Polarisation électrique dans les cristaux

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Master Sciences de la matière
École Normale Supérieure de Lyon
Université Claude Bernard Lyon I
Stage 2013–2014
Frédéric Combes
M2 Physique
Polarisation électrique dans les cristaux
Résumé : Ce rapport présente la travail effectué sur la polarisation électrique dans les cristaux. Il expose
les approches connues, à savoir la description classique et l’approche de Vanderbilt et Resta, avant de
se focaliser sur l’utilisation des fonctions de Green afin de permettre un calcul thermodynamique et afin
de donner accès à la polarisabilité électrique. Les différentes approches connues et calculs effectués sont
comparés au travers de deux modèles jouets unidimensionnels, la chaîne de dimère et le modèle de RiceMele, qui sont explorés analytiquement ou numériquement.
Mots clefs : polarisation électrique, cristaux, modèle de Rice-Mele, fonction de Green, localisation
Stage encadré par :
Jean-Noël Fuchs
[email protected]
Frédéric Piéchon
[email protected]
Laboratoire de Physique du Solide
UMR 8502, Université Paris Sud, bat. 510
91405 Orsay
https://www.lps.u-psud.fr/
Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier mes deux responsables de stage, Frédéric et Jean-Noël, pour le sujet, le
stage, et les discussion enrichissantes, ainsi que toutes les autres personnes du groupe théorie, stagiaires, doctorants, post-docs et permanents !
Table des matières
1 La polarisation, introduction et motivations
1.1 Situation du problème . . . . . . . . . . . . .
1.2 Approche classique de la polarisation . . . . .
1.3 Théorie moderne de la polarisation : approche
1.4 Motivations . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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1
1
1
2
2
2 Modèles jouets : chaîne de dimères et modèle de Rice-Mele
2.1 Chaîne de dimères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 Modèle de Rice-Mele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
3
3
3 Polarisation classique et approche de Vanderbilt et Resta
3.1 Chaîne de dimères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.1.1 Calcul thermodynamique . . . . . . . . . . . . . . . .
3.1.2 Calcul classique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.1.3 Approche de Vanderbilt et Resta . . . . . . . . . . . .
3.2 Modèle de Rice-Mele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2.1 Système fini avec bords . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2.2 Système sans bord, périodique . . . . . . . . . . . . .
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de Vanderbilt-Resta
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4
4
4
5
5
5
6
8
4 Fonction de Green, développement pertubatif
4.1 Notions préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.1.1 Approche thermodynamique et fonction de Green . . . . . . . . .
4.1.2 Choix de la jauge électromagnétique . . . . . . . . . . . . . . . .
4.1.3 Échelle de Wannier-Starck . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Approche indépendante de jauge (Chen et Lee) . . . . . . . . . . . . . .
4.2.1 Dérivation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2.2 Application à la chaine de dimères . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2.3 Application au modèle de Rice-Mele . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3 Nouvelle approche : fonctions d’onde localisées . . . . . . . . . . . . . .
4.3.1 Fonctions de Wannier et développement de la fonction de Green
4.3.2 Premier ordre de la fonction de Green et polarisation . . . . . . .
4.3.3 Deuxième ordre de la fonction de Green et polarisabilité . . . . .
4.4 Application aux modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4.1 Chaîne de dimères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4.2 Modèle de Rice-Mele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.5 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.5.1 Invariance de jauge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.5.2 Bases localisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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9
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9
9
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10
10
11
11
12
12
13
13
14
14
15
15
15
16
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5 Conclusion - perspectives
17
A Théorie moderne de la polarisation
18
B Hamiltonien de Bloch
19
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
αa
a
Figure 1 – Cristal constitué d’un ion (en rouge) par cellule unité. L’électron (en noir) est situé à une distance αa
de l’ion à sa droite. Les deux choix de cellule unité (encadrés en pointillés) conduisent à deux valeurs distinctes
de la polarisation.
1
1.1
La polarisation, introduction et motivations
Situation du problème
L’objet d’étude de ce stage est la polarisation électrique dans les solides cristallins isolants, plus particulièrement, l’étude se focalise sur les modèles de liaisons fortes à demi-remplissage. Le potentiel chimique est donc
situé dans le gap, et chaque état des bandes occupées l’est deux fois (aucune interaction électron-électron), de
sorte à ce que la charge totale soit nulle - condition sans quoi la polarisation n’est pas définie.
La définition de la polarisation provient de la thermodynamique
1 ∂
Pν = −
Ω(T, µ, ...)
(1)
V ∂Eν
E=0
ou Ω est le grand potentiel, Eν le champ dans la direction spatiale ν (x, y ou z), P la polarisation et µ le
potentiel chimique.
Ce rapport introduit d’abord les approches connues de la polarisation (point de vue classique et théorie de
Vanderbilt et Resta), afin de pouvoir motiver l’intérêt porté à la polarisation durant ce stage.
1.2
Approche classique de la polarisation
Pour une distribution neutre de charges, la polarisation est simplement le premier moment de la distribution
de charges par unités de volume. En appliquant cette définition à une approche classique d’un cristal dans lequel
les ions et les électrons sont des charges ponctuelles localisées, la polarisation d’un cristal est
P=
1 X
1 X
qion xion =
(−e)xe− +
V −
V ion
e
X
(−e)xe− +
e− ∈cell.
X
qion xion
(2)
ion∈cell.
où x représente la position de la charge et qion la charge de l’ion. e− ∈ cell. indique que la somme a lieu sur les
électrons à l’intérieur de la cellule unité. L’exemple le plus simple, un cristal contenant un ion et un électron
par maille, est immédiatement instructif : selon le choix de la cellule unité le calcul de la polarisation donne
P = (−e)αa ou P = −(−e)(1 − α)a. Les deux choix de cellule unité utilisés pour ce calcul sont présentés par la
figure 1.
D’autres choix de la cellule unité conduiraient à de nouvelles valeurs de la polarisation différant de la valeur
(−e)αa d’un multiple entier de (−e)a. Une telle ambiguïté est naturelle du fait de la périodicité du cristal :
décaler tous les électrons d’une cellule unité vers la droite ne modifie pas le système, cependant, une telle
transformation modifie la polarisation de (−e)a. Cette quantité, (−e)a est en général appelé “quantum de polarisation”. Dans la suite, on fixe la charge de l’électron à (−e) = −1 et la taille de la cellule unité à a = 1, ainsi
l’ambiguïté dans la polarisation (le quantum de polarisation) est 1.
Si on souhaite étendre cette approche à une description quantique des électrons, on est amené à considérer
des distributions continues de charges. Pour une distribution de charge continue, l’approche classique s’étend
naturellement à
Z
P=
avec la condition de neutralité électrique
R
xρ(x)dx
(3)
ρ(x)dx = 0, où ρ(x) = ρe− (x) + ρions (x) est la densité de charge.
1
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
x
Prenons l’exemple simple de la distribution de charge cos 2π
, qui est bien neutre. La cellule unité est [y; 1+y],
ainsi, le premier moment de cette distribution de charges est
Z 1+y
Z 1+y
h
x
x i1+y
y
x
+
2π sin
dx = −2πx sin
dx = −2π sin
(4)
P=
x cos
2π
2π y
2π
2π
y
y
qui, clairement, prend des valeurs arbitraires entre les deux valeurs extrêmes ±2π. Ce calcul s’étend à toutes les
distributions périodiques via la décomposition en série de Fourier. Ainsi, si on souhaite calculer la polarisation
dans un isolant de bandes, une nouvelle méthode est nécessaire.
1.3
Théorie moderne de la polarisation : approche de Vanderbilt-Resta
Pour pallier à l’ambiguïté dans le calcul de la polarisation des systèmes périodiques, Vanderbilt et Resta
ont développé une “théorie moderne de la polarisation” présentée dans [1].
Pour un isolant de bandes décrit par un Hamiltonien H(λ) dépendant d’un paramètre λ contrôlé par l’expérimentateur, un changement dans la polarisation est un déplacement de charges électroniques, et est donc
mesurable via le courant généré. Ainsi, pour un changement adiabatique de λ, la variation dans la polarisation
provient des électrons et s’écrit
Z
Z
X Z
i(−e)
dd k h∂λ uα |∂kν uα i + cc.
jν (λ(t))dt =
dλ
Pν (λf ) − Pν (λi ) =
d
(2π)
t
λ
Z α occ.
