L
’examen des seins (œdème mammaire,
augmentation de volume et densité de la
glande mammaire) de la femme enceinte
est difficile. Et les decins craignent de prescrire
une mammographie.
La mammographie peut être effectuée pendant
la grossesse en n’omettant pas la radioprotection
abdominale et en neffectuant quun seul cliché obli-
que (dose d’irradiation : 10 mGy par incidence)
Elle doit être souvent coupe à une échographie
mammaire car la mammographie est parfois illisible
compte tenu de la densi des seins.
L échographie peut guider la ponction et doit être
pratiquée au moindre doute.
On peut être amené à effectuer une microbiopsie.
En général, il s’agit de cancers évolutifs, avec des
facteurs pronostics péjoratifs.
Les formes anatomopathologies n’ont aucune s-
cificité pendant la grossesse.
Les types histologiques sont les mes qu’en
dehors de la grossesse
Compte tenu du retard diagnostique, près de la
moitié de ces cancers sont diagnostiqs à un stade
avancé, avec 50 à 80 % d’atteinte ganglionnaire, un
grading SBR est plus élevé (10 % de SBR1, 40 %
de SBR 2 et 50 % de SBR 3).
De plus, la fréquence des formes inflammatoires
est augmene : environ 20 % (4 % en dehors), de
même que les formes métastatiques : 11 % (2.5 %
en dehors).
De façon gérale, le cancer du sein survenant
chez la femme enceinte est de mauvais pronostic
Les taux de survie à 5 ans vont de 10 à 40 %. Le
pronostic est d’autant plus péjoratif quil existe une
atteinte ganglionnaire et que la patiente est jeune :
- Bonnier (9) : 154 patientes comparées à un groupe
témoin de 308 : survie à 5 ans de 68 % si grossesse
et 77 % dans le groupe témoin, et si N+, difrence
ts en défaveur de la grossesse : survie respective
de 31 et 63 %. C’est la seule série qui montre que la
grossesse est un facteur pronostique joratif indé-
pendant, surtout en cas d’atteinte ganglionnaire.
- Giacalone (10) : 178 cas avec survie abaissée par
rapport aux femmes non enceintes à 3 ans (57 %
contre 74 %) et à 5 ans (43 % contre 64 %).
La grossesse nexerce apparemment pas dinfluence
jorative sur le développement du cancer, sauf
dans une étude française (9) ou la grossesse sem-
ble être un paramètre pronostique indépendant
avec une survie diminuée mais seulement en cas
d’atteinte ganglionnaire associée.
Quoi qu’il en soit, il est montré que le jeune âge
de la patiente est en soi un facteur pronostique péjo-
ratif indépendant en dehors de toute grossesse.
Et la grossesse ?
En cas de survenue du cancer lors du premier tri-
mestre de la grossesse, l’interruption de grossesse
est fréquemment proposée, dans plus de la moitié
des cas, et ce de fon concertée entre les différents
praticiens et la patiente. Cette interruption de gros-
sesse n’aliore pas le pronostic du cancer du sein
mais permet dappliquer les difrentes modalis
trapeutiques.
En cas de survenue en fin de grossesse, l’accou-
chement à terme reste la règle. Un accouchement
prématuré provoqué peut parfois être proposé
quand la grossesse en cours risque d’entraver les
difrentes thérapeutiques.
Le traitement doit tenir compte
de plusieurs paramètres
La gestation en cours et l’urgence du traitement du
cancer sont à prendre en compte en priorité.
L’IMG ne doit pas être systématique car elle n’a
aucun effet thérapeutique pour la re et le choix
entre interruption ou poursuite avec traitement
dépend de nombreux éments dont la taille de la
tumeur, la notion de PEV, le grade SBR, le statut
ganglionnaire, le terme de la grossesse, la parité et
le souhait de la patiente.
La chirurgie
Elle est toujours possible à tous les stades de la
maladie : l’anestsie chez la femme enceinte ne
pose pas de problème particulier.
La radiothérapie
Elle est àconseiller en cours de grossesse car il
existe un risque de diffusion avec risque tal ou
tératogène.
Elle doit être diffée à la riode qui suit l’accou-
chement ou après l’ITG.
Grossesse et cancer du sein
Le cancer du sein est la tumeur la plus fréquente retrouvée chez
la femme enceinte : 1 cas pour 2 000 à 3 000 grossesses environ.
