Fiche pratique Petit glossaire désordonné de pharmacologie

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Petit glossaire désordonné de
pharmacologie
Ce mois-ci notre dossier thématique porte sur les interactions médicamenteuses.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il nous a semblé important de revenir sur les
notions essentielles de pharmacologie, c’est à dire le devenir des médicaments dans
l’organisme. On distingue deux types d’études : l’effet des médicaments sur l’organisme (pharmacocinétique) et l’action de l’organisme sur les médicaments (pharmacodynamique).
Nous vous conseillons de lire attentivement ce glossaire de pharmacologie, avant
d’aborder les autres articles de ce dossier.
G comme galénique
Un médicament est un principe actif, c’est à dire une substance qui va avoir un effet
sur l’organisme. Il est associé à des composants pouvant être considérés comme des
substances d’emballage qui lui permettent d’être présenté sous diverses formes :
comprimés, gélules, suppositoires, sirop… Cette présentation est importante car elle
permet de stabiliser, de faciliter et d’améliorer le passage du principe actif dans l’organisme.
M comme mode d’administration
Le mode d’administration d’un médicament conditionne son assimilation par l’organisme. On distingue deux manières distinctes de prendre un médicament : par voie
locale ou générale. Les médicaments utilisés par voie locale comprennent les collyres
ou pommades. Ils sont directement appliqués sur la zone à traiter et ne passent pas
par la circulation sanguine. Au contraire, tous les médicaments qui passent par la circulation sanguine et qui ont une action sur tout l’organisme vont être pris par voie
générale.
PK comme pharmacocinétique
C’est l’étude des relations entre la dose prise de médicament (posologie) et la concentration retrouvée dans le corps, notamment dans le sang. Pour résumer, la pharmacocinétique désigne ce que le corps fait au médicament.
Lorsque l’on prend un médicament, celui-ci va devoir franchir différentes « barrières » afin d’atteindre la circulation générale et être libéré dans l’organisme. Le par-
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DOSSIER : INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Fiche pratique
Absorption : le médicament doit franchir plusieurs obstacles avant d’arriver dans le
sang. L’absorption correspond donc au passage du principe actif dans la circulation
sanguine. Cette étape est très importante car elle détermine la quantité de principe
actif qui va pénétrer dans l’organisme. Elle se fait principalement au niveau du tube
digestif. Il y a alors une augmentation progressive du médicament dans le sang,
jusqu’à atteindre un maximum (Cmax, pour concentration maximale). De plus, cette
étape dépend principalement du mode d’administration : la voie digestive et toutes
les autres.
La voie orale correspond en fait à la voie digestive (ou entérale). Avant de pouvoir
traverser la barrière digestive, un principe actif doit se trouver sous forme dissoute.
La quantité qui va traverser le tube digestif et la vitesse à laquelle cela se fera dépend
de nombreux paramètres, notamment des propriétés physico-chimiques du principe actif et de la durée du transit dans le tube digestif. L’alimentation peut par exemple modifier la vitesse d’absorption et la quantité absorbée. Mais il n’ y a pas de règle
générale et il faut se référer aux indications données par le médecin ou inscrites sur
la notice.
Graphiques : Charline OLLIVON
DOSSIER : INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
cours d’assimilation d’un médicament se décompose en quatre étapes appelées
phase ADME pour : absorption, distribution, métabolisme et élimination (voir
schéma). Ce parcours n’est pas toujours strictement chronologique et les différentes
étapes peuvent être concomitantes.
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Toutes les voies, autres que la voie orale (injections, patchs, administration sub-linguale, inhalée ou nasale), sont regroupées sous le terme de « voie parentérale ».
Dans ce cas, le principe actif atteint directement la circulation sanguine et se répartit
(diffuse) dans l’organisme sans passer par le foie. Par ces modes d’administration,
l’effet du médicament peut être plus important car il diffuse plus vite et/ou se retrouve en plus grande quantité dans l’organisme. Par la voie parentérale, on évite le
premier passage hépatique.
Distribution : après être passé dans le sang, le principe actif diffuse dans l’organisme.
Il peut alors atteindre sa cible (cellules, foyer infectieux…) et y exercer son action.
Ainsi, suite à la distribution du médicament dans les tissus, la concentration dans le
sang diminue.
Métabolisme : cette étape correspond à la transformation du principe actif par l’organisme en métabolites. Il s’agit d’une étape d’épuration, le corps ayant la capacité
d’éliminer les substances dont il n’a pas besoin.
