Psychothérapie à la française : Le statut de la psychanalyse dans la France contemporaine par rapport aux États-Unis Research Thesis Presented in partial fulfillment of the requirements for graduation with honors research distinction in French in the undergraduate colleges of The Ohio State University By Jessica LaHote The Ohio State University April 2017 Project Advisor: Dr. Jennifer Willging, Department of French and Italian LaHote2 Il est certain que les maladies mentales ont un impact profond sur une société, y compris les sociétés françaises et américaines. Selon le rapport de Couty en 2009, on estime qu’en France, 18% de la population souffre d’une maladie mentale (Chevreul 883). Un rapport américain estime la prévalence des maladies mentales aux États-Unis à 20% (Insel). Le coût économique en France est de 109 milliard d’euros dont 20% sont les allocations des soins médicaux et des coûts sociaux, et 80% sont les coûts des handicaps permanents, du suicide et de la mauvaise qualité de vie (Chevreul 883-84). On peut concevoir ces coûts au niveau mondial aussi. Le forum économique mondial a estimé qu’en 2010, le coût mondial de la santé mentale était de $2.5 mille milliards, ce qui est plus grand que les coûts du diabète, des troubles respiratoires et du cancer ensemble (Insel). Ces chiffres nous indiquent l’importance du diagnostic et du traitement des maladies mentales dans le monde entier. Ceci dit, même les pays occidentaux ne conçoivent pas les maladies mentales toujours de la même manière. En France, la psychanalyse joue un rôle important dans le traitement des maladies mentales. En 2005, 70% des psychiatres français utilisaient la psychanalyse ou des thérapies psychanalytiques (Meyer 7). Aux Etats-Unis, pourtant, la psychanalyse a perdu en général son autorité depuis les années soixante-dix. En 2003, seulement 15% des psychologues américains se considéraient de l’orientation psychanalytique (Norcross et al. 1471). Des données sur l’orientation théorique des psychiatres américains ne sont pas disponibles mais en général, les psychiatres ont tendance à être moins psychanalytiques que les psychologues parce qu’ils ont reçu une formation en médecine—une formation plutôt biologique que théorique. Aux EtatsUnis et dans la plupart du monde occidental (sauf en France et en Argentine) on préconise des LaHote3 psychothérapies « basées sur les preuves » comme les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) (Meyer 7-10). Ainsi pourquoi la France est-elle une telle exception en ce qui concerne la psychanalyse ? Nous essayerons de répondre à cette question d’abord avec un résumé de l’histoire de la psychanalyse et son évolution en France et aux Etats-Unis. Ensuite, nous analyserons un certain nombre de débats entre les psychanalystes et les cognitivo-comportementalistes dans chaque pays mais surtout en France. Nous focaliserons sur les débats depuis les dernières quinze années. Il existe déjà des études sur l’histoire de la psychanalyse en France mais il y a peu de recherche au sujet de la persistance de son autorité au vingt-et-unième siècle. Ces débats traitent la façon dont on définit et nomme une malade mentale. Comment détermine-t-on ce qui est normal et ce qui est anormal ? Dans ces débats il s’agit également du traitement de ces maladies. Ces débats sont plus nuancés qu’un argument entre les psychanalystes et les cognitivo-comportementalistes, mais ces deux perspectives émergent et contrastent souvent dans ces échanges intellectuels, scientifiques et philosophiques. Pour cette étude, nous considérerons seulement ces deux perspectives. Tout au long de ce texte, nous ajouterons d’autres voix à ces débats grâce à des entretiens que nous avons faits avec des psychanalystes et psychiatres surtout en France et mais aux EtatsUnis aussi. Nous avons eu l’occasion de passer cinq jours en stage au Centre hospitalier SainteAnne, plus spécifiquement dans le département d’addictologie. Nous avons suivi quatre médecins, deux infirmières et un psychologue (qui est psychanalyste) afin d’observer les approches diverses au sein de l’équipe et comment elles fonctionnent ensemble. Il n’y a qu’un psychanalyste dans le département, Armando Lopez, qui travaille dans un bureau en face de celui d’un psychiatre qui ne croit pas, nous a-t-il précisé, à l’efficacité de la psychanalyse. Le chef du LaHote4 département, le docteur Xavier Laqueille, a trouvé une place pour la psychanalyse dans le département de l’addictologie car il croit à l’importance de différentes perspectives. Dans son département, l’approche biologique domine mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour d’autres idées. Les psychiatres dans ce département ont des avis divers sur la psychanalyse. La plupart d’entre eux croient que la psychanalyse a sa place et qu’elle bénéficie à certains patients. Ils envoient certains patients à M. Lopez mais pas tous. Néanmoins, certains psychiatres dans le département refusent absolument tout ce qui est psychanalytique et n’envoient jamais de patients à M. Lopez. Actuellement, il existe des associations psychanalytiques en France. L’École de la Cause Freudienne, fondée par Jacques Lacan en 1981, offre des rendez-vous avec ses membres pour discuter leur formation psychanalytique et le rôle de l’association, ou de la psychanalyse en général. Par l’intermédiaire de L’École de la Cause Freudienne, nous avons trouvé une psychanalyste à Paris qui s’appelle Hélène Bonnaud. Elle nous a reçu dans son cabinet dans le troisième arrondissement de Paris où nous avons passé une demi-heure à discuter sa propre formation et son orientation théorique. Elle ne croit pas au comportementalisme et le caractérise comme une solution de fortune. De plus, nous avons parlé à un autre psychiatre français, le docteur Serge Kannas, qui travaille pour la Ministère de la Santé, et un psychiatre américain, le docteur John Strauss, qui est professeur à Yale University. Ces deux psychiatres ont beaucoup d’expérience dans leur pays maternel mais ils ont également beaucoup de connaissances sur la psychiatrie au niveau transnational et global. LaHote5 Finalement, nous examinerons le rôle de la psychanalyse au-delà de la psychologie et de la psychiatrie française. Dès les années 1980 jusqu’au présent, des politiciens et des citoyens français ont évoqué la psychanalyse dans certains débats politiques comme les débat sur le mariage homosexuel et sur l’homoparentalité (Robcis 1). De cette façon, le discours psychanalytique imprègne la société en dehors du contexte de la psychothérapie. Nous analyserons ces débats et les commentaires des professionnels dans le domaine de la psychologie et de la psychiatrie afin de voir si la culture d’un pays influence ce que l’on y considère comme « scientifique ». Et cette différence de traitement des maladies mentales n’est-elle qu’un symptôme de différences culturelles à une plus grande échelle ? Pour répondre à cette question, il faut commencer avec le parcours historique de la psychanalyse dans chaque pays. En 1909, Freud est venu aux Etats-Unis pour la première fois. G. Stanley Hall, psychologue et un des fondateurs de Clark University à Worcester, Massachusetts, l’a invité à présenter à la Clark Conference, une offre qu’il a d’abord refusée. Il ne s’intéressait pas aux Etats-Unis et profitait de son influence en Europe. Hall, déterminé à faire venir Freud, a changé la date pour l’accommoder. Suite à cette deuxième proposition, avec l’encouragement de son collègue, Carl Jung, Freud a accepté l’invitation. Malgré ses doutes à propos des Etats-Unis, Freud avait hâte d’y aller. Il ne s’attendait pas à grand-chose de son séjour et c’était probablement ce manque d’attentes qui lui a plu (Shamdasi et al. 55-57). Il a à peine fait des préparations, mais sa présentation extemporanée est devenue sa fameuse œuvre Cinq leçons sur la psychanalyse (Evans & Koelsch 944). Sa présentation à la Clark Conference n’a pas immédiatement transformé le monde psychologique aux Etats-Unis mais elle a contribué à la domination de la psychanalyse pendant la plupart du vingtième siècle. Juste après sa présentation—qu’il a faite entièrement en LaHote6 allemand—la première traduction de Freud en anglais est apparue (Shamdasi et al. 75). Une traduction française n’apparaîtra qu’onze ans plus tard dans un journal suisse (Kutter 70). En outre, il existait déjà des courants psychanalytiques aux Etats-Unis. Leurs partisans se sont accrochés à ce grand homme afin de promouvoir la psychanalyse et leurs propres théories (Kutter 81). Ces courants ont établi une base pour la psychanalyse, permettant une réception généralement assez accueillante des théories freudiennes, même les plus risquées à cette époque. C’était une réponse que Freud lui-même avait sous-estimée. Quelques décennies plus tard, en 1939, un mouvement « néo-freudien » s’est développé. Des personnalités signifiantes, comme Sándor Radó, David Levy, Abram Kardiner et Karen Horney, ont mené le mouvement, préconisant une approche libérale à la psychanalyse : une psychanalyse qui ne se limiterait pas aux théories de ce neurologue allemand. Plus spécifiquement, ils voulaient s’éloigner du concept de ce « unconscious libido » qui dominait tout dans le monde freudien (Shamdasi et al. 188-19). C’était précisément cette notion de sexualité qui limitait l’évolution de la psychanalyse, selon eux, car chaque évènement était censé renvoyer à une sexualité refoulée. Pendant ce mouvement néo-freudien, la théorie de comportementalisme de John B. Watson s’est développé. Son étudiant, B.F. Skinner, a élaboré ses idées. Avec son « Skinner box », une boîte qui contient un levier qui donne à manger aux rats quand ils y appuient, Skinner a démontre ses principes de conditionnement