Coinfection VIH-VHC et carcinome hépato-cellulaire Revue critique de l'actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites n°94 - août 2001 VHC-VIH Coinfection VIH-VHC et carcinome hépato-cellulaire Hélène Fontaine Service d'Hépatologie, Hôpital Necker (Paris) Hepatocellular carcinoma in HIV-infected patients with chronic hepatitis C Garcia-Samaniego J., Rodriguez M., Berenguer J., Rodriguez-Rosado R., Carbo J., Asensi V., Soriano V. The American Journal of Gastroenterology, 2001, 96, 179-183 Le carcinome hépato-cellulaire secondaire à la cirrhose virale C est une complication dont la fréquence est en augmentation chez les patients coinfectés par le VIH depuis l'amélioration de leur espérance de vie secondaire au traitement antirétroviral. Une étude montre qu'il survient à un âge plus précoce et après une durée d'infection plus brève que chez les patients monoinfectés par le VHC. Se pose alors la question de la transplantation hépatique. La coinfection entre les virus des hépatites virales B, C et Delta et le VIH est fréquemment observée en raison de modes de contamination communs. Ce problème est resté secondaire jusqu'à l'utilisation des multithérapies antirétrovirales qui ont permis l'augmentation de l'espérance de vie des patients infectés par le VIH. Depuis, plusieurs études analysant l'évolution des hépatopathies virales ont montré que la coinfection par le VIH était responsable d'un pronostic péjoratif : en effet, l'évolution http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/94_1326.htm (1 sur 5) [08/04/2003 17:43:43] Coinfection VIH-VHC et carcinome hépato-cellulaire cirrhogène est plus fréquente, plus rapide ainsi que les complications secondaires à l'hypertension portale et à l'insuffisance hépatique. Actuellement, elles représentent la cinquième cause de mortalité dans l'infection par le VIH. Le carcinome hépato-cellulaire était jusqu'à présent rarement observé chez les patients coinfectés. Cependant, avec l'augmentation de l'espérance de vie des patients coinfectés et l'augmentation de la durée d'évolution de la cirrhose, leur incidence augmente. Garcia-Samaniego et coll. ont décrit les caractéristiques de 7 patients coinfectés chez lesquels a été diagnostiqué un carcinome hépato-cellulaire et les ont comparé à un groupe contrôle de 31 patients avec un carcinome hépato-cellulaire secondaire à une cirrhose virale C sans coinfection par le VIH. Il s'agissait de 7 patients de sexe masculin, d'âge médian de 41 ans (31-63). Six avaient été contaminés par voie sanguine (toxicomanie intraveineuse) et un patient avait un facteur de risque sexuel. La durée d'évolution médiane de l'hépatite virale C (connue chez 6 patients) était de 18,5 ans. Deux étaient coinfectés par le VHB et un par le VHD. Un seul patient était au stade sida ; le nombre médian des CD4 était de 195/mm3 (64-456). Les circonstances du diagnostic étaient pour 3 patients un syndrome douloureux abdominal, une ascite dans 3 autres cas et un épisode d'encéphalopathie chez le dernier patient. Au moment du diagnostic, le carcinome hépatocellulaire était monofocal dans 5 cas, multifocal et diffus chez 1 patient ; l'alfa-foeto-protéine était augmentée chez tous les patients avec une valeur médiane de 1200U/ml (89-113450). Deux patients avaient reçu un traitement spécifique : un patient par chimioembolisation et un par alcoolisation. Au moment de la rédaction de l'article, 5 étaient décédés entre 1 et 18 semaines après le diagnostic et deux étaient vivants, 16 et 36 semaines après le diagnostic. Pendant la même période (1997-1998), 31 patients avaient été suivis dans le service pour un carcinome hépatocellulaire post-hépatitique C sans coinfection par le VIH. Onze (35%) avaient été contaminés par transfusion sanguine et 20 de façon sporadique. Les deux groupes de patients avaient une consommation d'alcool comparable, indépendamment du statut VIH. Au contraire, l'âge et la durée d'évolution de l'hépatopathie étaient significativement inférieur chez les patients co-infectés que dans le groupe contrôle : 42,2 +/-10,4 versus 68,9 +/- 8,9 (p < 0,001), et 17,8 +/- 2,7 versus 28,1 +/- 10,9 (p < 0,05), respectivement. Le sexe féminin était plus fréquent chez les patients VIH-négatifs. Il apparaît donc dans cette étude que l'âge du diagnostic du carcinome hépato-cellulaire est plus précoce chez les patients http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/94_1326.htm (2 sur 5) [08/04/2003 17:43:43] Coinfection VIH-VHC et carcinome hépato-cellulaire VIH-positifs que chez les patients VIH-négatifs. Ceci s'explique par une évolution plus rapide et plus fréquente vers la cirrhose dans cette population, comme le suggèrent la plupart des études analysant les facteurs de risque d'évolution fibrosante chez les patients infectés de façon chronique par le virus de l'hépatite C. Plusieurs hypothèses ont été suggérées pour expliquer cette rapidité d'évolution. La présence de cofacteurs hépatotoxiques, comme la coinfection par le VHB, pourrait accélérer la constitution de la fibrose. De même, une consommation excessive d'alcool associée est un facteur de risque de cirrhose, peut-être par le biais de l'augmentation de la virémie et des altérations de la réponse immune antivirale ; dans cette étude, la consommation d'alcool était comparable dans les deux groupes. Une autre particularité des patients coinfectés par le VIH et le VHC est la difficulté d'accès à la transplantation hépatique et aux traitements antiviraux. Les auteurs concluent en suggérant