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« Analyse économique de la filière Riz au Mali » Version provisoire (02/11/04) 4
8. Dans ce nouveau contexte, on proposera une stratégie visant dans le temps 3
objectifs (classés par ordre de priorité, suivant leur opportunité et le coût pour les atteindre) :
Les 3 objectifs de la filière Riz
1) D’abord satisfaire l’accroissement de la demande nationale. Il y a déjà beaucoup de
chemin à faire : une demande de 275 000 T de riz supplémentaire en 2015, 430 000 T en
2020 et 640 000 T en 2025.
2) Ensuite, reconquérir les parts du marché malien tenues par le riz importé. En
espérant qu’une partie des 200 000 tonnes importées ces dernières années soit liée à la
conjoncture (mauvaises campagnes agricoles, réexportations vers la Côte d’Ivoire et la
Mauritanie), il resterait un marché de 100 000 à 150 000 T à reconquérir sur les
importations7. Encore faut-il que le riz malien soit compétitif sur son propre marché, en
termes de qualité et de prix, ce qui semble aujourd’hui le cas (sauf probablement pour la
région de Kayes) : préférence du consommateur pour certaines variétés de riz local,
résistance des prix à la concurrence du riz importé (…).
3) Enfin, exporter dans la sous-région. C’est naturellement un objectif plus ambitieux. Si le
potentiel existe avec la constitution du marché régional et les importations massives des
pays limitrophes8, la compétitivité du riz malien reste dépendante surtout de facteurs
exogènes (prix internationaux, coût du fret, TEC de l’UEMOA, cours du dollar …).
9. Combien d’hectares nouveaux doit-on aménager à l’ON ? Sans tenir compte des
contraintes de production9, des simulations s’appuyant sur des hypothèses raisonnables10
montrent que d’ici 2015, il faudrait aménager 120 000 hectares supplémentaires, dont
une moitié pour satisfaire la demande supplémentaire et l’autre pour reconquérir le
marché des importations. En 2025, soit dans 20 ans, il faudrait mettre en valeur 200 000
ha pour atteindre les mêmes objectifs. L’effort est énorme quand on sait qu’actuellement
l’ON ne couvre que 75 000 ha et que le rythme d’extension de ces dernières années n’a pas
dépassé les 5 000 ha par an (avec des aménagements relativement sommaires). Il paraît
donc essentiel de passer à la vitesse supérieure. Car les rendements moyens de l’ON
s’essoufflent. L’intensification de ces dix dernières années est avant tout liée à une
amélioration des techniques culturales (repiquage, semences, accroissement des doses
d’engrais), qui a déjà fait ses effets. Les gains de productivité seront donc désormais de
plus en plus difficiles et ils dépendront d’une amélioration des conditions de la production
dans son ensemble, ce qui demandera des efforts et des financements en continu sur le long
cours11. Une politique vigoureuse d’extension est la seule voie possible pour
débloquer la situation et tenter de satisfaire une demande en pleine croissance.
7 Il est clair que le marché du riz à l’import regroupe des types de riz et de marchés différents, avec (pour simplifier) : i) des riz
entiers haut de gamme d’origines diverses, correspondant à la petite frange de la population à haut revenu (probablement
moins de 3% des tonnages importés) ; ii) du riz à 15%/25% de brisures, qui représente actuellement les 2/3 du riz importé.
C’est de fait le concurrent direct des riz ON et le premier marché à conquérir ; iii) des brisures, dont des riz de qualité médiocre
surtout destinés aux consommateurs les plus pauvres, mais aussi des « brisures parfumées », très appréciées. Si
l’accroissement de la production de l’ON peut parvenir à satisfaire la demande en riz de qualité médiocre (écarts de triage,
sous-produits), le marché de la brisure parfumée semble plus difficile d’accès (de 15% à 20% des importations actuelles).
8 En se limitant aux marchés les plus proches, dans les régions voisines du Mali, le potentiel d’exportation est estimé à environ
1 million de tonnes (hors contraintes de qualité).
9 Notamment : i) le problème du disponible en terres irrigables, selon les spéculations retenues des modes de gestion de l’eau
(il est estimé à 250.000 ha par SOFRECO (2003), on serait donc loin du million d’hectares de Bélime) ; et ii) le coût des
aménagements (le coût des 70 000 premiers hectares aménagés est estimé entre 2 et 3 millions de FCFA/ha, mais il sera
vraisemblablement supérieur pour les hectares suivants).
10 Rendement de 5 T sur les extensions de l’ON, progression de 3 % par an de la riziculture sans contrôle total de l’eau.
11 Les conflits récents qu’a connu l’ON, avec en particulier l’éviction en 2004 de près de 5.000 exploitants (4 700 ?), ont
certainement de nombreuses causes à la fois structurelles et conjoncturelles (notamment le problème de la fiabilité du système
de suivi/évaluation). Mais ils signent à leur manière la fin d’un cycle et celle de la « sucess story » de ces 10 dernières années.