Le métabolisme peut avoir lieu dans le tube digestif mais se fait essentiellement au
niveau hépatique qui est le principal site d’élimination des médicaments. Ainsi, les
enzymes du foie vont transformer le médicament en métabolites qui sont plus faciles à éliminer. Ces enzymes constituent le cytochrome P450 (ou CYP450). Six enzymes sont responsables de la transformation de la plupart des médicaments, il
s’agit des CYP 1A2, 2C9, 2C19, 2D6, 2E1 et 3A.
Ensuite, si nécessaire, d’autres enzymes permettent de rendre plus solubles ces métabolites en vue de leur élimination. Une fois dégradé, le principe actif est éliminé
plus facilement dans les urines. Cependant, certains médicaments sont naturellement éliminables, car solubles dans l’eau.
Élimination : le principe actif et / ou ses métabolites vont être principalement éliminés de la circulation sanguine via les reins et être évacués par les urines. La vitesse
d’élimination est caractérisée par la mesure de la demi-vie du médicament (t1/2) qui
correspond au temps mis pour réduire de moitié sa concentration. L’élimination peut
aussi être mesurée par la clairance totale qui représente la capacité de l’organisme à
éliminer un médicament après qu’il a atteint la circulation générale. Elle peut se calculer de différentes manières, notamment en fonction de l’aire sous la courbe (voir
schéma).
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DOSSIER : INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Les médicaments sont principalement absorbés au niveau intestinal où le débit sanguin, la surface de contact et la durée du transit sont importants. Avant d’atteindre
la circulation générale, le principe actif passe aussi par le foie où il est en partie transformé ou éliminé. On parle alors de premier passage hépatique.
DOSSIER : INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Le principe actif et / ou ses métabolites peuvent aussi être éliminés par voie biliaire
(dans les selles) ou parfois même par voie pulmonaire (dans l’air expiré si la substance
s’évapore facilement).
PD comme pharmacodynamique
C’est l’étude de la relation entre la dose de médicament et l’effet produit par celui-ci,
qu’il soit voulu ou non. Pour résumer, la pharmacodynamique désigne ce que le médicament fait au corps.
TC comme traitement continu
Dans le cas d’un traitement antirétroviral, les prises continues de médicaments entraînent une succession de phases d’absorption et d’élimination. Au bout d’un certain
temps, ceci permet d’atteindre des concentrations maximale et minimale permanentes (voir schéma). L’objectif d’un traitement est d’atteindre au moins cette concentration minimale qui correspond au seuil d’efficacité minimum de tout médicament.
On détermine aussi la concentration maximale tolérable, seuil au-dessus duquel il y
aurait une toxicité et donc apparition d’effets secondaires intolérables.
MT comme marge thérapeutique
L’efficacité optimale de chaque médicament se situe entre son seuil minimum d’efficacité et son seuil de tolérance (voir schéma). En cas d’association avec d’autres médicaments, notamment les inducteurs et les inhibiteurs enzymatiques, il faut rester
vigilant par rapport aux interactions qui pourraient entraîner une inefficacité de l’un
ou l’autre des médicaments, ou une toxicité, donc des effets intolérables.
IM comme interaction médicamenteuse
On parle d’interaction entre deux médicaments lorsque pris ensemble ils vont avoir
une action l’un sur l’autre. Les interactions médicamenteuses augmentent avec le
nombre de médicaments à prendre et sont parfois à l’origine d’accidents ou d’échecs
thérapeutiques chez les patients sous poly-médication (plusieurs médicaments).
Le risque d’interaction est classé en trois groupes :
Association à prendre en compte : les conséquences sont incertaines et il est recommandé d’essayer de prendre un autre médicament.
Association déconseillée : les conséquences sont vérifiées et parfois graves.
Association contre-indiquée : il ne faut pas associer les médicaments.
Parfois, il est nécessaire de prendre des médicaments ensemble, même si l’on sait
qu’ils peuvent interagir. Dans ce cas, il suffit de prendre des précautions : adapter les
doses de médicaments, espacer les prises, tenir compte du moment des prises, arrêter le tabac ou l’alcool, adapter son alimentation…
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IMPK comme interaction médicamenteuse pharmacocinétique
Il existe un effet de l’un des médicaments sur l’autre soit par augmentation des
concentrations de l’un des deux (surdosage) soit par une baisse des concentrations
conduisant à une inefficacité (sous-dosage). De façon générale, les surdosages entraînent une augmentation des effets indésirables, par franchissement du seuil de
tolérance. Quand un sous-dosage conduit à une inhibition de l’activité du médicament qui se situe alors sous le seuil d’efficacité du médicament. En résumé, il s’agit
de modifications des concentrations dues à l’effet d’un médicament sur l’autre.
