Revue Médicale Suisse
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7 octobre 2009 1977
lisé à l’hôpital afin d’identifier le plus rapidement possible
les personnes qui bénéficieront cliniquement d’une prise
en charge nutritionnelle.7,12
quelles sont les complications
infectieuses des traitements
de la dénutrition ?
Le choix du type d’assistance nutritionnelle est impor-
tant car les risques et les bénéfices sur le plan infectieux
ne sont pas les mêmes.
Il existe trois types d’assistance nutritionnelle :
• les suppléments nutritifs oraux, sous forme de boissons
hypercaloriques et parfois hyperprotéinées.
• La nutrition entérale, administrée par une sonde d’alimen-
tation, nasale ou percutanée.
• La nutrition parentérale totale, administrée par voie in-
traveineuse sur un cathéter veineux central.
La prise de
suppléments nutritifs oraux
n’augmente pas en
soi les complications infectieuses mais leur présentation
sous forme liquide peut majorer le risque de fausse route.
En cas de
nutrition entérale
, il existe un risque de pneu-
monies d’aspiration lié partiellement à la présence d’une
sonde empêchant une fermeture efficace du sphincter du
cardia : ce n’est pas le seul mécanisme car la nutrition par
gastrostomie percutanée n’a pas d’effet protecteur. La bron-
cho-aspiration massive de liquide nutritif est redoutée mais
plutôt rare. Il s’agit le plus souvent de broncho-aspirations
à bas bruit qui n’ont pas toujours de retentissement cli-
nique. Hormis un mauvais positionnement ou un déplace-
ment secondaire de la sonde d’alimentation, les facteurs
de risque sont la position du patient (risque plus élevé si
allongé à plat) et le pH gastrique élevé (attention aux inhi-
biteurs de la pompe à protons).3
La
nutrition parentérale
consiste à injecter un liquide nutri-
tif dans un milieu stérile (sang veineux), à travers une brè-
che dans la peau. Elle expose à un risque élevé d’infec-
tions de cathéter, par contamination cutanée (au niveau du
point d’insertion) ou endoluminale (sur les manipulations
du cathéter). De plus, ces patients sont fréquemment à jeun
et l’atrophie de la muqueuse digestive qui en découle aug-
mente le risque de translocations digestives.
Un patient sous nutrition parentérale est donc à consi-
dérer comme présentant un risque infectieux plus élevé
que s’il était porteur d’un abord veineux central pour
d’autres traitements. Un état fébrile sans piste doit alors
être considéré comme une infection de cathéter jusqu’à
preuve du contraire et pris en charge sans délai car l’évo-
lution peut être rapidement catastrophique.
Une nutrition «par la veine» est malheureusement sou-
vent mieux acceptée par le patient (et parfois par les soi-
gnants…) que la mise en place d’une sonde d’alimentation
(perçue comme invasive). Les contre-indications réelles à
la nutrition entérale sont pourtant rares et les complications
d’une nutrition parentérale, potentiellement sérieuses, ne
sont acceptables que si l’indication a été bien réfléchie. En
cas de pancréatite aiguë, la pratique consistait à mettre
systématiquement le patient à jeun avec une nutrition pa-
rentérale, jusqu’à ce que des études mettent en évidence
un taux plus faible de complications infectieuses chez les
patients sous nutrition entérale par rapport aux patients
sous nutrition parentérale.13
prévention des complications
infectieuses chez un patient
sous assistance nutritionnelle
Dans l’évaluation de tout problème nutritionnel, il est
important de dépister des troubles de la déglutition et de
les investiguer. Lors de la prescription d’un
supplément nutri-
tif oral
, des conseils simples (boire lentement, à petites gor-
gées, en étant bien assis) diminuent le risque d’aspiration.
En cas de
nutrition entérale
, à part la vérification systéma-
tique de l’emplacement de la sonde d’alimentation, seul
un positionnement du patient tête à 30-45° a été démon-
tré efficace pour prévenir les pneumonies d’aspiration.3 La
mesure du résidu gastrique est controversée car elle n’a
pas prouvé avoir une réelle incidence sur la prévalence
des pneumonies d’aspiration.
Pour la
nutrition parentérale
, la meilleure prévention con-
siste à éviter les prescriptions inappropriées car dès que
l’intestin fonctionne la règle est de l’utiliser ! Si une nutri-
tion parentérale est initiée, il faut régulièrement réévaluer
son indication et la possibilité de passer à la voie entérale.
L’application de protocoles pour la pose et les soins des
abords veineux centraux ainsi que l’existence d’une équi-
pe spécialisée en nutrition14 sont des facteurs qui dimi-
nuent significativement le risque d’infection.
pharmaconutrition
Voici quelques exemples de micronutriments dont l’ef-
fet thérapeutique a été étudié, dans l’espoir que leur utili-
sation en situation aiguë améliore le cours de la maladie.
La rougeole est une maladie infantile fréquemment ba-
nalisée dans notre société mais dont la mortalité peut at-
teindre les 10% chez les enfants dénutris. Ce taux est dimi-
nué de moitié par l’adjonction de
vitamine A
mais le méca-
nisme précis n’a pas encore été élucidé.15
Acide aminé le plus abondant du corps, la
glutamine
est
le principal substrat énergétique des entérocytes. Elle favo-
rise entre autres la trophicité intestinale et joue un rôle
dans des systèmes de protéines qui protègent l’intégrité de
la cellule en cas d’agression. En cas de pathologie aiguë,
la capacité de synthèse de l’organisme est dépassée et il
devient dépendant d’un apport externe.
Chez les grands brûlés et les polytraumatisés sa prescrip-
tion diminue significativement les épisodes infectieux.16
L’
immunonutrition
est l’appellation donnée à des supplé-
ments nutritionnels enrichis notamment en arginine et en
oméga 3. Un effet significatif sur les complications infec-
tieuses a été démontré – indépendamment de l’état nutri-
tionnel – en cas d’intervention élective ORL majeure (laryn-
gectomie, pharyngectomie) ou abdominale majeure (œso-
phagectomie, gastrectomie, Whipple), ainsi que chez les
polytraumatisés sévères.13
De nombreuses autres substances sont en cours d’étu-
de (oméga 3 notamment) mais les données de la littéra-
ture ne sont pas encore assez solides pour les recom-
mander.
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