Mini-revue Cancer colorectal métastatique : stratégie thérapeutique

Mini-revue
Cancer colorectal
métastatique :
stratégie thérapeutique
David Malka, Valérie Boige, Michel Ducreux
Unité de Gastro-entérologie, Département de Médecine, Institut Gustave Roussy,
39 rue Camille Desmoulins, 94800 Villejuif
<malka@igr.fr>
La dernière décennie a débuté avec l’avènement, aux côtés du
5-fluoro-uracile, de deux anticancéreux cytotoxiques plus actifs
dans le cancer colorectal métastatique (irinotécan et oxaliplatine).
Elle s’est achevée avec celui de deux agents ciblant pour l’un
l’angiogenèse (bevacizumab) et pour l’autre le récepteur du facteur
de croissance épidermique (cetuximab). L’accès à ces cinq antican-
céreux permet actuellement aux patients atteints de cancer colorec-
tal métastatique de dépasser deux ans de survie médiane globale,
et le cas échéant de rendre accessibles à une exérèse chirurgicale
des métastases initialement non résécables, seul espoir de survie à
long terme et de guérison. La complexité croissante de la stratégie
thérapeutique de ces patients justifie une approche multidiscipli-
naire, guidée par des règles de bonne prescription.
Mots clés : cancer colorectal métastatique, angiogenèse, récepteur du facteur de
croissance épidermique, oxaliplatine, irinotécan, cetuximab, bevacizumab
Environ la moitié des patients atteints de cancer colorectal (CCR)
présenteront des métastases, soit d’emblée (métastases synchro-
nes, environ un quart des patients), soit après (notamment durant
les trois premières années) la résection initiale de la tumeur primitive
(métastases métachrones, environ un quart des patients). La dernière
décennie a été l’occasion de bouleversements considérables dans l’arse-
nal et la stratégie thérapeutiques du CCR métastatique, avec l’avènement
d’agents anticancéreux cytotoxiques plus actifs (oxaliplatine, irinotécan)
d’une part, d’agents ciblant l’angiogenèse tumorale (bevacizumab) ou le
récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR) d’autre part, et les
progrès de la prise en charge médico-chirurgicale des métastases enfin.
Arsenal thérapeutique
Avant 2004 : l’ère
de la chimiothérapie conventionnelle « moderne »
L’avènement il y a environ dix ans de « bithérapies » modernes a constitué
un progrès décisif dans la prise en charge des patients atteints de CCR
métastatique, pour lesquels le 5-fluoro-uracile (5FU), quelles qu’en soient
les modalités d’administration, résumait quasiment l’arsenal thérapeuti-
que depuis environ 40 ans. De fait, la stratégie thérapeutique en cas de
Hépato-Gastro, vol. 14, numéro spécial, mars 2007
doi: 10.1684/hpg.2007.0062
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CCR métastatique (non résécable) à l’orée du troisième
millénaire pouvait être schématisée comme suit :
en première ligne, bithérapie associant un schéma
LV5FU2 (au moins aussi efficace et mieux toléré que les
schémas en bolus type Mayo Clinic [1]) à l’oxaliplatine
à 85 (schéma FOLFOX 4 [2]) ou 100 mg/m
2
(schéma
FOLFOX 6 [3]) ou à l’irinotécan (180 mg/m
2
) (sché-
mas IRIFU2 ou FOLFIRI [3-5]) ;
recours en cas de progression tumorale ou de
toxicité limitante à la bithérapie alterne en deuxième
ligne (FOLFOX si FOLFIRI en première ligne, et inverse-
ment [3]). Les taux de réponse objective (RO) en
première ligne (autour de 50 %), la survie sans pro-
gression (SSP) (environ 8 mois) et la survie globale
(SG) (environ 16 mois), équivalents entre les deux
bithérapies, conduisaient à choisir de commencer par
l’une plutôt que l’autre essentiellement en fonction du
profil de toxicité (toxicité digestive et risque d’alopécie
supérieurs avec l’irinotécan ; neuropathie périphéri-
que cumulative spécifique de l’oxaliplatine) et des
contre-indications éventuelles (par exemple, ictère pour
l’irinotécan) ;
la place des fluoropyrimidines (5FU ou ses dérivés
oraux : uracile/tégafur (UFT) plus acide folinique (AF),
capécitabine) en monothérapie, mal définie, paraissait
relativement marginale : sujets âgés et/ou avec comor-
bidités importantes, maladie métastatique peu mena-
çante (notamment absence d’envahissement hépatique
important) et non rapidement évolutive à court terme.