que le nombre d'hépatopathies virales C sévères devrait augmenter dans les années à venir en raison de la diminution de la mortalité liée à l'infection VIH et d'une constitution plus rapide de la cirrhose et du carcinome hépatocellulaire. Le dépistage de cette complication doit être réalisé chez ces patients comme chez les patients VIH-négatifs. Enfin, ceci est un argument supplémentaire incitant à améliorer l'efficacité des traitements à visée anti-VHC, de façon à prévenir, en amont, l'évolution vers la cirrhose dans cette population. Il s'agit de la série la plus importante de carcinomes hépato-cellulaires secondaires à l'infection par le VHC chez des patients infectés par le VIH rapportée jusqu'à présent dans la littérature. L'augmentation de l'incidence de cette complication chez les patients infectés par le VIH était importante à souligner, puisqu'elle risque de devenir dans un avenir proche une cause de mortalité majeure dans cette population. De plus, cette complication survient chez des patients jeunes (en raison de la constitution plus rapide et plus fréquente de la cirrhose) et ayant un statut immunitaire relativement satisfaisant. Ceci peut donc théoriquement permettre de proposer, chez ces patients, la transplantation hépatique, qui est actuellement le traitement le plus efficace dans cette pathologie et dont une des limites fréquemment rencontrée chez les patients VIH-négatifs est un âge au moment du diagnostic supérieur à 60-65 ans. La difficulté d'accès à ce traitement était justifiée jusqu'à récemment par l'espérance de vie faible des patients coinfectés, secondaire à la survenue de complications liées au VIH et à l'absence de données concernant le suivi de patients avec une déficit immunitaire à la fois lié au VIH et au traitement immunosuppresseur. Si l'efficacité de ce traitement reste encore à préciser, la diminution de la mortalité liée au VIH a permis http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/94_1326.htm (3 sur 5) [08/04/2003 17:43:43] Coinfection VIH-VHC et carcinome hépato-cellulaire l'évolution de cette attitude et quelques patients VIH-positifs ont pu bénéficier d'une transplantation hépatique pour différentes indications. L'infection par le VIH n'est donc plus une contre-indication à ce traitement. D'autre part, l'augmentation relative de la mortalité liée au VHC chez les patients VIH-positifs encourage le dépistage systématique de cette infection et l'utilisation de traitements anti-VHC dont le but est, au mieux, l'éradication virale mais aussi la stabilisation voire la diminution des lésions de fibrose, de façon à freiner l'évolution vers la cirrhose. Cette étude avait également pour but de comparer les caractéristiques de ces patients en fonction de leur statut VIH. Excepté l'âge au moment du diagnostic et la durée de l'infection par le VHC, cet objectif est difficilement réalisable en raison d'un effectif faible et de l'absence d'informations concernant certaines données. Les auteurs suggèrent que la coinfection par le VHB pourrait expliquer au moins partiellement un âge de survenue plus précoce chez les patients coinfectés par le VIH et le VHC, mais le pourcentage de coinfection par le VHB dans le groupe témoin n'est pas précisé. De même, le pourcentage de patients traités par interféron (traitement potentiellement préventif de la survenue du carcinome hépato-cellulaire) n'est pas connu. L'influence d'une consommation d'alcool excessive est reconnue comme un facteur de risque d'évolution vers la cirrhose chez les patients VIH-négatifs et suggéré chez les patients VIH-positifs ; le faible effectif de cette étude ne permet pas de confirmer cette hypothèse. Enfin, le rôle des caractéristiques virologiques - en particulier la virémie quantitative - et l'influence de la co-infection par le VIH sur la présentation clinique et le pronostic restent également à évaluer. En conclusion, ces résultats soulignent l'importance du dépistage des hépatopathies chez les patients VIH-positifs et la nécessité d'améliorer les traitements antiviraux ou antifibrosants afin de prévenir l'évolution vers la cirrhose. Lorsque celle-ci est déjà constituée, le dépistage du carcinome hépato-cellulaire doit être systématique comme chez les patients VIH-négatifs. Enfin, il est important de développer des traitements efficaces au cours de cette complication, dont l'incidence devrait augmenter à court terme et grever le pronostic des patients coinfectés ; en particulier, l'efficacité de la transplantation hépatique devrait prochainement être évaluée dans cette indication et ce, d'autant plus que cette complication touche des sujets jeunes et dont le statut immunitaire est souvent prédictif, à lui seul, d'une espérance de vie prolongée. Darby S, Ewart D, Giangrando P et al. " Mortality from liver cancer and liver disease in haemophiliac men and boys in UK given blood products contaminated with hepatitis C " http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/94_1326.htm (4 sur 5) [08/04/2003 17:43:43] Coinfection VIH-VHC et carcinome hépato-cellulaire Lancet, 1997, 350, 1 425-31 Pol S, Lamorthe B, Thi NT et al. " Retrospective analysis of the impact of HIV infection and alcohol use on chronic hepatitis C in a large cohort of drug users " Hepatol, 1999, 30, 347-8 Benhamou Y, Bochet M, Di Martino V et al. " Liver fibrosis in HIV and hepatitis C virus coinfected patients " Hepatol, 1999, 30, 1 054-8 http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/94_1326.htm (5 sur 5) [08/04/2003 17:43:43]