opérant. Après quelques instances où le rat appuie sur le levier par hasard, il apprend que cette action mène à une récompense. Au-delà du conditionnement classique qu’avait démontré Pavlov, ce type de conditionnement se focalise sur les conséquences de renforcement et de punition (Greengrass 80). On comprenait mieux les comportements des rats mais pour beaucoup des professionnels dans le domaine de la LaHote7 psychologie et de la psychiatrie, cette théorie ignorait les complexités des êtres humains. Le conditionnement peut-il expliquer toutes nos actions ? Dans les années soixante, Aaron Beck, un ancien psychanalyste, s’est éloigné de la théorie psychanalytique. En observant ses patients, Beck a identifié une série de ce qu’il a nommé « pensées automatiques ». Grâce à ces observations, il a développé la thérapie cognitivocomportementale (TCC), un processus qui cherche à identifier les pensées et les comportements négatifs d’un patient. Selon cette théorie, plus le patient apprend à reconnaître ces modes de comportement et de pensée négatifs, plus il sera capable de lutter contre eux. Au lieu de mettre l’accent sur l’inconscient et d’essayer de démystifier les détails du passé du patient, la TCC se concentre sur la reconstruction consciente des pensées négatives. Elle encourage le patient à mettre en place des comportements habituels, comme faire du sport où sortir de la maison chaque matin, qui servent à réduire les symptômes spécifiques d’un patient (Beck Institute for Cognitive Behavior Therapy). Si le développement de la théorie cognitivo-comportementale marque une certaine rupture entre la psychanalyse et la psychologie actuelle aux États-Unis, c’est le cas aussi avec la sortie du DSM-III en 1980. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux [Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders] désormais appelé le DSM, est une manifestation de l’approche américaine aux troubles mentaux. Ce manuel, créé par l’American Psychological Association (APA), est le standard pour tout diagnostic aux Etats-Unis. Par sa nature, la psychanalyse évite de catégoriser les patients car elle considère leurs symptômes comme spécifiques à chaque individu sa propre situation. Ce changement notable dans le DSM est le résultat de fortes critiques de la psychothérapie dans les années soixante-dix quand on considérait la discipline trop subjective pour être efficace où scientifique. LaHote8 La version actuelle du DSM caractérise les maladies mentales par une conglomération de symptômes avec une durée spécifique. Contrairement aux versions précédentes, comme le DSMIII et le DSM-IV, le DSM-V ne considère pas le contexte social de l’individu. On le critique en France et également aux États-Unis pour sa technique « réductionniste » qui dépeint l’être humain comme un produit de sa biologie et qui ignore un grand nombre de cas individuels qui ne se conforment à aucune catégorie établie de ce système diagnostique. Auparavant, la psychiatrie américaine s’occupait beaucoup moins des diagnostics spécifiques. En 1948, les psychanalystes dominaient l’APA (Vallée 91). Ils ne s’inquiétaient pas des diagnostics précis car ils considéraient un diagnostic comme un indice qui aide à identifier les problèmes sous-jacents. Néanmoins, cela a changé à partir de 1960. On a commencé à critiquer le manque de fiabilité inter-évaluateur et à questionner la validité des diagnostics. Par conséquent, le soutien financier des recherches psychologiques a diminué. Notamment, le nombre de subventions du National Institute of Mental Health (NIMH) a baissé de seize pourcent entre 1963 et 1972 (Vallée 92). Par la suite, les entreprises d’assurance ont baissé la couverture du traitement psychologique et psychiatrique. Cette pression économique a nécessité un changement dans les diagnostics : un appel aux règles plus définies que l’on pouvait quantifier (Vallée 92). En outre, une enquête sur la profession de la psychiatre dans les années soixante-dix a également provoqué cette transformation. Les psychiatres voulaient se distinguer des psychologues et des psychothérapeutes, une distinction qu’ils espéraient renforcer par l’établissement de diagnostics moins abstraits. La publication du DSM-III marque cette transformation. Ce manuel a remplacé des descriptions floues avec des catégories distinctes. Le DSM-III a établi un langage commun, permettant aux professionnels dans le domaine de la LaHote9 psychiatrie et la psychologie de pouvoir se communiquer plus clairement. Il était censé être « théoriquement neutre » (Mays & Horwitz 252). Autrement dit, ce langage commun est censé ignorer l’école de pensée à laquelle on souscrit afin de faciliter l’expansion des connaissances et non pas leur segmentation. Le cas du trouble de déficit de l’attention (le TDAH), dit « Attention Deficit and Hyperactivity Disorder » (l’ADHD), est une manifestation d’une des critiques principales contre le système américain parmi les Français et les Américains. Selon le DSM-5, il faut un certain nombre ou combinaison de symptômes. Même si le nom implique des problèmes d’hyperactivité et d’attention, selon le DSM il n’est pas nécessaire d’avoir des symptômes hyperactifs pour recevoir un diagnostic du TDAH. Le DSM est censé être objectif, mais on voit comment un diagnostic peut être flou. En revanche, selon la Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (la CFTMEA), il faut absolument avoir des symptômes dans les deux catégories, hyperactivité et problèmes d’attention, pour recevoir un diagnostic de TDAH. Cependant, le CFTMEA ne précise pas un certain nombre ou combinaison de symptômes pour atteindre le seuil (Vallée 97-98). Il faut également considérer l’histoire de la psychanalyse en France. Freud a séjourné en France plusieurs fois avant le tournant du siècle, où il était l’élève de Charcot, un neurologue français connu. Pendant ses séjours, Freud a transmis des connaissances entre les pays germaniques et la France (Carroy et al. 110). La réception de ses théories était ambivalente pour plusieurs raisons. Tandis que la première traduction anglaise de Freud est apparue en 1909, la première traduction française n’apparaîtrait que onze ans plus tard en 1920 (Carroy et al. 111). Ce manque de traduction a engendré l’incompréhension et la méconnaissance de ses théories car son langage était très précis et nuancé, même pour ceux qui parlaient allemand. En outre, une LaHote10 sorte de xénophobie a joué contre cet Autrichien. On s’est demandé si Freud était « trop éloigné de l’esprit français » ; selon ces critiques, la psychanalyse se distinguait trop du rationalisme (Sédat 24). En réalité, cette critique n’était qu’un prétexte pour la peur de l’influence étrangère qui grandissait dans le domaine de la psychologie en France à cette époque. En outre, plus on rejetait les théories de Freud, plus il est devenu amer. Par conséquent, plus il exprimait son mécontentement avec la France, plus on a rejeté ses théories ; c’était un cercle vicieux (Sédat 5). Dans les années 1910, une querelle s’est développée entre Freud et Pierre Janet, un autre neurologue et psychologue notable en France. Janet n’a condamné la psychanalyse comme discipline que dans la mesure où, selon lui, elle prétendait être scientifique. La citation suivante, publiée dans le Journal de psychologie normale et pathologique en 1914, résume bien son attitude envers la psychanalyse : « Plus tard, on oubliera les généralisations outrées et les symbolismes aventureux qui aujourd’hui semblent caractériser ces études et les séparer des autres travaux scientifiques, et on ne se souviendra que d’une seule chose, c’est que la psychanalyse a rendu de grands services à l’analyse psychologique » (65). D’après lui, la psychanalyse n’était pas sans valeur mais sa valeur avait bien des limites. De se part, Janet se considérait comme un psychologue expérimental. Il s’opposait à Freud parce qu’il était partisan de la psychologie pathologique française au lieu de la psychanalyse. En réalité, ses recherches, basées sur l’observation, n’étaient pas si loin des théories de Freud. Il a également parlé de l’inconscient dans ses œuvres, ce qui a provoqué un conflit entre Freud et lui. Les deux étaient des élèves de Jean-Martin Charcot alors ils avaient une formation similaire. Comme Janet avait traité l’inconscient avant Freud, il croyait que Freud avait tiré profit de son idée (Carroy et al. 132-133). LaHote11 À la même époque, Jean Piaget a publié ses fameuses œuvres au sujet de l’enfant, plus spécifiquement des stades cognitifs de l’enfant. Pour Piaget, l’enfant était égocentrique et asocial. Il a étudie l’acquisition des connaissances chez l’enfant, comme le développement du langage et la capacité des pensées abstraites. Henri Wallon, son contemporain, a travaillé sur le même sujet mais il a souligné l’importance de l’environnement de l’enfant, surtout l’environnement social. Pour Wallon, les interactions avec les autres étaient la source de connaissances la plus importante chez l’enfant. Les travaux de Wallon et Piaget étaient tellement notables que la psychologie de l’enfant fait penser d’abord à la psychologie française (Birns & Voyat 325-27). Pendant que les Américains semblaient s’écarter de la psychanalyse, en France Jacques Lacan était en train de mener un retour à, ou une « relecture » de, Freud. Lacan, déjà un intellectuel célèbre dans la société française, recueillait le soutien de ses interprétations de la théorie psychanalytique de Freud, surtout pendant les années soixante. Sa relecture de Freud consistait à des analyses de textes freudiens de la perspective philosophique du moment. Autrement dit, Lacan a appliqué le structuralisme et le surréalisme aux théories freudiennes. D’autres philosophes de l’époque