Fait important, la SG des patients est corrélée de façon
linéaire à la disponibilité et à l’administration des trois
agents anticancéreux cytotoxiques actifs dans le CCR
métastatique (5FU, oxaliplatine, irinotécan) (figure 1)
[6]. Ainsi, l’administration successive de FOLFOX 6
puis de FOLFIRI (ou l’inverse) a permis pour la première
fois d’obtenir une SG supérieure à 20 mois au cours du
CCR métastatique [3] (figure 2).
Toutefois, si les progrès étaient réels comparés à ceux
obtenus avec le 5FU (taux de RO < 20 %, SG d’envi-
ron 12 mois), la situation en 2004 était encore péjora-
tive pour la majorité des patients atteints de CCR
métastatique. Ainsi, le taux de RO restait inférieur à
15 % en deuxième ligne, notamment en cas de pro-
gression tumorale, plutôt que de toxicité limitante, avec
la bithérapie de première ligne ; le taux de résécabilité
secondaire des métastases initialement non résécables
restait généralement inférieur à 15 % ; et la survie à
long terme anecdotique avec la chimiothérapie seule.
Patients ayant reçu les 3 cytotoxiques (%)
Survie globale médiane (mois)
22
21
20
20100 304050607080
19
18
17
16
15
14
13
12
Figure 1.Corrélation entre la survie globale et l’accès aux anticancéreux cytotoxiques conventionnels.Une analyse rétrospective de onze
essais randomisés de phase III (5 768 patients atteints de cancer colorectal métastatique) a montré une corrélation linéaire entre le pourcentage
de patients ayant eu accès aux trois anticancéreux cytotoxiques actifs (5-fluoro-uracile, oxaliplatine, irinotécan) et la survie globale (survie
globale = 13,2 + 0,1[% patients ayant eu les trois]). D’après [6].
Soins palliatifs
0 6 12 18 24
Survie (mois)
4–6 mois
11–14,7 mois
5FU/acide folinique
16,2–20 mois
FOLFOX 4 ou CapeOx
15–17,4 mois
IFL ou FOLFIRI
20,6 mois
FOLFOX 6 FOLFIRI
18,3 mois
5FU/AF + bevacizumab
25,1 mois
IFL + bevacizumab
oxaliplatine
20,3 mois
IFL + bevacizumab
21,5 mois
FOLFIRI FOLFOX 6
Figure 2.Cancer colorectal métastatique : progrès en survie glo-
bale.
Mini-revue
Hépato-Gastro, vol. 14, numéro spécial, mars 2007
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La plupart des patients atteints de CCR métastatique
non résécable épuisaient ainsi en un peu plus d’un an
en moyenne les trois anticancéreux les plus actifs au
cours de deux lignes successives. Ils se trouvaient de
fait démunis de toute ressource thérapeutique validée à
l’heure de la troisième ligne, laissant la place à des
schémas de prescription empirique fréquente, mais
pourtant de niveau de preuve très faible, voire même
clairement montrés inefficaces. Par exemple, la capé-
citabine en deuxième ligne après 5FU bolus a été
grevée dans un essai de phase II d’un taux de RO nul et
d’une SSP très courte (2 mois), la SG acceptable
(13 mois) n’étant due qu’à un « rattrapage » par irino-
técan en troisième ligne [7]. Les associations
capécitabine-mitomycine C en troisième ou quatrième
ligne ont donné dans trois essais de phase II totalisant
66 patients des taux de RO de 10-15 %, des SSP de
3,7-5,4 mois et des SG de 7,7-9,3 mois [8-10].
