Info doi : 10.1684/san.2006.0031 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. RÉSISTANCE ET SENSIBILITÉ GÉNÉTIQUE À LA MALADIE DU SOMMEIL La trypanosomose humaine africaine, plus communément appelée la maladie du sommeil, est due à un parasite, le trypanosome, transmis à l’homme par la piqûre d’une glossine, la mouche tsétsé. Une recrudescence de cette maladie est apparue ces vingt dernières années en Afrique subsaharienne. Dans un rapport publié en 1998, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé le nombre de personnes infectées à environ 300 000. La prise de conscience de la gravité de la situation a entraîné une augmentation des activités de dépistage et de traitement ces cinq dernières années, permettant une baisse substantielle du nombre de malades. La trypanosomose humaine africaine se présente classiquement sous deux formes, correspondant à deux sous-espèces de parasites. La forme « chronique », rencontrée dans les pays d’Afrique centrale et de l’Ouest, est provoquée par Trypanosoma brucei gambiense (T.b. gambiense). Sa durée d’évolution chez l’hôte est variable, et peut aller de quelques mois à plusieurs années. La forme aiguë de la maladie est provoquée par Trypanosoma brucei rhodesiense (T.b. rhodesiense), dans les pays d’Afrique australe et orientale. Elle provoque une infection qui se déclare au bout de quelques semaines. Plus virulente que la première, son évolution est aussi plus rapide et, par conséquent, sa détection sur le plan clinique peut être plus précoce. Cependant, il est de plus en plus admis que l’existence de ces deux formes, chronique à T. b. gambiense et aiguë à T. b. rhodesiense, ne reflète qu’une vision partielle de la réalité. En effet, en ce qui concerne la forme gambienne, les équipes de dépistage et de traitement relèvent plusieurs catégories de personnes infectées : certaines manifestant des formes chroniques classiques de la maladie, d’autres des formes sévères à évolution rapide, ou encore des personnes infectées ne présentant aucun symptôme de la trypa- nosomose humaine africaine, malgré une longue période d’infection. Cette diversité de présentation clinique de l’hôte à l’infection peut avoir plusieurs origines : la capacité de l’hôte à répondre à l’infection, le degré de virulence ou de pathogénicité du parasite et l’environnement. Une équipe de l’IRD s’est penchée en particulier sur le rôle de la diversité génétique de l’hôte dans la réponse à l’infection par T. b. gambiense (développement ou non de la maladie). L’expérimentation humaine étant exclue, des méthodes génétiques, épidémiologiques et statistiques, regroupées sous le terme d’épidémiologie génétique, ont été développées pour identifier des régions chromosomiques et/ou des mutations de l’ADN impliquées dans le développement de la maladie. Les chercheurs ont notamment utilisé les études d’associations, afin de déterminer l’influence de certaines mutations sur l’ADN de gènes codants pour des protéines particulières du système immunitaire (les cytokines) dans l’apparition de la maladie. Ce type d’étude consiste à comparer la fréquence d’une mutation chez des individus atteints et chez des individus sains. Lorsque la fréquence d’une mutation est significativement plus élevée chez les individus malades que chez les individus sains, cette mutation est associée à un risque plus élevé de développer la maladie. À l’inverse, une fréquence significativement plus faible traduit un effet protecteur de la mutation. Les deux études réalisées dans deux foyers distincts de la maladie, respectivement à Sinfra en Côte d’Ivoire et à Bandundu en république démocratique du Congo1, ont en effet mis en évidence trois associations entre une mutation de l’ADN et le développement de la maladie. Suivant leur position sur certains gènes de cytokines, les mutations étudiées se sont révélées capables d’induire chez l’individu qui les porte un risque accru de développer cette trypanosomose humaine, ou au contraire un effet protecteur2. Les associations mises en évidence entre ces mutations et la maladie nécessitent d’être confirmées dans des populations 166 jlesan00107_cor2.indd 166 et des environnements différents. De nouvelles études, d’épidémiologie génétique notamment, sont actuellement mises en place afin de valider les effets de prédisposition génétique déjà observés. Les résultats obtenus vont permettre d’améliorer la connaissance des interactions entre l’hôte et le parasite, notamment par l’identification de marqueurs génétiques de risque. Il sera alors possible d’envisager, à plus long terme, la mise au point de moyens originaux de lutte contre la maladie du sommeil. Actualité scientifique IRD, N° 249, septembre 2006 Contact : David Courtin <[email protected]> Références : Courtin D, Argiro L, Jamonneau V, et al. Interest of tumor necrosis factor-alpha -308 G/A and interleukin-10 -592 C/A polymorphisms in human African trypanosomiasis. Infection, Genetics and Evolution 2006; 6; 123-9. Courtin D, Milet J, Jamonneau V, et al. Association between human African trypanosomiasis and the IL6 gene in a Congolese population (sous presse, Infection, Genetics and Evolution). Garcia A, Courtin D, Solano P, Koffi M, Jamonneau V. Human African trypanosomiasis epidemiology, clinic and diagnosis:connecting parasite and host genetics (sous presse, TRENDS in Parasitology). 1 L’étude ivoirienne a porté sur 200 sujets atteints et 302 sujets non atteints. L’étude menée en république démocratique du Congo comprenait 353 sujets dont 135 malades. 2 L’étude ivoirienne suggère que les individus porteurs de la mutation A (substitution d’une base cytosine par une adénine), située en position -592 du gène codant l’Interleukine 10, ont moins de risque de développer la maladie. En revanche, les individus porteurs de deux allèles mutés en position -308 du gène codant pour le facteur a de nécrose tumorale (Tumor Necrosis Factor-a) présentaient un risque accru de développer cette trypanosomose, rapidement après être exposés au risque infectieux. Chez les individus de république démocratique du Congo, la mutation T (substitution d’une base cytosine par une thymine) en position 4339 du gène codant l’Interleukine 6 pourrait conférer une protection au développement de la maladie. Une tendance à l’association a également été observée entre la mutation T en position 5417 du gène codant pour l’Interleukine 1a et un risque augmenté de développer cette trypanosomose. Cahiers Santé 16, n° 3, juillet-août-septembre 2006 1/23/2007 3:19:49 PM