ont profité de l’occasion de faire avancer leurs propres théories au moyen de faire avancer la psychanalyse (Meyer 267-68). Se trouvant au milieu de théories attirantes, Lacan a mélangé les doctrines de son époque : le surréalisme, le freudisme, le marxisme et le structuralisme ont tous leur place chez lui (Roudinesco 112-113). Le structuralisme, qui soutient que tout dans le domaine humain est construit et que le sens du monde vient du langage, est particulièrement présent dans les œuvres de Lacan. Dans le contexte du structuralisme, Lacan offre sa perspicacité quant à la structure de l’inconscient : « l'inconscient est structuré comme un langage » (Lévy 7). Ses œuvres intègrent le contexte LaHote12 historique de la psychologie, l’esprit de son temps, et l’innovation française dans le domaine de la philosophie. Déjà connu dans le monde littéraire, Lacan s’est servi de ses dons littéraires pour promouvoir la psychanalyse. Par exemple, il a écrit un livre qui a superposé le personnage d’Emma Bovary à Aimée, une de ces études de cas. Ce livre se lit comme de la littérature française plutôt que comme un article de journal médical, ce qui fait preuve de la prouesse langagière de Lacan (Roudinesco 112-13). Grâce à la capacité de Lacan de saisir l’air du temps dans ses écrits, le lacanisme a remplacé la psychanalyse traditionnelle en France. Tandis que Freud a essayé d’établir un rapport entre la biologie et la psychiatrie, Lacan a complètement rejeté la place de la biologie dans la psychiatrie (Meyer 264). Cette séparation lacanienne s’est manifestée non seulement dans ses écrits mais aussi dans les changements successifs de la formation des psychiatres en France. Auparavant, les psychiatres et les neurologues avaient la même formation. À partir de 1968, la psychiatrie s’est séparée de la neurologie dans les universités. Comme la nouvelle discipline universitaire de la psychiatrie a mis l’accent sur les théories et les thérapies psychanalytiques, l’influence de la psychanalyse est devenue la plus grande distinction entre les deux disciplines (Meyer 247-48). Michel Foucault, philosophe français mais aussi psychologue, faisait partie du mouvement structuraliste comme Lacan. Au cours de sa carrière Foucault est devenu un des intellectuels principaux du mouvement antipsychiatrique. Il a repris à son compte l’argument de Janet, qui avait décrit la psychanalyse comme un discipline qui se veut scientifique. Foucault, par contre, a fait l’argument à l’envers. D’après lui, la psychologie n’est pas une discipline scientifique. Ce qu’il admirait dans la psychanalyse, c’est qu’elle ne prétendait pas être scientifique comme les autres théories psychologiques. La psychanalyse s’est déclarée LaHote13 subjective, fière d’être une « contre-science » (Carroy et al. 216-18). Ce mouvement contre la psychiatrie a amplifié la séparation qui existait déjà entre la psychiatrie et la psychologie et a influencé l’état actuel des deux disciplines en France. La traduction relativement tardive de Freud en France en 1920 y a renforcé la résistance contre les théories étrangères. Malgré ce retard, la psychanalyse a trouvé à la longue sa place dans la société française. Il a fallu un grand intellectuel français, Jacques Lacan, qui a profité d’une époque de révolution sociale pour revigorer la psychanalyse. Lacan est resté sous les feux de l'actualité jusqu’aux années soixante-dix en compagnie des voix de grands philosophes tels que Foucault. Cette deuxième vague de psychanalyse a encore un impact aujourd’hui puisque la plupart des psychanalystes se considèrent toujours comme des Lacaniens et justifient la séparation de la psychiatrie qu’a préconisée Lacan (Meyer 250). Aujourd’hui cette lacanisation de la psychanalyse se traduit en des critiques du cognitivisme et du comportementalisme en France. Pour illustrer les critiques françaises de l’approche cognitivo-comportementale, on commencera par examiner les différences de la prévalence du TDAH en France et aux États-Unis. Dans l’article « Why French Kids Don’t Have ADHD », Marilyn Wedge, psychologue américaine, constate que la prévalence aux Etats-Unis est de 9% tandis qu’en France elle est de 0.5%. Elle attribue cette divergence aux différences de traitement : les traitements neurobiologiques par rapport aux traitements psychosociaux. Elle croit que les traitements psychosociaux sont souvent des traitements précoces qui aident les enfants hyperactifs et donc les empêchent de recevoir un diagnostic du TDAH plus tard. Par ailleurs, il y a des études, comme celle de Faraone et al. en 2003, qui soulignent que la plupart des études sur le TDAH viennent des Etats-Unis. Dans cette étude, on a imposé les standards des diagnostics du DSM-IV et du ICD-10 aux enfants de 20 autres pays occidentaux afin de voir si le LaHote14 TDAH était véritablement une « maladie américaine », c’est-à-dire que les enfants américains souffraient plus que d’autres enfants du TDAH. Ils soutiennent que la société américaine n’a pas créé le TDAH, mais l’association entre les Etats-Unis et le TDAH est plus saillante que dans d’autres pays en raison du nombre d’études américaines sur le TDAH (104). L’étude de Lecendreux et al. (2011) a trouvé que selon les critères du DSM-IV, entre 3.5% et 5.6% des enfants français répondent aux critères pour le TDAH. Dans la même étude, on estime que la prévalence est de 3.4% aux États-Unis et de 3.9% en Italie—des chiffres similaires à celui en France (522). Ces résultants indiquent que les différences dans les estimations de prévalences viennent des différences de diagnostics au lieu de différences de symptômes (516). Le TDAH est partout mais sa prévalence dans tel ou tel pays dépend de la façon dont on définit et nomme ce qui est maladaptif. Wedge prétend aussi que le choix de manuel diagnostic a un effet sur la prévalence ; le CFTMEA recommande des traitements thérapeutiques tandis que, dit-elle, le DSM conseille des traitements biologiques. Aux Etats-Unis, elle continue, on voit le TDAH comme une maladie avec des bases biologiques que l’on peut soigner avec des méthodes biologiques, comme l’ordonnance des stimulants. Mais en réalité, le DSM ne donne pas de conseils en ce qui concerne le traitement des maladies mentales : ce n’est qu’un manuel pour les diagnostiquer, non pas pour les traiter. Néanmoins, on associe le DSM à l’image de la psychiatrie américaine et selon Wedge, la psychiatrie américaine ne considère pas le contexte social d’un enfant qui a des symptômes du TDAH. Elle croit que les médecins français reconnaissent ces symptômes plus tôt parce qu’ils considèrent l’environnement de l’enfant et que, par conséquent, ces enfants reçoivent des traitements plus tôt qu’aux États-Unis et que cette intervention précoce empêche un diagnostique formel du TDAH plus tard. Elle mentionne aussi des facteurs nutritionnels que LaHote15 l’on considère plus en France et la différence de l’éducation des enfants dans les deux pays. Wedge soutient qu’en général, les Français donnent plus de règles aux enfants, un « cadre » strict qui leur apprend la maîtrise de soi. D’après elle, puisque les enfants français apprennent la maîtrise de soi très jeune, ils se comportent « mieux » que les enfants américains. Cependant, elle ne fournit pas d’anecdotes ou d’études qui soutiennent son hypothèse que les enfants français se comportent « mieux » que les enfants américains dans la vie quotidienne et donc il faut constater que ses assertions restent très subjectives. L’ordonnance des psychotropes aux enfants est un sujet controversé dans les deux pays. Une grande partie de la critique du traitement du TDAH aux Etats-Unis tourne autour de l’ordonnance des stimulants aux enfants. Aux Etats-Unis, 4.3% des enfants prennent des stimulants. Une étude par Kovess et al. a examiné le taux d’ordonnances des psychotropes aux enfants en France. Les auteurs ont trouvé que le taux de consommation de stimulants par les enfants en France est seulement de 0.2%. Même par rapport aux autres pays occidentaux, les Etats-Unis prescrivent de loin le plus de stimulants. Aux Pays-Bas, le taux est de 1.2% et en Allemagne il est de 0.7%. En général, les enfants français prennent moins de psychotropes que les enfants américains. Selon Kovess et al., on en prescrit moins parce qu’on craint les effets secondaires dont on en sait peu à présent (168). Néanmoins, on donne plus d’anxiolytiques et d’hypnotiques aux enfants en France qu’aux Etats-Unis (2% et .65% respectivement) (171). En outre, les taux d’ordonnance d’antidépresseurs et d’antipsychotiques sont comparables aux autres pays européens (172). Peut-être que la résistance française aux stimulants est à la base une résistance au diagnostic d’une « maladie américaine ». Sinon, pourquoi hésiter à prescrire les stimulants quand on prescrit assez libéralement les anxiolytiques ? En effet, les deux classes de médicaments ont des effets secondaires que l’on ne comprend toujours pas. LaHote16 Tandis que les enfants français consomment moins de psychotropes que les enfants américains, pendant longtemps les adultes en France en consommaient plus que dans n’importe quel autre pays. Actuellement, la France n’est plus en tête mais elle consomme plus de psychotropes que ses voisins européens (Inserm 31). Pourquoi la France consomme-t-elle tellement de psychotropes (surtout des antidépresseurs et anxiolytiques) ? Les critiques françaises de cette surconsommation offrent plusieurs explications : peut-être que les Français ont une caractéristique particulière qui les motive à chercher le plaisir et le bonheur ou peut-être que la culture américaine a tiré profit de ce désir en le commercialisant dans la forme de pilules (Willging 17). Comme le dit Patrick Légeron, médecin-psychiatre