sujet marqué par le manque et le désir, une part d’incontrôlable qui le
rend inapte à être totalement éduqué, contrôlé, normé. De l’autre, une vision de
l’individu comme « mammifère social », oscillant entre self-mangement et selfcontrol, dominé par la quête du bien-être, de l’efficacité et de l’efficience, quitte à
se maintenir dans l’illusion si la stratégie est payante. Un acteur rationnel, capable
de calculs coûts/bénéfices, en mesure de combler ses manques, individu que l’on
peut éduquer au bonheur grâce à des protocoles dont les normativités implicites
ne sont pas interrogées. Là ou la psychanalyse propose une vision de l’homme qui
résiste à la planification autoritaire—on sait (et on comprend) qu’elle n’a jamais
été aimée par les projets politiques totalitaires—, l’approche cognitivocomportementaliste propose une vision beaucoup plus fonctionnelle et normative.
(Miller 179-80)
Dans cette estimation on trouve une séparation entre le rationalisme et le positivisme. Le
rationalisme soutient que certaines connaissances sont innées, comme l’intuition. On n’a pas
besoin de réflexion consciente pour avoir l’intuition, elle existe déjà au niveau inconscient. De
manière similaire, la psychanalyse dépend de l’inconscient : une force puissante mais impossible
à quantifier. De l’autre coté, le positivisme affirme que toute connaissance vient de ce qu’on peut
observer, comme un comportement où une réaction au niveau neurobiologique. Naturellement,
les psychanalystes ont tendance à rejeter le positivisme en faveur du rationalisme parce que pour
eux, ce qui est la plus importante n’est pas du tout visible sur la surface ou même avec de la
technologie. De cette façon, ils rejettent les traitements qui essaient de généraliser les
expériences de l’individu afin de quantifier ses symptômes : les psychotropes et les TCC.
LaHote20
L’autisme illustre un autre cas où des théories psychanalytiques et comportementales sont
particulièrement en désaccord. Selon les psychanalystes, l’autisme est une forme de psychose qui
se développe en réponse à une mère froide (Meyer 508-20). C’est ainsi que le but du traitement
est d’aider l’individu à sortir de cette psychose. En revanche, les théories comportementales
considèrent l’autisme comme un trouble envahissant du développement (TED) qui a des bases
biologiques (American Psychiatric Association). Typiquement, une différence de catégorie
diagnostique veut dire qu’il y a aussi une différence entre la manière dont on soigne l’individu.
Une psychose n’est pas une maladie que l’on pense pouvoir soigner dans un environnement
scolaire tandis qu’un TED l’est. On fait des accommodations pour des enfants qui souffrent de
troubles d’apprentissage afin de les aider à fonctionner à l’école le mieux possible. La
perspective comportementale applique les mêmes principes à l’autisme. Pour les
comportementalistes, la meilleure approche est d’intégrer les enfants autistes dans les classes
typiques, les accommodant où nécessaire. On ne s’attend pas aux instituteurs et aux institutrices
d’intégrer des enfants qui souffrent d’une psychose, comme la schizophrénie, dans leur classe.
En novembre 2003, le Comité européen des Droits sociaux et le Conseil de l’Europe,
deux organisations qui font campagne pour les droits de l’homme, ont condamné la France pour
ne pas avoir rempli son devoir dans l’éducation et le traitement des personnes autistes. Selon ce
comité, le manque d’intégration des personnes autistes dans le système scolaire et le manque
d’institutions spécialisées violaient les termes de la Charte sociale européenne, une charte qui
protègent les droits de l’homme en Europe (Conseil de l’Europe, « La Charte sociale
européenne »). La critique la plus évidente était le manque d’intégration dans le système scolaire
pendant les derniers vingt ans. Les enfants autistes ne suivent pas les mêmes cours que les autres
LaHote21
enfants, ce qui les prive, selon cette critique, des occasions importantes à l’école et au-delà du
système éducatif.
Ce rapport a également souligné l’insuffisance des institutions spécialisées pour les
adultes autistes. D’abord, selon lui, il n’y avait pas assez d’institutions. En plus, ceux qui
existaient étaient souvent inefficaces. Beaucoup de gens qui y habitaient ont reçu des traitements
inappropriés ou inefficaces. Le rapport a également noté que la France utilisait une définition
plus stricte de l’autisme que celle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Avec la
définition de l’OMS, il était possible de diagnostiquer un enfant autiste dès l’âge de dix-huit
mois. D’ailleurs, un enfant qui reçoit un diagnostic de l’autisme avant son deuxième anniversaire
a de meilleures chances de vivre avec moins de symptômes que s’il était plus âgé. Par contre, la
France a gardé ses termes de diagnostic selon le CFTMEA, ce qui a classifié l’autisme comme
une psychose infantile jusqu’à 2004 (Grinker 98).