Z
(5)
X
e
e
α α d
α
d
α
=
u
i
u
i
d
k
Im
hu
|∂
d
k
Im
hu
|∂
−
k
k
ν
ν
(2π)d
(2π)d
λf
λi
α occ.
La somme (α occ.) est effectuée sur les bandes occupées. Plus de détails sont fournis en annexe A.
On peut monter que la contribution électronique à la polarisation a les propriétés d’une phase, c’est à dire
qu’elle n’est définie que modulo 2π – ce modulo coïncide avec l’ambiguïté (quantum de polarisation) donnée
par la précédente approche classique dans le cas des électrons ponctuels.
On peut définir une valeur effective de la contribution des électrons à la polarisation Peff de sorte à ce que
P(λf ) − P(λi ) = Peff (λf ) − Peff (λi ). Soit
Z
X
e
(6)
dd k Im huα |∂kν uα i
Peff,ν =
d
(2π)
α occ.
Cette définition de la polarisation n’est qu’effective. A priori, cette formule permet de connaître la différence
de polarisation entre deux états – et non la polarisation absolue d’un état. Pour avoir accès à la polarisation
absolue d’un état, il faut prendre la différence avec la polarisation effective d’un état possédant une symétrie
d’inversion (polarisation nulle), ou réintroduire la contribution des ions.
1.4
Motivations
En cherchant à calculer la polarisation dans un modèle de liaisons fortes, l’approche classique ne donne
aucun résultat. Pour cette raison, Vanderbilt et Resta ont développé un formalisme qui permet de calculer la
polarisation dans un cristal. Cependant, ce formalisme a plusieurs inconvénients :
— il ne fait pas appel à la thermodynamique puisqu’il est basé sur le fait qu’un changement de polarisation
induit un courant, et non pas sur le fait que la polarisation est la dérivée de l’énergie libre,
— il ne donne qu’une polarisation effective, qui doit être comparée à une configuration possédant une
symétrie d’inversion,
— il ne permet pas de calcul à température finie,
— il ne permet pas de calculer la polarisabilité électrique (qui est la dérivée seconde du grand potentiel par
rapport au champ).
C’est dans le but de tenter de pallier à ces inconvénients et de répondre à certaines des questions posées par la
théorie de Vanderbilt et Resta qu’on étudie la polarisation électrique durant ce stage.
La suite de ce rapport est structurée en 3 parties. La première présente les deux modèles jouets étudiés durant
ce stage, à savoir, la chaîne de dimères et le modèle de Rice-Mele. Ces deux modèles, étudiés classiquement (c’est
à dire sur des systèmes finis) sont ensuite comparés au formalisme de Vanderbilt et Resta. Dans une dernière
partie, on se focalise sur un calcul thermodynamique en faisant intervenir la fonction de Green.
2
Polarisation électrique dans les cristaux
A
Γ+δ
+∆
B
−∆
Frédéric Combes
Γ−δ
Γ+δ
A
+∆
Γ−δ
B
−∆
Γ+δ
A
+∆
B
−∆
Figure 2 – Chaîne unidimensionnelle réalisant le modèle de Rice-Mele. Elle comprend deux atomes par cellule
unité, avec un potentiel sur site ±∆. Les seuls termes de saut sont des termes premiers voisins valant Γ ± δ.
2
Modèles jouets : chaîne de dimères et modèle de Rice-Mele
2.1
Chaîne de dimères
Le modèle du dimère est un modèle à deux atomes, A
sur A et −∆ sur B. Les deux atomes sont couplés par un
Hamiltonien électronique
∆
Hd =
Γ
situé en xA et B situé en xB de potentiel sur site ∆
terme de saut Γ, résultant en une description par le
Γ
−∆
(7)
Le Hamiltonien d’une chaîne de dimère décrit un cristal de dimères non couplés, c’est à dire Hmn = Hd δmn , où
m et n sont des indices repérant la cellule unité. Les atomes A sont positionnés en n + xA et les atomes B en
n + xB . Cette construction en forme de chaîne permet de munir le modèle du dimère d’une zone de Brillouin,
permettant ainsi de comparer les formules exactes à des formules faisant intervenir une intégrale sur la zone
première zone de Brillouin, comme celle de Vanderbilt et Resta.
√
Le spectre du dimère est un spectre plat correspondant aux deux énergies E± = ± ∆2 + Γ2 . Les valeurs
propres de H sont extrêmement dégénérées, donc il existe plusieurs bases orthogonales distinctes de vecteurs
propres. Puisqu’on souhaite faire des calculs sur la zone de Brillouin, il est nécessaire d’utiliser la base qui
diagonalise l’opérateur translation. Dans cette base, les vecteurs propres ont pour composantes
+
ξ −ikxA ik(n+xA )
+
(k)eik(n+xA ) = cos 2ξ e−ikxA eik(n+xA ) n, AE−
e
k = sin 2 e
n, A Ek+ = uA
(8)
ξ −ikxB ik(n+xB )
ξ
−
+
−ikxB ik(n+xB )
ik(n+xB )
e
n, B Ek = − cos 2 e
e
n, B Ek = uB (k)e
= sin 2 e
où cos ξ = E∆+ et sin ξ = EΓ+ . L’écriture sous forme d’ondes de Bloch fait apparaître une phase dépendant de k
dans la partie u± (k) – qui conduira au fait que les formules faisant intervenir la zone de Brillouin (tels que la
formule de Vanderbilt et Resta) ne donnent pas nécessairement 0.
Une deuxième base présente également un intérêt : la base dans laquelle les vecteurs propres du Hamiltonien
sont localisés sur un seul dimère de la chaîne. On appelle cette base “base de Wannier” 1 . Elle est constituée des
vecteurs propres ayant les composantes suivantes
+
hn, A|wm
i = δmn cos 2ξ
+
hn, B|wm i = δmn sin ξ2
2.2
−
hn, A|wm
i = sin 2ξ
−
hn, B|wm i = − cos 2ξ
(9)
Modèle de Rice-Mele
Le modèle de Rice-Mele est un modèle à deux atomes par maille décrit par le Hamiltonien
H0 = ∆ (|i, Ai hi, A| − |i, Bi hi, B|) + (Γ + δ) (|i, Ai hi, B| + cc.) + (Γ − δ) (|i, Ai hi − 1, B| + cc.)
(10)
Ce modèle correspond à une chaîne unidimensionnelle avec un potentiel sur site ±∆ et une première amplitude
de saut (Γ + δ) entre les atomes voisins |i, Ai et |i, Bi et un seconde amplitude (Γ − δ) entre l’autre paire
d’atomes voisins |i, Ai et |i − 1, Bi. Une telle chaîne est schématisée par la figure 2.
Le modèle possède une invariance par translation et peut donc être décrit sur la zone de Brillouin par le
Hamiltonien de Bloch suivant (un choix spécifique de base de Bloch est fait ici, il est détaillé en annexe B), où
les sites A et et B sont choisis de sorte à ce que xA = 0 et xB = 21
H(k) =
∆
k
2Γ cos 2 + 2iδ sin
2Γ cos
k
2
1. Voir section 4.3.1 pour une justification du choix du nom
3
k
2
− 2iδ sin
−∆
k
2
= ~n(k) · ~σ
(11)
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Spectre du modèle de Rice-Mele
3
Bande inférieure
Bande supérieure
État de bord
État de bord
2
Énergie
1
0
-1
-2
-3
π/2
0
π
3π/2
2π
θ
Figure 3 – Spectre du modèle de Rice-Mele. On peut noter que le système est isolant quelque soit θ. Les deux
lignes rouges correspondent aux deux états de bord qui ne sont présents que pour un système non-périodique
de taille finie. La taille du système, L (en nombre de cellule unités) vaut 80 pour cette figure.
Les bandes d’un tel Hamiltonien correspondent à
s
k
k
2
2
+ 4δ sin
(12)
+
E = ± |~n(k)| = ±
2
2
±
et les états propres de H0 , qui sont des ondes de Bloch, sont notés E±
k , tandis que les |u (k)i, vecteurs propres
de H(k), sont des spineurs décrivant la partie ayant la période du réseau cristallin. Le spectre de cet Hamiltonien
est présenté figure 3, où on a choisi, afin d’explorer tout le modèle de Rice-Mele, ∆ = ∆0 cos θ, δ = δ0 sin θ et Γ
est pris comme échelle d’énergie (ce qui implique Γ = 1). Dans la suite les résultats sont en général tracés pour
θ ∈ [0; 2π] et ∆0 = δ0 = 0.6. On peut noter que la limite δ = Γ correspond à la chaîne de dimère.