à l’Hôpital Sainte-Anne, en France il n’y a « rien entre le Prozac et le divan ». Autrement dit, la France offre aux gens avec les maladies mentales les médicaments ou la psychanalyse : rien entre les deux. Il associe le haut taux de consommation des psychotropes en France au manque d’accessibilité aux TCC. Quand la psychanalyse ne réussit pas à soigner un tel patient, il cherche la seule alternative qu’on lui offre : les médicaments (Meyer 292-93). Quelle que soit la position que l’on prend dans l’argument, un point commun émerge : l’importance de l’identité française dans le domaine de la santé mentale. En gros, ceux qui s’opposent à l’ordonnance des psychotropes—Français et Américains—pensent que ces médicaments ignorent les besoins de l’individu. En effet, les psychotropes ne traitent pas les causes d’une maladie mentale mais seulement les symptômes. Pour les psychanalystes, il est impossible de soigner un patient sans trouver les causes de sa maladie. Les médicaments et les thérapies cognitivo-comportementales sont une solution rapide mais non pas une solution durable. Cela s’accorde bien avec l’image clichée des Américains qui cherchent toujours un raccourci. LaHote17 Pour comprendre une autre critique des TCC, il faut comprendre le contexte de L’Anti-livre noir de la psychanalyse. L’Anti-livre noir de la psychanalyse est une réponse à Le Livre noir de la psychanalyse, un livre qui est sorti en 2005 et qui se compose de chapitres écrits par différents psychologues et psychiatres de l’école cognitivo-comportementale. Le Livre noir de la psychanalyse consiste de plus de 800 pages qui essayent d’expliquer pourquoi la psychanalyse est toujours courante en France mais non pas dans le reste du monde (avec l’exception de l’Argentine). Ses auteurs attaquent les arguments des psychanalystes et préconisent l’importance d’une psychologie basée sur les preuves. Ils considèrent que la psychanalyse est une forme d’obscurantisme et ils essayent d’exposer ce qu’ils considèrent comme ses secrets. En réponse, les auteurs de L’Anti-livre noir de la psychanalyse ont mené une attaque contre le cognitivocomportementalisme. Dans L’anti livre noir de la psychanalyse, Hélène Deltombe, psychologue et psychanalyste, décrit la perspective psychanalytique sur les TCC : « Les TCC sont l’arbre qui cache la forêt : la forêt de l’inconscient, de la répétition, de la pulsion et du transfert, derrière l’arbre minuscule d’un trouble qui n’a plus le droit de faire signe d’un sujet dans son rapport à l’objet » (42). Autrement dit, il ne faut pas supprimer les symptômes parce qu’elles sont des indices qui nous aident à comprendre nos problèmes au niveau inconscient. Elle continue dans une direction de plus en plus radicale, traitant finalement les TCC de « lavage de cerveau que l’on applique à soimême » (42). Pour Hélène Bonnaud, psychanalyste à Paris et membre de l’École de la Cause Freudienne, le désir de la conformité explique le succès des TCC : « Dans notre culture aujourd’hui tout le monde veut être pareil, tout le monde veut être dans la norme et donc LaHote18 l’approche comportementale, elle répond parfaitement à ça » (entretien avec l’auteur). Pour la psychanalyse, Il n’y a pas… comme les jeunes cherchent aujourd’hui… une méthode clé en main. Chaque sujet est diffèrent et pour chaque sujet il y a une mise en jeu dans l’analyse… évidemment il y a une méthode mais ce n’est pas une méthode au sens qu’on le verrait en médicine, par exemple. Selon elle, la société moderne—qui est une société mondiale—nous encourage à chercher des méthodes et des explications concrètes. L’abstrait nous met mal à l’aise. Les commentaires de Foucault sur la différence entre la psychologie et la psychanalyse réapparaissent dans l’opposition aux TCC. Pour lui, la psychanalyse a du mérite parce qu’elle ne feigne pas d’être scientifique ou empirique comme les autres approches psychologiques, qui ne sont pourtant pas capables de l’être. De façon similaire, l’opposition aux TCC est à la base l’opposition au positivisme, courant philosophique fondé, ironiquement, par un Français, Auguste Comte. Le positivisme affirme que toute connaissance vient des données dérivées de l’observation. Comte était un sociologue qui pensait que la méthode scientifique devrait être appliquée aux sciences sociales et non seulement aux sciences dures (Feigl, « Positivism »). Le positivisme scientifique prétend que « la science est capable de décrire sans interpréter » (Miller 169). Cela est le problème sous-jacent : deux perceptions distinctes du monde et de l’étude de l’Homme. Yves Cartuyvels, ancien doyen de la faculté de droit et facultés universitaires SaintLouis en Belgique, résume cette dualité dans le contexte de la psychanalyse et du comportementalisme de la manière suivante : On est certainement confronté à deux visions différentes de l’humain. D’un côté, un sujet pris dans le langage, renvoyé à sa liberté et sa vérité, invité à questionner LaHote19 le sens de son histoire et à interroger sa part de responsabilité dans ce qui lui arrive. Un sujet marqué par le manque et le désir, une part d’incontrôlable qui le rend inapte à être totalement éduqué, contrôlé, normé. De l’autre, une vision de l’individu comme « mammifère social », oscillant entre self-mangement et selfcontrol, dominé par la quête du bien-être, de l’efficacité et de l’efficience, quitte à se maintenir dans l’illusion si la stratégie est payante. Un acteur rationnel, capable de calculs coûts/bénéfices, en mesure de combler ses manques, individu que l’on peut éduquer au bonheur grâce à des protocoles dont les normativités implicites ne sont pas interrogées. Là ou la psychanalyse propose une vision de l’homme qui résiste à la planification autoritaire—on sait (et on comprend) qu’elle n’a jamais été aimée par les projets politiques totalitaires—, l’approche cognitivocomportementaliste propose une vision beaucoup plus fonctionnelle et normative. (Miller 179-80) Dans cette estimation on trouve une séparation entre le rationalisme et le positivisme. Le rationalisme soutient que certaines connaissances sont innées, comme l’intuition. On n’a pas besoin de réflexion consciente pour avoir l’intuition, elle existe déjà au niveau inconscient. De manière similaire, la psychanalyse dépend de l’inconscient : une force puissante mais impossible à quantifier. De l’autre coté, le positivisme affirme que toute connaissance vient de ce qu’on peut observer, comme un comportement où une réaction au niveau neurobiologique. Naturellement, les psychanalystes ont tendance à rejeter le positivisme en faveur du rationalisme parce que pour eux, ce qui est la plus importante n’est pas du tout visible sur la surface ou même avec de la technologie. De cette façon, ils rejettent les traitements qui essaient de généraliser les expériences de l’individu afin de quantifier ses symptômes : les psychotropes et les TCC. LaHote20 L’autisme illustre un autre cas où des théories psychanalytiques et comportementales sont particulièrement en désaccord. Selon les psychanalystes, l’autisme est une forme de psychose qui se développe en réponse à une mère froide (Meyer 508-20). C’est ainsi que le but du traitement est d’aider l’individu à sortir de cette psychose. En revanche, les théories comportementales considèrent l’autisme comme un trouble envahissant du développement (TED) qui a des bases biologiques (American Psychiatric Association). Typiquement, une différence de catégorie diagnostique veut dire qu’il y a aussi une différence entre la manière dont on soigne l’individu. Une psychose n’est pas une maladie que l’on pense pouvoir soigner dans un environnement scolaire tandis qu’un TED l’est. On fait des accommodations pour des enfants qui souffrent de troubles d’apprentissage afin de les aider à fonctionner à l’école le mieux possible. La perspective comportementale applique les mêmes principes à l’autisme. Pour les comportementalistes, la meilleure approche est d’intégrer les enfants autistes dans les classes typiques, les accommodant où nécessaire. On ne s’attend pas aux instituteurs et aux institutrices d’intégrer des enfants qui souffrent d’une psychose, comme la schizophrénie, dans leur classe. En novembre 2003, le Comité européen des Droits sociaux et le Conseil de l’Europe, deux organisations qui font campagne pour les droits de l’homme, ont condamné la France pour ne pas avoir rempli son devoir dans l’éducation et le traitement des personnes autistes. Selon ce comité, le manque d’intégration des personnes autistes dans le système scolaire et le manque d’institutions spécialisées violaient les termes de la Charte sociale européenne, une charte qui protègent les droits de l’homme en Europe (Conseil de l’Europe, « La Charte sociale européenne »). La critique la plus évidente était le manque d’intégration dans le système scolaire pendant les derniers vingt ans. Les enfants autistes ne suivent pas les mêmes cours que les autres LaHote21 enfants, ce qui les prive, selon cette critique, des occasions importantes à l’école et au-delà du système éducatif. Ce rapport a également souligné l’insuffisance des institutions spécialisées pour les adultes autistes. D’abord, selon lui, il n’y avait pas assez d’institutions. En plus, ceux qui existaient étaient souvent inefficaces. Beaucoup de gens qui y habitaient ont reçu des traitements inappropriés ou inefficaces. Le rapport a également noté que la France utilisait une définition plus stricte de l’autisme que celle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Avec la définition de l’OMS, il était possible de diagnostiquer un enfant autiste dès l’âge de dix-huit mois. D’ailleurs, un enfant qui reçoit un diagnostic de l’autisme avant son deuxième anniversaire a de meilleures chances de