repères a ménagement et équipements avis D’expert Et si la psychologie positive et la neuroergonomie devenaient les alliées de la promotion du bien-être au travail ? C’est en tout cas l’hypothèse sur laquelle misent Arnaud Aubert, et Laurent Campagnolle, experts en neurosciences… Bien-être au travail : les perspectives des La conformité avec les règles HSQE représente une posture minimale contre une possible déshumanisation du travail, caractérisée par des environnements anxiogènes, une pression managériale excessive, des postures de travail usantes, une surexposition aux agressions visuelles, sonores, auditives. L’heure est à la prise de conscience des dirigeants et des managers, afin de transformer les représentations liées à l’environnement dans lequel le travail s’exerce, de se reconnecter au (x) sens, à notre identité, d’être pensant et ressentant. La rationalité est en effet indissociable des sensations et des émotions, contrairement à l’illusion véhiculée par le « tout utilitaire » et les descendants de Descartes. Nous sommes et restons à chaque instant des êtres influencés par le climat émotionnel et relationnel, par la perception de notre environnement. Et si les entreprises se servaient de ce puissant instrument plutôt que de le subir ? Des objectifs multiples Sensorialiser l’environnement de travail ne constitue pas seulement une façon de limiter les agressions (sonores, visuelles, olfactives, tactiles). C’est aussi un moyen de valoriser et d’améliorer la qualité du travail, sur le plan individuel et collectif. Une réflexion et un travail sur le sensoriel peuvent contribuer à créer un environnement apaisé et agréable, qui renforce la cohésion d’équipe, au bureau comme les auteurs Arnaud Aubert, chercheur en neurosciences et psychologie, université de Tours et Laurent Campagnolle, entrepreneur en communication sensorielle, atelier Résonances. 40 WPM-259-neuroscience.indd 40 Workplace magazine • n°259 • juin-juillet 2016 03/06/2016 12:20 Web + Retrouvez en ligne l’artcle neurosciences et performance aux bureaux dans notre rubrique Archives. www.workplacemagazine.fr neurosciences en atelier, la relation client en magasin, et plus généralement la qualité de vie au travail. Cela passe par un réaménagement des lieux par la lumière, la couleur, la forme, les matières ou encore l’ambiance sonore. Par ailleurs, la multi sensorialité – grâce à des stimuli sonores, olfactifs, gustatifs, tactiles, visuels… – peut aider à faire fuser les idées, que ce soit lors de moments d’entreprise (séminaires, formations, célébrations) ou dans des lieux dédiés (salles d’inspirations, laboratoires d’innovation). Psychologie positive et engagement Le bien-être au travail fait converger deux champs d’étude : la « psychologie positive » et la neuroergonomie. Centrée sur l’épanouissement individuel, la première prend en compte les paramètres physiologiques de la santé comme les aspects philosophiques ou moraux de vie des individus et souligne la place centrale de l’engagement individuel. Ainsi pour être performant, un salarié doit se placer dans une dynamique positive, un « engagement », entendu au sens d’un état psychologique positif lié au travail qui se caractérise par la vigueur, le dévouement et l’absorption. Quelques initiatives ont déjà été prises ces dernières années au sein de l’Union européenne. En République tchèque par exemple, l’entreprise Osram s’est mobilisée pour améliorer les conditions de travail et les paramètres sensoriels associés, promouvoir l’engagement du personnel et prendre en compte le contexte personnel et familial du travailleur. Le bilan est prometteur avec une division par 2,5 du taux d’arrêt maladie, par 10 des accidents du travail et une augmentation de 12 % de la satisfaction des employés. Mais jusqu’ici, nous ne disposons que de peu de retours quantitatifs sur les initiatives centrées sur le sensoriel dans le domaine du travail, car elles sont pour l’instant trop peu nombreuses et très disparates. La plupart de celles entreprises s’inspirent des approches développées en psychologie, destinées initialement aux patients atteints de troubles anxieux ou dépressifs et aux personnes handicapées. Les premières ont pour principe l’isolement sensoriel et la relaxation tandis que les secondes sont basées sur la stimulation sensorielle et l’exploration dirigée, telle que la méthode Snœzelen. Bien que ces méthodes soient efficaces dans le domaine clinique, un travail important de recherche est nécessaire pour identifier et L’avenir de la recherche sur la promotion du bien-être au travail pourrait bien passer par la combinaison de la psychologie positive et de la neuroergonomie. « calibrer » les techniques précises à mobiliser en fonction des caractéristiques des personnels et des tâches qui leur sont confiées. neuroergonomie et performance Parallèlement à cette recherche sur l’engagement individuel, la neuroergonomie met-elle l’accent sur la coévolution entre les connaissances et le cerveau. Avec cette nouvelle discipline et les connaissances sur le fonctionnement cérébral, il est désormais possible de concevoir des modes de travail plus sûrs et performants. Ainsi, pour une tâche demandant une forte attention, il a été démontré qu’une brève activité physique préalable générait de meilleures performances par rapport à une période préalable équivalente passée à lire un ouvrage. Ce type de résultats souligne et quantifie l’intérêt d’une diversification des tâches et/ou de leurs modalités d’organisation. D’autres études menées auprès de contrôleurs aériens ont démontré qu’un séquençage sensoriel adapté est indispensable au maintien des performances de l’opérateur. Le « séquençage adapté » est ici une séquence spécifique de différentes modalités sensorielles précises dont la variété permet de lutter contre la chute de vigilance induite par la monotonie de la tâche uni-sensorielle, tout en évitant par son enchainement spécifique un effet de distraction qui nuirait également à la performance recherchée. L’avenir de la recherche sur la promotion du bien-être au travail pourrait bien passer par la combinaison de la psychologie positive et de la neuroergonomie. Elles pourraient devenir des leviers de poids dans la transformation de notre représentation du monde du travail, dans sa dimension esthétique, relationnelle, émotionnelle. Une transformation qui semble nécessaire pour rééquilibrer les conditions de travail. Serez-vous les acteurs pionniers de cette mutation ? juin-juillet 2016 • n°259 • Workplace magazine41 WPM-259-neuroscience.indd 41 03/06/2016 12:20