Cela concerne en France 300 à 400 patientes par an.
Les perspectives thérapeutiques ont beaucoup évolué ces dernières
années, et même si son pronostic reste grave, il devient dans
certains cas possible denvisager une issue favorable à la grossesse
associée à un traitement du cancer.
ÉRIC SEBBAN
Chirurgien gynécologue
et oncologue
Clinique Hartmann,
Neuilly-sur-Seine
Fiche n° 45
Aux États-Unis,
sur les 178 000
nouveaux cas
de cancer
du sein, 15 %
des cas vont
survenir chez
des femmes en
âge de procréer
en 1998.
«
»
GENESIS - N°125 - novembre 2007 • 27
4
LA LETTRE DU CHIRURGIEN
PRATIQUE
Fiche n° 45
La chimiothérapie
La chimiothérapie comporte des risques térato-
gènes limités au premier trimestre de la grossesse
du fait de la diffusion des drogues anticancéreuses,
les malformations tales retrouvées étant essen-
tiellement dues aux agents alkylants et aux anti
tabolites (5 fluoro uracile, thotrexate) (7 à
17 % des cas).
On peut, par contre, administrer des produits tels
que les anthracyclines et le cyclophosphamide.
Les protocoles FAC ou FEC peuvent être admi-
nistrés à partir du 4e mois.
De fon générale, on ne propose pas de chimio-
trapie au premier trimestre et après 13 SA, elle
est possible, type FAC ou FEC.
En cas de chimiotrapie en cours de grossesse,
une consultation de diagnostic anténatal avec
surveillance fœtale et obstricale rapprochée est
nécessaire.
Certains risques sont à prévoir chez le nouveau-
(risque infectieux, probmes de croissance, sur-
veillance gonadique et endocrinienne).
Premier cas de figure : la grossesse est très avan-
e, au 3e trimestre
Il est parfois prable de proposer une chimio-
trapie non fœto toxique qui permettra d’attendre
un accouchement souvent prématuré et provo-
qué, mais dans des délais raisonnables en terme
de prématurité, sans pour autant laisser évoluer
une tumeur pendant des semaines.
• Deuxième cas de figure : la grossesse est débu-
tante, au 1er trimestre
- En cas de tumeur évolutive, métastatique ou de
mauvais pronostic, il est prérable de proposer
une interruption de grossesse, permettant la mise
en œuvre la thérapeutique adaptée.
- La chimiotrapie ne peut être entreprise sans
risque tératogène majeur, de même que la radio-
trapie qui est contre-indiqe.
- Le premier trimestre est donc le cas typique ou
l’indication à une interruption dicale de gros-
sesse va être pore (www.motherisk.org).
- Dans certaines situations ts lectiones, avec
des patientes souhaitant conserver la grossesse et
averties des risques, il est possible de proposer
une chirurgie suivie d’une chimiothérapie non
tératogène.
- La cision finale revient toujours à la re.
Cas interdiaire
- La chimiothérapie est possible jusqu’à la fin de la
grossesse, avec parfois des risques d’hypotrophie
fœtale ou de sensibilité aux infections. On utilisera
alors des drogues non toxiques car il est prable
de ne pas laisser évoluer une tumeur potentielle-
ment agressive en attendant l’accouchement. Il
existe en revanche un risque d’hypotrophie fœtale,
ainsi qu’un risque théorique dinfection. Il n’y a pas
de risque rapporté de retard psychomoteur.
- La dernière cure doit être programmée 3 semaines
si possible avant la naissance programmée.
Désir de grossesse
après un cancer du sein
D’après la littérature, 7 % des patientes de 40 ans
et moins traitées pour cancer du sein vont entre-
prendre une grossesse.
2 questions essentielles se posent en cas de cancer
du sein trai chez une femme jeune désireuse de
grossesse :
- la possible grossesse après ce cancer du sein peut-
elle modifier le pronostic de la maladie ?
- les traitements adjuvants de ce cancer du
sein peuvent-ils influer sur la fertilité de la
patiente ?
La grossesse modifie-t-elle le pronostic du
cancer du sein ?
Jusqu’aux années soixante-dix, il était admis quune
femme traitée pour un cancer du sein ne devait
absolument pas être enceinte et une castration était
alors largement propoe.
Cependant, aucune étude n’a montré d’influence
péjorative de la grossesse sur la survie d’une
patiente traitée pour cancer du sein (11,12).