Suite à ces critiques, la Ministère de la Santé a mis en place trois plans pour
l’amélioration des traitements de l’autisme : le premier de 2005 à 2007, le deuxième de 2008 à
2010 et le troisième de 2013 à 2017. Le troisième plan se divise en cinq objectifs majeurs :
diagnostiquer et intervenir précocement, accompagner tout au long de la vie, soutenir les
familles, poursuivre les efforts de recherche et former l’ensemble des acteurs (Carlotti 3). Ce
plan souligne l’importance du rôle de l’éducation et des traitements basés sur les preuves en
préconisant :
les interventions pédagogiques, éducatives et thérapeutiques [qui] se réfèrent aux
recommandations de bonnes pratiques de la HAS [la Haute Autorité de la Santé]
et de l’ANESM [l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des
établissements et services sociaux et médico-sociaux]… réalisées par une équipe
LaHote22
associant enseignant et professionnels médico-sociaux, dont les actions sont
coordonnées et supervisées. (Carlotti 7)
La HAS ne recommande plus la psychanalyse comme traitement pour l’autisme depuis 2012.
Comme la HAS ne la recommande plus, selon le Troisième Plan, le gouvernement français ne la
recommande pas non plus, une position qui contredit celle que le gouvernement a prise en 2004.
En 2014, dans le cadre de ce plan, le gouvernement français a créé 986 nouvelles places
pour des spécialistes dans l’accueil et l’accompagnement de personnes avec l’autisme (Carlotti
8). Malgré cet effort, le Conseil de l’Europe a condamné la France à nouveau en 2014 pour des
raisons qui ressemblaient beaucoup à celles de la condamnation de 2004. Quoique le
gouvernement français ne soutienne plus la psychanalyse comme traitement pour l’autisme,
l’assurance sociale rembourse toujours la psychanalyse quand un psychiatre dans le secteur
public la mène (Davidson 113-14). Par conséquent, la psychanalyse persiste ; le gouvernement
continue de la soutenir financièrement.
La question de ce qui est la « meilleure » approche provoque également la question de
comment on la détermine. Pour cette raison, le débat parmi les psychiatres et psychologues s’est
éclaté en France à la suite d’un rapport publié par l’Institut national de la santé de la recherche
médicale (Inserm). Ce rapport, sorti en février 2004, évalue l’efficacité des trois types de
psychothérapie : la psychothérapie psychanalytique, la psychothérapie cognitivocomportementale, et la psychothérapie familiale. Les chercheurs ont mené une méta-analyse afin
de démontrer l’efficacité générale de ces trois types de psychothérapie et d’examiner quelle
psychothérapie est la plus efficace pour chaque diagnostic spécifique. Le rapport reconnaît que
les écoles de pensée différentes mesurent (ou ne mesurent pas dans le cas da la psychanalyse) le
LaHote23
progrès d’un patient différemment, mais les auteurs justifient leur choix de méthode en
choisissant ce qu’ils considèrent comme la mesure la plus simple :
La description des pathologies cibles et la définition des objectifs thérapeutiques
peuvent être différentes selon les études en fonction des cadres théoriques sousjacents aux approches psychothérapiques. Cela peut rendre les comparaisons
difficiles entre les traitements. Néanmoins, dans la mesure où une thérapie est
proposée pour un syndrome donné, l’amélioration de ce syndrome peut constituer
un standard commun pour évaluer différentes thérapies. (INSERM 1)
Néanmoins, ce qui constitue « l’amélioration » n’est pas universel ; elle dépend des mesures que
l’on choisit. Cette description reconnaît les différentes approches théoriques mais elle justifie son
objectivé d’une manière très vague. Dans le cadre de cette étude, seize maladies mentales ont été
examinées au total selon ces critères. Pour quinze maladies sur seize, la psychothérapie
cognitivo-comportementale a été plus efficace que la condition de groupe-témoin placé sur la
liste d’attente. La psychothérapie familiale a été efficace pour cinq, et la psychothérapie
psychanalytique a démontré son efficacité pour une des maladies : les troubles de la personnalité
(Meyer 332).
Après sa sortie, certains psychologues ont prétendu qu’on a délibérément manipulé les
résultats de l’enquête afin d’invalider les psychothérapies psychanalytiques. Dans un article
publié dans Le Monde, journaliste Catherine Vincent souligne le scepticisme des psychanalystes
envers cette étude. Elle répète leur objection à la méta-analyse. Selon eux, cette méta-analyse se
compose d’études qui ont pour but de démontrer l’efficacité des TCC. De façon logique, leurs
méthodes d’évaluations viennent des diagnostiques et des mesures de progrès qui correspondent
à la théorie cognitivo-comportementale. Certains psychanalystes, comme le psychiatre Olivier
LaHote24
Lehembre, ont également noté que la plupart des études de la méta-analyse sont des études
menées à l’étranger. Pour le docteur Lehembre, la plus grande présence de la psychanalyse en
France reflète non seulement une différence théorique de la psychologie française par rapport
aux pays étrangers, mais aussi une différence de pratiques. Il suggère que les pratiques de la
psychanalyse française sont meilleures que celles de la psychanalyse dans les pays étrangers. Par
conséquent, on ne peut pas généraliser les résultats des études étrangères en les appliquant à la
France. C’est une défense de la psychanalyse à la française, dite la psychanalyse supérieure.
