Résistance et sensibilité génétique à la maladie du sommeil

Résistance et sensibilité génétique
à la maladie du sommeil
Fiche n°249 - Septembre 2006
L
a maladie du sommeil ou
trypanosomose humaine
africaine (THA), transmise lors
d’une piqûre infectante de mou-
che tsé-tsé, est une maladie
causée par des parasites, les
trypanosomes. Cette maladie,
essentiellement rurale, est for-
tement liée aux comportements
et aux conditions de vie des
populations humaines (proxi-
mité de cours d’eau, notam-
ment). Malgré l’importance des
facteurs de risques environne-
mentaux et comportementaux
dans l’épidémiologie de la try-
panosomose humaine africaine,
des études expérimentales et
immunologiques semblent
indiquer l’existence d’une sen-
sibilité individuelle à la maladie.
Des chercheurs de l’IRD se sont
penchés sur le rôle de la diver-
sité génétique humaine dans la
résistance et/ou la sensibilité
aux maladies parasitaires, dont
la maladie du sommeil. Pour
cette dernière, des mutations
ponctuelles de l’ADN, situées
sur des gènes codant pour des
protéines impliquées dans la
réponse du système immunitaire
(cytokines), ont été trouvées,
associées à la maladie. Alors
que certaines d’entre elles sem-
blent protéger les individus
contre cette trypanosomose,
d’autres les rendraient plus
sensibles à la maladie. Les
résultats obtenus permettront
de mieux comprendre les rela-
tions hôte-parasite et, à terme,
faciliteront la mise au point de
moyens thérapeutiques et pro-
phylactiques originaux.
La trypanosomose humaine africaine, plus
communément appelée la maladie du som-
meil, est due à un parasite, le trypanosome,
transmis à l'homme par la piqûre d'une glossine,
la mouche tsé-tsé. Une recrudescence de
cette maladie est apparue ces vingt dernières
années en Afrique subsaharienne. Dans un
rapport publié en 1998, l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) a estimé le nom-
bre de personnes infectées à environ 300 000.
La prise de conscience de la gravité de la
situation a entraîné une augmentation des
activités de dépistage et de traitement ces
cinq dernières années, permettant une baisse
substantielle du nombre de malades.
La trypanosomose humaine africaine se
présente classiquement sous deux formes,
correspondant à deux sous-espèces de para-
sites. La forme "chronique", rencontrée dans
les pays d'Afrique centrale et de l'Ouest, est
provoquée par Trypanosoma brucei gambiense
(T.b. gambiense). Sa durée d’évolution chez
l’hôte est variable, pouvant aller de quelques
mois à plusieurs années. La forme aiguë de la
maladie est provoquée par Trypanosoma bru-
cei rhodesiense (T.b. rhodesiense), dans les
pays d'Afrique australe et orientale. Elle pro-
voque une infection qui se déclare au bout de
quelques semaines. Plus virulente que la pre-
mière, son évolution est aussi plus rapide et,
par conséquent, sa détection sur le plan cli-
nique peut être plus précoce.
Cependant, il est de plus en plus admis
que l’existence de ces deux formes, chro-
nique à T. b. gambiense et aiguë à T. b. rho-
desiense, ne reflète qu’une vision partielle de
la réalité. En effet, en ce qui concerne la forme
gambienne, les équipes de dépistage et de
traitement relèvent plusieurs catégories de
personnes infectées : certaines manifestant
Glossina fuscipes gorgée de sang.
>>
©IRD/Cirad J. Janelle
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des formes chroniques classiques de la
maladie, d’autres des formes sévères à évolu-
tion rapide, ou encore des personnes infectées
ne présentant aucun symptôme de la trypano-
somose humaine africaine, malgré une longue
période d’infection. Cette diversité de présen-
tation clinique de l’hôte à l’infection peut avoir
plusieurs origines : la capacité de l’hôte à
répondre à l’infection, le degré de virulence ou
de pathogénicité du parasite et l’environnement.
Une équipe de l’IRD s’est penchée en parti-
culier sur le rôle de la diversité génétique de
l’hôte dans la réponse à l’infection par T. b.
gambiense (développement ou non de la mal-
adie). L’expérimentation humaine étant
exclue, des méthodes génétiques, épidémio-
logiques et statistiques, regroupées sous le
terme d’épidémiologie génétique, ont été
développées pour identifier des régions
chromosomiques et/ou des mutations de
l’ADN impliquées dans le développement de
la maladie.
