> Réinventer l’économie de marché 43
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des déficits importants des balances commerciales et des balances des paie-
ments. En économie ouverte, le soutien à la demande intérieure se traduit
inéluctablement par un déficit de la balance commerciale. Ce qui a été fait
– malheureusement – dans certains pays, dont la France, a beaucoup
profité aux producteurs étrangers, sans impact sur l’emploi national. Le
keynésianisme en économie ouverte ne marche pas, sauf à faire le postulat
irréaliste d’une action européenne et internationale totalement coordonnée.
Quant aux politiques monétaires actuelles, elles engendrent des taux d’in-
térêt réels historiquement bas – en réalité négatifs à court terme – qui
illustrent une forme de répression financière à l’encontre des épargnants,
des sociétés d’assurances et des fonds de pension, au profit des gouverne-
ments (et des établissements de crédit) qui peuvent ainsi se refinancer à
bas coût.
Non seulement la thérapeutique a des effets pervers, mais elle est en outre
inefficace. L’Europe n’arrive toujours pas à rebondir, l’amélioration des
chiffres du chômage américain cache une baisse
historique du taux de participation au marché
du travail, et les pays émergents ralentissent. Les
politiques monétaires très «accommodantes»
créent de nouvelles bulles, notamment sur le
marché boursier, l’excès de liquidité créé, assorti
de taux obligataires très faibles, ne trouvant
d’autre emploi que de s’investir en actions… et
dans les pays émergents.
La gestion de la phase historique qui s’ouvre désormais s’avère délicate.
Les crises qui durent se traduisent toujours par des difficultés politiques
croissantes: la triple montée du populisme, du (mauvais) patriotisme
et du protectionnisme, menace. Après des années de mondialisation, le
risque de fragmentation du monde refait son apparition.
La gestion de la politique monétaire est périlleuse et renvoie à un
dilemme: la laisser inchangée pose à moyen terme le risque d’un retour
de l’inflation, la masse monétaire créée pendant la crise ne pouvant
plus être «épongée» par les banques centrales, tandis que l’arrêt de la
perfusion monétaire (le désormais fameux tapering) pourrait entraîner la
rechute d’économies très fragiles, encore convalescentes.
La gestion réglementaire de la crise n’est pas plus aisée. Alors que
les défaillances de la régulation ont joué un rôle dans l’explosion des
subprimes, beaucoup de réglementations adoptées depuis sont suscep-
tibles d’avoir des effets pervers. C’est le cas de Bâle3 et de Solvabilité2,
dont le calibrage en matière d’actifs, notamment, pénalise le financement
“C’est avec les
effets pervers de cette
thérapeutique inadaptée
à la crise que nous nous
débattons actuellement.
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