En outre, beaucoup de psychanalystes s’opposent aux évaluations quantitatives des
traitements psychologiques. Peut-on vraiment mesurer le progrès d’un patient qui suit une
psychothérapie ? Cela est la question sous-jacente du grand débat. La plupart des psychanalystes
diraient que non, que l’on est limité aux approches qualitatives et que les maladies mentales se
distinguent des maladies physiques. Du point de vue psychanalytique, c’est le rapport entre le
sujet et son monde qui change et on ne possède pas d’outils pour quantifier ce changement. La
psychanalyse ne promet pas de soigner ces patients : le but principal est de leur faire se
comprendre (Meyer 330). De point de vue de Hélène Bonnaud, psychanalyste, « On n’a pas
d’autre moyen que de croire au sujet. C’est lui qui dit. C’est lui qui sait tout... les effets
thérapeutiques dans la psychanalyse, ils sont presque toujours au rendez-vous mais c’est pas non
plus le seul but de la psychanalyse. C’est pas de guérir à tout prix » (entretien avec l’auteur)
Un an après la sortie du rapport, le dialogue entre les psychanalystes et les partisans de la
TCC a provoqué une réaction du ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy. En février 2005,
juste après un rendez-vous avec des membres de l’Ecole lacanienne de la cause freudienne, il a
publié la déclaration suivante : « Les faits et les études que vous nous présentez ne nous
intéressent pas, car on ne peut évaluer la souffrance. D’ailleurs on ne peut pas non plus définir le
LaHote25
concept de la souffrance » (Meyer 296). Il semblerait donc qu’il n’y ait pas que les
psychanalystes qui croient que la psychanalyse fonctionne au-delà des standards scientifiques. La
Ministère de la Santé a retiré le rapport de son site, rassurant les psychanalystes que la ministère
les écoutait. De cette manière, la psychanalyse démontre son importance en France : elle est
même capable d’influencer des décisions politiques. Symboliquement, le ministre a pris la partie
des psychanalystes. La censure du rapport, après que l’on l’avait déjà publié sur le site de la
ministère, montre que les exigences des psychanalystes ont changé sa position sur le problème.
Quoi qu’il ait gagné le soutien des psychanalystes, on a accusé le ministre d’avoir des
motivations financières et politiques pour la censure de ce rapport car il ne l’a fait qu’après
beaucoup de lobbying de la part des psychanalystes. Ces accusations apparaissent être infondées
et les motivations du ministre restent ambiguës. En tout cas, en prenant la partie des
psychanalystes, il a suggéré que les sciences sociales n’ont pas la capacité d’être empiriques ;
selon ses remarques, elles ne feraient jamais partie de la médecine basée sur les preuves. Cette
notion paraît ironique, parce que deux ans auparavant le ministre avait soutenu le mouvement
des parents et des patients qui exigeaient une telle évaluation des traitements
psychothérapeutiques (Meyer 331-32).
Cette censure a provoqué des réactions de plusieurs associations scientifiques, parmi
lesquelles le Syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS) et la Fédération française de
psychiatrie (FFP). Le SNCS a remarqué que puisque le ministre lui-même avait préconisé cette
étude, il aurait dû demander une contre-expertise s’il n’était pas content des résultats. La FFP a
parlé de la relation entre ce rapport et le processus scientifique en général, disant qu’un seul
rapport n’annule pas tous ceux qui l’ont précédé. Ce rapport, a-t-elle insisté, ne constituait
qu’une partie de la documentation ; il n’aurait pas dû prétendre être le dernier mot sur la
LaHote26
psychothérapie comme il l’a fait. Malgré cette critique de la présentation du travail de
l’INSERM, la FFP a dénoncé sa censure. Selon elle, dans le domaine de la science, on ne
censure pas un rapport parce qu’on n’est pas d’accord avec ses conclusions (Vincent). D’autres
réponses se sont produites en raison du débat, comme Le Livre noir de la psychanalyse et L’Antilivre noir de la psychanalyse.
Le dialogue entres les psychanalystes et les cognitivo-comportementalistes a continué en
2011 quand Sophie Robert, ancienne psychanalyste, a dénoncé la psychanalyse dans son
documentaire intitulé Le Mur : La psychanalyse à l’épreuve de l’autisme. Tout au long du
documentaire, Robert interviewe plusieurs psychanalystes. Elle raconte l’histoire de deux jeunes
Français autistes qui ont reçu des traitements différents. Un des garçons, Julien, a été soigné par
la psychothérapie psychanalytique. L’autre, Guillaume, a reçu Applied Behavioral Analysis, un
traitement qui fait partie de la Médicine basée sur les preuves (Evidence Based Medicine)
(Slocum et al. 41). Guillaume semble fonctionner au même niveau que ses pairs sur le plan social
et intellectuel tous les deux. Julien, par contre, est non-verbal et il a passé six années dans un
hôpital psychiatrique. Après la sortie de ce documentaire, certains psychanalystes ont attaqué la
représentation de la discipline par Robert. Trois des psychanalystes que Robert a interviewés ont
prétendu que leurs remarques ont été sorties de leur contexte. Cela a mené à un procès qui a
entraîné la censure du documentaire en janvier 2012 (Jolly et Novak). A la fin on est revenu sur
cette décision mais seulement deux ans après la décision originale (Vincent).
