Chapitre 4
OPTIQUE :G´
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I. Préambule
I.1.Histoire de l’optique
L’optique est une science ancienne dont les bases sont jetées dès l’Antiquité. Le sens du
mot « optique » a d’abord été « étude de la vision », puis s’est progressivement transformé
en « étude de la lumière », pour maintenant être considéré comme une partie de l’électro-
magnétisme. Néanmoins, la partie optique géométrique peut s’abstraire de cette filiation et
s’envisager de façon simple, comme une étude de la propagation de la lumière visible.
Fig. 4.1. Miroir égyptien en
bronze poli, xiies. av. J.-C.,
L. A. County Museum of Art
Les anciens Égyptiens et Babyloniens, excellents géo-
mètres, s’appuient sur la propagation rectiligne de la
lumière et mettent au point les premiers miroirs et
lentilles (voir figure 4.1). Durant la période antique,
l’optique est essentiellement descriptive et géométrique,
d’autant que la nature de la lumière est inconnue ;
les Grecs supposaient d’ailleurs que l’œil émettait des
rayons pour percevoir les objets. Cette période voit
également le développement de connaissances en op-
tique dans les pays d’Extrême-Orient, Chine et Inde.
Cependant, la communication de ces connaissances en
Extrême-Orient d’une part, et entre les Grecs et le
Moyen-Orient d’autre part, est peu active, de sorte
que l’optique contemporaine résulte essentiellement du
spectaculaire essor de cette science en Europe entre la
Renaissance et le xxesiècle.
Dans la période médiévale, les savants arabo-musulmans commencent à envisager le rayon
lumineux comme indépendant de l’œil humain (Alhazen, xesiècle). En Occident, on pense
encore que l’œil peut être autant émetteur que récepteur. À la Renaissance, le dévelop-
pement des premiers instruments d’optique est à la base de véritables révolutions scienti-
fiques : la théorie de l’héliocentrisme (Terre en mouvement autour du Soleil) de Copernic
(xve-xviesiècle) est confirmée par Galilée, alors que certains, comme Van Leeuwenhoeck, se
penchent sur la vie microscopique (bactéries, protozoaires, spermatozoïdes). Au xviiesiècle,
de nombreux savants, comme Tycho Brahé [15], Snell, Kepler et Descartes, entraînés par
leur passion pour la mécanique céleste, pour laquelle il faut développer des outils comme les
télescopes et les lunettes (voir figure 4.2), posent les bases de l’optique géométrique.
Fig. 4.2. Longue-vue de marine, xixesiècle
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Partie II. Optique géométrique
Au xviiiesiècle, l’optique connaît un développement théorique important avec Christiaan
Huygens et surtout Isaac Newton. Ce dernier montre que la lumière blanche peut être dif-
fractée jusqu’à être séparée en plusieurs couleurs, et également recomposée à partir de ces
mêmes teintes. Il met en évidence les phénomènes d’interférence et propose une nature cor-
pusculaire pour la lumière. Huygens démontre que certaines propriétés ne sont compatibles
qu’avec une nature ondulatoire de la lumière, mais ces résultats reçoivent peu d’attention.
Il faut attendre le début du xixesiècle pour que les expériences d’interférence et de polari-
sation de Thomas Young et Étienne Malus posent de nouveau la question de la nature de la
lumière, et pour que Fresnel, perfectionnant les idées de Huygens, rende compte de la totalité
des phénomènes optiques par la théorie ondulatoire. À la fin du xixesiècle, les découvertes
de Heinrich Hertz et James Maxwell en électromagnétisme permettent de rapprocher optique
et électricité, et de reconnaître la lumière comme une onde électromagnétique. Toutefois, on
suppose encore que cette onde se propage dans un milieu baptisé « éther » supposé emplir
l’univers.