2004 : l’avènement des agents ciblés
• Cetuximab
L’adjonction de cetuximab, un anticorps monoclonal
chimérique dirigé contre l’EGFR, à une chimiothérapie
à base d’irinotécan chez 218 patients atteints de CCR
métastatique surexprimant l’EGFR en immunohistochi-
mie (IHC) et antérieurement démontrés réfractaires à
l’irinotécan (et pour 63 % d’entre eux également à
l’oxaliplatine), a été démontrée, dans l’essai internatio-
nal multicentrique de phase II randomisé BOND, supé-
rieure au cetuximab seul (n = 111) en termes de taux
de RO – critère de jugement principal –, de contrôle
tumoral (55,5 % versus 32,4 %, p< 0,001) et de SSP.
Le bénéfice n’était pas significatif en SG, probablement
en partie du fait de l’autorisation d’administration
secondaire (crossover) de l’association irinotécan-
cetuximab en cas de progression chez 56 patients du
groupe cetuximab seul [11] (tableau 1). Ces résultats
corroborent des résultats in vitro, démontrant la syner-
gie d’action de l’irinotécan et du cetuximab et la
capacité du cetuximab à « resensibiliser » à l’irinoté-
can des cellules cancéreuses coliques humaines résis-
tantes à cet agent cytotoxique [12]. En outre, il n’y
avait pas de modification du profil de tolérance de
l’irinotécan par le cetuximab. Cet essai pivot a conduit
à l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du
cetuximab en association à l’irinotécan en traitement
du CCR métastatique réfractaire à l’irinotécan et surex-
primant l’EGFR en IHC. Cependant, l’intensité de la
surexpression d’EGFR en IHC n’est pas corrélée à la
réponse tumorale au cetuximab. Par ailleurs, des don-
nées rétrospectives encore ténues suggèrent la possibi-
lité d’obtention de RO même en cas de CCR EGFR
négatif (4 RO sur 16 patients évalués, soit 25 % [IC :
4-46 %]) [13]. Par ailleurs, contrairement à d’autres
cancers solides humains, notamment le cancer bronchi-
que non à petites cellules, les mutations activatrices
d’EGFR sont très rares au cours du CCR [14] et n’ont
pas été corrélées à la réponse au cetuximab (ou à
d’autres anti-EGFR) [15]. Ainsi, le seul biomarqueur
prédictif validé de la réponse (ou de la non-réponse)
tumorale au cetuximab reste la survenue (et l’intensité)
d’un rash cutané acnéiforme, effet secondaire limitant
le plus fréquent, affectant environ 80 % des patients
[11]. Toutefois, la survenue d’un tel rash ne permet pas
de prédire à coup sûr la réponse tumorale au cetuxi-
mab chez un patient donné. Dans l’essai randomisé
EVEREST, les patients n’ayant toujours pas développé
de rash spécifique > grade 122 jours après avoir
débuté un traitement par cetuximab à dose classique
(400 mg/m
2
en dose de charge puis 250 mg/m
2
/
semaine) et irinotécan étaient randomisés dans deux
groupes : soit poursuite du traitement standard
(n = 45), soit augmentation posologique du cetuximab
de 50 mg/m
2
toutes les deux semaines (n = 44),
jusqu’à obtention d’un rash > grade 2, d’une RO tumo-
rale ou d’atteinte de la dose plafond planifiée
(500 mg/m
2
/semaine) [16]. Les patients ayant déve-
loppé un rash > grade 1 dès les trois premières semai-
nes de traitement à dose classique le continuaient à
cette même dose (groupe non randomisé, n = 77). Les
résultats préliminaires suggèrent l’absence de majora-
tion importante de la toxicité de l’escalade de dose du
cetuximab (plus de la moitié des patients ayant atteint
la dose plafond), et l’amélioration du taux de RO
(30 % versus 13 % ; 22 % dans le groupe non rando-
misé) [16]. Par ailleurs, des résultats récents suggèrent
que l’amplification tumorale du gène EGFR (détectée
par hybridation fluorescente in situ chez 8 parmi
9 patients répondeurs, contre seulement 1 des
21 non-répondeurs, p< 0,0001) [15] et le statut tumo-
ral de l’oncogène K-ras (effecteur d’aval d’EGFR)
(mutations tumorales présentes chez aucun parmi
11 répondeurs, contre 13 des 19 non-répondeurs,
p= 0,0003) [17] sont prédictifs de la réponse tumo-
rale au cetuximab (ou au panitumumab, anticorps
monoclonal anti-EGFR complètement humain, actuelle-
ment testé en première ligne ou au-delà au cours du
CCR métastatique [18, 19]). La valeur pronostique
potentielle du statut tumoral K-ras (du moins en analyse
rétrospective) semble se confirmer sur des effectifs de
patients plus importants (Pierre-Laurent Puig, Pierre
Michel, communications personnelles), soulignant
l’intérêt d’une évaluation prospective large de ce bio-
marqueur.