En cas de tumeur de bon pronostic, la survie à 5 ans
est excellente, aux alentours de 90 %. En cas de
tumeur N+ ou de grade histo pronostic élevé, le
pronostic est sombre (50 %) mais reste identique
dans les 2 groupes, que la patiente ait eu une gros-
sesse ou non (10).
Le rôle des hormones dans la carcinogese mam-
maire est bien reconnu :
- diminution du risque de cancer du sein de 25 %
par année de ménarche retardée
- RR de 0.73 pour les femmes dont la ménopause
survient avant lâge de 45 ans par rapport à celles
ménopaues entre 45 et 54 ans
- diminution du risque de cancer du sein de 50 %
pour les femmes subissant une ovariectomie avant
35 ans.
Plusieurs études rétrospectives ne montrent pas de
taux de survie catastrophique en cas de grossesse
après cancer du sein (Tableau 1).
Mais : petits effectifs, études trospectives et biais
liés à lalection de patientes de bon pronostic.
Plusieurs études cas contles montrent linfluence
de la grossesse sur un cancer du sein palablement
traité (Tableau 2).
Les études trospectives cas contle montrent
La chimiothérapie
comporte des
risques tératogènes
limités au premier
trimestre de la
grossesse du fait
de la diffusion
des drogues
anticancéreuses
«
»
N Survie 5 ans Survie 10 ans
White 1954 12 67 % 58 %
Holleb 1962 52 52 %
Rissanen 1969 53 77 % 69 %
Cooper 1970 32 75 %
Cheek 1973 85 50 %
Harvey 1981 41 80 %
Ariel 1989 47 77 % N- 56 % N+
Clarck 1989 136 78 % 68 %
Tableau 1 : influence de la grossesse sur un cancer du sein
palablement trai. Études trospectives.
28 • GENESIS - N°125 - novembre 2007
4
LA LETTRE DU CHIRURGIEN
une survie équivalente pour les cancers du sein
suivis ou non de grossesse à stade égal.
La chimiotrapie modifie-elle
la fertili ultérieure ?
Nous ne reviendrons pas sur les bénéfices apportés
par la chimiotrapie adjuvante chez ces femmes
jeunes, même lorsque le pronostic du cancer est
bon (pas d’invasion ganglionnaire, faible grade
histo pronostic, hormono pendance…).
Mais cette chimiothérapie a un impact sur la ferti-
lité ultérieure : près de 30 % des patientes ont une
nopause précoce dans les 2 ans qui suivent la
chimiothérapie (13), ce qui limite les possibilis
de grossesse ulrieure.
En revanche, il n’existe aucun effet démontré
d’augmentation de la fréquence des accidents
génétiques en cas de grossesse future.
6 cures de CMF ou de FAC
- après 40 ans : aménorrhée dans 90 % des cas ;
- avant 40 ans : aménorrhée dans 30 %
De plus, il est fréquent en cas de tumeur hormono
sensible de prescrire des agonistes de LHRH pen-
dant 2 ans à des fins de suppression de la fonction
ovarienne, ce qui retarde d’autant plus la survenue
d’une grossesse ultérieure.
Quelle contraception proposer après cancer
du sein ?
La grossesse aps un cancer du sein doit être dési-
rée et non un accident à un arrêt de contracep-
tion. La contraception doit être sysmatiquement
proposée. Méthodes locales, DIU (bien adapté
après cancer du sein), contraception hormonale :
Les EP combis sont en théorie contre-indiqués.
Les progestatifs microdos entraînent une hyper-
estrogénie relative. Les progestatifs macrodoses
discontinus peuvent être prescrits.
Quel est le délai optimal pour une grossesse
après traitement ?
La survie longue aps traitement est en soi un indi-
cateur de bon pronostic avec ou sans grossesse.
Seule une étude prospective ou les jeunes femmes
atteintes de cancer du sein seraient enrôlées au
moment du diagnostic fournirait des informations
pcises. Une telle étude est en cours aux USA : les
résultats seront connus dans 10 ans.
Des données concernant plus de 1 000 femmes
enceintes après cancer du sein ne montrent pas
d’effet faste de cette grossesse sur le pronostic
de la maladie.
Pour les patientes N- , nous conseillons d’attendre
2 ans et pour les patientes N+, 3 ans.
En pratique
La grossesse ne semble pas influencer le pronostic
du cancer du sein anrieurement traité. L’ITG ne
modifie pas le pronostic.