vivre avec moins de symptômes que s’il était plus âgé. Par contre, la France a gardé ses termes de diagnostic selon le CFTMEA, ce qui a classifié l’autisme comme une psychose infantile jusqu’à 2004 (Grinker 98). Suite à ces critiques, la Ministère de la Santé a mis en place trois plans pour l’amélioration des traitements de l’autisme : le premier de 2005 à 2007, le deuxième de 2008 à 2010 et le troisième de 2013 à 2017. Le troisième plan se divise en cinq objectifs majeurs : diagnostiquer et intervenir précocement, accompagner tout au long de la vie, soutenir les familles, poursuivre les efforts de recherche et former l’ensemble des acteurs (Carlotti 3). Ce plan souligne l’importance du rôle de l’éducation et des traitements basés sur les preuves en préconisant : les interventions pédagogiques, éducatives et thérapeutiques [qui] se réfèrent aux recommandations de bonnes pratiques de la HAS [la Haute Autorité de la Santé] et de l’ANESM [l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux]… réalisées par une équipe LaHote22 associant enseignant et professionnels médico-sociaux, dont les actions sont coordonnées et supervisées. (Carlotti 7) La HAS ne recommande plus la psychanalyse comme traitement pour l’autisme depuis 2012. Comme la HAS ne la recommande plus, selon le Troisième Plan, le gouvernement français ne la recommande pas non plus, une position qui contredit celle que le gouvernement a prise en 2004. En 2014, dans le cadre de ce plan, le gouvernement français a créé 986 nouvelles places pour des spécialistes dans l’accueil et l’accompagnement de personnes avec l’autisme (Carlotti 8). Malgré cet effort, le Conseil de l’Europe a condamné la France à nouveau en 2014 pour des raisons qui ressemblaient beaucoup à celles de la condamnation de 2004. Quoique le gouvernement français ne soutienne plus la psychanalyse comme traitement pour l’autisme, l’assurance sociale rembourse toujours la psychanalyse quand un psychiatre dans le secteur public la mène (Davidson 113-14). Par conséquent, la psychanalyse persiste ; le gouvernement continue de la soutenir financièrement. La question de ce qui est la « meilleure » approche provoque également la question de comment on la détermine. Pour cette raison, le débat parmi les psychiatres et psychologues s’est éclaté en France à la suite d’un rapport publié par l’Institut national de la santé de la recherche médicale (Inserm). Ce rapport, sorti en février 2004, évalue l’efficacité des trois types de psychothérapie : la psychothérapie psychanalytique, la psychothérapie cognitivocomportementale, et la psychothérapie familiale. Les chercheurs ont mené une méta-analyse afin de démontrer l’efficacité générale de ces trois types de psychothérapie et d’examiner quelle psychothérapie est la plus efficace pour chaque diagnostic spécifique. Le rapport reconnaît que les écoles de pensée différentes mesurent (ou ne mesurent pas dans le cas da la psychanalyse) le LaHote23 progrès d’un patient différemment, mais les auteurs justifient leur choix de méthode en choisissant ce qu’ils considèrent comme la mesure la plus simple : La description des pathologies cibles et la définition des objectifs thérapeutiques peuvent être différentes selon les études en fonction des cadres théoriques sousjacents aux approches psychothérapiques. Cela peut rendre les comparaisons difficiles entre les traitements. Néanmoins, dans la mesure où une thérapie est proposée pour un syndrome donné, l’amélioration de ce syndrome peut constituer un standard commun pour évaluer différentes thérapies. (INSERM 1) Néanmoins, ce qui constitue « l’amélioration » n’est pas universel ; elle dépend des mesures que l’on choisit. Cette description reconnaît les différentes approches théoriques mais elle justifie son objectivé d’une manière très vague. Dans le cadre de cette étude, seize maladies mentales ont été examinées au total selon ces critères. Pour quinze maladies sur seize, la psychothérapie cognitivo-comportementale a été plus efficace que la condition de groupe-témoin placé sur la liste d’attente. La psychothérapie familiale a été efficace pour cinq, et la psychothérapie psychanalytique a démontré son efficacité pour une des maladies : les troubles de la personnalité (Meyer 332). Après sa sortie, certains psychologues ont prétendu qu’on a délibérément manipulé les résultats de l’enquête afin d’invalider les psychothérapies psychanalytiques. Dans un article publié dans Le Monde, journaliste Catherine Vincent souligne le scepticisme des psychanalystes envers cette étude. Elle répète leur objection à la méta-analyse. Selon eux, cette méta-analyse se compose d’études qui ont pour but de démontrer l’efficacité des TCC. De façon logique, leurs méthodes d’évaluations viennent des diagnostiques et des mesures de progrès qui correspondent à la théorie cognitivo-comportementale. Certains psychanalystes, comme le psychiatre Olivier LaHote24 Lehembre, ont également noté que la plupart des études de la méta-analyse sont des études menées à l’étranger. Pour le docteur Lehembre, la plus grande présence de la psychanalyse en France reflète non seulement une différence théorique de la psychologie française par rapport aux pays étrangers, mais aussi une différence de pratiques. Il suggère que les pratiques de la psychanalyse française sont meilleures que celles de la psychanalyse dans les pays étrangers. Par conséquent, on ne peut pas généraliser les résultats des études étrangères en les appliquant à la France. C’est une défense de la psychanalyse à la française, dite la psychanalyse supérieure. En outre, beaucoup de psychanalystes s’opposent aux évaluations quantitatives des traitements psychologiques. Peut-on vraiment mesurer le progrès d’un patient qui suit une psychothérapie ? Cela est la question sous-jacente du grand débat. La plupart des psychanalystes diraient que non, que l’on est limité aux approches qualitatives et que les maladies mentales se distinguent des maladies physiques. Du point de vue psychanalytique, c’est le rapport entre le sujet et son monde qui change et on ne possède pas d’outils pour quantifier ce changement. La psychanalyse ne promet pas de soigner ces patients : le but principal est de leur faire se comprendre (Meyer 330). De point de vue de Hélène Bonnaud, psychanalyste, « On n’a pas d’autre moyen que de croire au sujet. C’est lui qui dit. C’est lui qui sait tout... les effets thérapeutiques dans la psychanalyse, ils sont presque toujours au rendez-vous mais c’est pas non plus le seul but de la psychanalyse. C’est pas de guérir à tout prix » (entretien avec l’auteur) Un an après la sortie du rapport, le dialogue entre les psychanalystes et les partisans de la TCC a provoqué une réaction du ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy. En février 2005, juste après un rendez-vous avec des membres de l’Ecole lacanienne de la cause freudienne, il a publié la déclaration suivante : « Les faits et les études que vous nous présentez ne nous intéressent pas, car on ne peut évaluer la souffrance. D’ailleurs on ne peut pas non plus définir le LaHote25 concept de la souffrance » (Meyer 296). Il semblerait donc qu’il n’y ait pas que les psychanalystes qui croient que la psychanalyse fonctionne au-delà des standards scientifiques. La Ministère de la Santé a retiré le rapport de son site, rassurant les psychanalystes que la ministère les écoutait. De cette manière, la psychanalyse démontre son importance en France : elle est même capable d’influencer des décisions politiques. Symboliquement, le ministre a pris la partie des psychanalystes. La censure du rapport, après que l’on l’avait déjà publié sur le site de la ministère, montre que les exigences des psychanalystes ont changé sa position sur le problème. Quoi qu’il ait gagné le soutien des psychanalystes, on a accusé le ministre d’avoir des motivations financières et politiques pour la censure de ce rapport car il ne l’a fait qu’après beaucoup de lobbying de la part des psychanalystes. Ces accusations apparaissent être infondées et les motivations du ministre restent ambiguës. En tout cas, en prenant la partie des psychanalystes, il a suggéré que les sciences sociales n’ont pas la capacité d’être empiriques ; selon ses remarques, elles ne feraient jamais partie de la médecine basée sur les preuves. Cette notion paraît ironique, parce que deux ans auparavant le ministre avait soutenu le mouvement des parents et des patients qui exigeaient une telle évaluation des traitements psychothérapeutiques (Meyer 331-32). Cette censure a provoqué des réactions de plusieurs associations scientifiques, parmi lesquelles le Syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS) et la Fédération française de psychiatrie (FFP). Le SNCS a remarqué que puisque le ministre lui-même avait préconisé cette étude, il aurait dû demander une contre-expertise s’il n’était pas content des résultats. La FFP a parlé de la relation entre ce rapport et le processus scientifique en général, disant qu’un seul rapport n’annule pas tous ceux qui l’ont précédé. Ce rapport, a-t-elle insisté, ne constituait qu’une partie de la documentation ; il n’aurait pas dû prétendre être le dernier mot sur la LaHote26 psychothérapie comme il l’a fait. Malgré cette critique de la présentation du travail de l’INSERM, la FFP a dénoncé sa censure. Selon elle, dans le domaine de la science, on ne censure pas un rapport parce qu’on n’est pas d’accord avec ses conclusions (Vincent). D’autres réponses se sont produites en raison du débat, comme Le Livre noir de la psychanalyse et L’Antilivre noir de la psychanalyse. Le dialogue entres les psychanalystes et les cognitivo-comportementalistes a continué en 2011 quand Sophie Robert, ancienne psychanalyste, a dénoncé la psychanalyse dans