Bien que les psychanalystes aient tenté de discréditer Robert, le procès a plutôt attiré
l’attention du public sur le documentaire et ses implications. Les parents français ont exprimé
leur frustration avec la psychothérapie psychanalytique et leur rancœur envers la perspective
lacanienne de l’autisme, qui, selon eux, blâme la mère de l’enfant. De plus, on a vu la censure
LaHote27
d’une critique publique de la psychanalyse pour la deuxième fois en une décennie : d’abord le
rapport de l’INSERM et puis Le Mur. Encore une fois, la force de la psychanalyse s’était révélée
en France. Aux Etats-Unis, un tel documentaire aurait peut-être provoqué un débat similaire mais
il est peu probable qu’il soit censuré. Naturellement, le rapport de l’INSERM a resurgi comme
sujet de débat ainsi que le rapport du Conseil de l’Europe. Pourquoi la France—y compris ses
hommes et femmes politiques et ses juges—défend-elle à ce point la psychanalyse ? Que
représente-elle pour les Français ?
Dans d’autres débats politiques en France, on retrouve aussi des traces de théories
psychanalytiques, notamment en ce qui concerne la question de l’homoparentalité et les
méthodes de reproduction alternatives, qui expliquent mieux la valeur symbolique de la
psychanalyse pour les Français. En 2000, 38% des Français pensaient qu’un enfant élevé par
deux parents du même sexe pourrait « s’épanouir de la même manière » qu’un enfant qui grandit
dans une famille hétérosexuelle. En 2012, ce chiffre est monté à 54% (IFOP 27). Aux États-Unis,
un sondage de Gallup en 2000 a trouvé que 46% des Américains étaient favorables à la
légalisation de l’homoparentalité, par rapport à 61% en 2012 (Newport). On voit la même
progression vers la légalisation dans les deux pays, mais elle arrive plus lentement en France. De
cette façon, la France se distingue de la majorité des pays voisins qui ont légalisé
l’homoparentalité plus tôt, comme l’Espagne en 2005 où la Grande Bretagne en 2002 (Schneider
et Vecho 75).
Ce retard relatif par rapport au soutien de l’homoparentalité nous intéresse
particulièrement parce que la France est un pays laïc avec une histoire de politiques progressistes
en ce qui concerne le mariage et la sexualité. Quand on se demande ce qui peut l’expliquer, on
doit réfléchir encore une fois à la question de l’influence de la psychanalyse. Bien qu’il y ait
LaHote28
d’autres facteurs qui aident à expliquer ce retard, on ne peut pas ignorer son rôle dans le débat. Il
y a des arguments moraux, religieux, et traditionalistes contre les droits des homosexuels qui ne
sont pas particuliers à la France, mais en France certains opposants de l’homoparentalité citent
les théories structuralistes et psychanalytiques de Claude Lévi-Strauss et de Jacques Lacan. En
général, les structuralistes croient qu’il y a des structures mentales sous-jacentes qui créent notre
société. Ils essayent de découvrir comment les aspects de notre société font partie de cette
structure. Dans le contexte de l’homoparentalité, certains prétendent que la famille
hétérosexuelle est la base de la société. Par conséquent, un enfant qui ne grandit pas dans cet
environnement risque d’être mal-adapté à la société. En outre, si beaucoup d’enfants grandissent
sans cette base, on risque de détruire la société. Ces arguments viennent bien sûr des lacaniens,
mais aussi des membres du public, des juges et des législateurs français (Robcis 1). Dans ce
débat plusieurs groupes et individus font appel à la psychanalyse pour défendre leur opposition.
Sur le site-web de la Manif Pour Tous, un groupe activiste qui s’oppose à la légalisation
du mariage homosexuel et de l’homoparentalité, on trouve la citation suivante :
Ce projet [de légalisation] entend ainsi supprimer légalement l’altérité sexuelle et
remettre en cause le fondement de l’identité humaine : la différence sexuelle et la
filiation en résultant. Il ouvre la voie à une nouvelle filiation « sociale », sans
rapport avec la réalité humaine. Il crée le cadre d’un nouvel ordre
anthropologique, fondé non plus sur le sexe mais sur le genre, la préférence
sexuelle.
La mention de « l’ordre anthropologique fondé… sur le sexe » fait référence aux théories de
Lévi-Strauss, structuraliste et anthropologue français. Pour la Manif pour tous, les théories de
Lévi-Strauss reflètent la réalité humaine, même « l’identité humaine ». Ses membres craignent le
LaHote29
bouleversement de la société telle qu’ils la voient. D’après Lévi-Strauss, la différence sexuelle
produit la société telle qu’elle est. La base de la société se trouve dans le partenariat des deux
sexes parce que quand on cherche un partenaire et on se reproduit, on crée des liens à la fois
biologiques et sociaux parmi les êtres humains. Comme il y a un tabou contre l’inceste, il faut
élargir notre cercle social pour propager l’humanité (Robcis 84). Selon ces théories, pour la
survie de l’Homme, on a besoin de relations hétérosexuelles : c’est un fait universel qui
transcende les époques et les frontières.
Lacan, comme Lévi-Strauss, était structuraliste. Par conséquent, il réitère l’importance de
la différence sexuelle en soulignant le rôle du père. Il utilise le complexe d’Œdipe, une théorie
freudienne qui prétend qu’un jeune garçon désire sa mère et donc qu’il voit son père comme un
ennemi. Dès qu’il apprend à refouler ce désir, il comprend la différence sexuelle et il accepte les
règles de la société (Robcis 88). Pour les filles, l’équivalent de cette théorie, où la fille désire son
père, est le complexe d’Electre. Chez Lacan, l’hétérosexualité ne reflète que la nature biologique
de l’être humain ; elle s’allie avec le tabou contre l’inceste et le complexe d’Œdipe pour faire
émerger les règles de la société. Le père et la mère, selon le sexe de l’enfant, sont soit l’objet du
désir interdit, soit l’obstacle pour l’enfant qui désire l’autre parent. Dans les deux cas, les parents
sont les premiers modèles de l’autorité et des interdictions au niveau social (Robcis 93-101).