±
∆2
4Γ2 cos2
L’opération d’inversion transforme P en −P. Ainsi, en présence d’une symétrie d’inversion, P = −P modulo
1, c’est à dire que P = 0 ou P = 12 , modulo 1. Avec la paramétrisation choisie, les valeurs de θ = π2 , 3π
2
correspondent à ∆ = 0. Le système présente alors une symétrie d’inversion qui échange les sous-réseaux d’atomes
A et B. Les électrons ne peuvent donc pas être localisés préférentiellement sur un des sous-réseaux, ainsi, la
polarisation est nulle en ∆ = 0. Également, les points δ = 0 correspondent à la présence d’une symétrie
d’inversion, cependant cette symétrie préserve les sous-réseaux A et B. Ainsi, contrairement à la symétrie
d’inversion en ∆ = 0 qui échange les deux sous-réseaux, on ne s’attend pas ce que la polarisation soit nulle en
δ = 0, mais sa valeur sera nécessairement 0 ou 21 .
3
Polarisation classique et approche de Vanderbilt et Resta
3.1
3.1.1
Chaîne de dimères
Calcul thermodynamique
Pour calculer la polarisation, un choix de jauge pour le champ électrique est nécessaire ; on choisit la jauge
potentiel scalaire. Ce choix est discuté dans la partie 4.1.2.
En présence d’un champ électrique, dans cette jauge, le Hamiltonien d’un seul dimère est modifié en
B
xA + xB
E
Γ
∆ + xA −x
2
+
E1
(13)
HE =
B
Γ
−∆ − xA −x
E
2
2
4
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Les énergies propres sont modifiées en
xA + xB
E±
E±
E =
2
s
2
xA − xB
E + Γ2
∆+
2
(14)
A température nulle, énergie libre grand-canonique et énergie sont identiques. La polarisation est donc la
variation de l’énergie liée au champ électrique. Pour deux ions sur les sites A et B et deux électrons dans l’état
fondamental, cette variation est donc
s
2
∂
∂
∆
xA − xB
2
P|E=0 = −
=
2E−
+
E
(15)
2
E
= − − (xA − xB )
+
Γ
∆
+
ions E
∂E
∂E
2
E
E=0
E=0
où la contribution des ions à l’énergie est calculée classiquement (charges ponctuelles dans un potentiel) et vaut
(xA + xB ) E.
3.1.2
Calcul classique
En champ nul, l’état fondamental pour un électron localisé sur le dimère n est |wn− i, donc la position moyenne
de l’électron associé est
−
xA + xB
∆ xA − xB
wn Xwn− = n +
+ −
(16)
2
E
2
xA +xB
la position du barycentre des charges liées aux ions du même dimère est n + 2 . En utilisant ces valeurs, le
calcul classique premier moment dipolaire conduit à l’expression de la polarisation suivante
xA + xB
xA + xB
∆
∆ xA − xB
Pclass = 2 n +
−2 n+
= − − (xA − xB )
(17)
+ −
2
2
E
2
E
qui est précisément la polarisation trouvée via la dérivée de l’énergie. On reconnaît donc l’image classique de la
polarisation lorsqu’on remplace l’électron par une charge ponctuelle située en hwn− |Xwn− i.
3.1.3
Approche de Vanderbilt et Resta
La polarisation effective proposée par Vanderbilt est Resta est
Z
1
dk Im u− (k)∂k u− (k)
Peff = 2
2π
(18)
où le facteur 2 provient de la dégénérescence de spin.
Dans le cas particulier de la chaîne de dimères
xB − xA
xA + xB
−
−
−
− cos ξ
(19)
Im u− (k)∂k u− (k) = u−
A (k)∂k uA (k) + uB (k)∂k uB (k) = −
2
2
Ce qui conduit à
∆
(20)
Peff = −(xA + xB ) − − (xA − xB )
E
Peff étant une polarisation effective, seules les différences comptent. Ces différences sont bien en accord avec les
valeurs de la polarisation trouvées précédemment. De plus, on sait que la contribution ionique va être (xA + xB ),
ainsi, en réintroduisant la contribution des ions à la polarisation, on obtient bien
∆
(xA − xB )
E−
On vient donc de montrer que les trois approches différentes conduisent au même résultat.
Pe− + Pion = −
3.2
(21)
Modèle de Rice-Mele
Le modèle de Rice-Mele ne peut pas être résolu analytiquement pour des systèmes finis. Ainsi pour l’approche
classique de la polarisation, on effectuera un calcul numérique sur système fini, avec ou sans bords, qu’on
comparera ensuite avec la formule de Vanderbilt et Resta. Comme les divers choix possibles de cellules unités
conduisent à une ambiguïté classique 2 valant 1 dans la valeur de la polarisation, on comparera toutes les courbes
modulo 1.
2. c’est à dire, lorsqu’on remplace les électrons par des charges ponctuelles localisées, la valeur de la polarisation dépend du
choix de cellule unité, comme expliqué dans la section 1.2 et les résultats trouvés diffèrent de 1.
5
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Polarisation de la chaîne de Rice-Mele
Calcul numérique, L = 80
Calcul de Vanderbilt et Resta
1.25
Polarisation
1
0.75
0.5
0.25
0
0
π/2
π
3π/2
2π
θ
Figure 4 – Polarisation du modèle de Rice-Mele. Les courbes sont tracées modulo 1 car pour le modèle de
Rice-Mele, l’ambiguïté dans la valeur de la polarisation est 1. On note l’annulation de la polarisation pour
∆ = 0, soit en π2 et 3π
2 du fait d’une symétrie d’inversion présente pour cette valeur de ∆. Le calcul numérique
et le calcul de Vanderbilt et Resta sont en bon accord une fois que la formule de la polarisation effective de
Vanderbilt et Resta est décalée pour s’annuler dans les configurations possédant un symétrie d’inversion. On
remarque également que l’accord est le moins bon autour de θ = 3π
2 , en raison de la présence d’états de bord.
3.2.1
Système fini avec bords
Pour un système de taille finie, non-périodique, le couplage avec un champ électrique en jauge potentiel
scalaire s’écrit EX. Le système étant fini, ce terme est une perturbation et on s’attend à ce que l’énergie de
l’état de base soit perturbative en E. Or
∂
P|E=0 = − V1 ∂E
ΨGS H(N ) +
EX (N ) ΨGS |E=0 + Pions
(22)
= − V1 ΨGS X (N ) ΨGS + Pions
où |ΨGS i est l’état fondamenttal à N électrons et
(N )
dénote les opérateurs à N particules.
En notant P − le projecteur sur la bande occupée, ΨGS X (N ) ΨGS = 2 tr P − XP − (le facteur 2 est lié à
la dégénérescence en spin). Numériquement, le calcul de la polarisation se résume donc à la diagonalisation de
H0 et au calcul de la trace de l’opérateur position projeté X − = P − XP − . La polarisation ainsi calculée est
présentée par la figure 4 où elle est comparée avec la formule de Vanderbilt-Resta.
Du fait du fort lien entre la polarisation et l’opérateur position, on peut
s’intéresser à l’existence d’états
localisés et aux valeurs propres de P − XP − . En effet, les états propres E−
du modèle infini/périodique sont
k
des états complètement délocalisés sur lesquels l’action de l’opérateur position n’est pas définie. Cependant la
diagonalisabilité de P − XP − implique qu’on peut “localiser” ces états. La figure 5 3 montre ces valeurs propres
pour une valeur de θ fixée 4 , pour les deux bandes, tandis que les figures 6 et 7 montrent respectivement la
localisation exponentielle des états propres de P − XP − et la longueur de localisation d’un état de volume pour
θ ∈ [0; 2π]. L’opérateur P − XP − , et en particulier ses vecteurs propres et valeurs propres, ont également été
étudiées dans [2].
3. La présence du décalage de − 14 provient du fait que le barycentre des charges positives est − 41 pour des ions situées en xA = 0
et xB = − 21 , ainsi le 0 de la polarisation correspond à des électrons localisés en − 41 . Se référer à la légende de la figure 5.
4. θ est choisi parmi les valeurs pour lesquelles les effets des bords sont les plus visibles.
