Allocution de S.E.M. Alex Hartmann,
Ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en Slovaquie
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes,
Monsieur l’Ambassadeur de la République française,
Cher Jean-Marie,
Mesdames et Messieurs !
Hier, c’était le cinquantième anniversaire du Traité de l’Elysée. Ce Traité, signé
par les deux grands hommes d’Etat qu’étaient Konrad Adenauer et Charles de
Gaulle, a jeté les bases de la réconciliation et de la coopération franco-
allemandes après la Seconde Guerre mondiale.
Nous vivons aujourd’hui dans une Europe pacifique et démocratique une
situation qui était encore inimaginable il y a 25 ans. Les frontières sont
ouvertes, les ressortissants de l’Union européenne peuvent vivre et travailler
ils le souhaitent, et les conflits et divergences d’opinion, qui existent
naturellement toujours, sont résolues sur le mode du bat et du compromis.
Beaucoup de personnes en Allemagne et en France ne connaissent rien d’autre,
mais en Slovaquie comme dans d’autres pays de l’ancien bloc de l’Est, le
souvenir de l’oppression et du règne de la violence est encore frais.
Mais ce qui en 2013 en Europe nous paraît évident n’a pas toujours été une
évidence. Aux dix neuvième et vingtième siècles, l’Allemagne et la France se
sont menées quatre guerres de 1806 à 1815, en 1870/71, de 1914 à 1918 et
de 1939 à 1945. Au cours de ces guerres, des millions d’Allemands et de
Français ont été tués, des territoires ont été conquis puis reperdus, et les deux
pays ont connu des destructions et des souffrances massives. Pour beaucoup
d’Allemands, la France a longtemps été un adversaire et un rival, pour certains
même un ennemi réditaire. C’était il n’y pas si longtemps. La génération de
mon père a vécu la Seconde guerre mondiale avec sa puissance destructrice
dévastatrice et la génération de mon grand-père a vécu la Première guerre
mondiale, la catastrophe européenne originelle. Mon grand-père lui-même a
se battre lors de la bataille de Verdun, qui a été une boucherie
épouvantable.
On entend souvent dire que les hommes ne tirent pas de leçons de l’Histoire.
Ce n’est pas toujours vrai. L’exemple de la coopération et de l’amitié franco-
allemande montre que des enseignements peuvent très bien être tirés. Les
pères du Traité de l’Elysée, Konrad Adenauer et Charles de Gaulle, étaient tous
deux adultes lorsque se sont déroulées la Première et la Seconde Guerre
mondiale. Tous deux étaient convaincus que seule une unification de l’Europe
pouvait empêcher la répétition de telles catastrophes. Et que le cœur de cette
unification devait être la réconciliation et la coopération franco-allemandes.
Adenauer et de Gaulle étaient conscients du fait que la paix en Europe ne
pouvait durer que si l’Allemagne et la France donnaient l’exemple et étaient
prêts à surmonter conflits, haine et préjugés du passé.
La réconciliation entre l’Allemagne et la France a été exemplaire, et pas
uniquement parce que la rivalité entre ces deux Etats centraux d’Europe a été
une constante de la politique européenne au cours de nombreux siècles. Elle a
été exemplaire aussi parce qu’elle ne s’est pas limitée à des échanges entre
Etats ou au niveau diplomatique, mais a au contraire inclus les populations,
notamment les jeunes. L’Office Franco-allemand pour la Jeunesse, qui est aussi
ancien que le Traité de l’Elysée, a depuis sa création permis à huit millions de
jeunes Allemands et Français de participer à environ 300 000 programmes
d’échanges. Plus de 2 200 jumelages, des grandes villes jusqu’aux plus petites
communes, ont été réalisés et sont un merveilleux témoignage de la vitalité de
l’amitié franco-allemande. Les amitiés qui se sont ainsi constituées sont le
meilleur fondement de la coopération franco-allemande.
Si nous regardons aujourd’hui en arrière sur le dernier demi-siècle européen,
nous voyons l’histoire d’une réussite que personne n’aurait cru possible il y a
cinq ou six décennies. L’une des pierres angulaires de ce succès politique et
économique a été le Traité de l’Elysée de 1963. Sans l’amitié et la collaboration
franco-allemandes, il n’y aurait pas d’Union Européenne, pas d’euro et pas
d’espace Schengen. Et en ce qui concerne la Slovaquie, sans les fondements
jetés par la réconciliation franco-allemande, la chute du rideau de fer et
l’accession à l’Union européenne d’anciens Etats membres du Pacte de
Varsovie n’auraient pas été possibles.
Une grande partie de ce dont nous sommes aujourd’hui fiers en tant
qu’Européens est le fruit d’âpres batailles et a dû résister à de nombreux
obstacles. Pour cela, nous avions besoin d’hommes avec des visions politiques.
Adenauer et de Gaulle étaient de ces hommes-là, et le Traité de l’Elysée de
1963, auquel nous rendons hommage aujourd’hui, a été un événement crucial
dans l’histoire européenne. La voie politique de la Slovaquie aurait elle aussi
été bien différente si ces deux grands hommes d’Etat et si ce Traité n’avaient
pas existé.
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