Les chercheurs ont notamment utilisé les étu-
des d’associations, afin de déterminer l’in-
fluence de certaines mutations sur l’ADN de
gènes codant pour des protéines particulières
du système immunitaire (les cytokines) dans
l’apparition de la maladie. Ce type d’étude
consiste à comparer la fréquence d’une muta-
tion chez des individus atteints et chez des
individus sains. Lorsque la fréquence d’une
mutation est significativement plus élevée
chez les individus malades que chez les indi-
vidus sains, cette mutation est associée à un
risque plus élevé de développer la maladie. À
l’inverse, une fréquence significativement plus
faible traduit un effet protecteur de la mutation.
Les deux études réalisées dans deux
foyers distincts de la maladie, respective-
ment à Sinfra en Côte d’Ivoire et à Bandundu
en République Démocratique du Congo (1),
ont en effet mis en évidence trois associations
entre une mutation de l’ADN et le développe-
ment de la maladie. Suivant leur position sur
certains gènes de cytokines, les mutations
étudiées se sont révélées capables d’induire
chez l’individu qui les porte un risque accru de
développer cette trypanosomose humaine, ou
au contraire un effet protecteur (2).
Les associations mises en évidence entre
ces mutations et la maladie nécessitent d’être
confirmées dans des populations et des envi-
ronnements différents. De nouvelles études,
d’épidémiologie génétique notamment, sont
actuellement mises en place afin de valider les
effets de prédisposition génétique déjà obser-
vés. Les résultats obtenus vont permettre
d’améliorer la connaissance des interac-
tions entre l’hôte et le parasite, notamment
par l’identification de marqueurs génétiques
de risque. Il sera alors possible d’envisager, à
plus long terme, la mise au point de moyens ori-
ginaux de lutte contre la maladie du sommeil.
(1) L’étude ivoirienne a porté sur 200 sujets atteints
et 302 sujets non atteints. L’étude menée en
République Démocratique du Congo comprenait
353 sujets dont 135 malades.
(2) L’étude ivoirienne suggère que les individus
porteurs de la mutation A (substitution d’une base
cytosine par une adénine), située en position -592
du gène codant l’Interleukine 10, ont moins de
risque de développer la maladie. En revanche, les
individus porteurs de deux allèles mutés en posi-
tion -308 du gène codant pour le facteur a de
nécrose tumorale (Tumor Necrosis Factor-a) pré-
sentaient un risque accru de développer cette try-
panosomose, rapidement après être exposés au
risque infectieux.
Chez les individus de République Démocratique
du Congo, la mutation T (substitution d’une base
cytosine par une thymine) en position 4339 du
gène codant l’Interleukine 6 pourrait conférer une
protection au développement de la maladie. Une
tendance à l’association a également été obser-
vée entre la mutation T en position 5417 du gène
codant pour l’Interleukine 1a et un risque augmen-
té de développer cette trypanosomose.
Rédaction IRD : Aude Sonneville (DIC)/
David Courtin
CONTACTS :
DAVID COURTIN
IRD, UR 010 "Santé de la
mère et de l’enfant en milieu
tropical",
01 53 73 96 21 ;
RELATIONS AVEC LES MÉDIAS :
01 48 03 75 19 ;
INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE LIRD
01 48 03 78 99 ;
RÉFÉRENCES :
COURTIN D., ARGIRO L.,
JAMONNEAU V., N’DRI L.,
N’GUESSAN P., ABEL L.,
DESSEIN A., COT M.,
LAVEISSIÈRE C. AND GARCIA A.
Interest of tumor necrosis
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morphisms in human African
trypanosomiasis. Infection,
Genetics and Evolution
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COURTIN D., MILET J.,
JAMONNEAU V., YEMINANGA
C.S., KUMESO V.K.B.,
BILENGUE C.M.M., BETARD C.
AND GARCIA A. Association
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panosomiasis and the IL6
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lation (sous presse,
Infection, Genetics and
Evolution).
GARCIA A., COURTIN D.,
SOLANO P., KOFFI M. AND
JAMONNEAU V. HUMAN African
trypanosomiasis epidemiolo-
gy, clinic and diagnosis:
connecting parasite and
host genetics (sous presse,
TRENDS in Parasitology).
MOTS-CLEFS :
TRYPANOSOMOSE AFRICAINE,
SENSIBILITÉ GÉNÉTIQUE,
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Pour en savoir plus
Marie Guillaume-Signoret, coordinatrice
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - fi[email protected]
Fiche n°249 - Septembre 2006
Tb. Gambiese
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