6
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Valeurs propres de l’opérateur position projeté P ± XP ±
1
Bande inférieure
Bande supérieure
Valeur de x±
i −i
0.75
0.5
0.25
0
-0.25
-0.5
0
5
10
15
20
indice i
±
±
Figure 5 – Valeurs propres x±
i de l’opérateur P XP . On peut noter qu’elles sont (majoritairement) de la
+
−
1
forme xi = x + i − 4 pour la bande inférieure et xi = −x + i − 41 pour la bande supérieure (modulo 1). On
remarque aussi que seules quelques valeurs sont affectées par la présence des bords, tandis que la majorité,
correspondant à des états de volume, est totalement insensible à la présence des bords. Pour cette figure, on a
π
choisi θ = 3π
2 + 100 et L = 20.
Fonction propre de P − XP − (état de volume)
1
Sites A
Sites B
Tous les sites
Amplitude
1e-05
1e-10
1e-15
1e-20
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Cellule unité
Figure 6 – Amplitude d’une fonction propre quelconque de P − XP − . L’échelle logarithmique montre une
localisation exponentielle – ainsi, l’essentiel de la fonction d’onde est située sur deux sites, ce qui est en accord
avec la longueur de localisation calculée par un fit présentée sur la figure 7. Ici L = 40 et θ = π3 .
7
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Longueur de localisation des états propres de volume de P − XP −
Longueur de localisation
4
L = 20
L = 40
L = 80
3
2
1
0
0
π/2
π
3π/2
2π
θ
Figure 7 – Longueur de localisation d’un état de volume du modèle de Rice-Mele. On remarque que cette
longueur est très peu sensible à la taille du système, et qu’elle correspond à des fonctions d’ondes très localisées.
Cette longueur de localisation est déduite d’un fit des densité de probabilité des fonctions propres de P − XP −
par une enveloppe exponentielle, comme le justifie la forme de la fonction d’onde présentée figure 6. La figure
représente l’ensemble des longueurs de localisation au seuil de confiance 1σ
3.2.2
Système sans bord, périodique
L’étude numérique d’un système sans bords (i.e. périodique) s’avère plus difficile car l’opérateur position X
n’a pas la propriété de périodicité du système. Néanmoins, on sait que les états propres de l’opérateur position
sont localisés et on s’attend à ce que cette localisation ne dépende pas du caractère périodique du système si la
longueur de localisation des états propres est inférieure à la taille du système. Ainsi, si on trouve un opérateur
périodique X ′ tel que, sur des échelles de la longueur de localisation, X ′ est proportionnel à X, on s’attend à ce
que les vecteurs propres de X ′ soient identiques à ceux de X, et que les valeurs propres soient identiques (après
avoir enlevé la constante de proportionnalité dépendant de la position). En suivant l’article [3], on choisit
2iπ
2iπ
− ′ −
−
−
− ′
′
= P X P = P exp
X et P XP
X P−
(23)
X = exp
L
L
où L est la taille du système. Une manière de comprendre ce choix et d’assimiler le système périodique à un
anneau, dans lequel la position est un angle. Il devient alors naturel que la phase de hψ|X ′ ψi soit la “position
angulaire” de l’état |ψi sur l’anneau.
Alors que X ′ est diagonalisable, aucune propriété ne garanti que P − X ′ P − l’est (en effet ce n’est pas un
opérateur hermitien). On ne peut donc pas relier les valeurs propres par
L
Im log λP − X ′ P −
(24)
2π
comme on le ferait pour X ′ et X. On peut néanmoins considérer
L
Im log ψ P − X ′ P − ψ
(25)
2π
qui devrait contenir l’information sur la position de l’état ψ (tandis que le module de hψ|P − X ′ P − ψi contient
l’information sur la localisation de l’état).
−
se trouve être diagonalisable pour toutes les tailles de sysNumériquement, l’opérateur P − exp 2iπ
L X P
tème étudiées. La polarisation obtenue via l’utilisation de cet opérateur est comparée à la polarisation obtenue
pour un système fini non périodique, ainsi qu’à la formule de Vanderbilt et Resta, sur la figure 8. On peut
remarquer l’accord entre la polarisation calculée via l’utilisation de P − XP − et la formule de Vanderbilt et
Resta.
λP − XP − =
8
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Polarisation de la chaîne de Rice-Mele : différentes méthodes
1.25
Chaîne ouverte
Chaîne périodique
Vanderbilt-Resta
Polarisation
1
0.75
0.5
0.25
0
-0.25
0
π/2
π
3π/2
2π
θ
−
(système périodique) comparée à
Figure 8 – Polarisation obtenue par la diagonalisation de P − exp 2iπ
L X P
celle obtenue par la diagonalisation de P − XP − (système non-périodique) ainsi qu’à celle obtenue par la formule
de Vanderbilt et Resta. Afin d’être comparable les courbes sont prises modulo 1. La chaîne périodique et le
calcul de Vanderbilt et Resta se superposent exactement. L = 80 dans cette figure.
4
Fonction de Green, développement pertubatif
4.1
4.1.1
Notions préliminaires
Approche thermodynamique et fonction de Green
Le potentiel grand canonique peut être exprimé sous la forme suivante
Z
1
dω ρ(ω, E) log 1 + e−β(ω−µ)
Ω(T, µ, E, ...) = −
β
(26)
où ρ(ω, E) est la densité d’états à l’énergie ω en présence du champ électrique E. Cette densité d’état est reliée
à la fonction de Green (retardée) par l’équation
ρ(ω, E) = − lim+
η→0
1
Im tr g(ω + iη, E)
π
(27)
où g(ω + iη, E) est la fonction de Green retardée.
La contribution électronique à la polarisation en champ nul est la dérivée de l’énergie libre, elle a l’expression
Z
1
1 1
(28)
dω Im tr g (1) (ω + i0+ ) log 1 + e−β(ω−µ)
Pe− (T, µ, E = 0, ...) = −
βV
π
où g = g (0) + Eg (1) + .... g (1) est donc le premier ordre de la fonction de Green lorsqu’elle est développée en
puissances du champ.
4.1.2
Choix de la jauge électromagnétique
Afin de calculer la fonction de Green au premier ordre en champ électrique, il faut faire un choix de jauge
pour le couplage des électrons avec le champ. D’un point de vue classique, le Hamiltonien d’un électron libre
9
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
dans un champ uniforme peut être écrit dans une jauge mixte, comprenant à la fois potentiel scalaire et potentiel
vecteur, sous la forme
2
H = (p+A)
−V
2m
(29)
A = −λEt
V = −(1 − λ)Ex
où λ est un paramètre qui contrôle le choix de la jauge. Les équations du mouvement correspondantes sont
=
=
ẋ
ṗ
p+A
p−λEt
∂
∂p H = m =
m
∂
H = −(1 − λ)E
− ∂x
(30)
Ces équations conduisent à une solution x(t) indépendante de la jauge
p = p0 − (1 − λ)Et et x = x0 +
p0
1E 2
t−
t
m
2m
(31)
et la quantité correspondant à l’énergie
E=
1
1
mẋ2 + Ex = mẋ20 + Ex0
2
2
(32)
est bien conservée. On remarque que l’énergie coïncide avec le Hamiltonien uniquement lorsque ce dernier est
exprimé dans la jauge scalaire (correspondant à λ = 0), ainsi pour exprimer la densité d’état en énergie en
terme de la fonction de Green, on fait le choix de la jauge scalaire.
4.1.3
Échelle de Wannier-Starck
En présence d’un champ électrique uniforme, en jauge potentiel scalaire, le Hamiltonien est modifié en
H = H0 → H = H0 + EX
(33)
Grâce à l’invariance par translation de H0 , exprimée par [Ta , H0 ] = 0, on peut écrire Ta HTa−1 = H − Ea (où on
a réintroduit la taille de la cellule unité, précédemment fixée à a = 1), ainsi
Hψ = Eψ ⇒ HTa−1 ψ = Ta−1 Ta HTa−1 ψ
= Ta−1 (H − Ea) ψ
(34)
= (E − Ea) Ta−1 ψ
Ainsi, Ta−1 ψ est aussi un état propre de H d’énergie E(ψ) − Ea. Il suffit donc de connaître un état propre, pour,
grâce à l’opérateur translation, en construire un par cellule unité. Le spectre associé à cette famille d’états
propres est E + EaZ et est appelé “échelle de Wannier-Stark”. Par dénombrement, on sait que le spectre total
de H sera constitué d’autant d’échelles de Wannier-Stark qu’il y a d’états par cellule unité.