Outre le rash cutané, fréquent, prolongé (même s’il
s’estompe volontiers au fil du traitement, spontanément
ou sous l’effet de traitements dermatologiques topiques
et/ou oraux), et parfois invalidant, notamment par son
caractère « affichant », difficile à vivre socialement, le
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cetuximab peut aussi être responsable de réactions
allergiques/d’hypersensibilité. Par ailleurs, même si
des résultats récents suggèrent l’équivalence pharma-
cologique de l’administration bimensuelle (et sans dose
de charge) d’une dose double [20], le cetuximab doit
encore actuellement être administré de façon hebdo-
madaire, ce qui est vécu comme une contrainte par les
patients. Enfin, le cetuximab ne peut actuellement être
administré qu’en deuxième ou troisième ligne métasta-
tique, dans l’attente des résultats des essais de phase III
en cours. L’essai EXPLORE évaluant la combinaison
FOLFOX 4-cetuximab après échec de l’irinotécan, a été
arrêté après 102 inclusions sur 1 100 prévues, du fait
des changements de pratique induits par l’arrivée du
bevacizumab et de l’oxaliplatine aux États-Unis. L’essai
EPIC évalue le cetuximab en association d’emblée à
une chimiothérapie de deuxième ligne à base d’irino-
técan après échec du FOLFOX (environ 1 300 patients,
recrutement terminé). Dans l’essai CRYSTAL (1 221
patients, recrutement terminé), l’association FOLFIRI-
cetuximab en première ligne semble bien tolérée (résul-
tats préliminaires sur les 401 premiers patients) [21] et
un communiqué de presse officiel très récent fait état
d’une augmentation significative de la SSP (objectif
principal) dans le bras combiné par rapport au bras
FOLFIRI seul. L’essai de phase III CALGB 80203 devait
inclure 2 200 patients en première ligne soit par FOL-
FOX, soit par FOLFIRI, associé ou non au cetuximab
(double randomisation). Cet essai a été interrompu
après 238 inclusions. Les taux de RO avec le FOLFIRI,
le FOLFOX, seuls ou associés au cetuximab ont été de
34 %, 32 %, 42 % et 55 % respectivement (équiva-
lence des schémas FOLFOX et FOLFIRI ; bénéfice signi-
ficatif de l’addition de cetuximab, p= 0,014) [22]. La
tendance à de meilleurs taux de RO en association
avec l’oxaliplatine était aussi notée dans les résultats
Tableau 1.CCR métastatique : résultats des principaux essais randomisés récents.
