ANALYSE DES EFFETS DES PULSATIONS DU VENT SUR LA
RÉSULTANTE AÉRODYNAMIQUE MOYENNE D'UN PLANEUR
PAR M. LOUIS BRéGUET,
Ingénieur-Constructeur,
Paris.
I
L'ÉNERGIE INTERNE DU VENT
On appelle vent, sans autre qualificatif, le déplacement moyen d'ensemble
des masses d'air de l'atmosphère, par rapport à un observateur immobile au
sol.
Ce mouvement, généralement horizontal, peut cependant avoir une com-
posante ascendante lorsqu'il est dévié par un obstacle naturel ou sous l'action
de causes thermiques locales.
Mais si l'observateur, à bord d'un appareil volant, quitte le contact du
sol,
en cessant d'être lié à lui, il n'existe plus pour lui qu'un vent
relatif,
égal à sa
vitesse aérodynamique.
C'est ainsi que seule cette vitesse aérodynamique intervient dans l'étude
du vol dans l'atmosphère, et un vent de vitesse uniforme ne fait que
modifier,
par une simple composition de vitesses, la trajectoire par rapport
au
sol,
sans
jamais exercer sur
l'oiseau
ou l'aéronef aucune influence aérodynamique.
Ceci posé, avant d'aborder le sujet de cette étude qui est le vol à voile
dynamique, disons un mot de ce qu'on appelle le vol à voile statique dont la
technique est élémentaire et des plus simples. On démontre qu'il existe une
incidence de vol, qui est celle du minimum de puissance consommée en vol
horizontal, pour laquelle la vitesse de descente d'un planeur suivant une trajec-
toire rectiligne dans la masse d'air qui l'environne est minimum est égale à
um.
Si cette descente s'effectue dans un vent dont la vitesse verticale est égale
ou supérieure à
wm,
un observateur verra du
sol
le planeur rester dans un même
plan horizontal, ou même s'élever d'un mouvement uniforme, et l'on dira que le
planeur effectue du vol à voile statique.
Rappelons que la vitesse
um
est d'ailleurs d'autant plus faible que la charge
au mètre carré des ailes est elle-même plus petite, mais alors, sa vitesse horizontale
diminuant dans le même rapport, le planeur peut se trouver entraîné par le
vent loin de la zone favorable d'ascendance. Cette remarque explique
que,
par vent violent, les oiseaux trop peu chargés au mètre carré ne peuvent utiliser
ce mode de stationnement.
Mais si les oiseaux qui volent à voile recherchent, pour s'y maintenir, les
zones d'ascendance du vent, l'observation courante révèle qu'un grand nombre
674 L.
B
RÉGUET
d'entre eux sont susceptibles de parcourir, sans perte d'altitude, de longues
distances dans un vent uniquement horizontal, sans qu'apparaisse le moindre
battement de leurs ailes.
Pour expliquer ce vol, dit vol à voile dynamique, il est nécessaire d'introduire
et d'étudier une notion nouvelle, celle de l'énergie interne du vent dans laquelle
l'oiseau puise la puissance nécessaire à son vol.
Cette énergie, dont l'existence n'a pas échappé à certains expérimentateurs
tels que Langley qui en avait,s 1893, entrevu l'utilisation, résulte de l'exis-
tence, quand il y a vent, d'accélérations alternatives des masses d'air déplacées.
Toute masse d'air en mouvement possède donc, par rapport au
sol,
une vitesse
moyenne V que nous supposerons horizontale, qui est la vitesse du vent, et une
vitesse
alternatives
qui peut être définie par trois composantes
vx, vy, vz\ vx
et
vy
étant horizontales et
vz
verticale.
Chacune de ces trois pulsations élémentaires, supposée périodique, est
caractérisée par sa vitesse maximum ou intensité et par sa période.
Mais en examinant les diagrammes en fonction du temps des vitesses de
ces pulsations relevées dans le vent, on constate qu'ils présentent généralement
certaines irrégularités, dues à des pulsations secondaires à plus courte période,
oscillant autour d'une ligne moyenne assez régulière représentant la pulsation
principale.
Quelles que soient cependant la complexité et l'irrégularité des pulsations
périodiques du vent, on sait qu'on peut représenter leur vitesse en fonction du
temps par la somme algébrique d'une série de fonctions
sinusoidales
simples
différant par leur amplitude, leur fréquence et leur phase.
Un tel développement en série de Fourier peut d'ailleurs se déduire de la
connaissance du diagramme relevé dans le vent.