Selon Lacan, un enfant qui ne vit pas le complexe d’Œdipe sera perdu dans le monde et
aura des problèmes psychologiques plus tard. Bien que la plupart des psychologues français ne
s’opposent pas à l’homoparentalité—même pas la plupart des psychanalystes—certains d’entre
eux soulèvent des arguments contre elle basés sur la psychanalyse lacanienne. Ils soutiennent
qu’on ne peut pas changer les règles de la filiation parce qu’elles sont universelles et invariables.
Si on change ces règles, on condamne certains enfants au mieux à une vie difficile et au pire à la
LaHote30
folie—et cela n’est qu’au niveau individuel. Une génération élevée sous cette nouvelle structure
risque de déstabiliser la société, car ces individus n’arriveront jamais à émerger du stage du
complexe d’Œdipe (Schneider et Vecho 77). Chez Lacan, cela veut dire que ces individus
n’entreront jamais dans le Symbolique, dans le langage, et alors dans la société humaine.
Dans les débats publics à propos de l’homoparentalité, il y a des arguments qui
mélangent des idéaux catholiques, structuralistes, et républicains. Dans The Law of Kinship :
Anthropology, Psychonalaysis, and the Family in France, Camille Robcis, professeur de
l’histoire européenne à Cornell University, affirme que la force de l’opposition à
l’homoparentalité en France est le résultat de l’union entre le républicanisme et le structuralisme
(215-16). Elle commence à décrire cette union d’une perspective traditionaliste qui mélange
l’argument catholique et l’argument républicain. Christine Boutin, une femme politique
conservatrice, a souligné le lien entre les deux, disant : « Je suis députée, je défends la
République et ce qui fonde son unité: le mariage républicain est un grand succès de la
Révolution, il est ouvert à chacun, quelles que soient sa race, son intelligence, sa richesse. » Elle
précise que quand elle dit « le mariage républicain » elle veut dire le mariage hétérosexuel. Elle
trouve que le mariage marche déjà avec les idéaux républicains français parce qu’il est ouvert à
« chacun » sans être « contre la nature » (Grosjean). Dans l’Ancien Régime, le mariage était
plutôt une étape dans la vie au lieu d’un choix libre. Autrement dit, le mariage républicain
représente les moraux français qui datent de la Révolution française. Robcis mentionne
également le mélange des rhétoriques catholiques et structuralistes qui s’oppose au mariage
homosexuel et l’homoparentalité pour des raisons religieuses que les partisans justifient avec des
arguments structuralistes. D’après eux, le modèle d’un couple se compose d’un homme et d’une
LaHote31
femme qui ont le potentiel d’être père et mère : c’est le cas aux yeux de Dieu et aux yeux de la
société (244-45).
Il y a certains arguments contre le mariage homosexuel et l’homoparentalité qui citent
Lacan explicitement, comme celui de Michel Schneider, psychanalyste et administrateur public
pendant les débats sur le mariage homosexuel. Dans son article « L’État comme semblant »
publié en 2003, il unit les théories de Lacan et le concept de l’universalisme français.
Mais l’aspect principal de l’apport de Lacan à une psychopathologie du lien
politique concerne sa théorie du symbolique. Après lui et grâce à lui, je donne à
ce mot un sens très simple : la part de l’Autre en nous, le rappel que vivre c’est
vivre ensemble selon des règles transmises et non choisies. Le symbolique, c’est
exactement le contraire de : « Je ne m’autorise que de moi-même. » Dans un
système symbolique, les liens ne résultent pas de l’action volontaire des individus,
ils les précèdent par une tradition et font peser sur eux une contrainte. Relève de
l’ordre symbolique ce qu’on ne peut changer, quoi qu’on en ait : le nom, les
règles de filiation, la langue, la grammaire, la différence des sexes, la finitude de
la vie. On ne choisit pas le nom qu’on porte, les parents qu’on a, la langue qu’on
parle et les règles qui la gouvernent, la place qu’on tient dans la différence des
sexes, la mort qu’on rencontre l’heure venue. Le symbolique, c’est ce qui est plus
grand et plus puissant que nous, plus ancien et plus durable. Ce qui n’est pas à
nous, ce qui n’est pas nous, mais ce sans quoi nous ne saurions être. S’il restreint
la liberté des choix, il accroît aussi cette vraie liberté qu’est le désir. Les choses
qu’on ne choisit pas ont un grand avantage : elles nous protègent de nos pulsions
LaHote32
et de nos pensées les plus primitives. Elles survivent à l’agression et à la
culpabilité, et par cela même les limitent. (48)
Là, il invoque des aspects de la philosophie française classique, surtout les idées de Rousseau.
On sacrifie des aspects de notre liberté à la symbolique comme on le fait au gouvernement : on
désire et on cherche l’ordre social. Selon lui, les homosexuels doivent sacrifier le droit de se
marier et d’avoir des enfants pour maintenir cet ordre social. De plus, il dit qu’il faut se
soumettre à l’ordre symbolique parce qu’il nous protège de nous-mêmes et de nos « pulsions ».
