réconciliation est d’abord un processus psychologique, il est nécessaire, à un moment ou à un
autre, d’entrer dans les mécanismes de la confiance et du pardon. Un « rapprochement » franco-
allemand se produit d’ailleurs bien avant la signature du traité de l’Élysée, le 22 janvier 1963, grâce
à la mise ne place d’un réseau d’infrastructure humaine, Madame Defrance vient de le rappeler.
La réconciliation implique la reconnaissance des fautes qui ont provoqué l’affrontement entre les
communautés, de la même façon que le concept chrétien de réconciliation s’appuie sur l’acte de
faire pénitence, après reconnaissance des fautes commises. Le pardon n’est possible que si la
vérité est reconnue et si les oppresseurs admettent leurs erreurs. Il implique un travail
psychologique sur les représentations sociales de chaque communauté ainsi que sur les blocages
qu’elles induisent. La réconciliation découle également d’une volonté de vivre enfin en paix et il
s’agit d’abord de reconnaître que l’on a des intérêts communs – c’est le sens même du « plan
Schuman » de mai 1950.
Lors du Congrès de La Haye, du 7 au 10 mai 1948, sous la présidence de Winston Churchill, près
de 800 personnalités venues de presque toute l’Europe occidentale et des milieux politiques,
industriels, syndicaux, culturels, communièrent dans l’enthousiasme et proclamèrent « Plus jamais
la guerre entre nous », avant de se diviser sur la conception d’une Europe unie. Robert Schuman,
alors ministre français des Affaires étrangères, retient la leçon et sait dès lors, dans un contexte
dominé par la Guerre froide, de la peur de l’autre – alors que les cicatrices du dernier conflit étaient
encore ouvertes et faisaient mal – qu’il fallait trouver le projet concret et limité qui serait le
détonateur ouvrant la voie à une aventure n’ayant pas d’équivalent dans l’Histoire. L’inspirateur de
la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), Jean Monnet, proche collaborateur
de R. Schuman et commissaire général du Plan, se pose alors la question de savoir ce qui pourrait
lier, avant qu’il ne soit trop tard, la France et l’Allemagne, comment enraciner un intérêt commun
entre les deux pays – et ce fut la mise en commun de ce qui était à l’époque, le nerf de la guerre : le
charbon et l’acier.
Car la peur était dans toutes les têtes. L’Allemagne, bien que vaincue, faisait peur. En France,
notamment, la querelle était vive entre ceux qui voulaient cantonner le voisin d’outre-Rhin dans une
autonomie limitée et privée de moyens, et ceux qui, se rappelant les suites désastreuses du traité
de Versailles, cherchaient le moyen de réintégrer progressivement l’Allemagne. Et ce n’est pas un
hasard de l’histoire qui a fait que R. Schuman fut l’homme de la situation. Ayant vécu dans l’Alsace-
Lorraine occupée, arrêté par la Gestapo, évadé en août 1942, il était, comme l’inspirateur, hanté
par l’impérieuse nécessité de la réconciliation franco-allemande. « Les dures leçons de l’histoire,
disait-il, m’ont appris, à l’homme des frontières que je suis, à se méfier des improvisations hâtives,
des projets trop ambitieux, mais elles m’ont appris également que lorsqu’un jugement objectif est