On peut donc représenter la pulsation
vx
par un développement de la forme
(1)
vx
= ^Vxnsm{no)t +
\pn),
2TT
la période de la pulsation
fondamentale
étant T= ,
^n
représentant le décalage
CO
de phase des divers harmoniques et n recevant certaines valeurs entières à partir
de l'unité.
La pulsation fondamentale est celle de plus longue période; toutefois nous
ne considérerons pas ici les pulsations qui auraient des périodes de plus de 20
secondes.
s
développements analogues permettront d'obtenir les expressions
analytiques de
vy
et
vz.
Il convient de remarquer, ainsi que nous l'avions déjà indiqué, il y a deux
ans,
que l'existence d'une pulsation
vx
suivant la vitesse du vent entraîne néces-
sairement, ainsi que le montre l'application de l'équation de continuité, l'existence
de pulsations de même période dans un plan normal à cette vitesse.
Soient, en effet,
a
une section droite du courant,
<JO
la valeur de
cr
lorsque
i'x
= 0.
En négligeant les variations de densité de
l'air,
la continuité du débit
permet d'écrire.
o-(V-\-vx)
=
(70
V=
const.,
PULSATIONS DU VENT SUR UN PLANEUR 675
d'où
(2) =
<lQ^r (^Vx
dt
(V+vx)2di'
Les pulsations normales au courant ayant cette origine auraient donc une
vitesse proportionnelle à l'accélération de la pulsation horizontale
vx.
Ce résultat est confirmé par certains diagrammes, le vent instantané des-
cendant quand sa vitesse augmente, montant quand sa vitesse diminue et étant
horizontal lorsque son intensité est maximum ou minimum.
D'après M.
Idrac,
les pulsations latérales du vent seraient en général plus
faibles que les pulsations verticales.
Notons aussi que des mouvements tourbillonnaires peuvent donner lieu à
des pulsations de toute nature se superposant à celles dont nous venons
d'envisager
l'origine.
Ceci posé, si une masse d'air
M,
possédant une énergie cinétique de transla-
tion \MV2, est animée de pulsations périodiques en tous sens, ainsi que nous
venons de l'exposer, elle possède de ce fait une certaine énergie cinétique interne,
également périodique, dont une fraction est utilisable par un oiseau ou un
planeur.
Au point de vue du vol à voile, cette énergie est caractérisée par sa valeur
moyenne
3
dans la période. En
supposant^,
vy, vz
représentés par des formules
analogues à la formule (1), on trouve sans difficulté
(3)
3=jZ(vln+v>y,+vtn).
L'énergie interne moyenne est donc la somme des énergies apportées par
tous les harmoniques des pulsations, tant horizontales que verticales, chaque
harmonique intervenant comme s'il était seul. Cette propriété de la super-
position des effets des divers harmoniques se retrouve dans leur utilisation pour
le vol à voile dont c'est une des particularités les plus dignes d'être signalées.
Notons enfin que si l'énergie de translation
^MV2
n'est
pas perceptible par
un oiseau ou un planeur, l'énergie interne
8
dépend cependant de cette énergie
à laquelle elle semble être proportionnelle.
Les intensités des pulsations relevées dans le vent croissent en effet avec
l'intensité du vent et, pour certaines mesures, la proportionnalité paraît se
vérifier.
Les pulsations horizontales dirigées suivant le vent sont généralement de
beaucoup les plus intenses, et leur intensité augmente avec leur période.
L'extrémité du vecteur représentant la pulsation résultante décrit donc une
surface ayant la forme d'un ellipsoïde dont le grand axe est dirigé suivant la
vitesse du vent.
Bien que le vent ne soit pas directement perceptible pour un planeur, il
apparaît cependant que si un observateur, à bord de ce planeur, pouvait déter-
miner le grand axe de cette surface, il connaîtrait ainsi la direction de la vitesse
du vent.
Certains auteurs ont prétendu relever dans les vents violents des pulsations
horizontales de 5 à 7 mètres, d'intensité, pour des périodes de 6 à 8 secondes.
676 L.
B
RÉGUET
Les valeur des intensités des pulsations verticales pour différentes fréquences
et différents vents n'est pas encore bien déterminée. D'après M.
ïdrac,
des
intensités de plus de
lm
par seconde ne s'observeraient que rarement et dans
des vents d'au moins
15m,
les valeurs le plus couramment observées étant de
0m,
20 à
0m,
50 pour des vents de 7 à
15m.
Ces chiffres nous paraissent assez pessimistes et nous pensons qu'avec les
appareils à fil chaud de MM. Huguenard, Magnan et Planiol, de meilleures
valeurs pourront être mesurées.