D’après lui ce n’est même pas que l’on ne doit pas changer les règles, c’est que ce n’est pas
possible. L’ordre symbolique est une force plus puissante que nous et hors notre contrôle. En
suivant cette logique, les limitations sur le mariage nous libèrent au lieu de nous freiner.
Ces arguments au sujet du mariage homosexuel seront relancés dans les débats sur
l’homoparentalité. Pourquoi sont-ils si attirants pour une partie de la population française ?
Une partie de l’explication consiste de la manipulation des arguments auparavant menés par des
grands intellectuels français, ce qui a de l’attrait pour certains Français. Certains entendent des
principes qu’ils associent aux symboles de la Patrie (comme les paroles de Rousseau ou de
Lacan) et cela provoque une réponse patriotique : ils croient à l’argument sans questionner sa
logique. Pour des individus et des groupes qui s’opposent déjà au mariage homosexuel et à
l’homoparentalité, comme par exemple les traditionalistes et certains Catholiques, la
psychanalyse peut fonctionner comme la preuve scientifique de leur argument : une sorte
d’expertise que la plupart du monde ne possède pas et qui justifie leurs positions morales. En
réalité, les études scientifiques nord-américaines démontrent qu’il n’y a aucune différence
notable entre les enfants élevés par des parents hétérosexuels et ceux élevés par des parents du
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même sexe en ce qui concerne l’identité sexuelle, le développement psychosocial et cognitif, les
relations sociales et familiales, et les risques d’abus (Schneider et Vechor 78).
Françoise Héritier, anthropologue et successeur de Lévi-Strauss, réplique à ces études
scientifiques en, dit-elle, les subordonnant à l’ordre symbolique (Robcis 251). Elle croit que
l’empirisme n’a pas de place dans l’étude d’une culture. Son rejet de la méthode scientifique
ressemble aux arguments des psychanalystes contre les études sur l’efficacité des thérapies
psychanalytiques : ce que la science nous dit n’est pas forcément ce que la société et l’ordre
normatif nous dit. Même s’il n’y a pas de base scientifique pour rejeter l’homoparentalité et que
tous les enfants avec des parents du même sexe ont la même chance de réussir que leurs paires,
les opposants de l’homoparentalité pensent qu’un changement dans l’ordre symbolique aura des
conséquences.
Encore une fois, on voit que la psychanalyse trouve un moyen d’influencer les débats
politiques en France : cette fois, on ne parle pas spécifiquement des politiques de la santé
mentale, mais plutôt de l’état de la société dite progressiste. Nous nous demandons : quels
sacrifices l’humanité doit-elle faire pour le bien de l’ordre social et l’ordre symbolique ? En
1967, dans un séminaire intitulé « La logique du fantasme », Lacan a dit, « Je ne dis même pas :
la politique, c’est l’inconscient, mais tout simplement : l’inconscient, c’est la politique »
(Chemama 15). C’est-à-dire, du point de vue lacanien, les structures qu’on crée dans la société
reflètent l’inconscient de l’Homme. Dans la société française, une des structures les plus fortes
est la famille telle qu’on la représente dans le Code civil. Selon ce code la famille hétérosexuelle
est « naturelle » et constante. Les arguments qui expliquent ce fait et qui suivent cette logique ont
de l’attrait en France.
En outre, il y a en France de l’opposition contre l’influence anglo-saxonne. On juxtapose
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le côté scientifique (les études psychologiques nord-américaines) et le côté culturel pour dire que
la France n’ignore pas ce qui est culturel et ce qui a créé la République. Ce n’est pas une
question de ce que l’on pourrait faire dans la République, c’est ce que l’on a toujours fait. Cela
ne veut pas dire que la France n’est pas capable d’évoluer, mais elle reste toujours consciente de
la tradition française et d’habitude elle la protège—même quand la science met en question cette
tradition. De la même manière, les psychologues et psychiatres français se méfient plus des
approches anglo-saxonnes, comme le DSM, que les approches françaises.
La vieille Europe, épuisée par les guerres fratricides et sauvée des totalitarismes
par les Anglo-Saxons, a donc adopté les modèles américains, ne serait-ce que par
le biais des CIM-9, 10, 11, de l’OMS, jumeaux des DSM-III, IV et 5. La ligua
franca de la science est désormais l’anglo-américain, et toute publication en
langue vernaculaire reste ignorée. (Bourgeois 661)
De ce point de vue, l’approche anglo-saxonne ne domine pas parce qu’elle est supérieure à
l’approche française mais seulement en raison des circonstances historiques et culturelles,
comme le manque de recherche en psychologie en France après les deux guerres mondiales. La
perspective française a été perdue dans la conversation mondiale de la psychologie et maintenant
la France essaie de réclamer sa place.