S’il s’agit d’un cancer de bon pronostic, la survie
après grossesse est excellente, quel que soit le délai
entre traitement anticanreux et conception.On
n’impose donc pas de lai.
En cas de cancer de moins bon pronostic, avec
notamment atteinte ganglionnaire, le pronostic
est relativement sombre (50 % de rechute à 10
ans) et il est conseil aux patientes d’attendre un
délai d’au moins 2 ou 3 ans avant d’entreprendre
une grossesse.
Quel rôle la femme joue-t-elle ?
Le désir d’enfant chez une femme soignée ou
devant être soige pour un cancer du sein n’est
pas comparable au désir habituel :
- L’atteinte physique des seins est une agression
à saminité à la fois dans l’imaginaire et dans la
réali ;
- Dans l’imaginaire, la repsentation des seins est
intimement le à la férence à l’allaitement donc
à la maternité ;
- Dans la réali, l’atteinte physique directe du sein
induite par les difrents traitements est elle.
Les difrents traitements vont engendrer dans un
certain nombre de cas une ménopause précoce avec
castration retentissant sur le statut de la femme (sur
le plan physique, sexuali)
Le désir d’enfant participe à la réparation, la
reconstruction de lamini, comme un combat,
une sorte de réflexe de vie.
Le cancer du sein de la femme jeune se caractérise
par une fréquence plus élevée de prédisposition
génétique, avec un pronostic globalement moins bon
que si ce cancer survient aps la ménopause, proba-
blement en rapport avec les caractéristiques propres
de la tumeur. Les traitements sont sensiblement
identiques à ceux de la femmenopausée, avec
une attention accrue à la castration hormonale.
La grossesse ne semble pas influencer le pronostic
d’un cancer du sein traité. La PMA est CI si on
utilise des traitements de stimulations.
En cas de cancer de bon pronostic, il n’y a pas de
lai à respecter entre la fin du traitement de ce
cancer et la conception. En cas de moins bon pro-
nostic, l’évolutivité reste jorative, avec ou sans
grossesse, et il semble raisonnable de conseiller aux
patientes dattendre un lai dau moins 2 ans après
la fin des traitements avant de concevoir.
En l’absence de désir de grossesse, il est conseil
de prescrire une contraception.
1. Bonnier P, Romain S et al. Soc Française de Sénologie
et de Pathologie Mammaire Study Group. Int. J. Cancer 1997,
72, 720-727.
2. Mignot L, Morvan F, Berdah J et al. Presse. Med. 1986, 15,
1961-1964.
3. Kroman N, Jensen MB, Melbye M. et al. Lancet 1997, 350,
319-322.
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1996, 53, 471-475.
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1995, 6 : 47.
BIBLIOGRAPHIE
N Groupe contrôle similaire Survie
Peters 1965 96 Oui Meilleure survie groupe cancer
Cooper 1970 40 Oui Survie idem
Mignot 1986 68 Oui Survie idem
Velengtas 1999 53 Oui Survie idem
Tableau 2 : influence de la grossesse sur un cancer du sein
palablement trai : études cas contles.
Les 2 groupes sont similaires quant à l’âge et au stade de la maladie.
GENESIS - N°125 - novembre 2007 • 29
PRATIQUE
C’est une enquête auprès des femmes conceres que,
l’AFACS, l’Association Francophone pour l’Aps Cancer
du Sein (1901) s’apprête à lancer, entre autres grâce
à votre aide dès le début du mois de décembre. Cette
enquête est une grande première : jamais un tel projet
ne fut conçu auparavant. Je demande ici à toutes et
tous les fidèles de Genesis de nous aider dans ce projet
ambitieux.
Si vous connaissez une ou des femmes ayant été
enceinte(s) (ayant accouc ou non) après un cancer du
sein, merci de lui suggérer de téléphoner au :
N° Vert
0800 770 736
Un questionnaire anonyme conçu par l’AFACS lui sera
alors proposé par la Société FOLLOW UP afin de
conntre dans le détail les circonstances, le cu de son
cancer et de sa grossesse, l’impact physique et affec-
tif de cet événement dans sa vie quotidienne sociale et
conjugale.
Nous comptons retrouver et interroger entre 2000
et 5000 femmes.
Bien entendu je vous tiendrai informé(e) de l’évolution
du projet.
« DONNER LA VIE APRÈS
UN CANCER DU SEIN »
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