Après ces quelques préliminaires, nous allons analyser le mécanisme par
lequel l'oiseau peut utiliser ces différentes pulsations en étudiant séparément
l'effet des pulsations verticales, puis celui des pulsations horizontales reçues
latéralement et enfin celui des pulsations horizontales reçues de front.
Nous verrons aussi comment s'opère la superposition des effets des diverses
pulsations grâce à laquelle il semble qu'aucune agitation interne du vent ne soit
perdue pour l'oiseau qui
vole
à voile.
Nous donnerons également l'analyse du vol par battements en air calme
car elle met en jeu les mêmes phénomènes et s'effectue par des calculs en tous
points semblables.
II
L'EFFET DE PULSATIONS AéRIENNES VERTICALES
C'est depuis longtemps que nous avions indiqué que l'oiseau doit trouver
une partie de la puissance nécessaire à son vol sans battement dans l'utilisation
des accélérations verticales alternatives des
masses
d'air (conférences faites à
Lille en 1909, à l'Association Française Aérienne en 1922 et à la Société de
Navigation aérienne en 1923).
Des essais de laboratoire, commencés à Vienne en 1921 et poursuivis récem-
ment au Laboratoire de Saint-Cyr, ont pleinement confirmé nos théories en
montrant que si l'on envoyait sur une aile immobile un courant d'air ondulé
verticalement à l'aile de volets oscillants, on voyait la résultante aérodynamique
moyenne se redresser jusqu'à donner une composante propulsive.
Un calcul simple, effectué simultanément par M.
Râteau
et par nous, permet
d'analyser ce phénomène d'une façon tout à fait satisfaisante et de chiffrer le
décalage observé de la polaire.
Cependant, la période des pulsations qui n'intervient pas pour une aile
immobile devient, pour un planeur libre, le facteur prépondérant de la discussion,
par suite du mouvement vertical ondulé que prend son centre de gravité.
C'est ainsi que nous avons été conduit, tout récemment, dans deux Notes
communiquées à l'Académie des Sciences le 21 janvier et le 10 mars 1924, à
présenter l'analyse qui sert de base à cette étude.
Pour la facilité de la discussion, nous étudierons d'abord l'effet d'une pulsa-
tion simple
de vi
tesse
v =
vM
sin
œt,
en montrant
par
la suite que lorsqu'une pulsation
comporte un certain nombre d'harmoniques, les effets de ces harmoniques se
superposent simplement.
PULSATIONS DU VENT SUR UN PLANEUR 677
Soient
:
i,
cx, cz,
l'incidence en radians de l'aile au temps t, comptée à partir de celle du
minimum de traînée, et les coefficients de traînée et de poussée rapportés
à la vitesse aérodynamique et à sa normale;
cx
,
cJ,
les mêmes coefficients rapportés à l'horizontale et à la verticale, c' étant
positif dans le sens des résistances;
a, g, le poids spécifique de l'air et l'accélération de la pesanteur;
v,
vu
, T, la vitesse de la pulsation verticale agissant sur le planeur au temps
t,
sa valeur maximum et sa période; en posant
OIT
2TT,
nous admettrons que
v
vM
sin
cot
;
V, 6, la grandeur de la vitesse aérodynamique du planeur, dont nous négligerons
les variations, et l'inclinaison au temps t de cette vitesse sur l'horizontale;
P,
S,
le poids et la surface du planeur.
Les angles i et 6 seront considérés comme positifs dans le cas de la figure 1.
Pour rechercher quelle est, pour chaque valeur de 6, l'incidence la meilleure
à donner à l'aile, nous admettrons la loi linéaire
(4) i =
kd+iQ,
k et
io
étant ultérieurement déterminés pour que les effets des pulsations soient
les plus favorables un vol à voile.
Nous remarquerons que l'incidence de l'aile sur l'horizontale est
(5)
i'=i-e
=
(k-i)o+io,
de sorte que
i0
n'est autre que l'incidence moyenne de vol et que l'immobilité
rela-
tive de l'aile correspond à k
1.
En nous bornant alors aux incidences, ne dépassant pas 10 à 12°, en fonction
Fig. 1
desquelles on peut représenter
cx
par un arc de parabole et
cz
par
une^droite,
nous écrirons,
a,
ß, A, B étant des constantes:
(6)
cx
=
a+ßi2,
(7)
c,
=
A+Bi,
d'où,
en remplaçant i par sa valeur (4),
cXo
et
cZQ
désignant les valeurs
de*cx
et
cs
pour i
i0:
(8)
cx
=
cXo+2ßkHd+ßkW,
(9)
c9
=
cH+Bk6.
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