son documentaire intitulé Le Mur : La psychanalyse à l’épreuve de l’autisme. Tout au long du documentaire, Robert interviewe plusieurs psychanalystes. Elle raconte l’histoire de deux jeunes Français autistes qui ont reçu des traitements différents. Un des garçons, Julien, a été soigné par la psychothérapie psychanalytique. L’autre, Guillaume, a reçu Applied Behavioral Analysis, un traitement qui fait partie de la Médicine basée sur les preuves (Evidence Based Medicine) (Slocum et al. 41). Guillaume semble fonctionner au même niveau que ses pairs sur le plan social et intellectuel tous les deux. Julien, par contre, est non-verbal et il a passé six années dans un hôpital psychiatrique. Après la sortie de ce documentaire, certains psychanalystes ont attaqué la représentation de la discipline par Robert. Trois des psychanalystes que Robert a interviewés ont prétendu que leurs remarques ont été sorties de leur contexte. Cela a mené à un procès qui a entraîné la censure du documentaire en janvier 2012 (Jolly et Novak). A la fin on est revenu sur cette décision mais seulement deux ans après la décision originale (Vincent). Bien que les psychanalystes aient tenté de discréditer Robert, le procès a plutôt attiré l’attention du public sur le documentaire et ses implications. Les parents français ont exprimé leur frustration avec la psychothérapie psychanalytique et leur rancœur envers la perspective lacanienne de l’autisme, qui, selon eux, blâme la mère de l’enfant. De plus, on a vu la censure LaHote27 d’une critique publique de la psychanalyse pour la deuxième fois en une décennie : d’abord le rapport de l’INSERM et puis Le Mur. Encore une fois, la force de la psychanalyse s’était révélée en France. Aux Etats-Unis, un tel documentaire aurait peut-être provoqué un débat similaire mais il est peu probable qu’il soit censuré. Naturellement, le rapport de l’INSERM a resurgi comme sujet de débat ainsi que le rapport du Conseil de l’Europe. Pourquoi la France—y compris ses hommes et femmes politiques et ses juges—défend-elle à ce point la psychanalyse ? Que représente-elle pour les Français ? Dans d’autres débats politiques en France, on retrouve aussi des traces de théories psychanalytiques, notamment en ce qui concerne la question de l’homoparentalité et les méthodes de reproduction alternatives, qui expliquent mieux la valeur symbolique de la psychanalyse pour les Français. En 2000, 38% des Français pensaient qu’un enfant élevé par deux parents du même sexe pourrait « s’épanouir de la même manière » qu’un enfant qui grandit dans une famille hétérosexuelle. En 2012, ce chiffre est monté à 54% (IFOP 27). Aux États-Unis, un sondage de Gallup en 2000 a trouvé que 46% des Américains étaient favorables à la légalisation de l’homoparentalité, par rapport à 61% en 2012 (Newport). On voit la même progression vers la légalisation dans les deux pays, mais elle arrive plus lentement en France. De cette façon, la France se distingue de la majorité des pays voisins qui ont légalisé l’homoparentalité plus tôt, comme l’Espagne en 2005 où la Grande Bretagne en 2002 (Schneider et Vecho 75). Ce retard relatif par rapport au soutien de l’homoparentalité nous intéresse particulièrement parce que la France est un pays laïc avec une histoire de politiques progressistes en ce qui concerne le mariage et la sexualité. Quand on se demande ce qui peut l’expliquer, on doit réfléchir encore une fois à la question de l’influence de la psychanalyse. Bien qu’il y ait LaHote28 d’autres facteurs qui aident à expliquer ce retard, on ne peut pas ignorer son rôle dans le débat. Il y a des arguments moraux, religieux, et traditionalistes contre les droits des homosexuels qui ne sont pas particuliers à la France, mais en France certains opposants de l’homoparentalité citent les théories structuralistes et psychanalytiques de Claude Lévi-Strauss et de Jacques Lacan. En général, les structuralistes croient qu’il y a des structures mentales sous-jacentes qui créent notre société. Ils essayent de découvrir comment les aspects de notre société font partie de cette structure. Dans le contexte de l’homoparentalité, certains prétendent que la famille hétérosexuelle est la base de la société. Par conséquent, un enfant qui ne grandit pas dans cet environnement risque d’être mal-adapté à la société. En outre, si beaucoup d’enfants grandissent sans cette base, on risque de détruire la société. Ces arguments viennent bien sûr des lacaniens, mais aussi des membres du public, des juges et des législateurs français (Robcis 1). Dans ce débat plusieurs groupes et individus font appel à la psychanalyse pour défendre leur opposition. Sur le site-web de la Manif Pour Tous, un groupe activiste qui s’oppose à la légalisation du mariage homosexuel et de l’homoparentalité, on trouve la citation suivante : Ce projet [de légalisation] entend ainsi supprimer légalement l’altérité sexuelle et remettre en cause le fondement de l’identité humaine : la différence sexuelle et la filiation en résultant. Il ouvre la voie à une nouvelle filiation « sociale », sans rapport avec la réalité humaine. Il crée le cadre d’un nouvel ordre anthropologique, fondé non plus sur le sexe mais sur le genre, la préférence sexuelle. La mention de « l’ordre anthropologique fondé… sur le sexe » fait référence aux théories de Lévi-Strauss, structuraliste et anthropologue français. Pour la Manif pour tous, les théories de Lévi-Strauss reflètent la réalité humaine, même « l’identité humaine ». Ses membres craignent le LaHote29 bouleversement de la société telle qu’ils la voient. D’après Lévi-Strauss, la différence sexuelle produit la société telle qu’elle est. La base de la société se trouve dans le partenariat des deux sexes parce que quand on cherche un partenaire et on se reproduit, on crée des liens à la fois biologiques et sociaux parmi les êtres humains. Comme il y a un tabou contre l’inceste, il faut élargir notre cercle social pour propager l’humanité (Robcis 84). Selon ces théories, pour la survie de l’Homme, on a besoin de relations hétérosexuelles : c’est un fait universel qui transcende les époques et les frontières. Lacan, comme Lévi-Strauss, était structuraliste. Par conséquent, il réitère l’importance de la différence sexuelle en soulignant le rôle du père. Il utilise le complexe d’Œdipe, une théorie freudienne qui prétend qu’un jeune garçon désire sa mère et donc qu’il voit son père comme un ennemi. Dès qu’il apprend à refouler ce désir, il comprend la différence sexuelle et il accepte les règles de la société (Robcis 88). Pour les filles, l’équivalent de cette théorie, où la fille désire son père, est le complexe d’Electre. Chez Lacan, l’hétérosexualité ne reflète que la nature biologique de l’être humain ; elle s’allie avec le tabou contre l’inceste et le complexe d’Œdipe pour faire émerger les règles de la société. Le père et la mère, selon le sexe de l’enfant, sont soit l’objet du désir interdit, soit l’obstacle pour l’enfant qui désire l’autre parent. Dans les deux cas, les parents sont les premiers modèles de l’autorité et des interdictions au niveau social (Robcis 93-101). Selon Lacan, un enfant qui ne vit pas le complexe d’Œdipe sera perdu dans le monde et aura des problèmes psychologiques plus tard. Bien que la plupart des psychologues français ne s’opposent pas à l’homoparentalité—même pas la plupart des psychanalystes—certains d’entre eux soulèvent des arguments contre elle basés sur la psychanalyse lacanienne. Ils soutiennent qu’on ne peut pas changer les règles de la filiation parce qu’elles sont universelles et invariables. Si on change ces règles, on condamne certains enfants au mieux à une vie difficile et au pire à la LaHote30 folie—et cela n’est qu’au niveau individuel. Une génération élevée sous cette nouvelle structure risque de déstabiliser la société, car ces individus n’arriveront jamais à émerger du stage du complexe d’Œdipe (Schneider et Vecho 77). Chez Lacan, cela veut dire que ces individus n’entreront jamais dans le Symbolique, dans le langage, et alors dans la société humaine. Dans les débats publics à propos de l’homoparentalité, il y a des arguments qui mélangent des idéaux catholiques, structuralistes, et républicains. Dans The Law of Kinship : Anthropology, Psychonalaysis, and the Family in France, Camille Robcis, professeur de l’histoire européenne à Cornell University, affirme que la force de l’opposition à l’homoparentalité en France est le résultat de l’union entre le républicanisme et le structuralisme (215-16). Elle commence à décrire cette union d’une perspective traditionaliste qui mélange l’argument catholique et l’argument républicain. Christine Boutin, une femme politique conservatrice, a souligné le lien entre les deux, disant : « Je suis députée, je défends la République et ce qui fonde son unité: le mariage républicain est un grand succès de la Révolution, il est ouvert à chacun, quelles que soient sa race, son intelligence, sa richesse. » Elle précise que quand elle dit « le mariage républicain » elle veut dire le mariage hétérosexuel. Elle trouve que le mariage marche déjà avec les idéaux républicains français parce qu’il est ouvert à « chacun » sans être « contre la nature » (Grosjean). Dans l’Ancien Régime, le mariage était plutôt une étape dans la vie au lieu d’un choix libre. Autrement dit, le mariage républicain représente les moraux français qui datent de la Révolution française. Robcis mentionne également le mélange des rhétoriques catholiques et structuralistes qui s’oppose au mariage homosexuel et l’homoparentalité pour des raisons religieuses que les partisans justifient avec des arguments structuralistes. D’après eux, le modèle d’un couple se compose d’un homme et d’une LaHote31 femme qui ont le potentiel d’être père et