Les interactions pharmacocinétiques sont plus difficiles à prévoir que les interactions
pharmacodynamiques. Celles-ci se produisent lors du parcours du médicament dans
l’organisme.
Absorption : selon les associations, il peut y avoir une diminution de l’absorption au
niveau digestif et donc une activité plus faible du médicament. Dans ce cas, il faudra
espacer les prises des différents médicaments afin d’optimiser l’efficacité thérapeutique (par exemple, médicaments anti-acides et certains antirétroviraux). Le cas
contraire peut aussi être observé.
Distribution : selon les associations, certains médicaments fortement fixés sur les
protéines peuvent être déplacés de leur site de fixation par un autre médicament.
Dans ce cas, il y a alors un risque de surdosage. Mais de telles interactions sont très
rares.
Métabolisme : selon les associations de médicaments, il peut y avoir une induction
ou une inhibition enzymatique (CYP450).
Induction : un des médicaments augmente la transformation de l’autre médicament qui disparaît alors plus vite de l’organisme. Ce dernier agit moins et il faut
alors en augmenter la posologie.
Inhibition : un des médicaments inhibe les enzymes, ce qui va ralentir la
transformation de l’autre médicament. Étant ainsi éliminé moins vite, son temps
d’action est donc plus long. C’est le cas du Norvir® (ritonavir), un antirétroviral utilisé
comme « booster ». En fait, ce médicament bloque les cytochromes P450 du foie,
augmentant ainsi la concentration des autres antirétroviraux pris en même temps.
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DOSSIER : INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Par ailleurs, certains antirétroviraux sont susceptibles d’interagir avec d’autres médicaments et, de plus, certains patients sont à risque, selon leur âge ou s’ils présentent
une insuffisance rénale ou hépatique. Enfin, on distingue deux types d’interaction :
les interactions médicamenteuses pharmacocinétiques (IMPK) et pharmacodynamiques (IMPD).
DOSSIER : INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Cette stratégie est doublement utile puisqu’elle permet de réduire le nombre de prises
des autres médicaments et ainsi de favoriser l’observance. Mais elle peut aussi avoir
pour conséquence une augmentation de la toxicité des médicaments.
Élimination : selon les associations, un des médicaments peut voir son élimination
retardée et être ainsi actif plus longtemps dans l’organisme. Dans ce cas, les prises de
médicaments seront espacées. Le cas contraire peut aussi être observé.
IMPD comme interaction médicamenteuse pharmacodynamique
Ce type d’interaction intervient au niveau du site d’action du médicament. Un médicament va amplifier ou au contraire inhiber l’activité du médicament, on en distingue
deux types :
Antagonisme : lorsque l’association des médicaments va inhiber l’action de l’un ou de
plusieurs médicaments, l’interaction est directe. On parle alors d’antagonisme.
Synergie : l’association peut entraîner une augmentation de l’activité thérapeutique
des deux médicaments, c’est la synergie. Elle est dite additive lorsque l’effet thérapeutique obtenu est égal à la somme de l’action de chacun des médicaments pris séparément. Elle est dite potentialisatrice lorsque les médicaments ont des modes
d’action différents et que l’effet de leur association est supérieur à la somme des effets
thérapeutiques de chacun d’eux, pris séparément. Ainsi, une synergie peut être à l’origine d’une « toxicité », et donc, d’effets intolérables.
En théorie, il est possible d’envisager les interactions pharmacodynamiques sur la
base de l’action des médicaments, mais dans les faits, cela est très difficile, surtout
pour les personnes sous poly-médication.
C HA RLI NE OL LI VON
[email protected]
S O U R C E S
- Sida, des bases pour comprendre. Act’Up – 2010
- Risque des médicaments : interactions médicamenteuses. Pharmacomédicale.org
- Interactions médicamenteuses. Santepratique.fr
- Le devenir du médicament dans l’organisme. Article de François Resplandy. Doctissimo.fr
- Les interactions médicamenteuses. Catherine Mautrait & Robert Raoult – Collection Porphyre.
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