On remarque également que le spectre à E = 0 (structure de bandes) est fondamentalement différent de
celui à E 6= 0 (échelle de Wannier-Stark). La possibilité de pourvoir traiter perturbativement ces spectres si
différents n’est pas évidente. Cependant, on verra que le développement de la fonction de Green contient deux
contributions ; l’une dépendant de l’origine des positions (du type gxx′ = f (x + x′ )) et l’autre n’en dépendant
pas (du type gxx′ = f (x − x′ )). Les ions, à prendre en compte pour garantir la neutralité du système, ont une
contribution qui dépend uniquement de l’origine – or physiquement, le système est invariant par translation
car le champ électrique est uniforme, et donc la polarisation ne doit pas en dépendre. Ainsi, on verra que la
contribution des ions compense la partie dépendant de l’origine de la polarisation électronique.
De plus, si on tente d’effectuer un calcul thermodynamique de la polarisation pour E =
6 0, la question du
remplissage va se poser : en effet, pour E 6= 0, le système ne possède pas d’état d’énergie minimale. Dans la
suite les calculs seront effectués à E = 0.
4.2
4.2.1
Approche indépendante de jauge (Chen et Lee)
Dérivation
Dans l’article [4], Chen et Lee proposent une approche indépendante de jauge pour calculer les corrections
induites par le champ électrique ou magnétique à la fonction de Green. La méthode consiste à annuler la phase
10
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
dépendante de jauge en posant
g̃xx′ tt′ = gxx′ tt′ e
−iAxx′ tt′
où Axx′ tt′ =
Z
x′ t′
xt
~ τ ) · d~y
−V (y, τ )dτ + A(y,
(35)
où l’intégrale est en ligne droite entre les points (x, t) et (x′ , t′ ). Une fois cette dépendance de jauge factorisée,
l’équation définissant la fonction de Green, (H − ω)g = 1, se ré-écrit en fonction de quantités ne dépendant
plus de la jauge (l’équation fait apparaître un flux magnétique et le champ électrique). Elle permet de trouver
le développement de g̃ ordre par ordre en champ électrique (ou magnétique le cas échéant). L’ordre 1 de la
fonction de Green indépendant de jauge s’écrit
∂
Eµ
∂ −1
E g̃ (1) = i
g0
(36)
g0 [Xµ , g0 ] − g0 Xµ , g0−1
g0
2
∂ω
∂ω
où (H0 − w)g0 = 1. Comme
∂
. , on a
[X, . ] = ∂k
∂
∂ω g0
= g02 et
∂ −1
∂ω g0
E g̃
(1)
= −1, et lorsque le système est invariant par translation,
Eµ
∂
=i
g0 ,
g0
2
∂kµ
(37)
Une fois ce calcul effectué, le premier ordre de la fonction de Green est la somme de g̃ (1) avec le premier
ordre de g0 xx′ tt′ e−iAxx′ tt′ dans la jauge scalaire, où
Axx′ tt′ =
4.2.2
E
(x + x′ )(t′ − t)
2
(38)
Application à la chaine de dimères
Puisque, pour le dimère, un calcul exact est possible, il est possible de tester la formule de Chen et Lee. En
présence d’un champ, la fonction de Green du dimère s’écrit de façon exacte
gE =
H0 + 21 Ex− σ z + 12 Ex+ + ω1
2
n2E − ω + 21 Ex+
(39)
où x± = xA ± xB , H0 = ~n0 · ~σ et HE = ~n0 · ~σ + 21 Ex− σ z + 12 Ex+ 1 =. (Donc ~nE = Γ, 0, ∆ + 12 Ex− ).
Le premier ordre en champ est donc
− z
1 2
E
+
−
2
+
ωx − ∆x (H0 + ω1) +
n −ω
x σ +x 1
− 2
(n0 − ω 2 )
2 0
et
En comparaison, les deux provenant du calcul de Chen et Lee sont
E
Γ −∆
(1)
−
g̃ = − 2
Γx
−∆ −Γ
(n0 − ω 2 )
′
gxx
′ (ω)
E
=− 2
(n0 − ω 2 )
1 2
′
2
′
(n − ω )(x + x )δxx′ − ((H0 )xx′ + ωδxx′ ) ω(x + x )
2 0
(40)
(41)
(42)
′
−iAxx′ tt′
où gxx
.
′ (ω) est la transformée de fourrier temporelle de g0 xx′ tt′ e
Un rapide calcul montre que les deux expressions (développement à partir de l’expression exacte et calcul
de Chen et Lee ) coïncident. Le modèle du dimère semble donc valider le calcul de Chen et Lee.
4.2.3
Application au modèle de Rice-Mele
On vérifie que la démarche ci-dessus ne marche pas pour le modèle de Rice-Mele. En effet, le premier ordre
de la fonction de Green indépendante de jauge proposé par Chen et Lee est un commutateur, donc de trace
′
−iAxx′ tt′
nulle, et le terme gxx
) ne fait pas apparaître de dérivées – il
′ (ω) (transformée de Fourier de g0 xx′ tt′ e
semble donc improbable de trouver la formule de Vanderbilt-Resta, qui, elle, fait intervenir des dérivées. Un
calcul complet montre qu’en effet, la correction au premier ordre de la fonction de Green ne donne pas le résultat
attendu pour la polarisation. S’il est clair que le calcul de Chen et Lee ne donne pas le résultat attendu, la
raison pour laquelle on n’obtient le résultat attendu ne l’est pas.
11
Polarisation électrique dans les cristaux
4.3
Frédéric Combes
Nouvelle approche : fonctions d’onde localisées
Dans leur calcul, Chen et Lee font intervenir deux bases privilégiées : la base des orbitales atomiques (ou
base localisée) et la base des ondes de Bloch où le Hamiltonien H0 est diagonal par blocs. Or le Hamiltonien en
présence d’un champ a deux contributions, l’une étant localisée (EX), l’autre étant délocalisée (H0 (k)). Il y a
une compétition entre ces deux termes.
Dans la suite on présente un calcul utilisant une base hybride – la base des fonctions de Wannier – avant de
le discuter.
4.3.1
Fonctions de Wannier et développement de la fonction de Green
On définit les fonctions d’ondes de Wannier par
|wnα i
=
Z
BZ
−ikn
d̃k |Eα
kie
(43)
d
d k
α
où n est un vecteur d’indices repérant une cellule du cristal et α est un indice de bande et d̃k = (2π)
d . |Ek i
α
est le vecteur propre de H de pseudo impulsion k. Les fonctions d’ondes |wn i forment une base orthogonale de
l’espace de Hilbert, et sous certaines conditions, sont exponentiellement localisées. Dans la suite on fait l’hypothèse qu’elles le sont.
Dans cette base, le Hamiltonien a la forme
α β
β
|wn i wm =
H0 = wnα H0 wm
Z
BZ
α
|
d̃k Eα (k)e−ik(m−n) |wnα i hwm
(44)
où les sommes sur les indices de cellule n, m, p, ... et sur les indices de bande α, β, ... sont sous entendues et ne
sont pas notées. On peut montrer que la fonction de Green g (0) est
g
(0)
(ω) =
Z
d̃k
BZ
e−ik(m−n) α
α
|w i hwm
|
Eα (k) − ω n
(45)
Lorsqu’un champ électrique est présent, le Hamiltonien est modifié en H0 + EX. Dans la base des fonctions
de Wannier, le terme EX s’écrit
EX
=
=
On pose alors
α β
β
E Zwnα Xw
m |wn i wm
1 αβ
α β
β
Eµ
d̃k i u (k) ∂kµ u (k) + δ (mµ + nµ ) e−ik(m−n) |wnα i wm
2
BZ
αβ
=
αβ
=
(Bµ )nm
(Oµ )nm
Z
ZBZ
BZ
d̃k i uα (k)∂kµ uβ (k) e−ik(m−n)
d̃k
1 αβ
δ (mµ + nµ )e−ik(m−n)
2
(46)
(47)
En développant H et g en puissances du champ
H = H0 + Eµ Bµ + Eµ Oµ
(1)
(2)
g = g (0) + Eµ gµ + 12 Eµ Eν gµν + ...