Enfin, au début du xxesiècle, la physique connaît une nouvelle révolution avec l’apparition
de deux théories essentielles : la mécanique quantique et la relativité. Les grands physi-
ciens de cette époque – dont Einstein, De Broglie, Schrödinger, Dirac et Heisenberg – ont
tous contribué à l’évolution récente de l’optique physique, avec la levée des contradictions
entre onde et particules, dont on démontre qu’il s’agit de deux aspects du même phénomène.
La notion de « dualité onde-corpuscule » permet d’envisager une double nature à la lumière.
L’énergie lumineuse peut se décrire comme une onde, caractérisée par sa direction de pro-
pagation #
uet sa longueur d’onde λ(grandeurs résumées par le vecteur d’onde #
kcolinéaire
à#
uet de module 1), mais aussi comme des particules appelées photons, de masse nulle
et d’énergie W=(où hest la constante de Planck et ν= 1). L’une ou l’autre de ces
descriptions est choisie en fonction de sa facilité d’utilisation dans un problème donné. Ces
notions d’optique quantique, apparemment abstraites, donnent lieu à des développements
technologiques remarquables, comme les lasers.
I.2.Spectre visible et vision
I.2.1.Spectre lumineux
La science moderne décrit la lumière comme un rayonnement électromagnétique dont l’éner-
gie est comprise dans la bande 1,5 à 3,5 eV (2,5 à 5,3·1019 joules), qui correspond à la
sensibilité de l’œil humain : c’est le spectre visible ou spectre optique.
Rappel Ondes électromagnétiques
Un rayonnement électromagnétique élémentaire est décrit par une fonction d’onde dé-
finissant la propagation, selon le temps tet la direction x, d’un champ électrique et
d’un champ magnétique couplés dans un plan (y,z), dont les variations d’amplitude sont
sinusoïdales, c’est-à-dire décrites par une fonction de la forme
A(x,t) = A0sin(ωt kx)
La fréquence d’oscillation est ν=2π/ω(mesurée en hertz = seconde1).
Dans le vide, la période d’oscillation T= 1(en secondes) et la longueur d’onde λ(en
mètres) sont liées par la relation
λ=cT =c/ν
cest la vitesse de la lumière et de l’onde électromagnétique.
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Chapitre 4. Optique : généralités
Les limites en longueur d’onde des rayonnements perceptibles par l’œil humain dépendent
de l’individu et des conditions de vision. La gamme moyenne de longueurs d’ondes commu-
nément visibles est située entre 380 nm (violet) et 780 nm (rouge), ce qui correspond à une
gamme de fréquences de 790 à380 THz (1 THz = 1012 Hz). Ce spectre représente une très
petite partie de l’ensemble des rayonnements électromagnétiques, classés, selon leur longueur
d’onde, des ondes radio aux rayons γ(voir figure 4.3 et tableau 4.1).
Rayons
γRayons
χUltra-
violets
Visible Infra-
rouge
Micro-ondes Ondes radio
106
-
103 nm
1 nm
100 nm
400
-
700 nm
1 μm
10
-
100 μm
1
-
100 mm
1 m
1 km
Fig. 4.3. Étendue spectrale des rayonnements électromagnétiques, avec leurs sources ou
usages caractéristiques
Rayonnement Longueur d’onde Exemple de source
Rayons γ< 0,01 nm Réactions nucléaires
Rayons X0,1 nm - 10 nm Appareil de radiologie médicale
Ultra-violet 10 nm - 380 nm Soleil
Visible 380 nm - 780 nm Soleil
Infra-rouge 1 µm - 100 µm Soleil
Micro-ondes 0,1 mm - 0,1 m Rayonnement thermique
Ondes radio 0,1 m - 10 m Radar
> 10 m Étoiles, antennes radio
Tableau 4.1. Dénomination usuelle des rayonnements électromagnétiques selon leur lon-
gueur d’onde
Il peut sembler surprenant que les récepteurs de la vision soient sensibles à une gamme
aussi peu étendue de rayonnements. De fait, le spectre visible correspond à la partie la plus
intense du rayonnement solaire atteignant la surface terrestre (voir figure 4.4), qui dépend
de la température du soleil. Les organismes vivants se sont donc adaptés à cette gamme
d’énergie : les longueurs d’ondes plus courtes que 380 nm endommagent la structure des
molécules organiques, tandis que celles plus longues que 720 nm sont absorbées par l’eau,
constituant principal des organismes vivants.