Essai [référence] Phase
(N)
Schémas N RO
(%)
pSSP
(mois)
P
(RR)
SG
(mois)
P
(RR)
1
re
ligne
AVF2107g [28] III
(813) IFL-BEV 402 44,8 0,004 10,6 < 0,001 20,3 < 0,001
IFL-placebo 411 34,8 6,2 (0,54) 15,6 (0,66)
TREE-2 [31] IIR
(213) 5FUb-OXA-BEV 70 34,3 - 8,3 - 20,7 -
FOLFOX-BEV 71 52,1 9,9 26,0
CAPOX-BEV 72 45,8 10,3 27,0
NO 16966 [32, 33] III
(1 400) FOLFOX 4-BEV 350 47 0,90 9,4 0,19 ND -
FOLFOX 4-
placebo 351 50 8,6 (0,89) ND
XELOX-BEV 349 46 0,88 9,3 0,0026 ND -
XELOX-placebo 350 48 7,4 (0,77) ND
Falcone et al. [72] III
(244) FOLFOXIRI 122 60 < 0,0001 9,8 0,0006 22,6 0,032
LV5FU2-CPT11 122 34 6,9 (0,63) 16,7 (0,70)
OPTIMOX 1 [81] III
(620) FOLFOX
7/LV5FU2 309 59,2 > 0,05 8,7 0,47 21,2 0,49
FOLFOX 4 311 58,5 9,0 (1,06) 19,3 (0,93)
Labianca et al. [83] III
(331) FOLFIRI
intermittent 168 29 ND 6,5 > 0,05 16,9 0,17
FOLFIRI continu 163 35 6,2 (1,01) 17,6 (1,11)
2
e
ligne
E3200 [34] III
(822) FOLFOX 4-BEV 289 21,8 < 0,0001 7,2 < 0,0001 12,9 0,0018
FOLFOX 4 290 9,2 4,8 (0,64) 10,8 (0,76)
BEV 243 3,0 - 2,7 < 0,0001* 10,2 0,95*
2
e
ligne ou au-delà
BOND [11] IIR
(329) CPT11-CET 218 22,9 0,007 4,1 < 0,001 8,6 0,48
CET 111 10,8 1,5 (0,54) 6,9 (0,91)
BOND 2 [57] IIR
(81) CPT11-CET-BEV 41 37 - 7,9 - ND -
CET-BEV 40 20 5,6 ND
* Comparaison des bras FOLFOX 4 et BEV seul ; ** à 12 semaines (34 % à 24 semaines). AF : acide folinique ; b : bolus. BEV : bevacizumab ; CET : cetuximab ;
5FU : 5-fluoro-uracile ; CPT11 : irinotécan ; N : effectif ; ND : non disponible ; OXA : oxaliplatine ; RO : taux de réponses objectives ; RR : ratio de risque ; SSP :
survie sans progression ; SG : survie globale ; IIR : phase II randomisée.
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préliminaires d’un essai de phase II randomisé alle-
mand évaluant l’addition de cetuximab à la capécita-
bine associée soit à l’oxaliplatine, soit à l’irinotécan
(taux de RO : 68 % versus 41 %) [23] ; les taux de RO
rapportés en phase II variaient entre 57 % et 72 %
[24-27].
• Bevacizumab
L’adjonction de bevacizumab, anticorps monoclonal
humanisé dirigé contre le facteur de croissance
endothéliale vasculaire (VEGF), médiateur-clé de
l’angiogenèse tumorale, à une chimiothérapie à base
de 5FU bolus, AF et irinotécan hebdomadaire (schéma
IFL) en première ligne de traitement chez 813 patients
atteints de CCR métastatique en bon état général
(OMS 0-1 : 99 %), a été démontrée, dans l’essai
international multicentrique de phase III contre placebo
AVF2107g, supérieure à la chimiothérapie seule en
termes de taux de RO, de SSP et de SG – critère de
jugement principal –, conduisant à son AMM [28]
(tableau 1). Les patients du bras IFL plus bevacizumab
ayant pu recevoir une chimiothérapie avec oxaliplatine
en deuxième ligne avaient une SG de 25,1 mois,
contre 19,6 mois pour ceux n’ayant pu la recevoir
(p= 0,0011 ; dans le groupe IFL plus placebo,
22,2 mois et 15,8 mois respectivement, p< 0,0001),
témoignant de la corrélation entre la SG et l’accès aux
anticancéreux actifs. La toxicité de la chimiothérapie
n’était pas majorée par le bevacizumab et la mortalité
précoce (dans les 60 jours) plutôt inférieure (3 % ver-
sus 4,9 %). L’effet secondaire spécifique le plus fré-
quent était l’hypertension artérielle (22,4 % ; grade 3 :
11 %), habituellement aisément contrôlable par un
traitement antihypertenseur standard. La protéinurie
n’était pas plus fréquente, et aucun syndrome néphro-
tique n’était observé. Les thrombo-embolies artérielles
(mais non veineuses) tendaient à être plus fréquentes
(3,3 % versus 1,0 %), de même que les hémorragies
de tout grade (essentiellement des épistaxis modérées)
ou de grade 3-4 (3,1 % versus 2,5 %). Ces données
n’étaient pas ajustées en fonction de la durée moyenne
de traitement (40,4 semaines dans le bras combiné,
contre 27,6 semaines dans le bras IFL). Six perfora-
tions digestives (1,5 %) étaient observées, toutes dans
le bras avec bevacizumab [28].