(48)
l’équation (H − ω)g = 1 implique
(1)
gµ
(2)
gµν
=
=
−g (0) (Bµ + Oµ ) g (0)
(1)
(1)
2g (0) (Bµ + Oµ ) g (0) (Bν + Oν ) g (0) = 2gµ (H0 − ω) gν
où les indices µ et ν sont symétrisés.
12
(49)
Polarisation électrique dans les cristaux
4.3.2
Frédéric Combes
Premier ordre de la fonction de Green et polarisation
(1)
Le premier ordre en champ de la fonction de Green est gµ = −g0 (Bµ + Oµ ) g0 . Le calcul donne
Z
Z
αβ
i uα (k)∂kµ uβ (k)
1 nµ + qµ
(1)
−ik(q−n)
αβ
−ik(q−n)
gµ
d̃k
d̃k
e
−δ
= −
2e
α (k) − ω) (Eβ (k) − ω)
(E
2
nq
(Eα (k) − ω)
BZ
BZ
La trace de l’ordre 1 s’écrit simplement
P
Z
Z
Im huα (k)|∂k uα (k)i
(1)
nn
d̃k
d̃k
tr gµ = 2V
−2
2
2
α
α
(E (k) − ω)
(E (k) − ω)
BZ
BZ
(50)
(51)
où le facteur 2 provient de la dégénérescence en spin.
En utilisant le fait que
Z
Z
1
1
n−1
f
(w)
=
(−1)
dω δ(E − ω)∂ωn−1 f (ω)
−
lim
dω Im
n
π η→0+
(E − ω + iη)
(52)
(1)
on peut injecter l’expression de la trace de gµ dans la formule 28 donnant la polarisation pour obtenir la
contribution électronique
Z
1 X X
n
(53)
Pe− ,ν (T, µ, E = 0, ...) = 2 dk Im huα (k)|∂kν uα (k)i nF (Eα (k), µ) − 2
V α occ. n
où nF (E, µ) est la fonction de remplissage pour les fermions.
On reconnaît immédiatement la formule de Vanderbilt-Resta. En effet à température et champ nuls, la
polarisation est
X Z
(54)
d̃k Im huα (k)|∂kν uα (k)i + xA + xB
Pν = Pe− + Pions = 2
α occ.
où le terme
Pions =
BZ
1 X X
1 X X
n + xi = xA + xB + 2
n
V
V α occ. n
n
(55)
i=A,B
est venu compenser la contribution électronique dépendant de l’origine, comme l’indiquait les arguments de la
section 4.1.3. xA et xB correspondent à la position des ions dans la cellule unité.
4.3.3
Deuxième ordre de la fonction de Green et polarisabilité
Le deuxième ordre de la fonction de Green peut-être calculé de manière similaire. Le résultat est le suivant
α Z
αγ
u (k)∂kµ uβ (k) uβ (k)∂kν uγ (k)
(2)
−ik(n−m)
−
gµν
= 2 d̃k e
(Eα (k) − w) (Eβ (k) − w) (Eγ (k) −
mn
w) i uα (k)∂kµ uγ (k) nν
mµ i huα (k)|∂kν uγ (k)i
−
−
(56)
2
γ
(Eα (k) − w)2 (Eγ (k) − w) (Eα (k) − w) (E
! (k) − w)
∂k Eα (k)∂kν Eα (k)
mµ n ν
+ δ αγ µ
+ iGαγ
+ δ αγ
µν
5
3
α
α
(E (k) − w)
(E (k) − w)
αγ
où la somme sur β n’est pas notée, les indices µ et ν sont symétrisés. i (Gµν )mn correspond à un terme purement
imaginaire, qui n’aura aucun rôle dans la calcule la densité d’états, et qui n’est pas noté pour garder le résultat
le plus simple possible. On peut remarquer que le deuxième ordre de la fonction de Green comprend des termes
dépendants de l’origine des position. Ce fait n’est pas surprenant car le spectre est une échelle de Wannier-Stark,
et la fonction de Wanier au site n voit son énergie augmentée
de En. On s’attend donc en réalité à ce que le
P
1
dénominateur de la fonction de Green soit de la forme n E−ω+En
, et les termes qu’on observe correspondent
en effet au développement d’un tel dénominateur. 5
5. Et dans la suite, on les “oublie” puisqu’à température nulle, un pôle d’ordre 3 ne contribue pas (un tel pôle correspond à un
pic de Dirac dans le gap). ils posent cependant plusieurs question quant à leur prise en compte ; questions explicitées dans la partie
“Conclusion et perspectives”.
13
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Il est possible de prendre la trace de l’ordre 2 afin d’obtenir, après séparation en pôles simples et simplification
α XZ
u (k)∂kµ uβ (k) uβ (k)∂kν uα (k)
1
(2)
d̃k α
tr gµν = −2V
2
E (k) − Eβ (k)
(Eα (k) − w)
α6=β
XZ
∂k Eα (k)∂kν Eα (k)
uα (k)∂kµ uα (k) huα (k)|∂kν uα (k)i
(57)
d̃k µ
+ 2V
−
5
3
(Eα (k) − w) P
(Eα (k) − w)
αZ
P
X
nµ huα (k)|∂kν uα (k)i
n nµ nν
+2 n
+ itr Gµν
d̃k
+ 2
3
(Eα (k) − w)
(Eα (k) − w)3
α
A température nulle, le potentiel chimique est dans le gap, ainsi les pôles d’ordre 3 ou supérieur ne contribuent
pas. La polarisabilité à température et champ nuls a donc l’expression
α X XZ
u (k)∂kµ uβ (k) uβ (k)∂kν uα (k)
d̃k 2
χµν = 2
(58)
E α (k) − Eβ (k)
α occ.
β6=α
où les indices µ et ν sont symétrisés. La polarisabilité apparaît donc comme un couplage interbandes.
4.4
4.4.1
Application aux modèles
Chaîne de dimères
Comme il a été calculé dans les sections 3.1.1 et 3.1.3, la formule trouvée pour la polarisation donne le
résultat attendu lorsqu’on prend en compte la contribution des ions. Pour le calcul de la polarisabilité, on a
±
E =±
s
x−
∆+E
2
2
+ Γ2
(59)
ainsi, en prenant en compte la dégénérescence de spin,
(x− )2
Γ2 (x− )2
∆2 (x− )2
=
>0
−
2E
2E3
2E3
χ|E=0 =
où E = E+ =
(60)
√
∆2 + Γ2 .
Pour le modèle général de Rice-Mele, on peut choisir la phase des |u± (k)i de telle sorte à ce que
− u (k) =
ce qui permet d’écrire
hu− (k)|∂k u+ (k)i
hu+ (k)|∂k u− (k)i
sin ξ2
− cos ξ2 eiφ
= − 12 (∂k ξ + i sin ξ∂k φ)
= 21 (∂k ξ − i sin ξ∂k φ)
(61)
(62)
ainsi, l’expression de la polarisabilité trouvée via le développement de la fonction de Green est
χ = −2
Z
2
2
1 (∂k ξ) + 1 − cos2 ξ (∂k φ)
d̃k
2
E− (k) − E+ (k)
(63)
Comme la chaîne de dimères est la limite δ = Γ du modèle de Rice-Mele, on a ∂k ξ = 0, ∂k φ = x− et
cos ξ = ∆
E , la polarisabilité obtenue par l’expansion de la fonction de Green a l’expression
χ=
(x− )2
Γ2 (x− )2
∆2 (x− )2
=
−
2E
2E3
2E3
qui est bien l’expression trouvée par calcul exact.
14
(64)
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Succeptibilité de la chaîne de Rice-Mele
0.4
Simulation numérique
Calcul analytique
0.35
Succeptibilité
0.3
0.25
0.2
0.15
0.1
0.05
0
0
π/2
π
3π/2
2π
θ
Figure 9 – Comparaison de polarisabilité trouvée par une simulation numérique sur un système ouvert avec
celle trouvée par le développement de la fonction de Green. Les deux courbes sont en excellent accord. Autour
de θ = 3π
2 , la simulation numérique donne un résultat incorrect (voir texte), il n’est donc pas affiché. L = 80
pour cette figure.