I.2.2.Vision humaine
Pour analyser le rayonnement visible, l’œil humain dispose de plusieurs types de récepteurs.
Les cellules tapissant le fond de l’œil (ou rétine) se répartissent en trois types de cônes,
sensibles uniquement au rouge-jaune, au vert ou au bleu, ce qui permet la vision chroma-
tique. Les bâtonnets, plus nombreux et de sensibilité supérieure, permettent la vision en
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Partie II. Optique géométrique
faible luminosité. La fluctuation du nombre de cônes de chaque type, voire leur défaillance
(daltonisme), engendre une variabilité de la perception des couleurs d’une personne à l’autre.
La plus grande sensibilité des bâtonnets explique qu’en faible éclairement, les couleurs ne
sont plus perçues (voir figure 4.5).
UV Visible IR Puissance solaire rayonnée PR
(puissance spectrale par unité de surface)
en fonction de la longueur d’onde
(nm)
PR(W·s2·nm1)
Rayonnement solaire
en haute atmosphère
Lumière reçue
au niveau de la mer
Rayonnement corps
noir à 6 000 K
500 1 000 1 500 2 000 2 500
2
1,5
1
0,5
Fig. 4.4. Fenêtre atmosphérique : partie du spectre du rayonnement solaire pour laquelle
l’absorption par l’atmosphère terrestre est la plus faible
Luminosi
globale
Intensité lumineuse
(%)
Longueur
d’onde
(nm)
100
80
60
40
20
0
400 500 600 700
Rouge
Vert
Bleu
Fig. 4.5. Vision des couleurs : sensibilité des cellules de la vision (cônes et bâtonnets) aux
zones du spectre lumineux
Malgré ces limitations, la vision humaine est relativement performante parmi les mammifères,
surtout sur le plan chromatique.
L’œil comme instrument d’optique, ses défauts et leur correction seront étudiés dans le
chapitre 6.
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Chapitre 4. Optique : généralités
II. Principes de l’optique géométrique
II.1.Notion de rayon lumineux. Propagation rectiligne. Indice d’un
milieu
L’observation de la lumière diffusée par le soleil derrière des nuages (voir figure 4.6), la
similitude de forme entre un objet et son ombre, les ombres multiples lorsqu’un objet est
éclairé par plusieurs sources lumineuses. . . l’ensemble de ces observations conduit à énoncer
des principes phénoménologiques simples pour la propagation de la lumière.
Définition 4.1. Rayon lumineux
On appelle rayon lumineux la trajectoire suivie par l’énergie lumineuse depuis un point
source jusqu’à un point de l’objet éclairé.
Les propriétés de transparence, d’homogénéité et d’isotropie caractérisent les milieux trans-
mettant la lumière.
˛Transparent signifie que l’énergie n’est pas affaiblie au cours de la propagation.
˛Homogène signifie que les propriétés du milieu sont les mêmes en tout point.
˛Isotrope signifie que les propriétés du milieu sont identiques dans toutes les directions de
l’espace.
Bien entendu, nombre de milieux réels ne remplissent que partiellement ces conditions. L’eau,
par exemple, est considérée comme transparente à la lumière visible. Néanmoins, il existe
une absorption, qui conduit à un affaiblissement de l’intensité lumineuse différente selon la
couleur (longueur d’onde), d’où le fait que seule la partie bleue du spectre solaire atteint les
fonds marins.
Loi 4.2. Propagation rectiligne
Dans un milieu transparent, homogène et isotrope, la lumière se propage en ligne droite.
Ainsi, les rayons du soleil apparaissent rectilignes (voir figure 4.6).
Fig. 4.6. Propagation rectiligne de la lumière
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