La cohabitation des psychanalystes et des psychiatres à Sainte-Anne sert d’exemple de
pourquoi on protège la tradition française du discours psychanalytique. Le fait qu’il y a un
psychanalyste dans un grand hôpital psychiatrique est déjà remarquable parce que nous ne
l’avons jamais vu dans un hôpital psychiatrique aux Etats-Unis. De plus, il y a également un
Institut de la psychanalyse à Sainte-Anne. La psychiatrie biologique et la psychanalyse côte à
côte : une métaphore pour la situation actuelle dans la psychologie française. Nous avons assisté
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à une conférence psychanalytique où une psychanalyste a analysé un patient devant les
spectateurs qui ont offert des commentaires et posé des questions sur l’analyse après. Tout cela a
eu lieu à Sainte-Anne : une formation psychanalytique dans un contexte psychiatrique et
biologique. Cela montre que les deux formations ne sont pas toujours en opposition ; elles sont
capables de coexister et souvent elles le font en France. Le docteur Laqueille a souligné cette
même idée :
J’aime bien qu’il y ait des approches diverses qui correspondent à la diversité et à
la sensibilité des patients. Il n’y a pas une technique qui est forcément meilleure
qu’une autre. Ça dépend du profil du patient. Il y a des patients qui se font
analysés parce qu’ils ont envie de réfléchir sur eux, d’autres qui sont… plus
pragmatiques. Il faut proposer les deux. (entretien avec l’auteur)
De manière similaire, le docteur Serge Kannas a parlé de l’utilité de méthodes diverses :
« Aucune grande théorie ne pouvait faire la preuve qu’elle était supérieure à toutes les autres,
même si elle prétend le contraire ».
L’émergence de la psychanalyse dans les débats actuels en France sur la psychologie, le
diagnostic et le traitement des maladies mentales et la politique démontrent que la psychanalyse
maintient mieux son autorité en France qu’aux Etats-Unis. Certaines observations offrent des
explications pour cette autorité continue. D’abord, l’éducation française met plus d’accent sur la
littérature et la philosophie que l’éducation américaine. Tous les lycéens qui passent le
baccalauréat, un examen équivalent à un diplôme d’école secondaire aux Etats-Unis, doivent
passer une épreuve de philosophie tandis que l’on ne familiarise les Américains à la philosophie
qu’à l’université. Même à l’université, suivre un cours de philosophie n’est pas d’habitude
obligatoire. Le fait que la France exige que les étudiants suivent des cours de philosophie indique
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qu’elle y a beaucoup d’importance. C’est un pays de grands littéraires et philosophes : Descartes,
Rousseau, Hugo, Baudelaire, Camus et bien d’autres. Beaucoup de ces grands intellectuels ont
des influences persistantes dans la culture actuelle. Certains considèrent que Lacan est devenu un
de ces intellectuels bien que seulement pour ceux qui s’intéressent à la psychanalyse. Pour ceux
qui croient à ses idées, c’est en partie grâce à sa capacité de décrire ses théories de façon très
éloquente bien qu’obscurantiste.
Le docteur John Strauss, psychiatre américain, a remarqué cette différence culturelle à
travers son travail dans les deux pays.
Les gens que je connais [en France] connaissent mieux l'histoire et la philosophie
qu'ici... Je l'ai trouvé très enrichissant. Une fois, j'ai donné une conférence à un
groupe qui se composait pour la plupart de psychologues mais aussi de quelques
psychiatres et ils m'ont posé des questions formidables... des questions
conceptuelles par rapport à la nature de ce je faisais et où mon travail se situait
dans le contexte historique, qui n'arrive jamais [aux États Unis]. Cela ajoute une
autre dimension entière à la pensée. (entretien avec l’auteur) (notre traduction de
l’anglais)
Il nous a raconté certaines de ses expériences avec des psychiatres américains et français. Bien
qu’il y ait une multitude de perspectives différentes par rapport à la psychiatrie dans chaque
pays, le docteur Strauss a confiance qu’en général, cette différence en connaissances historiques
et philosophiques se manifeste dans le discours franco-américain.
Outre leurs influences littéraires et philosophiques, les Français sont connus pour leur
leur éloquence et leur esprit : l’amour d’un bon débat et la reconnaissance d’un argument bien
défendu. Un bon débat ne se produit jamais quand tout le monde est d’accord sur un sujet ; le
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désaccord crée l’intérêt. Donc, la juxtaposition des approches variées envers la conception, le
diagnostic et le traitement des maladies mentales établit un dialogue enrichissant du point de vue
français. Ce dialogue est-il favorable aux avancées scientifiques ? Cela reste à voir.
Les psychanalystes font appel spécifiquement à la préservation de la tradition française et
à la résistance à la mondialisation et à l’américanisation (Miller 7). D’abord, la plupart des
manuels et des études que les Américains s’attendent à ce que le reste du monde utilise sont en
anglais. Bien que beaucoup de Français soient capables de lire l’anglais, la résistance aux
manuels et aux termes anglais est parfois plus symbolique que pratique. Pourtant, cette résistance
découle de plus d’une différence linguistique. Un thème récurrent dans nos entretiens était la
dominance ou l’impérialisme (une question du point de vue) de la science anglo-saxonne. Le
docteur Serge Kannas, ancien psychiatre français qui travaille actuellement pour le Ministre de la
santé, a remarqué que beaucoup de ses collègues ont constaté que l’autorité de la psychiatre
française diminue depuis la deuxième guerre mondiale, « Comme si la psychiatre française a
disparu ». Les études anglo-saxonnes ont remplacé les avancées françaises, ce qui nous mène à
l’état actuel de la psychiatrie (Kannas). Ce n’est pas que la supériorité numérique des études que
certains protestent, c’est l’imposition des méthodes : « Si une psychologie présente des
collusions individualistes et libérales, c’est encore qu’elle n’est pas vraiment scientifique ou
qu’elle confond science et culture » (Tiberghien 152). Pour Tiberghien, une vraie science n’a pas
besoin de se soucier de l’objectivité ; elle est naturellement objective. Il critique la psychologie
américaine pour essayer d’imposer ses méthodes et sa perspective subjective partout dans le
monde occidental. Cela fait partie d’un argument qui s’étend au-delà de la psychologie : les
désavantages du mondialisation et l’impérialisme culturel.