Le bénéfice majeur en SSP et en SG, proportionnelle-
ment supérieur à ce que pourrait laisser escompter le
bénéfice en RO [28], reflète peut-être un effet plus
« cytostatique » que « cytotoxique » tumoral. Ce béné-
fice a été montré rétrospectivement quelle que soit la
classe de risque de Köhne et al., classification pronos-
tique originellement validée pour les patients atteints
de CCR métastatique traités par 5FU [29]. En outre, un
bénéfice similaire du bevacizumab en association à la
chimiothérapie par IFL, que les patients soient répon-
deurs ou non répondeurs, a été montré dans une
analyse rétrospective récente des résultats de l’essai
AVF2107g [30].
L’association de bevacizumab à une bithérapie par
5FU (ou capécitabine) plus oxaliplatine a été évaluée
en première ligne dans l’essai de phase II randomisé
américain TREE-2, amendant l’essai TREE-1, évaluant
les mêmes schémas de chimiothérapie sans bevacizu-
mab [31] (tableau 1). Le bras 5FU bolus-oxaliplatine
semblait inférieur aux bras FOLFOX et capécitabine-
oxaliplatine (CAPOX), avec ou sans bevacizumab. Si
la comparaison directe est méthodologiquement
impossible, l’addition de bevacizumab semblait confé-
rer un meilleur taux de RO (CAPOX : 46 % versus
27 % ; FOLFOX : 52 % versus 41 %) et allonger la SSP
(CAPOX : 10,3 versus 5,9 mois ; FOLFOX : 9,9 versus
8,7 mois) et la SG (24,4 versus 18,2 mois dans les
trois bras combinés). Chez les patients des bras
CAPOX et FOLFOX associés au bevacizumab, la SG
atteignait pour la première fois 27,0 et 26,0 mois
respectivement (contre 17,2 et 19,2 mois sans bevaci-
zumab, respectivement). La toxicité semblait similaire à
celle escomptée avec une trithérapie fluoropyrimidine-
oxaliplatine-bevacizumab [31]. L’essai XELOX-1, qui
comparait deux bithérapies associant l’oxaliplatine
soit à la capécitabine (XELOX), soit au 5FU et à l’AF
(FOLFOX 4) en première ligne de traitement du CCR
métastatique chez 634 patients, a été amendé, après
l’AMM du bevacizumab, pour devenir l’étude
NO16966. Cet essai contrôlé randomisé international
de phase III a randomisé 1 400 patients supplémentai-
res à recevoir une bithérapie par XELOX ou FOLFOX 4,
combinée soit au bevacizumab, soit à un placebo
(plan factoriel2x2)[32, 33] (tableau 1). Les résultats
préliminaires montrent une non-infériorité (premier
objectif principal) du schéma XELOX par rapport au
schéma FOLFOX 4 tant sur l’étude initiale XELOX-1 que
sur les deux groupes traités par bevacizumab dans
l’étude NO16966 ou que dans la population totale
des deux études (n = 2 034) : taux de réponse (comité
de lecture indépendant) de 37 % versus 39 %, SSP de
8,0 versus 8,5 mois (ratio de risque (HR) : 1,04 ;
intervalle de confiance [IC] à 97,5 % : 0,93-1,16)
dans cette dernière, et survie globale (SG) équivalente,
d’environ 18 mois, dans l’étude XELOX-1 (HR : 0,89 ;
IC97,5 : 0,72-1,11). Concernant la toxicité grade 3-4,
il y a plus de neutropénie dans le bras FOLFOX 4, mais
plus de thrombopénie, de diarrhée et de syndrome
main-pied dans le bras XELOX. Globalement cepen-
dant, la même proportion de patients a dû arrêter le
traitement pour toxicité (24,8 % versus 26,0 %). Cet
essai montre également pour la première fois un béné-
fice significatif de l’addition de bevacizumab à une
association de fluoropyrimidine (intraveineuse ou
orale) et d’oxaliplatine sur la SSP : 9,4 versus 8,0 mois
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