4.4.2
Modèle de Rice-Mele
Pour le modèle de Rice-Mele, on peut évaluer numériquement l’expression de la polarisabilité trouvée
Z
2
2
1 (∂k ξ) + 1 − cos2 ξ (∂k φ)
χ = −2 d̃k
(65)
2
E− (k) − E+ (k)
et la comparer à la polarisabilité trouvée via une résolution numérique d’un système fini non périodique. La
comparaison est effectuée figure 9. Les deux résultats sont en très bon accord. Un problème lié au mauvais
remplissage des états de bord en présence de champ autour de θ = 3π
2 conduit la simulation numérique à donner
des résultats aberrants ; en effet, en présence de champ, les niveaux d’énergie des deux états de bord se croisent,
conduisant à la sélection du “mauvais” état de bord pour le calcul de l’énergie.
Le très bon accord avec la simulation semble valider la contribution “champ nul et température nulle” du
développement de la fonction de Green.
4.5
4.5.1
Discussion
Invariance de jauge – choix de la phase
Tout Hamiltonien sans interactions peut être écrit sous la forme H = E(λ) |ψλ i hψλ |. Sous cette forme le
Hamiltonien apparaître être clairement invariant sous un changement arbitraire de la phase (transformation
dite de jauge)
|ψλ i 7→ eiφ(λ) |ψλ i
(66)
ainsi, la physique et en particulier la polarisation doivent également être invariantes sous de telles transformations.
Comme on a précédemment requis que les fonctions de Wannier soient localisées, les transformations de
α
jauge possibles sont restreintes à la classe des fonctions telles que eiφ(λ) = eiφ (k) soit lisse et périodique sur la
zone de Brillouin (la non-continuité détruirait la localisation, tandis que la non dérivabilité à un certain ordre
ne garantirait qu’une localisation polynomiale 6 ). Les fonctions φ(k) satisfaisant ces propriétés sont décrites par
deux propriétés :
6. Ce qui est en fait suffisant pour la définition des éléments de matrice de X
15
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
— une fonction φ0 telle que φ0 (k + G) = φ0 (k) pour tout vecteur G du réseau réciproque,
— des indices dµ qui caractérisent le nombre d’enroulement de la phase lorsqu’on traverse la zone de Brillouin
dans la direction µ
On a φ(k) = φ0 (k) + dµ kµ .
α
On peut remarquer que sous |uα (k)i 7→ eiφ0 (k) |uα (k)i, la partie phase de Berry de la polarisation électrique
se transforme en
α (67)
u (k)∂kµ uα (k) 7→ uα (k)∂kµ uα (k) + i∂kµ φα
0 (k)
Ainsi l’intégrale sur la zone de Brillouin est inchangée.
Sous la transformation de jauge générale φ(k) = φ0 (k)+dµ kµ , l’intégrale sur la zone de Brillouin est modifiée
par
Z
Z
(68)
d̃k Im uα (k)∂kµ uα (k) + dµ
d̃k Im uα (k)∂kµ uα (k) 7→ Pµ =
Pµ =
BZ
BZ
On observe finalement que la transformation de jauge correspond à 7
|wn i 7→ |wn+d i
(69)
i.e. qu’il s’agit d’un changement d’origine pour les électrons (et uniquement les électrons, les ions ne sont pas
affectés). Il est donc normal que le calcul du changement de jauge nous donne un changement de la polarisation
qui correspond bien aux déplacement des électrons de d cellules unités.
4.5.2
Bases localisées
Dans la section 4.3.1, on fait l’hypothèse que les fonctions de Wannier sont localisées. En effet, tant que le
Hamiltonien est de la forme H(k) et que les valeurs propres de H(k) sont non-dégénérées (tant qu’il n’y a pas
de points de Dirac ou de croisement de bandes), les fonctions propres (normées) du Hamiltonien ont les même
propriétés de continuité et de dérivabilité que le Hamiltonien et, dans les modèles de liaisons fortes, les fonctions
d’ondes sont en général infiniment dérivables 8 .
Du fait de l’expression des fonctions de Wannier, les composantes de |wnα i dans la cellule unité m ont
l’expression
Z
wnα (m) = hm|wnα i =
BZ
d̃k |uα (k)i eik(n−x)
(70)
Il s’agit des coefficients de la série de Fourier de |uα (k)i 9 . Le comportement asymptotique des ces coefficients
est défini par les propriétés de dérivabilités de |uα (k)i. En particulier pour une fonction lisse, la décroissance des
coefficients de Fourier est plus rapide que tous les polynômes x−d , c’est à dire que la localisation est exponentielle.
Les question est donc de savoir s’il est possible d’écrire les fonctions d’ondes de manière lisse sur le tore, et
pas seulement dans la première zone de Brillouin. Tandis qu’en dimension 1, cette écriture est toujours possible,
ce n’est pas le cas en dimension supérieure. Dans l’article [5] les auteurs, en explorant numériquement le modèle
de Haldane, remarquent que dans la phase topologique de ce modèle, les fonctions de Wannier ne sont plus
localisées, indiquant probablement une impossibilité de définir continûment les états propres. Également, dans
[6], les auteurs font remarquer que, de manière générale, des indices topologiques non triviaux (nombre de Chern
et indice topologique Z2 ) indiquent l’impossibilité de définir de manière continue les états propres sur la zone de
Brillouin ; en particulier, le problème provient de la définition de la phase des états propres. Ainsi, par exemple,
en présence d’un index Z2 non trivial (ce qui peut être le cas en deux et trois dimensions), l’amplitude des
fonctions de Wannier décroît en x12 – puisqu’elles sont des coefficients de Fourrier d’une fonction discontinue,
ce qui n’est pas suffisant pour justifier de l’existence des coefficients hwn |Xwm i.
Cependant, la question reste de savoir si cette non-localisation des fonctions de Wannier et plus générale :
dans le cas d’un isolant topologique, peut-on quand même ré-écrire le Hamiltonien sur une base localisée pour
7. Ce n’est en réalité pas tout à fait le cas. La forme des fonctions d’onde va changer sous l’action de φ0 (k), mais leur centre de
localisation ne change pas sous l’action de φ0 (k). C’est seulement la phase dµ kµ qui conduit au changement d’origine.
8. Uniquement dans l’intérieur de la première zone de Brillouin, et non sur la totalité de la zone de Brillouin qui est un tore.
9. On a pris soin de choisir la base des ondes de Bloch de telle sorte que H(k + G) = eiφ(G) H(k) pour ce calcul. Voir l’annexe
B pour plus de détails
16
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
chaque bande ? En effet, pour un changement de base plus général
|lnα i =
Z
BZ
iφ(k)
d̃k ρα
|Eα (k)i
n (k)e
(71)
α
iφn (k)
où les fonctions ρα
sont orthonormées, et telles que ρα
n (k)e
n (k) est lisse et est nulle lorsque la phase de
iφ(k)
α
e
|E (k)i est discontinue. On peut montrer que les |lnα i sont exponentiellement localisées, et dans ce cas, la
trace du premier ordre de la fonction de Green à l’expression
tr g1 =
Z
d̃k
BZ
Im huα (k)|∂k uα (k)i
(Eα (k) − ω)2
+
Z
d̃k
BZ
Im
α
iφα (k)
−iφα
n (k) ∂
ρα
k ρn (k)e n
n (k)e
(Eα (k) − ω)2
(72)
P
où le deuxième terme reproduit bien n n dans le cas des fonctions de Wannier.
On remarque donc que la validité du calcul du premier ordre de la fonction de Green ne dépend que de
l’existence d’états suffisamment localisés – et non du fait de la localisation des fonctions de Wannier. D’après
le travail de Kohn [7], complété récemment, et revu dans [8], on peut caractériser tous les types d’isolants par
le fait que l’état de base peut être écrit comme un superposition d’états localisés.
5
Conclusion - perspectives
Après avoir introduit les deux approches connues pour calculer la polarisation électrique dans un cristal – à
savoir, l’approche classique et l’approche de Vanderbilt et Resta [1] –, nous les avons comparées numériquement
ou analytiquement en faisant appel à un modèle jouet, la chaîne de Rice-Mele, ainsi qu’à une de ses limites
particulières, la chaîne de dimères. Suite à cela, nous nous sommes penchés sur une nouvelle approche, utilisant
les fonctions de Green. Une des approches connues, celle de Chen et Lee [4] ne donne pas le résultat attendu,
cependant les raisons pour lesquelles le résultat diffère ne sont pas comprises. Une autre approche, faisant appel
à une famille de fonctions localisées telle que les fonctions de Wannier permet de un calcul thermodynamique
dont le résultat est identique à celui de Vanderbilt et Resta. Cette méthode permet en plus de calculer la polarisabilité électrique pour les modèles de liaisons fortes – et le résultat à température nulle est confirmé par les
simulations numériques.