mère : c’est le cas aux yeux de Dieu et aux yeux de la société (244-45). Il y a certains arguments contre le mariage homosexuel et l’homoparentalité qui citent Lacan explicitement, comme celui de Michel Schneider, psychanalyste et administrateur public pendant les débats sur le mariage homosexuel. Dans son article « L’État comme semblant » publié en 2003, il unit les théories de Lacan et le concept de l’universalisme français. Mais l’aspect principal de l’apport de Lacan à une psychopathologie du lien politique concerne sa théorie du symbolique. Après lui et grâce à lui, je donne à ce mot un sens très simple : la part de l’Autre en nous, le rappel que vivre c’est vivre ensemble selon des règles transmises et non choisies. Le symbolique, c’est exactement le contraire de : « Je ne m’autorise que de moi-même. » Dans un système symbolique, les liens ne résultent pas de l’action volontaire des individus, ils les précèdent par une tradition et font peser sur eux une contrainte. Relève de l’ordre symbolique ce qu’on ne peut changer, quoi qu’on en ait : le nom, les règles de filiation, la langue, la grammaire, la différence des sexes, la finitude de la vie. On ne choisit pas le nom qu’on porte, les parents qu’on a, la langue qu’on parle et les règles qui la gouvernent, la place qu’on tient dans la différence des sexes, la mort qu’on rencontre l’heure venue. Le symbolique, c’est ce qui est plus grand et plus puissant que nous, plus ancien et plus durable. Ce qui n’est pas à nous, ce qui n’est pas nous, mais ce sans quoi nous ne saurions être. S’il restreint la liberté des choix, il accroît aussi cette vraie liberté qu’est le désir. Les choses qu’on ne choisit pas ont un grand avantage : elles nous protègent de nos pulsions LaHote32 et de nos pensées les plus primitives. Elles survivent à l’agression et à la culpabilité, et par cela même les limitent. (48) Là, il invoque des aspects de la philosophie française classique, surtout les idées de Rousseau. On sacrifie des aspects de notre liberté à la symbolique comme on le fait au gouvernement : on désire et on cherche l’ordre social. Selon lui, les homosexuels doivent sacrifier le droit de se marier et d’avoir des enfants pour maintenir cet ordre social. De plus, il dit qu’il faut se soumettre à l’ordre symbolique parce qu’il nous protège de nous-mêmes et de nos « pulsions ». D’après lui ce n’est même pas que l’on ne doit pas changer les règles, c’est que ce n’est pas possible. L’ordre symbolique est une force plus puissante que nous et hors notre contrôle. En suivant cette logique, les limitations sur le mariage nous libèrent au lieu de nous freiner. Ces arguments au sujet du mariage homosexuel seront relancés dans les débats sur l’homoparentalité. Pourquoi sont-ils si attirants pour une partie de la population française ? Une partie de l’explication consiste de la manipulation des arguments auparavant menés par des grands intellectuels français, ce qui a de l’attrait pour certains Français. Certains entendent des principes qu’ils associent aux symboles de la Patrie (comme les paroles de Rousseau ou de Lacan) et cela provoque une réponse patriotique : ils croient à l’argument sans questionner sa logique. Pour des individus et des groupes qui s’opposent déjà au mariage homosexuel et à l’homoparentalité, comme par exemple les traditionalistes et certains Catholiques, la psychanalyse peut fonctionner comme la preuve scientifique de leur argument : une sorte d’expertise que la plupart du monde ne possède pas et qui justifie leurs positions morales. En réalité, les études scientifiques nord-américaines démontrent qu’il n’y a aucune différence notable entre les enfants élevés par des parents hétérosexuels et ceux élevés par des parents du LaHote33 même sexe en ce qui concerne l’identité sexuelle, le développement psychosocial et cognitif, les relations sociales et familiales, et les risques d’abus (Schneider et Vechor 78). Françoise Héritier, anthropologue et successeur de Lévi-Strauss, réplique à ces études scientifiques en, dit-elle, les subordonnant à l’ordre symbolique (Robcis 251). Elle croit que l’empirisme n’a pas de place dans l’étude d’une culture. Son rejet de la méthode scientifique ressemble aux arguments des psychanalystes contre les études sur l’efficacité des thérapies psychanalytiques : ce que la science nous dit n’est pas forcément ce que la société et l’ordre normatif nous dit. Même s’il n’y a pas de base scientifique pour rejeter l’homoparentalité et que tous les enfants avec des parents du même sexe ont la même chance de réussir que leurs paires, les opposants de l’homoparentalité pensent qu’un changement dans l’ordre symbolique aura des conséquences. Encore une fois, on voit que la psychanalyse trouve un moyen d’influencer les débats politiques en France : cette fois, on ne parle pas spécifiquement des politiques de la santé mentale, mais plutôt de l’état de la société dite progressiste. Nous nous demandons : quels sacrifices l’humanité doit-elle faire pour le bien de l’ordre social et l’ordre symbolique ? En 1967, dans un séminaire intitulé « La logique du fantasme », Lacan a dit, « Je ne dis même pas : la politique, c’est l’inconscient, mais tout simplement : l’inconscient, c’est la politique » (Chemama 15). C’est-à-dire, du point de vue lacanien, les structures qu’on crée dans la société reflètent l’inconscient de l’Homme. Dans la société française, une des structures les plus fortes est la famille telle qu’on la représente dans le Code civil. Selon ce code la famille hétérosexuelle est « naturelle » et constante. Les arguments qui expliquent ce fait et qui suivent cette logique ont de l’attrait en France. En outre, il y a en France de l’opposition contre l’influence anglo-saxonne. On juxtapose LaHote34 le côté scientifique (les études psychologiques nord-américaines) et le côté culturel pour dire que la France n’ignore pas ce qui est culturel et ce qui a créé la République. Ce n’est pas une question de ce que l’on pourrait faire dans la République, c’est ce que l’on a toujours fait. Cela ne veut pas dire que la France n’est pas capable d’évoluer, mais elle reste toujours consciente de la tradition française et d’habitude elle la protège—même quand la science met en question cette tradition. De la même manière, les psychologues et psychiatres français se méfient plus des approches anglo-saxonnes, comme le DSM, que les approches françaises. La vieille Europe, épuisée par les guerres fratricides et sauvée des totalitarismes par les Anglo-Saxons, a donc adopté les modèles américains, ne serait-ce que par le biais des CIM-9, 10, 11, de l’OMS, jumeaux des DSM-III, IV et 5. La ligua franca de la science est désormais l’anglo-américain, et toute publication en langue vernaculaire reste ignorée. (Bourgeois 661) De ce point de vue, l’approche anglo-saxonne ne domine pas parce qu’elle est supérieure à l’approche française mais seulement en raison des circonstances historiques et culturelles, comme le manque de recherche en psychologie en France après les deux guerres mondiales. La perspective française a été perdue dans la conversation mondiale de la psychologie et maintenant la France essaie de réclamer sa place. La cohabitation des psychanalystes et des psychiatres à Sainte-Anne sert d’exemple de pourquoi on protège la tradition française du discours psychanalytique. Le fait qu’il y a un psychanalyste dans un grand hôpital psychiatrique est déjà remarquable parce que nous ne l’avons jamais vu dans un hôpital psychiatrique aux Etats-Unis. De plus, il y a également un Institut de la psychanalyse à Sainte-Anne. La psychiatrie biologique et la psychanalyse côte à côte : une métaphore pour la situation actuelle dans la psychologie française. Nous avons assisté LaHote35 à une conférence psychanalytique où une psychanalyste a analysé un patient devant les spectateurs qui ont offert des commentaires et posé des questions sur l’analyse après. Tout cela a eu lieu à Sainte-Anne : une formation psychanalytique dans un contexte psychiatrique et biologique. Cela montre que les deux formations ne sont pas toujours en opposition ; elles sont capables de coexister et souvent elles le font en France. Le docteur Laqueille a souligné cette même idée : J’aime bien qu’il y ait des approches diverses qui correspondent à la diversité et à la sensibilité des patients. Il n’y a pas une technique qui est forcément meilleure qu’une autre. Ça dépend du profil du patient. Il y a des patients qui se font analysés parce qu’ils ont envie de réfléchir sur eux, d’autres qui sont… plus pragmatiques. Il faut proposer les deux. (entretien avec l’auteur) De manière similaire, le docteur Serge Kannas a parlé de l’utilité de méthodes diverses : « Aucune grande théorie ne pouvait faire la preuve qu’elle était supérieure à toutes les autres, même si elle prétend le contraire ». L’émergence de la psychanalyse dans les débats actuels en France sur la psychologie, le diagnostic et le traitement des maladies mentales et la politique démontrent que la psychanalyse maintient mieux son autorité en France qu’aux Etats-Unis. Certaines observations offrent des explications pour cette autorité continue. D’abord, l’éducation française met plus d’accent sur la littérature et la philosophie que l’éducation américaine. Tous les lycéens qui passent le baccalauréat, un examen équivalent à un diplôme d’école secondaire aux Etats-Unis, doivent passer une épreuve de philosophie tandis que l’on ne familiarise les Américains à la philosophie qu’à l’université. Même à l’université, suivre un cours de philosophie n’est pas d’habitude obligatoire. Le fait que la France exige que les étudiants suivent des cours de philosophie indique LaHote36 qu’elle y a beaucoup d’importance. C’est un pays de grands