résistance et sensibilité génétique à la maladie du sommeil

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doi : 10.1684/san.2006.0031
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RÉSISTANCE ET SENSIBILITÉ
GÉNÉTIQUE À LA MALADIE
DU SOMMEIL
La trypanosomose humaine africaine,
plus communément appelée la maladie
du sommeil, est due à un parasite, le
trypanosome, transmis à l’homme par
la piqûre d’une glossine, la mouche tsétsé. Une recrudescence de cette maladie
est apparue ces vingt dernières années
en Afrique subsaharienne. Dans un
rapport publié en 1998, l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) a estimé
le nombre de personnes infectées à
environ 300 000. La prise de conscience
de la gravité de la situation a entraîné
une augmentation des activités de dépistage et de traitement ces cinq dernières
années, permettant une baisse substantielle du nombre de malades.
La trypanosomose humaine africaine se
présente classiquement sous deux formes,
correspondant à deux sous-espèces
de parasites. La forme « chronique »,
rencontrée dans les pays d’Afrique
centrale et de l’Ouest, est provoquée
par Trypanosoma brucei gambiense (T.b.
gambiense). Sa durée d’évolution chez
l’hôte est variable, et peut aller de quelques mois à plusieurs années. La forme
aiguë de la maladie est provoquée par
Trypanosoma brucei rhodesiense (T.b. rhodesiense), dans les pays d’Afrique australe
et orientale. Elle provoque une infection qui se déclare au bout de quelques
semaines. Plus virulente que la première,
son évolution est aussi plus rapide et,
par conséquent, sa détection sur le plan
clinique peut être plus précoce.
Cependant, il est de plus en plus admis
que l’existence de ces deux formes,
chronique à T. b. gambiense et aiguë à
T. b. rhodesiense, ne reflète qu’une vision
partielle de la réalité. En effet, en ce qui
concerne la forme gambienne, les équipes
de dépistage et de traitement relèvent
plusieurs catégories de personnes infectées : certaines manifestant des formes
chroniques classiques de la maladie,
d’autres des formes sévères à évolution
rapide, ou encore des personnes infectées
ne présentant aucun symptôme de la trypa-
nosomose humaine africaine, malgré une
longue période d’infection. Cette diversité de présentation clinique de l’hôte à
l’infection peut avoir plusieurs origines : la
capacité de l’hôte à répondre à l’infection,
le degré de virulence ou de pathogénicité
du parasite et l’environnement.
Une équipe de l’IRD s’est penchée en
particulier sur le rôle de la diversité génétique de l’hôte dans la réponse à l’infection par T. b. gambiense (développement
ou non de la maladie). L’expérimentation humaine étant exclue, des méthodes
génétiques, épidémiologiques et statistiques, regroupées sous le terme d’épidémiologie génétique, ont été développées
pour identifier des régions chromosomiques et/ou des mutations de l’ADN
impliquées dans le développement de la
maladie. Les chercheurs ont notamment
utilisé les études d’associations, afin de
déterminer l’influence de certaines mutations sur l’ADN de gènes codants pour des
protéines particulières du système immunitaire (les cytokines) dans l’apparition
de la maladie. Ce type d’étude consiste
à comparer la fréquence d’une mutation chez des individus atteints et chez
des individus sains. Lorsque la fréquence
d’une mutation est significativement plus
élevée chez les individus malades que chez
les individus sains, cette mutation est associée à un risque plus élevé de développer
la maladie. À l’inverse, une fréquence
significativement plus faible traduit un
effet protecteur de la mutation.
Les deux études réalisées dans deux
foyers distincts de la maladie, respectivement à Sinfra en Côte d’Ivoire et
à Bandundu en république démocratique du Congo1, ont en effet mis en
évidence trois associations entre une
mutation de l’ADN et le développement
de la maladie. Suivant leur position sur
certains gènes de cytokines, les mutations étudiées se sont révélées capables d’induire chez l’individu qui les
porte un risque accru de développer
cette trypanosomose humaine, ou au
contraire un effet protecteur2.
Les associations mises en évidence entre
ces mutations et la maladie nécessitent
d’être confirmées dans des populations
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et des environnements différents. De
nouvelles études, d’épidémiologie génétique notamment, sont actuellement
mises en place afin de valider les effets de
prédisposition génétique déjà observés.
Les résultats obtenus vont permettre
d’améliorer la connaissance des interactions entre l’hôte et le parasite, notamment par l’identification de marqueurs
génétiques de risque. Il sera alors possible
d’envisager, à plus long terme, la mise
au point de moyens originaux de lutte
contre la maladie du sommeil.
Actualité scientifique IRD,
N° 249, septembre 2006
Contact :
David Courtin
<[email protected]>
Références :
Courtin D, Argiro L, Jamonneau V, et al. Interest
of tumor necrosis factor-alpha -308 G/A and interleukin-10 -592 C/A polymorphisms in human
African trypanosomiasis. Infection, Genetics and
Evolution 2006; 6; 123-9.
Courtin D, Milet J, Jamonneau V, et al. Association between human African trypanosomiasis
and the IL6 gene in a Congolese population (sous
presse, Infection, Genetics and Evolution).
Garcia A, Courtin D, Solano P, Koffi M, Jamonneau
V. Human African trypanosomiasis epidemiology,
clinic and diagnosis:connecting parasite and host
genetics (sous presse, TRENDS in Parasitology).
1
L’étude ivoirienne a porté sur 200 sujets
atteints et 302 sujets non atteints. L’étude
menée en république démocratique du Congo
comprenait 353 sujets dont 135 malades.
2
L’étude ivoirienne suggère que les individus
porteurs de la mutation A (substitution d’une
base cytosine par une adénine), située en position -592 du gène codant l’Interleukine 10, ont
moins de risque de développer la maladie. En
revanche, les individus porteurs de deux allèles
mutés en position -308 du gène codant pour le
facteur a de nécrose tumorale (Tumor Necrosis
Factor-a) présentaient un risque accru de développer cette trypanosomose, rapidement après
être exposés au risque infectieux. Chez les individus de république démocratique du Congo, la
mutation T (substitution d’une base cytosine par
une thymine) en position 4339 du gène codant
l’Interleukine 6 pourrait conférer une protection
au développement de la maladie. Une tendance
à l’association a également été observée entre
la mutation T en position 5417 du gène codant
pour l’Interleukine 1a et un risque augmenté de
développer cette trypanosomose.
Cahiers Santé 16, n° 3, juillet-août-septembre 2006
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