Toutes les comparaisons effectuées dans ce stage ont été faites avec des modèles unidimensionnels. Il pourrait
être intéressant d’appliquer les formules pour des modèles de dimensions 2 ou 3 – en particulier pour tester la
différence entre cas topologiques et non topologiques.
Le calcul effectué via les fonctions de Green permet d’obtenir la dépendance en température de la polarisation et de la polarisabilité, cependant cette dépendance n’a pas été testée. Il peut être intéressant d’analyser
cette dépendance en température. En effet, le spectre est une échelle de Wannier, dont le remplissage à température nulle est dicté par le fait qu’à champ nul, seule la bande inférieure est remplie, ce qui conduit à remplir
l’échelle de Wannier lui correspondant. A température finie, comment se comporte ce remplissage ? La théorie
des bandes indique qu’il faut associer un poids non nul à la bande supérieure, mais de quelle manière cela se
traduit-il sur les échelles de Wannier ? Également, certains des termes apparaissant dans la polarisabilité n’ont
pas de contribution à température nulle, et de plus, dans ce rapport ils ont étés écartés du fait qu’ils traduisent
le caractère en échelle de Wannier du spectre. Peut-on réellement les écarter ? Un des intérêt de l’étude de la
dépendance en température est que la contribution et le comportement de ces termes sont distincts (l’ordre des
pôles de la fonction de Green diffère). Cependant un telle étude demande probablement de comparer ces résultats à des données expérimentales qui contiennent des contributions ioniques (les ions ne sont pas immobiles),
et des contributions provenant des orbitales atomiques (mais de telles contributions sont à priori incluses dans
la partie périodique des ondes de Bloch de par la méthode de construction des liaisons fortes).
On peut également remarquer que les figures 7 et (resp.) 9, présentant la longueur de localisation des états
propres de l’opérateur position projeté et (resp.) la polarisabilité, sont similaires. Tracer l’une en fonction de
l’autre suggère une relation entre ces deux grandeurs. Y-a-t-il effectivement un lien ? Peut-on relier la polarisabilité à l’étalement d’une certaine famille de fonctions d’ondes ?
17
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Références
[1] Raffaele Resta and David Vanderbilt. Theory of polarization: a modern approach. In Physics of Ferroelectrics, pages 31–68. Springer, 2007.
[2] S. Kivelson. Wannier functions in one-dimensional disordered systems: Application to fractionally charged
solitons. Physical Review B, 26:4269–4277, Oct 1982.
[3] Raffaele Resta. Quantum-mechanical position operator in extended systems. Physical Review Letters,
80(9):1800, 1998.
[4] Kuang-Ting Chen and Patrick A Lee. Unified formalism for calculating polarization, magnetization, and
more in a periodic insulator. Physical Review B, 84(20):205137, 2011.
[5] T Thonhauser and David Vanderbilt. Insulator/chern-insulator transition in the haldane model. Physical
Review B, 74(23):235111, 2006.
[6] Michel Fruchart and David Carpentier. An introduction to topological insulators. Comptes Rendus Physique, 14(9):779–815, 2013.
[7] Walter Kohn. Theory of the insulating state. Physical review, 133(1A):A171, 1964.
[8] Raffaele Resta. The insulating state of matter: a geometrical theory. The European Physical Journal
B-Condensed Matter and Complex Systems, 79(2):121–137, 2011.
[9] Cristina Bena and Gilles Montambaux. Remarks on the tight-binding model of graphene. New Journal of
Physics, 11(9):095003, 2009.
[10] Michel Fruchart, David Carpentier, and Krzysztof Gawędzki. Parallel transport and band theory in crystals.
EPL (Europhysics Letters), 106(6):60002, 2014.
A
Théorie moderne de la polarisation
L’approche de Vanderbilt et Resta fait appel au fait qu’un changement dans la polarisation est un mouvement
de charges et crée donc un courant. On va donc considérer un Hamiltonien de bande H(λ), où le paramètre
λ est contrôlé par un expérimentateur qui le fait changer très lentement dans le temps, afin de se placer dans
l’approximation adiabatique. La variation d’un état propre dans le temps peut donc être traitée en perturbation
et a la forme
X uβ (k)∂λ uα (k) α
uβ (k)
(73)
|δu (k)i = −ih̄λ̇
α
β
E (k) − E (k)
β6=α
D
E
(−e)p
et le courant correspondant est simplement jµα (k) = uα (k) m µ δuα (k) + cc., la contribution de la totalité
de la bande α est donc
Z
dd k uβ (k)∂λ uα (k) uα (k)pµ uβ (k)
ih̄eλ̇ X
α
+ c.c.
(74)
jµ =
m
(2π)d
Eα (k) − Eβ (k)
β6=α
Or jµα correspond à la variation de la polarisation liée à la bande α, donc
d α
d
P = λ̇ Pµα = jµα
dt µ
dλ
(75)
On peut également appliquer la théorie de perturbation à la dépendance en k de H(k, λ) pour obtenir
X uβ (k)(pµ + h̄k) uα (k) X uβ (k)∂kµ Huα (k) β u (k) = h̄
uβ (k)
∂kµ uα (k) =
(76)
Eα (k) − Eβ (k)
m
Eα (k) − Eβ (k)
β6=α
β6=α
où H(k, λ) =
ainsi
(p+h̄k)2
m
+ V (forme générale pour un Hamiltonien dans un cristal). Or uβ (k)h̄kuα (k) = h̄kδ αβ ,
d α
P = ie
dλ µ
Z
dd k ∂kµ uα (k)∂λ uα (k) + c.c.
d
(2π)
18
(77)
Polarisation électrique dans les cristaux
Frédéric Combes
Finalement, on peut intégrer entre deux valeurs de λ et sommer sur la contribution de toutes les bandes
occupées pour obtenir la formule de Vanderbilt et Resta, à savoir
Z
Z
X
e
e
α α d
α
d
α
Pν (λf ) − Pν (λi ) =
d k Im hu |∂kν u i −
d k Im hu |∂kν u i
(78)
d
d
(2π)
(2π)
λf
λi
α occ.
De plus amples information sont données dans [1], en particulier la version “discrète” (c’est à dire système
fini périodique) de ce calcul.
B
Hamiltonien de Bloch
Dans un cristal composé d’une cellule unité comprenant N sites aux positions xα , le Hamiltonien (sans
interactions) le plus général s’écrit
X X
H=
hiα,jβ |i, αi hj, β|
(79)
cell. i,j site α,β
Comme ce Hamiltonien possède une invariance par translation (puisqu’il décrit un cristal), il est diagonalisable
dans la base des états propres de l’opérateur translation.
Le passage vers la base propre de l’opérateur translation peut être effectué de différentes manières. En
particulier, on peut faire une des deux transformations suivantes
e−ikj |j, αi
e−ik(j+xα ) |j, αi
(I) |k, αi =
(II) |k, αi =
(80)
conduisant respectivement aux Hamiltoniens HI (k) et HII (k), dont les vecteurs propres sont les uI,II (k) . Ces
deux Hamiltoniens diffèrent, et en particulier
HI (k + G)
HII (k + G)
= eiφ HI (k)
6= eiφ HII (k)
(81)
ou φ est une phase quelconque et G un vecteur du réseau réciproque.
On peut montrer que sur les paquets d’ondes localisés, dans le choix (II), l’action de l’opérateur position a
la forme
Z
hψa |Xψb i ∝ dk fa (k)uII (k)∂k fb (k)uII (k)
(82)
R
où hj, α|ψa i = dk fa (k) uII (k) eik(j+xα ) , alors que ça n’est pas le cas lorsqu’on
fait le choix
(I). Cependant,
le choix (I) possède l’avantage de pouvoir choisir les phases de sorte à avoir uI (k + G) = uI (k) , choix qui
n’est pas possible dans le cas (II).
Une discussion plus complète est effectuée dans [9] dans le cas du graphène. De manière plus générale, les
formules faisant intervenir les dérivées des |uα (k)i, telles que la formule de Vanderbilt et Resta, supposent que
le choix de représentation (II) à été effectué – ou dérivées et opérateur position sont reliés – comme l’indique
[10].
19
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