littéraires et philosophes : Descartes, Rousseau, Hugo, Baudelaire, Camus et bien d’autres. Beaucoup de ces grands intellectuels ont des influences persistantes dans la culture actuelle. Certains considèrent que Lacan est devenu un de ces intellectuels bien que seulement pour ceux qui s’intéressent à la psychanalyse. Pour ceux qui croient à ses idées, c’est en partie grâce à sa capacité de décrire ses théories de façon très éloquente bien qu’obscurantiste. Le docteur John Strauss, psychiatre américain, a remarqué cette différence culturelle à travers son travail dans les deux pays. Les gens que je connais [en France] connaissent mieux l'histoire et la philosophie qu'ici... Je l'ai trouvé très enrichissant. Une fois, j'ai donné une conférence à un groupe qui se composait pour la plupart de psychologues mais aussi de quelques psychiatres et ils m'ont posé des questions formidables... des questions conceptuelles par rapport à la nature de ce je faisais et où mon travail se situait dans le contexte historique, qui n'arrive jamais [aux États Unis]. Cela ajoute une autre dimension entière à la pensée. (entretien avec l’auteur) (notre traduction de l’anglais) Il nous a raconté certaines de ses expériences avec des psychiatres américains et français. Bien qu’il y ait une multitude de perspectives différentes par rapport à la psychiatrie dans chaque pays, le docteur Strauss a confiance qu’en général, cette différence en connaissances historiques et philosophiques se manifeste dans le discours franco-américain. Outre leurs influences littéraires et philosophiques, les Français sont connus pour leur leur éloquence et leur esprit : l’amour d’un bon débat et la reconnaissance d’un argument bien défendu. Un bon débat ne se produit jamais quand tout le monde est d’accord sur un sujet ; le LaHote37 désaccord crée l’intérêt. Donc, la juxtaposition des approches variées envers la conception, le diagnostic et le traitement des maladies mentales établit un dialogue enrichissant du point de vue français. Ce dialogue est-il favorable aux avancées scientifiques ? Cela reste à voir. Les psychanalystes font appel spécifiquement à la préservation de la tradition française et à la résistance à la mondialisation et à l’américanisation (Miller 7). D’abord, la plupart des manuels et des études que les Américains s’attendent à ce que le reste du monde utilise sont en anglais. Bien que beaucoup de Français soient capables de lire l’anglais, la résistance aux manuels et aux termes anglais est parfois plus symbolique que pratique. Pourtant, cette résistance découle de plus d’une différence linguistique. Un thème récurrent dans nos entretiens était la dominance ou l’impérialisme (une question du point de vue) de la science anglo-saxonne. Le docteur Serge Kannas, ancien psychiatre français qui travaille actuellement pour le Ministre de la santé, a remarqué que beaucoup de ses collègues ont constaté que l’autorité de la psychiatre française diminue depuis la deuxième guerre mondiale, « Comme si la psychiatre française a disparu ». Les études anglo-saxonnes ont remplacé les avancées françaises, ce qui nous mène à l’état actuel de la psychiatrie (Kannas). Ce n’est pas que la supériorité numérique des études que certains protestent, c’est l’imposition des méthodes : « Si une psychologie présente des collusions individualistes et libérales, c’est encore qu’elle n’est pas vraiment scientifique ou qu’elle confond science et culture » (Tiberghien 152). Pour Tiberghien, une vraie science n’a pas besoin de se soucier de l’objectivité ; elle est naturellement objective. Il critique la psychologie américaine pour essayer d’imposer ses méthodes et sa perspective subjective partout dans le monde occidental. Cela fait partie d’un argument qui s’étend au-delà de la psychologie : les désavantages du mondialisation et l’impérialisme culturel. LaHote38 En France, on protège ce qui est français. La France n’est pas un « melting pot » ; au contraire, elle épouse l’assimilation. Si on immigre en France, on est obligé de devenir français et de laisser le reste de son identité dans sa vie privée. C’est pour cette raison que l’on ne trouve pas de statistiques sur la race, la religion, ou la langue maternelle de ses habitants (Nadeau & Barlow 301). Nous affirmons que souvent les Français abordent les idées qui viennent de l’étranger de la même manière : il faut les adapter à la culture française. Mais la notion de ce qui est français n’est pas statique : elle est capable d’évoluer. Après tout, dans le passé certains croyaient que les idées de Freud n’étaient pas compatibles avec la culture française (Sédat 24). Ces idées sont devenues françaises lorsque Lacan les a réinterprétées et les a mélangées avec les courants philosophiques de l’époque. La psychanalyse possède encore un avantage par rapport au courant comportementaliste parce qu’elle a la présence de Lacan. Lacan a le statut d’un grand penseur français et le coté comportemental n’a pas de tel intellectuel en France. D’ailleurs, l’empirisme reste une chapelle étrangère : adoptée souvent par ceux qui acceptent la mondialisation et opposée par ceux qui protègent férocement ce qui est français. La France est également unique dans le domaine de la satisfaction de vie. Selon une étude de Claudia Sénik, les Français sont moins contents de leur vie qu’ils ne « devraient » l’être vu leur niveau de vie. Elle a considéré le produit intérieur brut (PIB), le taux de chômage, le nombre d’heures qu’on travaille, l’espérance de vie, et d’autres facteurs qui nous permettent typiquement de prédire le bonheur d’un peuple. Elle croit que « le trait spécifique du malheur des Français semble être une conséquence de leurs valeurs, croyances et perception de la réalité au lieu des circonstances objectives et générales de leur pays » (389) (notre traduction de l’anglais). Elle conclut qu’il y a une « dimension culturelle du bonheur » que les mesures typiques de la satisfaction de la vie ne sont pas capables d’expliquer (396). LaHote39 S’il y a une « dimension culturelle du bonheur », pourquoi n’y aurait-il pas une dimension culturelle de la santé mentale ? Peut-être la psychanalyse répond-elle à un besoin français auquel les TCC ne répondent pas. Peut-être doit-on réinventer les mesures de l’efficacité des psychothérapies pour la France. Après tout, on adapte souvent les mesures psychologiques aux populations différentes. À mesure que la société devient de plus en plus mondiale, on fait plus d’efforts pour travailler au delà des frontières. Cet effort produit des avantages et nous aide à développer des connaissances humaines mais il a ses limites. Il y a plusieurs avantages de cette approche, notamment dans les sciences, mais est-il réaliste d’avoir des standards internationaux de diagnostics et de traitements ? Nous imaginons que l’approche idéale est un juste milieu qui considère les besoins et les exigences de la société mondiale et ceux de la culture spécifique que l’on étudie. Il faut considérer les deux pour traiter la société de manière réaliste et efficace. Nous reconnaissons les limites de nos observations de l’état actuel de la psychanalyse en France. Le statut de la psychanalyse est subjectif. Sur chaque sujet de débat, il y a autant d’avis différents qu’il y a d’individus et nous n’en avons parlé qu’à une dizaine. La conversation évolue toujours et elle n’est complètement polarisée ni en France ni aux Etats-Unis. Comme nous avons parlé avec seulement une dizaine d’individus, nous avons ajouté ces perspectives avec celles d’autres psychologues, psychiatres et psychanalystes dans des articles, des films et des livres. Néanmoins, il est impossible de représenter la perspective de chaque individu dans un pays, même dans un domaine spécifique comme la psychologie. Par conséquent, les arguments que nous avons décrits et résumés ne sont que des parties d’une conversation encore plus dynamique et hétérogène. Même si la perspective est incomplète, les voix des individus dans ce mémoire nous offrent un aperçu de la culture française et nous invitent à réfléchir au rôle de la culture dans les LaHote40 domaines scientifiques. Malgré les influences du monde anglo-saxon et de la mondialisation, l’autorité de la psychanalyse en France persiste grâce à son attrait culturel et philosophique. Avec l’aide de Lacan, elle s’est transformée en courant philosophique français. On continuera à entendre la voix de la psychanalyse en France parce que pour les Français, la psychanalyse ajoute une dimension supplémentaire à la conversation sur la santé mentale. Elle enrichit la perspective et la compréhension de tous ceux qui y participent ainsi que l’expérience du patient. Comme le docteur Laqueille insiste, « Tous les discours doivent se tenir ». Pourvu que la culture française continue à attacher de l’importance à l’esprit et aux débats intellectuels, le discours de la psychanalyse perdura. LaHote41 Works Cited Birns, Beverly & Voyat Gilbert. "Wallon and Piaget." Enfance, vol. 32, no. 5, 1979, 321-333. Bonnaud, Hélène. Personal interview. 19 Dec. 2016. Carlotti, Marie-Arlette. Plan autisme 2013 / 2017: Rapport d’étape. 2 May 2013. Carroy, Jacqueline, Ohayon, Annick, and Plas, Régine. Histoire de la psychologie en France : XXeXXIe siécles. Éditions La Découverte, 2006. Chemama, Roland. “L’inconscient, c’est la politique.” Journal Français de Psychiatrie, vol. 4, no. 27, 2006, pp. 15-18. Chevreul, Karine et al. “The Cost of Mental Disorders in France.” European Neuropsychopharmacology, vol. 23, 2013, pp. 879-886. Conseil de l’Europe. “La Charte sociale européenne.” Conseil de l’Europe. Accessed 20 Oct. 2016. Davidson, Colette. "Management of Autism in France: A Huge Job to Be Done." 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