40 Workplace magazine • n°259 juin-juillet 2016
repères aménagement et équipements
Bientre au travail :
les perspectives des neurosciences
Arnaud Aubert, chercheur en
neurosciences et psychologie,
université de Tours et Laurent
Campagnolle, entrepreneur en
communication sensorielle,
atelier Résonances.
avis
D’expert
les auteurs
Et si la psychologie
positive et la
neuroergonomie
devenaient les alliées
de la promotion du
bien-être au travail ?
C’est en tout cas
l’hypothèse sur
laquelle misent
Arnaud Aubert,
et Laurent
Campagnolle, experts
en neurosciences…
des êtres influencés par le climat émo-
tionnel et relationnel, par la perception
de notre environnement. Et si les entre-
prises se servaient de ce puissant instru-
ment plutôt que de le subir ?
Des objectifs multiples
Sensorialiser l’environnement de travail
ne constitue pas seulement une façon de
limiter les agressions (sonores, visuelles,
olfactives, tactiles). C’est aussi un moyen
de valoriser et d’améliorer la qualité du
travail, sur le plan individuel et collectif.
Une réflexion et un travail sur le sensoriel
peuvent contribuer à créer un environ-
nement apaisé et agréable, qui renforce
la cohésion d’équipe, au bureau comme
La conformité avec les règles HSQE repré-
sente une posture minimale contre une
possible déshumanisation du travail,
caractérisée par des environnements
anxiogènes, une pression mana-
riale excessive, des postures de travail
usantes, une surexposition aux agres-
sions visuelles, sonores, auditives.
L’heure est à la prise de conscience des
dirigeants et des managers, afin de trans-
former les repsentations liées à l’envi-
ronnement dans lequel le travail s’exerce,
de se reconnecter au (x) sens, à notre iden-
tité, dêtre pensant et ressentant. La ratio-
nalité est en effet indissociable des sen-
sations et des émotions, contrairement
à l’illusion véhiculée par le « tout utili-
taire » et les descendants de Descartes.
Nous sommes et restons à chaque instant
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juin-juillet 2016 • n°259 Workplace magazine 41
Bientre au travail :
les perspectives des neurosciences
en atelier, la relation client en
magasin, et plus généralement
la qualité de vie au travail. Cela
passe par un réaménagement
des lieux par la lumière, la cou-
leur, la forme, les matières ou
encore l’ambiance sonore.
Par ailleurs, la multi sensoria-
lité – grâce à des stimuli sonores,
olfactifs, gustatifs, tactiles,
visuels… – peut aider à faire
fuser les idées, que ce soit lors
de moments d’entreprise (sémi-
naires, formations, célébrations)
ou dans des lieux dédiés (salles
d’inspirations, laboratoires
d’innovation).
Psychologie positive
et engagement
Le bien-être au travail fait
converger deux champs d’étude :
la « psychologie positive » et la
neuroergonomie. Centrée sur
l’épanouissement individuel,
la première prend en compte
les paramètres physiologiques
de la santé comme les aspects
philosophiques ou moraux de
vie des individus et souligne la
place centrale de l’engagement
individuel. Ainsi pour être per-
formant, un salarié doit se pla-
cer dans une dynamique posi-
tive, un « engagement », entendu
au sens dun état psychologique
positif lié au travail qui se carac-
térise par la vigueur, le dévoue-
ment et labsorption.
Quelques initiatives ont déjà
été prises ces dernières années
au sein de l’Union européenne.
En République tchèque par
exemple, l’entreprise Osram
s’est mobilisée pour améliorer
les conditions de travail et les
paramètres sensoriels associés,
promouvoir l’engagement du
personnel et prendre en compte
le contexte personnel et familial
du travailleur. Le bilan est pro-
metteur avec une division par
2,5 du taux d’arrêt maladie, par
10 des accidents du travail et une
augmentation de 12 % de la satis-
faction des employés.
Mais jusqu’ici, nous ne dis-
posons que de peu de retours
quantitatifs sur les initiatives
centrées sur le sensoriel dans
le domaine du travail, car elles
sont pour l’instant trop peu
nombreuses et très disparates.
La plupart de celles entreprises
s’inspirent des approches déve-
loppées en psychologie, desti-
nées initialement aux patients
atteints de troubles anxieux
ou dépressifs et aux personnes
handicapées. Les premières ont
pour principe l’isolement senso-
riel et la relaxation tandis que
les secondes sont basées sur la
stimulation sensorielle et l’ex-
ploration dirigée, telle que la
méthode Snœzelen. Bien que
ces méthodes soient efficaces
dans le domaine clinique, un
travail important de recherche
est nécessaire pour identifier et
« calibrer » les techniques pré-
cises à mobiliser en fonction
des caractéristiques des per-
sonnels et des tâches qui leur
sont confiées.
neuroergonomie
et performance
Parallèlement à cette recherche
sur lengagement individuel, la
neuroergonomie met-elle l’ac-
cent sur la coévolution entre
les connaissances et le cer-
veau. Avec cette nouvelle disci-
pline et les connaissances sur
le fonctionnement cérébral, il
est désormais possible de conce-
voir des modes de travail plus
rs et performants. Ainsi, pour
une tâche demandant une forte
attention, il a été démontré
qu’une brève activité physique
Lavenir de la recherche
sur la promotion
du bien-être au travail
pourrait bien passer
par la combinaison
de la psychologie
positive et de
la neuroergonomie.
préalable générait de meilleures
performances par rapport à une
période préalable équivalente
passée à lire un ouvrage. Ce type
de résultats souligne et quanti-
fie l’intérêt d’une diversification
des tâches et/ou de leurs moda-
lités d’organisation.
D’autres études menées auprès
de contrôleurs aériens ont
démontré qu’un séquençage
sensoriel adapté est indispen-
sable au maintien des per-
formances de l’opérateur. Le
« quençage adapté » est ici
une séquence spécifique de dif-
férentes modalités sensorielles
précises dont la variété permet
de lutter contre la chute de vigi-
lance induite par la monotonie
de la tâche uni-sensorielle, tout
en évitant par son enchaine-
ment spécifique un effet de dis-
traction qui nuirait également à
la performance recherchée.
Lavenir de la recherche sur la
promotion du bien-être au tra-
vail pourrait bien passer par la
combinaison de la psycholo-
gie positive et de la neuroergo-
nomie. Elles pourraient deve-
nir des leviers de poids dans la
transformation de notre repré-
sentation du monde du travail,
dans sa dimension esthétique,
relationnelle, émotionnelle.
Une transformation qui semble
nécessaire pour rééquilibrer les
conditions de travail. Serez-vous
les acteurs pionniers de cette
mutation ?
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