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En France, on protège ce qui est français. La France n’est pas un « melting pot » ; au
contraire, elle épouse l’assimilation. Si on immigre en France, on est obligé de devenir français
et de laisser le reste de son identité dans sa vie privée. C’est pour cette raison que l’on ne trouve
pas de statistiques sur la race, la religion, ou la langue maternelle de ses habitants (Nadeau &
Barlow 301). Nous affirmons que souvent les Français abordent les idées qui viennent de
l’étranger de la même manière : il faut les adapter à la culture française. Mais la notion de ce qui
est français n’est pas statique : elle est capable d’évoluer. Après tout, dans le passé certains
croyaient que les idées de Freud n’étaient pas compatibles avec la culture française (Sédat 24).
Ces idées sont devenues françaises lorsque Lacan les a réinterprétées et les a mélangées avec les
courants philosophiques de l’époque. La psychanalyse possède encore un avantage par rapport
au courant comportementaliste parce qu’elle a la présence de Lacan. Lacan a le statut d’un grand
penseur français et le coté comportemental n’a pas de tel intellectuel en France. D’ailleurs,
l’empirisme reste une chapelle étrangère : adoptée souvent par ceux qui acceptent la
mondialisation et opposée par ceux qui protègent férocement ce qui est français.
La France est également unique dans le domaine de la satisfaction de vie. Selon une étude
de Claudia Sénik, les Français sont moins contents de leur vie qu’ils ne « devraient » l’être vu
leur niveau de vie. Elle a considéré le produit intérieur brut (PIB), le taux de chômage, le nombre
d’heures qu’on travaille, l’espérance de vie, et d’autres facteurs qui nous permettent typiquement
de prédire le bonheur d’un peuple. Elle croit que « le trait spécifique du malheur des Français
semble être une conséquence de leurs valeurs, croyances et perception de la réalité au lieu des
circonstances objectives et générales de leur pays » (389) (notre traduction de l’anglais). Elle
conclut qu’il y a une « dimension culturelle du bonheur » que les mesures typiques de la
satisfaction de la vie ne sont pas capables d’expliquer (396).
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S’il y a une « dimension culturelle du bonheur », pourquoi n’y aurait-il pas une
dimension culturelle de la santé mentale ? Peut-être la psychanalyse répond-elle à un besoin
français auquel les TCC ne répondent pas. Peut-être doit-on réinventer les mesures de l’efficacité
des psychothérapies pour la France. Après tout, on adapte souvent les mesures psychologiques
aux populations différentes. À mesure que la société devient de plus en plus mondiale, on fait
plus d’efforts pour travailler au delà des frontières. Cet effort produit des avantages et nous aide
à développer des connaissances humaines mais il a ses limites. Il y a plusieurs avantages de cette
approche, notamment dans les sciences, mais est-il réaliste d’avoir des standards internationaux
de diagnostics et de traitements ? Nous imaginons que l’approche idéale est un juste milieu qui
considère les besoins et les exigences de la société mondiale et ceux de la culture spécifique que
l’on étudie. Il faut considérer les deux pour traiter la société de manière réaliste et efficace.
Nous reconnaissons les limites de nos observations de l’état actuel de la psychanalyse en
France. Le statut de la psychanalyse est subjectif. Sur chaque sujet de débat, il y a autant d’avis
différents qu’il y a d’individus et nous n’en avons parlé qu’à une dizaine. La conversation
évolue toujours et elle n’est complètement polarisée ni en France ni aux Etats-Unis. Comme
nous avons parlé avec seulement une dizaine d’individus, nous avons ajouté ces perspectives
avec celles d’autres psychologues, psychiatres et psychanalystes dans des articles, des films et
des livres. Néanmoins, il est impossible de représenter la perspective de chaque individu dans un
pays, même dans un domaine spécifique comme la psychologie. Par conséquent, les arguments
que nous avons décrits et résumés ne sont que des parties d’une conversation encore plus
dynamique et hétérogène.
Même si la perspective est incomplète, les voix des individus dans ce mémoire nous
offrent un aperçu de la culture française et nous invitent à réfléchir au rôle de la culture dans les
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domaines scientifiques. Malgré les influences du monde anglo-saxon et de la mondialisation,
l’autorité de la psychanalyse en France persiste grâce à son attrait culturel et philosophique.
Avec l’aide de Lacan, elle s’est transformée en courant philosophique français. On continuera à
entendre la voix de la psychanalyse en France parce que pour les Français, la psychanalyse
ajoute une dimension supplémentaire à la conversation sur la santé mentale. Elle enrichit la
perspective et la compréhension de tous ceux qui y participent ainsi que l’expérience du patient.
Comme le docteur Laqueille insiste, « Tous les discours doivent se tenir ». Pourvu que la culture
française continue à attacher de l’importance à l’esprit et aux débats intellectuels, le discours de
la psychanalyse perdura.
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